"C'est une séquence de communication complètement loupée"

Marielle de Sarnez a jugé sur LCP ce matin que le remaniement survenu hier était une "séquence de communication complètement loupée" et a regretté qu'il n'y ait pas eu un mot "sur le contexte international" dans le discours du chef de l'État.

Marielle de Sarnez, bonjour.

Bonjour.

Vous êtes députée européenne, vice-présidente du MoDem. François Hollande a remanié son gouvernement, son équipe pour 2016. Qu’en pensez-vous?

Je pense que c'est une séquence de communication d’abord complètement loupée. Ils ont vendu ça comme si c’était un événement. Au fond, il n’y a rien de nouveau, rien de changé profondément donc ceux qui en attendaient quelque chose ont dû être déçus, ceux qui n'en attendaient rien sont dans la réalité d’aujourd’hui. 

Il y a quand même trois écologistes qui rentrent. A-t-il rassemblé son camp du coup ? 

Est-ce cela la question pour le pays ? Est-ce cela la question pour la France ? Moi, j’ai le sentiment, en regardant tout ça, comme les Français je crois, d’un système épuisé ou en voie d’épuisement qui tourne en rond, qui tourne sur lui-même. Est ce qu’on a eu le sentiment hier soir en écoutant François Hollande, qui ne s’était pas exprimé depuis la fin de l’année dernière, qu’il y a eu de nouvelles perspectives, une nouvelle dynamique, de nouveaux objectifs ? Non. D’ailleurs, au passage, il n'y a pas eu un mot sur l’Europe alors que l’Europe est confrontée à une crise sans précédent et que si les chefs d’État et de gouvernement - et en particulier la France et l’Allemagne - ne reprennent pas les choses pour relancer le moteur franco-allemand et l’Europe, on risque une désintégration européenne. Je note au passage qu’il n’y a pas eu un mot sur le contexte international européen alors qu’on vit des crises sans précédent. 

Il n’y a pas de cohérence pour vous dans ce gouvernement ? 

Moi, je ne veux pas attaquer les personnes, parce que ce n’est pas la question. Il y a des gens tout à fait estimables dans le gouvernement et qui ont des qualités. Mais vous voyez bien que ce qui manque, c’est de fédérer des énergies, d’avancer, d’avoir un cap, une vision. Tout ça est complètement déconnecté de la réalité et on voit qu’on est dans un calendrier électoral. D’ailleurs, il y a une responsabilité partagée. La majorité gouvernementale ou ce qu’il en reste, est un camp qui est extrêmement divisé. On le voit chez les verts, on le voit même dans les courants du Parti socialiste. Nous sommes dans une année, où nous allons grosso-modo gaspiller du temps, simplement pour éventuellement gérer la présidentielle. Tout ça n’est vraiment pas raisonnable. 

Il y a eu une annonce quand même hier, c’est le référendum sur Notre-Dame-Des-Landes. Y-a-t-il eu des marchandages pour vous ? C’est le terme employé par François Hollande.

Écoutez, tout ça est tellement loin des préoccupations de nos compatriotes, les états d’âmes des verts n’intéressent personne. 

Sur l’aéroport de Notre-Dame-Des-Landes, trouvez-vous que c’est une bonne chose? 

Je trouve que c’est habile. Il ne faut pas que ce soit que de l’habileté. Mais en tout cas, demander aux gens qui vivent là-bas ce qu'ils en pensent est une bonne idée. Après on va voir quel sera le périmètre du référendum. Qui sera interrogé ? Sous quelle forme ? Nous verrons si c’est une habileté ou si sur le fond, c’est quelque chose qui peut faire progresser le débat. 

Emmanuelle Cosse revient au logement, le ministère qui était auparavant occupé par Cécile Duflot. Elle a fait la loi ALUR qui a elle-même été détricotée. Quel signal cela peut-il envoyer au secteur? 

Aucun signal, je pense. La question, pardonnez-moi, n’est pas là. Ce que les Français attendent, c’est un gouvernement qui gouverne déjà, qui prenne à bras le corps les problèmes du pays. Et les problèmes ne sont pas pris à bras le corps. Ce que les français attendent, c’est que l’on fédère les énergies, c’est que l’on arrête les questions politiques politiciennes, qu’on laisse cela de côté. Malheureusement, moi mon sentiment est que nous sommes dans une période où plus encore qu’à l’habitude, et je trouve déjà qu’à l’habitude c’est trop, les affaires politiciennes vont occuper le devant de la scène. Je trouve que ça devrait nous faire réfléchir au modèle politique, à la manière dont il tourne ou dont il ne tourne pas. La question pour les Français est qu’il faut que l’efficacité publique revienne. Il faut que la politique soit utile, serve à quelque chose, apporte des choses dans la vie des gens. 

