"A force d'avoir des comportements caricaturaux, la démocratie française devient caduque"

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Invité de la matinale de LCP, François Bayrou a réagi à propos de la motion de censure contre le gouvernement et la loi Macron, puis s'est exprimé sur la politique française et la situation de la Grèce en Europe.

Bonjour, François Bayrou, président du MoDem, maire de Pau.

Bonjour. 

Première question. Si vous étiez député, aujourd’hui vous auriez un choix à faire, voteriez-vous cette motion de censure ?

Non, je ne voterai pas la motion de censure. On est vraiment dans un système qui a la tête à l’envers, et même qui marche sur la tête. Voilà une politique, une loi, dont on ne peut, cependant, pas dire que ce soit la loi du siècle comme a dit François Hollande, on ne peut pas dire que ce soit une loi exceptionnelle, on ne peut pas dire qu’elle bouleverse la situation économique du pays mais dont tout le monde s’accorde à dire – au moins 70% de ceux qui ont participé aux discussions, et à mon avis - que la loi va plutôt dans le bon sens, et voilà que la majorité refuse son soutien à cette loi parce qu’elle va trop dans le sens de l’opposition, et voilà que l’opposition, qui a une loi qui va plutôt dans son sens décide de voter une motion de censure, sans aucune chance de succès. Est-ce que vous voyez à quel point les choses sont devenues caricaturalement absurdes.

François Bayrou, vous connaissez la Ve République. L’esprit de la motion de censure n’est plus de se prononcer sur la loi Macron mais c’est de se prononcer globalement sur la politique du gouvernement.

L’esprit du texte c’est : la loi est réputée adoptée sauf si une motion de censure est adoptée.

C’est vrai, c’est le texte, ce n’est pas l’esprit c’est la lettre là.

C’est le texte de la Constitution. Donc quand vous faites adopter une motion de censure, c’est pour empêcher la loi d’être mise en application.

Il y a quand même des arrières pensées politiques généralement. Ce sont elles que vous voulez balayer.

Ecoutez, pour une fois qu’il y a dans l’évolution du paysage politique français un mouvement qui est un mouvement qui permet de rapprocher les points de vue sur l’avenir et de dire pour simplifier « L’économie a besoin de plus de liberté si l’on veut créer des emplois », alors on prend des secteurs qui ne sont pas tous bien inspirés. Mais vous voyez bien, autoriser à faire des voyages en autocar dans notre pays, pour moi je ne soupçonnais pas qu’il fallait une loi pour faire cela, ou bien améliorer les prud’hommes pour que les décisions ne trainent pas pendant des années, ou bien s’intéresser à l’actionnariat salarié, pour que cela soit plus attractif. Vous voyez bien que tout cela va plutôt dans le sens de plus de libertés pour l’économie et on en a extrêmement besoin, tout le monde le pense.

Malgré tout votre influence vis à vis du MoDem, même allons jusqu’à l’UDI global, aujourd’hui ils vont tous voter. Cette censure.

Et bien oui, parce qu’il y a des comportements, qui sont des comportements de groupe pour ne pas dire grégaires, on vote comme cela parce que cela se fait comme cela. Vous voyez bien qu’à force d’avoir des comportements caricaturaux comme cela, la politique française dans son ensemble, la démocratie française dans son ensemble, devient aux yeux des gens caduque. Alors ils vont chercher des gens capables de renverser la table. Il y a un lien direct de cause à effet entre l’absurdité des comportements, des pratiques politiques – on va dire cela comme cela – largement commandé par, sinon nos institutions du moins nos règles, et entre ces pratiques et les votes en direction par exemple du Front national, bien qu’il n’ait aucune solution pour le pays, à mes yeux, et même pire.

Alors 2e question que m’inspire votre position, est-ce que les lignes peuvent bouger ? Parce que ce que vous souhaitez en effet, on le voit, un peu comme le dirait peut-être Manuel Valls hier ou Emmanuel Macron à l’Assemblée – il y a ceux qui sont pour l’immobilisme et ceux qui veulent bouger, vous vous mettez dans le rang de ceux qui veulent bouger – est-ce que vous pensez que cela et votre position vis à vis de l’Europe – puisque l’on voit dans les partis organisés personne n’est d’accord sur l’Europe,  et sur cette loi Macron c’est encore plus criant – est-ce que ces lignes peuvent bouger parce que sinon on se dirige tout droit vers les extrêmes ? Juppé-Bayrou, est-ce que c’est une réalité ? Est-ce que l’on peut aller plus loin vers le centre, vers la droite de la gauche ?

