Chômage : "il faut sortir du déni et arrêter de dire « ça va aller mieux » car il y a quelque chose d’insultant"
Marc Fesneau, secrétaire général du MoDem, était l'invité de Nicolas Beytout sur le plateau de l'Opinion. Il s'est exprimé sur le nouveau nom de l'UMP, Les Républicains rappelant que « ce n'est pas un nom ou un sigle qui crée la division ». Également interrogé sur les chiffres du chômage, il a indiqué qu'il fallait « sortir du déni » et « assumer un peu de libéralisme ».
C’est une union un peu amère qui a été célébrée ce week-end. Je veux parler de l’union entre les différents leaders de l’UMP, devenue Les Républicains, ou "LR" selon l’expression consacrée. Union qui cache en fait une division. Alors, on va en parler avec Marc Fesneau, non pas parce que vous êtes membre des Républicains – Marc Fesneau, bonjour – vous êtes secrétaire général du MoDem. Et pourquoi est-ce que je parle de ce climat un peu bizarre au sein de l’ex-UMP ? C’est qu’il y a un nom, un sigle, qui provoque la division, ce nom c’est François Bayrou, ce sigle c’est le MoDem. Vous êtes secrétaire général du MoDem, est-ce qu’il faut s’allier avec les Républicains ?
D’abord je ne suis pas sûr que ce soit un nom et un sigle seulement qui provoquent la division. Alors parfois cela provoque des mouvements de foule ou des sifflets même. Mais vous noterez que l’on a très peu parlé – pour une fois – du Mouvement Démocrate et de François Bayrou dans ce meeting.
Oui, quand ça dérange on met cela sous le tapis.
Voilà, mais cela n’aura pas empêché – vous l’aurez remarqué – les sifflets. Et donc la question des Républicains n’est pas une question seulement du positionnement ou de ce qu’ils pensent de nous mais une question interne et – on va le voir dans les jours qui viennent – c’est une image qui a été renvoyée me semble-t-il pour un parti qui est en train de se créer. La fondation de ce parti n’est pas une image de rassemblement en interne et finalement encore moins en externe et c’est cela la difficulté dans laquelle va se trouver « Les Républicains ». Cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas travailler avec un certain nombre d’entre eux.
Travailler avec des personnalités et pas avec le mouvement lui-même ?
Cela dépend. Dans les territoires, dans beaucoup d’endroits, on l’a vu aux municipales, aux départementales, on est en train le vivre aussi au niveau des régionales, il y a une capacité pour un certain nombre d’entre eux à penser qu’une majorité peut se construire que si elle s’élargit.
Y compris au MoDem.
Y compris au MoDem.
Alors, on va prendre un exemple précis. Vous êtes, vous serez candidat aux régionales dans le Centre, à priori la tête de liste du côté de l’opposition devrait être quelqu’un de l’UDI.
Philippe Vigier.
Philippe Vigier. Et vous êtes intégré dans la mécanique mais c’est parce que c’est l’UDI, parce que ce n’est pas « Les Républicains ».
Alors c’est vrai, c’est plus facile parce que nous sommes cousins – si l’on peut dire – et voisins politiques, donc avec Philippe Vigier, on se connaît depuis un certain temps mais en même temps c’est aussi la volonté qu’a Philippe Vigier – avec un certain nombre de Républicains d’ailleurs – d’élargir et de trouver une majorité qui soit aussi importante que possible dans une région…
Vous voulez dire que l’UDI est plus intelligente que Les Républicains ?
Non, parce qu’il y a des Républicains qui procèdent de la même façon dans un certain nombre de régions. Je pense en région sud-ouest où les choses – à mon avis – se noueront à un moment où à un autre. Il y a des endroits où cela se fait avec des Républicains, cela se fait avec l’UDI.
Mais il y a des endroits où cela ne se fait pas.