Hier, François Hollande a parlé sécurité, environnement, emplois. 

Ce sont des mots tout ça. Ce sont des discours. Ça ne percute plus. Ça ne fonctionne plus. 

François Hollande s’est également exprimé sur la navette parlementaire. Il souhaite qu’elle ne dure pas sur la révision constitutionnelle. Est-ce qu'il a déjà intégré l’échec de cette réforme ? 

On voit bien que le Congrès va réécrire différemment, donc on va voter un texte différent de l’Assemblée. Ensuite ça va revenir à l’Assemblée, et l'Assemblée va remettre le texte initial. Effectivement, ça peut durer cent ans. Tout cela n’est pas sérieux, et a été mal anticipé, préparé. Il y a un peu d’amateurisme, je trouve. 

Est-ce que vous, vous auriez pu la voter cette réforme constitutionnelle ? 

Moi, oui, je crois que je l’aurais votée parce qu’au fond, la nationalité française se mérite. La manière dont tout ça a été posé, amené sans savoir où ils allaient, ce n’est pas raisonnable. 

Pensez-vous qu’il y aura un Congrès ou pas ? 

Je n’en suis pas sûre du tout. 

Pensez-vous que ça peut s’arrêter là ?

Je n’en suis pas sûre du tout. Puisque le Sénat dit 'moi je ne vote que ce qu’a dit François Hollande'. L’Assemblée dit 'je vote différemment que ce qu'a dit François Hollande'. Effectivement ça peut durer 100 ans, il va falloir que ça s’arrête à un moment. Sur ce point, je peux rejoindre le chef de l’État mais il a une part de responsabilité importante sur le sujet. 

Vous avez un fort tropisme sur les questions internationales. Jean Marc Ayrault arrive au Quai d’Orsay…

Honnêtement, je trouve ça assez baroque. Il est parti parce que l’on disait qu’il n'avait pas bien réussi. On le remplace par quelqu’un de différent, et paf ! Il revient de numéro 1 et devient numéro 2 sous la responsabilité du numéro 1 qui était auparavant sous sa responsabilité à lui. Franchement, je trouve ça baroque. 

Donc il va devoir gérer, en tout cas, le dossier syrien, qui est lourd. 

Oui, mais le dossier syrien c’est au chef de l’Etat de le gérer. Mais où est l’Europe dans tout cela, autour de la table ? Où est la volonté politique européenne ? 

Jean-Marc Ayrault est pro-européen, germanophile. 

Vous voyez bien que l’on a un accord de cesser le feu fragile entre Russes et Américains. L’Europe n’est pas là, elle n’est pas autour de la table. Or, nous sommes concernés, parce que c’est la Syrie, parce que c’est proche de nous, nous sommes concernés parce que nous y sommes engagés. On a besoin d’une volonté politique de tous les acteurs internationaux, de l’Europe – dont j’espère que cela devienne une Europe qui pèse – et des acteurs régionaux pour mettre fin à ce conflit. 

Est-ce que Jean-Marc Ayrault, à défaut de peser en Syrie, peut peser en Europe ? 

La question est : est-ce que la France peut peser en Europe ? 

À travers Jean-Marc Ayrault bien sûr. 

Est-ce que la France a une voix en Europe ? Est-ce que la France a une vision européenne ?

Est-ce qu’il peut donner une voix à l’Europe ? 

La vérité est que je dois constater aujourd’hui que la vision européenne de la France faiblit sacrément, pas seulement d’ailleurs du fait de François Hollande. Cela a commencé à faiblir avant, on va dire, les présidents précédents. On sait très bien que quand il n’y a pas de vision européenne incarnée par la France, quand il n’y a pas un moteur franco-allemand qui fonctionne, l’Europe dysfonctionne. C’est exactement ce qui est en train de se passer. De ce point de vue, je suis pessimiste. Et en même temps, il n’y a jamais eu une attente aussi grande de nos citoyens, d’une Europe qui pèse, d’une Europe politique, d’une Europe qui prend des décisions, qui gère les crises, comme par exemple la crise des réfugiés. Tout ceci, pour le moment, n’est pas géré.  

