"Cette barbarie s'attaque à l'histoire même des peuples en cause"

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Invité politique de la matinale de France Info, en duplex depuis Pau, François Bayrou a réagi aux destructions de Daech, à la visite des parlementaires en Syrie et à la l'actualité politique française.

Bonjour François Bayrou.

Bonjour.

Président du MoDem, maire de Pau. Vous êtes en direct de Pau, dans les studios de France Bleu, merci à vous, merci à eux aussi.

On vient d’en parler à l’instant, commençons par là, Monsieur Bayrou, l’UNESCO, le monde entier s’émeut des morts qu’il y a dans cette guerre contre Daech depuis le début, mais de ce qu’il se passe en ce moment, des trésors inestimables, ce qui est un peu le cœur de notre civilisation, dans ce musée de Mossoul qui est en train de partir à coups de massue.

Oui, ce n’est pas la première fois. Comme vous vous en souvenez, il y a des événements plus anciens qui vont dans le même sens.

Les bouddha de bamiyan.

Les bouddha de bamiyan, et d’autres, des mausolées qui ont été détruits. C’est un autre visage de la barbarie. Effectivement, elle porte sur la vie des femmes et des hommes sur l’esclavage, sur la manière dont on écrase la liberté, la conscience, et cela porte aussi sur des biens inestimables qui appartiennent à chacun d’entre nous et à chacun de ceux qui les attaquent et les détruisent. Donc cette barbarie-là s’attaque aussi à l’histoire-même des peuples qui sont en cause. Je trouve que tout cela forme un ensemble qui justifie l’engagement, la volonté et la mobilisation de tous ceux qui veulent arrêter, mettre un terme si possible à une dérive qui blesse ce que nous avons de plus profond.

Alors justement, Monsieur Bayrou - parce que c’est la polémique de ces 24 dernières heures qui n’est pas encore éteinte – que pensez-vous de ces 4 parlementaires qui sont allés voir Bachar el-Assad.

Ce n’est pas le même sujet, il faut éviter que nos auditeurs imaginent que c’est le même sujet. Le moins que l’on en puisse dire, c’est une démarche irréfléchie, irraisonnée, complètement improvisée et qui porte atteinte, évidemment, à toute la marge d’action qu’une diplomatie solide peut avoir. Je le dis d’autant plus que – vous vous souvenez sans doute, lorsqu’il a été question de bombarder la Syrie et Bachar el-Assad pour le chasser- je me suis opposé à cette démarche que je trouvais peu raisonnable dans la mesure où chasser les uns était mettre les autres à la place – les autres sont les djihadistes dont nous parlions à l’instant. J’ai donc appelé à la prudence. Mais, autant je pense qu’il faut une démarche construite de la communauté internationale et notamment des Nations Unies - pour que les choses bougent dans cette région du monde - autant, voir des initiatives complètement individuelles, sans légitimité, se présentant comme officielles, alors qu’elles sont tout sauf officielles et sans aucun doute des démarches manipulées puisqu’elles vont jouer dans la main de ceux au contraire à qui il faut imposer des changements profonds et faire entendre raison. Vous voyez que tout cela est sans plus aucun repère, que des hommes politiques, qui devraient avoir une attitude de responsabilité, se livrent à ce genre de choses, franchement c’est à pleurer.

 Mais vous pensez que l’Elysée peut ne pas être prévenu de ce genre d’initiative ? C’est possible ?

Oui, je pense que tout est possible parce que je pense que ce sont des démarches individuelles, protégées par les autorités de Bachar el-Assad évidemment puisque l’on va lui apporter des cartes pour son propre jeu. Donc ceci manque absolument de sérieux. Cela manque aussi d’esprit de responsabilité. Vous êtes un parlementaire – à plus forte raison si vous avez des responsabilités au Parlement – vous ne pouvez pas vous exonérer, vous n’êtes pas une personne individuelle, vous allez à l’étranger, en réalité vous êtes invité parce que l’on veut qu’il apparaisse que vous représentez quelque chose de très important dans votre pays et vous allez jouer ainsi contre un certain nombre d’impératifs qui sont ceux de la diplomatie de la France. Je trouve tout cela déraisonnable et léger.

J’ai juste une toute dernière chose sur le sujet, Monsieur Bayrou. Il y a un certain nombre de voix qui disent que l’on a, peut-être, levé une forme de tabou, en tout cas que l’on ne peut pas ne pas poser la question. Est-ce que oui ou non, on peut venir à bout de Daech sans Bachar el-Assad ?

Ceci est tout à fait une autre chose. J’ai dit, à l’instant, qu’il fallait qu’une démarche construite, concertée,  avec les Nations Unies, fasse bouger les choses en Syrie parce que c’est vrai que l’on a en face de nous l’horreur de l’horreur pour simplifier. C’est à dire une conduite, des pratiques idéologiques totalement barbares et totalement destructrices tout ce que nous avons de précieux. Alors il faut regarder les rapports de force, faire en sorte que ces rapports de force soient à l’avantage de ceux qui veulent empêcher que ces gens avancent et l’emportent. Vous voyez bien que ceci ne se fait pas en bricolant. Or, c’est du bricolage qu’on a en face de nous, et du bricolage irresponsable. Ce sont des gens qui ne réfléchissent pas ou, je ne sais pas, qui ne voient pas les conséquences de leurs actes et qui se prennent pour des diplomates alors que, d’une certaine manière, ils sont simplement dans de puériles improvisations.