Il y a des endroits où c’est plus difficile manifestement, je pense à la région Rhône-Alpes-Auvergne où le message qui est porté est plutôt un message d’enfermement, plutôt divisant, plutôt clivant et ce n’est pas celui que l’on entend porter aux régionales et puis plus tard dans les élections nationales.
Est-ce que François Bayrou - qui a quand même cristallisé sur lui une partie de la détestation des militants UMP et de beaucoup d’électeurs de Nicolas Sarkozy, et qui a fait battre Nicolas Sarkozy en 2012 - n’est pas un problème pour le MoDem finalement ?
Non, pas du tout. D’ailleurs ce n’est pas François Bayrou, à vrai dire, qui a fait battre Nicolas Sarkozy. Il fait partie de ceux qui n’ont pas voté pour Nicolas Sarkozy et l’a assumé comme tel, mais il y a des millions de Français qui n’ont pas voté pour Nicolas Sarkozy.
Sans aucune doute, mais si les leaders d’une partie de la population…
Oui, mais la capacité d’entrainement d’un leader en est une – et François Bayrou en est un – mais l’incapacité qu’a eue Nicolas Sarkozy – pour les mêmes raisons que celles que l’on évoque aujourd’hui – à rassembler au-delà de son camp - explique le vote du second tour. Ce n’est pas un vote Hollande, c’est un vote d’abstention.
Votes blancs en effet, qui ont été très nombreux.
Très nombreux au deuxième tour et qui ont fait que, pour Nicolas Sarkozy, ces voix-là lui ont manqué.
François Bayrou n’est pas un problème pour l’avenir d’une majorité élargie ?
Non, il n’est certainement pas un problème puisqu’il est le point de jonction et celui qui peut dire aussi aux uns et aux autres qu’à un moment, il y a un besoin de rassemblement. C’est ce qu’il a fait autour de la candidature à la primaire d’Alain Juppé en disant que ce candidat-là pouvait être un candidat de rassemblement. Il est d’une certaine façon avec une forme de crédit puisqu’il est en capacité de dire « J’ai fait le choix que j’ai fait en 2012 mais en même temps je pense qu’en 2017 il faut réorienter les choses ».
Vous parlez d’Alain Juppé qui, en effet, est proche, y compris dans le sud-ouest.
Y compris géographiquement.
Si Nicolas Sarkozy était le vainqueur de la primaire et donc s’il allait porter les couleurs des Républicains et du centre, est-ce François Bayrou – à votre avis – réfléchirait à lui-même être candidat à cette présidentielle ?
Il l’a dit, oui, c’est une réflexion qu’il faudra porter. Alors j’ai tendance - comme Alain Juppé hier l’a dit – à prendre les choses dans l’ordre. L’ordre c’est d’abord les élections régionales et puis les primaires arriveront dans 18 mois. Il faudra se poser la question de ce système qui fait que tous les deux ans et demi, on est de nouveau en campagne sans compter les élections intermédiaires et que dans l’intervalle, il y a des chiffres du chômage - qui sont très mauvais – qui ont été publiés et on ne fait pas grand chose parce que l’on a deux ans de gouvernance et après on passe à l’élection suivante.
Vous voulez être le diviseur à nouveau ?
Non. Ce n’est pas parce que l’on est candidat que l’on est diviseur. Il y a une primaire. Est-ce que les différents candidats à une primaire sont des diviseurs ? Non.
Mais ce sont des éliminatoires pour rassembler. Est-ce que François Bayrou, contrairement à ce qu’il a dit, pourrait finalement se résoudre à être candidat à la primaire ?
Je comprends le mode de sélection qu’il faut faire au sein des partis mais la question qui va se poser est de savoir si c’est au sein des Républicains ou plus largement que cela. Mais une élection présidentielle, si on veut qu’il y ait un candidat par camp, alors à ce moment-là on n’a qu’à faire un seul tour et on simplifie les choses. Mais la cinquième République n’a pas été conçue comme cela, y compris par le Général de Gaulle : il y a un premier tour où on vote pour le candidat de son choix et puis après au deuxième tour, on décide du Président de la République. Ce n’est pas tout à fait la même chose, il ne faut pas se contingenter. Ce n’est pas parce que l’on a toujours cette maraude de la division que l’on doit d’empêcher de dire des choses qui soient différentes parce que sinon on va dire exactement tous la même chose.
