"Le moment vient où l’on sent une très grande injustice dans le pays"

Modulation des allocations familiales selon le revenu, éventualité de la gratuité des autoroutes... En direct du studio TV de Pau, François Bayrou s'est exprimé ce soir au micro de BFM TV sur la situation économique et sociale du pays.

Bonsoir Monsieur Bayrou. Il y a un superbe paysage pyrénéen derrière vous. On vient d’apprendre depuis l’Assemblée nationale que les députés socialistes ont tranché concernant les économies sur la branche famille. Les allocations familiales seront modulées selon le revenu à partir de l’année prochaine. Qu’en pensez-vous ?

Je crois qu’ils se trompent, parce qu’à force d’accumuler sur les classes moyennes toutes les charges possibles, alors le moment vient où l’on sent une très grande injustice dans le pays. Je le dis d’autant plus que la branche famille n’est pas en situation de déséquilibre comme les autres. Elle est la garantie du fait que dans notre pays, nous avons plus de naissances que les autres. Alors que tous les peuples vont vieillir, le notre va rester jeune et en bonne santé. C’est un des principaux atouts de la France et s’attaquer à cette question sous cet angle est une erreur.

L’idée, c’est de déduire de moitié les allocations familiales pour ceux qui touchent plus de 6 000€ par mois. Est-ce que c’est vraiment scandaleux ? Parce que finalement, les besoins ne sont pas les mêmes entre une famille de cadres et une famille d’ouvriers…

J’ai dit Monsieur que c’était une erreur, je n’ai pas employé le mot de scandale. La branche famille a été inventée, conçue avec une idée simple : le fait d’avoir des enfants ne devait pas faire perdre de niveau de vie à la famille en question. Bien sûr, ce n’est pas tout à fait exact. Tout le monde sait bien qu’il y a des dépenses supplémentaires… Mais c’est comme ça que la branche famille a été pensée. Faire que toutes les classes moyennes se trouvent plus chargées que les autres, paient plus d’impôt que les autres et aient moins d’aides que les autres, il me semble que ce n’est pas le bon équilibre.

François Bayrou, vous avez toujours dénoncé la privatisation des autoroutes. Aujourd’hui le gouvernement et notamment Ségolène Royal envisagent de faire baisser le tarif autoroutier voire de rendre gratuites ces autoroutes, pourquoi pas le week-end. Est-ce souhaitable ?

Je vais vous dire une chose simple : il faut un gouvernement qui réfléchisse avant de parler. On voudrait des ministres qui réfléchissent avant de parler parce que si on avait réfléchi avant de faire ces déclarations, on s’apercevrait qu’il est absolument impossible de rendre les autoroutes gratuites le week-end par exemple. Ce serait profondément injuste. Ce n’est pas comme cela qu’il faut penser les choses. Et donc il y a beaucoup d’improvisation non maîtrisée dans ces déclarations aventurées.

En tout cas, il faut chercher maintenant de l’argent pour compenser l’abandon de l’écotaxe : les députés estiment qu’il faudrait en fait taxer désormais les poids lourds, en tout cas faire augmenter le prix du gasoil pour eux : quatre centimes. Là aussi, est-ce envisageable, est-ce un bon compromis par rapport à l’écotaxe et son abandon ?

L’écotaxe correspondait à peu près à cette idée, naturellement. Votre interlocuteur précédent dans le journal a dit quelles étaient les disparités entre transporteurs français et transporteurs étrangers. Il me semble donc que le plus important c’est d’essayer de réfléchir au rééquilibrage des charges à l’intérieur de l’Europe, dans le même marché, des charges qui sont attachées à la même activité : celle des transports lourds.

Le docteur Macron a diagnostiqué les trois maladies françaises : la défiance vis-à-vis des élites, la complexité de nos lois et puis le corporatisme en France. Est-ce que vous êtes d’accord avec ce bulletin de santé ?

Il y a du vrai dans ce que dit Monsieur Macron.  Mais il y a une chose qui est frappante c’est qu’il ignore une maladie française : la perte de confiance à l’égard des gouvernants. Le gouvernement actuel en est une preuve – je ne dis pas qu’il n’y avait pas des gouvernements avant qui avaient les mêmes difficultés – mais le fait que l’on ait pendant des mois et des années raconté des histoires au pays, que l’on n’ait pas pris en compte la réalité, la vérité de la situation, que l’on ait constamment rusé ou fait du slalom, c’est cela qui a fait perdre la confiance aux Français.

Il y a également un deuxième aspect que Monsieur Macron ignore ou oublie, c’est que l’action publique, l’Etat, les collectivités locales sont plongés dans une absolue inefficacité. Cela n’aide pas la nation, le pays, l’activité, les entrepreneurs à vivre. Au contraire cela les bloque la plupart du temps dans leurs volontés d’agir, d’aller de l’avant. Ce n’est pas seulement que l’action publique coûte trop cher, c’est qu’elle est profondément inefficace. Si vous voulez réfléchir une seconde au cas le plus évident que nous avons sous les yeux qui est celui de l’école, et bien nous voyons que le problème principal n’est pas que l’école coûte cher, mais que l’on n’apprend pas à lire aux enfants. Et tant que nous n’aurons pas corrigé, mis devant nous cette obligation de rendre efficace l’action publique de l’Etat, des collectivités locales ou de la sécurité sociale, alors nous ne remplirons pas le devoir que nous avons à l’égard des Français. C’est de ce point de vue là – Monsieur Macron devrait y réfléchir – qu’est la principale maladie française.

François Bayrou, une dernière question. Dans des propos rapportés par Le Nouvel Observateur vous auriez dit que Nicolas Sarkozy battra Alain Juppé lors des primaires et que dans ce cas-là, vous seriez vous-même candidat à l’élection présidentielle de 2017. Pouvez-vous nous expliquer ?

Tout cela est faux et j’imagine que vous avez lu le rectificatif que j’ai donné à l’AFP. D’ailleurs je dois dire que l’article du Nouvel Observateur est plus juste que la dépêche qui en rendait compte. C’est très simple : j’apporte mon soutien à Alain Juppé, pas seulement parce que j’ai de l’amitié pour lui ni parce que j’ai de l’estime pour son attitude, mais parce qu’il me semble aujourd’hui qu’il peut apporter à la France quelque chose à la fois du point de vue du cap et du point de vue de l’ambiance de réconciliation dont nous avons besoin. Et donc, si Alain Juppé arrive au bout de son entreprise, bien entendu je l’ai dit : je suis prêt à l’aider.

Simplement il y a la question de ce qu’on appelle les primaires et le risque de celles-ci est très simple. Comme il s’agit de la consultation d’un camp politique, le risque est grand que ce soit le noyau le plus dur de ce camp – les personnes qui veulent l’affrontement du pays - qui l’emporte. C’est là qu’est la difficulté principale. J’ai donc dit que dans ce cadre, le risque existait et même que le risque était grand que la décision qui sortira des primaires ne ressemble pas aux besoins du pays. Mais entre le verbe « craindre » - je crains cette situation – et le verbe « croire », il y a une très grande différence. Je ne crois pas qu’Alain Juppé soit dans cette difficulté mais je crains qu’il puisse l’être parce que l’organisation des primaires ne ressemblerait pas à ce qu’il faudrait et ne rassemblerait pas suffisamment de Français.

Merci Monsieur Bayrou, en direct de Pau, depuis votre mairie.

 

 

 

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