François Bayrou, tout autre chose, vous étiez donc hier au Salon de l’Agriculture, vous y étiez en même temps que Marine Le Pen, vous ne l’avez pas croisée, elle a sciemment battu un record de présence, elle est restée 9h – elle a évidemment fait exprès puisque François Hollande était resté 8h. C’est un monde que vous connaissez bien, l’agriculture, est-ce que vous comprenez cette attirance pour le Front national ? Est-ce que vous la croyez réelle de la part des agriculteurs ?

J’ai dit hier, interrogé sur ce point, que, pour ma part, je n’ai pas l’intention de traiter cette question sous l’angle des leçons de morale. Ceux qui se drapent et qui disent « Vous n’avez pas le droit de… », ce n’est pas du tout la manière dont je pense les choses. Je connais très bien, de l’intérieur, le monde agricole et je connais les angoisses qui sont les siennes aujourd’hui, des difficultés très grandes et l’inquiétude profonde. C’est un monde qui, pour de larges parties de cet ensemble, ne se voit pas un avenir et ne se représente pas comme ce qu’il ont été pendant des siècles c’est à dire des gens qui sont reconnus pour être les amis de la nature et pour nourrir les autres. C’était très valorisant naturellement. Aujourd’hui, ils ont cette inquiétude là. Mais c’est un monde intelligent, le monde de l’agriculture est un monde qui passe son temps à scruter la nature pour essayer de comprendre comment on peut en améliorer les effets. 

Donc pour vous, Monsieur Bayrou, cela ne les jette pas dans les bras du Front national ?

Cela ne les jette pas, et surtout si vous imaginez qu’il y a un seul agriculteur qui croit que sortir de l’Europe c’est la solution aux problèmes de l’agriculture française. Ils ont sous les yeux les exemples : les prix s’effondrent aujourd’hui, pourquoi ? Parce qu’il y a eu des sanctions en Russie, décidées par la communauté internationale et ils savent que ce n’est pas un pays tout seul qui peut essayer de répondre à la gravité de cette chose. Donc, pour s’adresser à eux, il faut les estimer, ne pas les prendre pour des gens qui peuvent avaler n’importe quelle affirmation et faire appel à ce qu’ils ont de plus profond c’est à dire leur conscience et leur intelligence.

Notamment pour lutter contre le Front national, vous appelez, vous, à un grand courant du Centre en fait. On comprend pourquoi vous plaidez. Est-ce que vous avez le sentiment justement que c’est la meilleure manière de lutter contre le Front national ? Et pourquoi est-ce que vous seriez meilleur ?

Pour une raison très simple, c’est que le pays a besoin d’une politique différente, d’une alternative, d’un changement profond parce que les cadres de nos institutions et de nos partis politiques sont usés et que vous n’avez, pour bâtir cette alternative, le choix qu’entre l’extrémisme et ceux qui, au contraire avec un sentiment profond qui dure depuis longtemps, une thèse défendue depuis longtemps, ont envie de changer les choses en étant, en même temps reconstructeurs et modérés, c’est à dire pas du tout jeter le pays dans des aventures on se laisse aller à n’importe quel risque et n’importe quelle affirmation.

Et est-ce que l’on y va ? Au regard de ce qu’il s’est passé ces dernières semaines, particulièrement dans le Doubs. Est-ce que l’on y va vers ce grand courant du Centre ou est-ce que l’on s’en éloigne ? 

Pour l’instant ce n’est pas évident, parce que c’est un combat, c’est une chose que nous avons à bâtir, c’est quelque chose que nous avons devant nous comme un but à atteindre. Et c’est tout sauf évident puisque nous vivons – nous sommes le seul pays en Europe, continentale en tout cas – avec des règles qui sont faites pour empêcher que cette alternative positive existe.

Vous parlez de la proportionnelle ?

Entre autres. La règle électorale est absurde, regardez combien de Français sont exclus de la représentation. Et de quel droit ? Qu’est-ce qui fait que le Parti socialiste ou l’UMP doivent avoir la totalité de la représentation alors que l’extrême-droite, le centre et l’extrême-gauche en sont – pour ainsi dire – exclus ? Qu’est-ce qui justifie cela ? Quelle est la légitimité de ceux qui ont décidé cela . 

C’est la Ve République telle qu’on l’a bâtie pour éviter les travers de la IVe. Peut-être que les choses ont changé depuis.

Non. Fabienne Sintes, cela n’a rien à voir. La Ve République est tout à fait autre chose, c’est la solidité de l’exécutif. Mais personne n’a jamais écrit à l’origine de la Ve République qu’il fallait que la moitié des Français soient exclus de la représentation, cela s’est fait plus tard, un peu par accident et pour ma part en tout cas je ne crois pas que ce soit du tout constitutif de la Ve République. 

Scrutin proportionnel. En tout cas, nous avons compris ce que vous nous disiez François Bayrou.

 

 

 

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