Je suis persuadé qu’il y a un grand courant central dans le pays qui est la seule alternative possible à ces décompositions, que vous décrivez, et auxquelles nous assistons. Ce grand courant ne demande qu’à exister. J’écoutais par exemple le maire de Lyon, Gérard Collomb, ce matin, il dit à sa manière exactement ce que je dis et ce que nous sommes un certain nombre à constater et à affirmer. Il y a une clé à tout cela, elle est entre les mains du Président de la République, François Hollande a été élu en s’engageant à changer les règles du jeu et à changer en particulier le mode de scrutin absurde dans lequel nous sommes, qui est un danger profond, à force de s’en remettre au fait majoritaire un jour celui-ci donnera le pouvoir à ceux que l’on prétendait éviter – c’est comme un barrage, vous savez, un jour il y a une goutte d’eau de plus qui fait déborder le vase et qui fait déborder le barrage , et s’il ne déborde pas le barrage casse. Pour moi, tout cela est une grande imprudence. Alors le Président de la République, hélas, dans sa dernière conférence de presse, a parlé de l’Ukraine – c’était bien – mais dit « Je ne bougerai plus rien, si je n’ai pas l’accord général », mais son travail est de bouger. La responsabilité d’un chef de l’Etat, de quelqu’un qui a le pays à conduire, est de dire « Voilà ce qui va pas, je vous propose qu’on le change ».

Vous souhaiteriez quoi ? Une proportionnelle complète ? En partie ?

Il y a beaucoup de solutions possibles …

Et après des alliances ?

Il faut que vous mesuriez deux choses.

Premièrement, que tous les pays européens continentaux sans exception, en dehors de la France, ont tous la même règle électorale. C'est à dire que quand vous représentez un certain nombre de citoyens vous avez des représentants dans le débat parlementaire - ce qui est vraiment la moindre des choses. On a aujourd'hui 50% des français si vous additionnez l’extrême droite, l'extrême gauche et le centre qui sont sans représentation. Pour ainsi dire, sans représentation. Cela ne peut pas aller. De quel droit les autres 50% auraient-ils tous les sièges ? Leurs voix ne valent pas plus. C'est comme si ces gens là, ces 50% de français n'avaient pas le droit de vote. De quel droit leur enlèverait-on le droit de vote ?

Quand les principes sont absurdes il faut le constater et se poser la question de leurs changements.

Deuxièmement, c'est la seule possibilité – ce changement de règle – pour que puissent se faire des majorités d'idées. C'est à dire qu'au fond, lorsqu'on est d'accord on puisse trouver des ententes. Je parlais hier avec Michel Barnier, il m'a dit, « au Parlement européen c'est ce que j'ai fait pendant tout le temps que j'étais commissaire ». C'est tout ce que les députés européens constatent et savent. On fait des ententes pour pouvoir adopter des textes. En France nous avons la chance que l'élection du Président de la République au suffrage universel, donne à tout cela quelqu'un qui peut orienter le débat.

Généralement lorsqu'on parle de proportionnelle, notamment totale, on dit que cela a échoué pendant la IV ème République, et que c'est pour cela qu'on a inventé la Vème.

C'est pour cela qu'on a inventé la Vème. La Vème République qu'est-ce que c'est ? Dans le discours de Bayeux, au lendemain de la guerre, que De Gaulle a tenu pour dire sa vision des institutions – alors qu'il commençait sa traversée du désert – De Gaulle dit quelque chose de simple : « le gouvernement ne procèdera plus de marchandage parlementaire il procèdera du Président de la République élu ...» - ce n'était pas encore le suffrage universel - « ...par les français ».

On a la chance d'avoir une élection directe du président de la République qui peut permettre de donner une colonne vertébrale à tout le système. Ce n'est pas la IV ème République, et c'est ce qu'il se passe dans tous les autres pays européens.

Permettez-moi une dernière phrase. Si on réfléchit un peu, on s'apercevra qu'il y a là, la seule garantie contre une irruption d'extrémismes - quels qu'ils soient - au pouvoir. Si vous n'y faites pas attention, le scrutin majoritaire va accentuer un jour la vague extrémiste.

La proportionnelle nécessite et oblige aux unions et aux accords, mais quand on entend Alain Juppé qui évoque un accord possible avec vous et qui se fait siffler à l'UMP, quelle alternative pourrait se faire ?

