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Affaire Tapie : "Qui peut croire que Mme Lagarde ait pris cette décision seule ?"

François_Bayrou-FB

En mai 2011, François Bayrou était le seul à s'opposer à la candidature de Christine Lagarde à la tête du FMI, en raison de son implication dans l'affaire Tapie. Au micro de RTL, jeudi soir, il a salué l'avancée de l'instruction et estimé qu'elle permettrait enfin à "chacun de voir la gravité de ce qui s'est passé".

Bernard Poirette - C'est en tant qu'ex-ministre de l'économie que Christine Lagarde va être entendue dans cinq semaines par la Cour de justice de la République pour son rôle central dans le règlement de l'affaire Tapie. Est-ce que ce soir vous dites, vous François Bayrou, "il était plus que temps qu'elle soit entendue" ? 

François Bayrou - Je dis une chose qui est plus simple encore. Pour ceux qui se sont battus pendant des années pour dire attention, il y a là quelque chose qui ne correspond pas à la loi et encore moins aux valeurs de la République, et qui ont été seuls pendant longtemps à mener ce combat. Que la Cour de justice de la République dise que oui, il y a quelque chose de profondément troublant... 

Il y a matière à audition.

Voilà, il y a matière à audition, peut-être à d'autres décisions. Cela prouve que quand la justice fait son travail, quand il y a des citoyens qui n'acceptent pas les dérives auxquelles nous avons assisté pendant trop longtemps, alors quelque chose de rassurant peut se passer. Maintenant, la Cour de justice de la République va continuer son instruction, va auditionner et prendre des décisions, et je crois que chacun verra quelle est la gravité de ce qui s'est passé.

Mme Lagarde vient de déclarer "Je ne vois rien de nouveau sous le soleil" avec cette convocation. Elle a l'air sereine.

Sa phrase est encore pire parce qu'elle dit "C'est bien, je viendrai voyager à Paris pendant quelques jours". Les contribuables français ont été, si cela est vérifié, spoliés de 400 millions d'euros.

Ce n'est pas rien comme argent public. 

Je ne suis pas sûr que ce soit un sujet de plaisanterie ou de condescendance, je crois que c'est un sujet grave. Mme Lagarde, avec les responsabilités qu'elle a exercées, est évidemment en première ligne dans cette affaire. Elle n'est pas seule.

Justement, si elle doit rendre des comptes dans cette affaire, doit-elle être la seule ?

Qui peut croire que cette organisation a été faite au cœur de l'Etat français sans qu'il n'y ait eu des instructions, des orientations, des inspirations qui ont été assumées au cœur de l'Etat ? Qui peut le croire ?

Au cœur du château de l'Elysée ?

Je ne vois pas comment cela peut être possible autrement. Mme Lagarde a souvent dit "J'ai pris la décision seule". Si elle a pris la décision seule, c'est irresponsable. Dans la Vème République, comme elle était organisée notamment à cette époque, tout remontait à l'Elysée, même la nomination d'un fonctionnaire d'un peu d'importance. Les décisions les plus importantes étaient des décisions avalisées. Alors pour 400 millions d'euros, presque un demi milliard d'euros, on n'en aurait pas parlé ? Pendant des mois, pendant qu'il y a eu la polémique ? Evidemment, cela n'a aucune crédibilité, en tout cas à mes yeux. Et je ne connais personne qui ait beaucoup discuté de cette affaire avec des pour et des contre qui ait jamais pensé que cela puisse être une décision individuelle et que l'Etat ne l'ait pas acceptée ou organisée.

Si Mme Lagarde est mise en examen, doit-elle démissionner de la présidence du FMI ?

En tout cas ce serait très problématique. Ce n'est pas la première fois que des responsables français se trouvent au FMI dans des difficultés de cet ordre. Franchement, ce ne serait pas très glorieux pour notre pays. Mais vous voyez, quelle est l'accusation portée par la Cour de justice de la République ? L'accusation, c'est "complicité de détournement d'argent public". Pour le Fonds monétaire international, il me semble qu'il y a là le choc entre deux réalités qui sont profondément contradictoires l'une avec l'autre. Oui, je pense que c'est problématique. Mais c'est à elle de voir, au conseil d'administration du Fonds, aux responsables d'Etat et de gouvernement. Ce n'est pas une petite affaire. Vous vous souviendrez peut-être que le jour-même de la nomination j'avais dit que c'était imprudent et j'avais lancé un avertissement. Les imprudences, un jour ou l'autre, vous donnent rendez-vous.

Très brièvement, M. Bayrou, ce qu'il se passe autour de l'adoption de la loi sur le mariage pour tous, ces violences physiques, verbales, comme ce député M. Cochet qui dit "Vous êtes en train d'assassiner des enfants", qu'en pensez-vous ?

Je pense qu'il y a un climat de violence, de tension, qui monte dans la société française. Je ne suis pas certain que la décision du Président de la République d'accélérer le calendrier ne revienne pas en boomerang. Je pense qu'il y a beaucoup de gens dans cette affaire qui vont en sortir blessées et que l'on aurait dû trouver un autre chemin. Je pense que l'autre chemin existait, je l'ai défendu pendant longtemps. Je suis assez inquiet pour les semaines qui viennent.


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