Alors vous dites que c’est la faute de la France, est-ce que ce n’est pas aussi, notamment dans cette crise des réfugiés, la faute de l’Allemagne qui a ouvert grand les bras aux migrants ? 

L’Allemagne n’a pas ouvert grand les bras aux migrants. L’Allemagne a dit « Nous avons une responsabilité conjointe, nous devons accueillir les réfugiés syriens ». Et, de ce point de vue, je suis d’accord. Il y a une guerre en Syrie, il y a des gens qui fuient la Syrie. Vous savez, j’étais à Lesbos la semaine dernière, les gens qui partent avec leurs enfants, qui payent les passeurs, chacun 3000€ pour les adultes, 1000€ pour les enfants, qui risquent la vie de leurs enfants, de leur famille, avec des faux gilets de sauvetage, croyez-vous qu’ils font cela par plaisir ? Ils font cela parce qu’il y a la guerre, parce que la moitié de leur famille est décédée, parce qu’ils vivent dans des conditions inadmissibles. Ils font cela parce qu’il n’y a aucune perspective. 

La France doit-elle accueillir plus de migrants ? 

Oui, bien sûr. Il faut que l’Europe accueille des réfugiés syriens, on ne peut pas accueillir tout le monde et donc il faut prioriser ceux que nous devons accueillir. Oui, bien sûr, il faut une solidarité européenne. Mais ceux que l’on accueille, il faut bien les accueillir pour qu’ils s’intègrent, pour que cela puisse être plus facile dans la communauté. Mais la responsabilité européenne ne s’arrête pas chez nous. Il y a la responsabilité d’autres pays dans le monde qui devraient également accueillir des réfugiés. 

Le plan européen est-il en échec ? La Turquie en a assez, elle dit « je vais renvoyer en Europe les migrants ». 

Vous savez, il y a 2,7 millions réfugiés déjà en Turquie. Par contre, je pointe du doigt la Turquie sur une chose, il faut qu’ils arrêtent les passeurs, il faut qu’ils arrêtent ces criminels qui vivent, qui gagnent de l’argent sur le dos de familles entières. Il n’y a pas une nuit sans qu’il y ait des drames qui se passent.

Est-ce que vous saluez l’OTAN qui a décidé de lancer une opération en mer Égée ? 

Oui, mais je considère que c’est aussi à la Turquie de faire son boulot. C’est aussi à la police turque d’empêcher les passeurs de fonctionner, ce sont des réseaux quasi mafieux qui drainent des sommes astronomiques. Les Turcs ont une responsabilité de ce point de vue. 

Vous dites que la France doit accueillir aussi des réfugiés syriens qui fuient donc la guerre dans leur pays. Il y en a beaucoup qui arrivent et notamment à Calais. Trouvezvous qu’on les traite de façon correcte ? 

D’abord ce n’est pas tout à fait exact. Ceux qui arrivent à Calais, ce n’est pas pour aller en France. Ceux qui viennent à Calais, c’est pour aller en Grande-Bretagne. Est-ce qu’on les traite d’une façon correcte ? Non, c’est un scandale absolu. Quand vous voyez ce que l’on appelle « la jungle », quand vous voyez tous les camps de déplacés que cela soit en Jordanie, au Liban, en Turquie, le Haut comité aux réfugiés ne traite pas les réfugiés de cette façon. Nous, la France, pays des Droits de l’Homme, la manière dont on les traite est abominable. Vous savez, il y a eu ce que l’on a appelé le Traité du Touquet entre la Grande-Bretagne et la France à l’époque de N. Sarkozy, dans lequel les Anglais disent : « C’est aux Français de gérer la question ». Je pense qu’il faut dénoncer ce traité, je pense qu’il faut revoir les choses. Il devrait être de la responsabilité des Britanniques aussi de gérer la situation, de venir les voir, de s’entretenir avec chacun d’entre eux, de voir s’ils ont de la famille, un travail potentiel et de leur donner à ce moment, dans ces cas-là, un droit d’accès à la Grande-Bretagne. Mais les Anglais doivent se sentir responsables de ce qu’il se passe à Calais. 

Merci Marielle de Sarnez d’être avec nous ce matin.   

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