Les sifflets n'ont aucune importance parce que les sifflets c'est le langage de la bêtise et franchement on ne va pas s'arrêter à ce genre de chose. J'ai souvenir que Nicolas Sarkozy a été fortement sifflé par les mêmes, autrefois. 

J'aimerais que vous m'éclairiez sur votre avenir …

L'important ce n'est pas mon avenir. L'important c'est la situation dans laquelle est la France. 

Parlons de l'UMP, qu'elle est votre position par rapport à cela ? 2017 arrive, comment voulez vous construire une alternative ?

Si Alain Juppé, qui a choisi le mécanisme de la primaire – je suis un plus réservé par rapport au mécanisme de la primaire – est choisi, je n'aurai aucun mal à trouver avec lui un accord favorable pour que l'ensemble soit un ensemble solide. Alain Juppé a, me semble-t-il, les qualités pour le faire.

Et si Nicolas Sarkozy est choisi par la primaire ?

Nous serons libre et nous verrons ce que nous ferons.

Ce que vous dites aux électeurs de droite, c'est que si ils veulent une union au premier tour, pour éviter une absence au deuxième tour, Alain Juppé est l'homme de la situation pour s'allier avec le centre ?  

Ce que je crois c'est qu'il faut une démarche de rassemblement et de volonté du pays, qui ne soit pas une démarche de monter les uns contre les autres. Si vous montez les uns contre les autres, vous êtes sûr que vous ne pouvez pas remonter le pays. Ceci est vrai dans une entreprise, dans une association, dans une famille, et c'est vrai évidemment pour un ensemble national. C'est vrai pour une ville. Votre mission quand vous êtes en responsabilité c'est que les gens puissent travailler ensemble, puissent s’estimer, puissent réfléchir, puissent ne pas se regarder comme des ennemis irréductibles alors qu'ils sont concitoyens et, qu'ils réfléchissent au contraire en se sentant co-responsables de l'avenir du pays.

François Bayrou, vous êtes un européen convaincu, en ce moment la Grèce a de fortes tensions avec l'Europe – il y a des voix qui commencent à s'élever en se demandant pourquoi finalement l'Europe ne se passerait pas de la Grèce et pourquoi la Grèce ne sortirait pas de l'Euro – qu'en pensez vous ?

Je suis très sceptique sur les promesses qui ont été faites par Syriza le nouveau gouvernement grec. Je pense qu'on a fait croire aux Grecs que l'impossible était possible. C'est bien d'avoir des idéaux et des rêves – et c'est vrai que les grecs avaient été mal traités – mais la situation aujourd'hui c'est que vous avez beaucoup de pays qui ont montré de la solidarité avec la Grèce et qui seraient déstabilisés eux-mêmes si la Grèce ne respectait pas – en tous cas dans les grandes lignes- ses engagements.

La Grèce doit elle sortir de l'Europe ?

On va voir ce soir ce qu'il va se passer. 

C'est une éventualité que vous n'excluez pas ? 

Je pense que c'est une des issues possibles, hélas, trois fois hélas, parce que vous ne pouvez pas lorsque vous êtes endetté par dessus la tête, dire que vous allez vous lancer dans des dépenses nouvelles et que vous allez au contraire demander des crédits nouveaux. Ceux qui vous prêtent, ne le feront plus aisément.

Mais vous ne craignez pas l'effet domino ? Que la Grèce sorte et qu'elle soit suivie par le Portugal … ?

Tout cela est une blague. Vous croyez que la Grèce pourrait s'en sortir sans avoir des dommages extrêmement lourds pour sortir de l'euro.

Je pense que c'est un risque. Quand on fait croire au peuple des choses impossibles, il se produit hélas des conséquences souvent dangereuses ou déstabilisantes.

On évoquait dans la revue de presse régionale, que des collectivités armaient leur police locale, vous êtes maire d'une ville importante comme Pau, quelle est votre position très rapidement ?

J'ai décidé que la police municipale à Pau aurait des flashballs et des tasers, des armes non létales. Nous allons mettre en place des brigades de nuit pour qu'il y ait un sentiment et une réalité de sécurité, mais je ne suis pas pour les armes létales, je ne suis par pour les armes à feu.

Merci François Bayrou de nous avoir rendu visite. On commence à y voir un peu plus clair dans votre positionnement pour les mois à venir.

C'est extrêmement clair.

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