Accord européen : "Ne rajoutons pas de l'incertitude à l'incertitude"

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Invité sur le plateau de I-télé, Marielle de Sarnez, euro-députée, a regretté le manque d'ambition de l'accord passé entre 26 pays de l'Union Européenne, sur la stabilisation de la zone euro, vendredi 9 décembre.

iTélé - Marielle de Sarnez, une réaction par rapport à ce qui se passe en ce moment même à Bruxelles, accord soi-disant à 17, puis à 23 et peut-être même aujourd'hui à 26, il ne reste plus que le Royaume-Uni, pour vous est-ce que c'est satisfaisant ?

MDS - Non, il y a des zones d'ombre, des zones d'inquiétude. D'abord, je ne suis pas sûre qu'en période de crise très lourde que nous vivons, il faille rajouter des incertitudes aux incertitudes. On a déjà, les incertitudes du marché, les incertitudes quand on empreinte tout les jours, rajouter une forme d'incertitude institutionnelle juridico-politique, je ne suis pas sûre que ça soit de bon aloi pour rassurer les marchés comme on dit, entre guillemet. Est-ce qu'on va faire finalement une Europe à 26 ? À 25 ? À 24 ? À 23 ? À 17 ? Cette Europe, qu'on nous annonce comme inter-gouvernementale, parce qu'on nous parle d'un nouveau traité inter-gouvernemental, c'est très compliqué pour ceux qui nous regardent. Mais un traité inter-gouvernemental ça veut dire simplement un traité entre pays, et donc, qui sorte au fond des institutions européennes. Et donc un traité intergouvernemental quelle légitimité démocratique ? Quel contrôle démocratique ? Quel rôle pour le Parlement européen qui représente les citoyens de l'Europe ? Quel rôle pour la commission ? Ceci c'est encore de nature, peut-être, à rajouter de l'incertitude.

iTélé - Que pensez vous de la collaboration franco-allemande ?

Ce que j'attendais de cet axe franco-allemand, de cette intimité franco-allemande qui est nécessaire, c'est qu'il y ait la confrontation des deux thèses. La thèse allemande qui dit "On veut absolument mettre dans les traités les sanctions, donc constitutionnaliser les sanctions, contre ceux qui ne font pas le bon travail", et puis la thèse qui aurait dû être celle de la France qui est de dire : "Oui à des sanction, mais, à ce moment là, il y a une solidarité, et la BCE peut être prêteur en dernier recours." Tout ce volet là n'est pas dans l'accord. On a un accord qui est uniquement sur la partie "sanctions". Donc, est absent un rôle éventuellement nouveau pour la BCE. Est absent aussi, c'est au moins aussi grave, la perspective de convergence économique, budgétaire et fiscale. Non seulement on vit une crise de la dette, mais on vit peut-être un moment où on va rentrer en récession, et donc, ne pas mettre de perspective de convergence économique. Je pense que c'est vraiment une erreur.

iTélé - Si on vous écoute, alors que Paris et Berlin se réjouissent presque de cet accord, en vous entendant, on met fin à l'idéal européen ?

MDS - Oui, on y met fin par la petite porte, sans nous avoir annoncé au fond ce qu'on allait faire à la place. Tout ça pour constitutionnaliser, mettre dans les traités les sanctions que les États membres qui ne respecterait pas les temps de rigueur budgétaire pourront encourir. Moi, je pense quelque chose de fondamental, qu'on a besoin d'une Europe forte, politique et solidaire et qu'il faut que les États membres fassent le boulot chez eux. Et ce n’est pas à l'Europe de leur dire, c'est aux États membres eux-mêmes à prendre leurs responsabilités. Je ne suis pas pour les déresponsabiliser et au fond, cette crise, elle finira quand il y aura une réponse politique d'une Europe unie et stable. Et en même temps nous devons mener dans les États membres le travail nécessaire, en particulier par exemple chez nous en France, le travail nécessaire de rééquilibrage des finances publiques qui n'a pas été mené. Et puis je dois ajouter un dernier point. Il y a quelque chose d'un peu surréaliste. Vous savez qu'on va créer un autre organisme après le FESF, qui est mort-né quasiment. On va créer le MES, le Mécanisme Européen de Stabilité. Et pour le doter qu'est-ce qu'on va faire ? On va faire appel au FMI. Et le FMI qu'est-ce qu'il va faire ? Il s'est tourné vers les Chinois, il s'est tourné vers les Américains, ni les uns ni les autres ne veulent mettre d'argent parce qu'ils n'ont pas confiance dans cette zone Euro et, donc, il va se tourner vers les Européens, le FMI. Donc les Européens qui refusent que la BCE prête aux États membres en difficulté, il vont aller aborder le FMI qui ensuite va aller prêter aux Etats membres, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans tout ça.

iTélé - Donc finalement, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont-ils fait le job ? Ce qu'on attendait d'eux ?

MDS - Je ne suis pas à regarder le problème de personnes. Ce n’est pas ça qui m'importe et qui m'intéresse. Ce que je pense, c'est que dans les moments de crise, il faut une vision claire, il faut un horizon clair, il faut de la stabilité. Rajouter une forme d'incertitude à l'incertitude c'est un problème. Que décider, d'un coup de trait, de rayer l'Europe communautaire, ce qu'on a créé, fondé, porté depuis des décennies, l'inspiration même de l'esprit Européen, tout d'un coup, en passant uniquement dans des relations entre pays, c'est quelque chose qui historiquement nous met dans l'embarras.

iTélé- Vous pro-européenne convaincue, est-ce que ça vous fait mal ce que vous voyez aujourd'hui ?

MDS - Ce n’est pas l'Europe que j'aurais aimé. Ce n’est pas l'Europe dont les peuples européens ont besoin. Ils ont besoin d'une Europe qui défende des valeurs, qui défende en commun des valeurs et je n’ai pas le sentiment que les dirigeants européens soient à ce rendez-vous là aujourd'hui.

iTélé - Je ne sais pas si vous avez vu cette image. Le croisement Nicolas Sarkozy et de David Cameron, sans un mot, même pas un regard. Est-ce que la germanophobie qu'avaient certains socialistes vis-à-vis de l'Allemagne, aujourd'hui, ne peut pas devenir le risque d'une anglophobie ?

MDS - Il faut toujours faire attention, et ça vaut chez nous aussi, aux boucs émissaires qu'on désigne, comme ça, du doigt. Un jour c'est l'Allemagne, là, dans les jours qui viennent ça va être la Grande Bretagne. Je ne crois pas qu'on fasse avancer le monde de cette façon là, je ne crois pas qu'on renforce l'Europe de cette façon-là.

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