50 % de votants, à peine plus, pour choisir le premier secrétaire du parti socialiste, un peu moins de 50 % de votants pour choisir le nouveau nom et les nouveaux statuts de l’UMP devenue Les Républicains : il y a un problème de militantisme. Est-ce que vous ne pensez pas, vous dans les partis politiques, que vous êtes un peu à côté de la plaque ?
Je partage tout à fait votre opinion. Je pense qu’il faut que l’on réfléchisse à la façon d’organiser les mouvements différemment, entre ceux qui ont plutôt une envie militante, ceux qui ont plutôt envie d’une expression de pensée, de dire des choses. On l’a vu encore ce week-end, avec ce grand rassemblement des Républicains, où finalement il y a un côté « on se fait plaisir entre nous », et où il y a deux fois moins de monde qu’attendu... Je n’ai pas la solution mais je vois bien le problème que vous posez qui est réel, qui est un problème de démobilisation et d’engagement qui disparaît. Les gens ont une image des partis politiques très dégradée d’abord parce qu’ils sont incapables de répondre au problème du pays et ensuite parce qu’ils sont beaucoup tournés vers eux-mêmes, vers leurs querelles internes. Le PS l’a fait récemment sur ses motions et on va le voir au congrès de Poitiers qui ne sera pas forcément mieux que celui des Républicains et les Républicains en ont fait encore la démonstration.
Combien de militants y a-t-il au MoDem ?
Une douzaine de milliers de militants.
Et donc en gros une moitié d’actifs ?
Oui, c’est cela. Mais on sait aussi que la séquence présidentielle est une séquence de mobilisation et que les périodes intermédiaires sont plus molles.
Vous parlez d’un vrai problème : le chômage, 26 300 chômeurs de plus en un mois, plus de 1000 par jour ouvré, qu’est-ce que l’on fait contre cela ?
D’abord il faut sortir du déni et arrêter de dire « ça va baisser » parce que je pense qu’il y a quelque chose d’insultant !
C’est ce qu’a fait encore François Rebsamen hier.
Oui, c’est pour cela que je le dis. Je trouve qu’il y a quelque chose d’assez insultant de dire aux gens « vous allez voir, ça va aller mieux » alors qu’ils vivent tous les jours du moins bien ! Deuxièmement, c’est très frappant qu’hier il y ait eu une rencontre entre les syndicats, le patronat et le gouvernement pour essayer de débloquer les situations : on voit que rien ne se passe sur le droit du travail alors que l’on sait que c’est un frein important dans ce pays à la création d’emplois car la peur de se retrouver bloqué pour le chef d’entreprise est très importante. Le poids des charges n’est pas une question qui est encore levée. Encore hier on nous a dit qu’on allait simplifier ! On attend tout cela et rien ne se passe sous ce gouvernement-là, et il faut dire la vérité, sous le gouvernement précédent non plus.
Est-ce qu’il faut modifier le droit du travail, l’alléger ? Par exemple le contrat de travail : le gouvernement l’a exclu. Est-ce que l’opposition, y compris le MoDem, le préconise ?
François Bayrou est favorable à l’allègement du droit du travail. Le droit du travail s’alourdit de mois en mois et d’années en années donc il faut alléger et simplifier les choses et réfléchir à un contrat de travail qui soit à la fois – c’est normal – sécurisant pour le salarié mais qui ne soit pas non plus une contrainte et vécu comme une angoisse par le chef d’entreprise quand il est en situation de crise et de besoin d’ajustement de son appareil de production.
Est-ce qu’avec une croissance qui va se promener entre 1 % et 1,4 % cette année, vous pensez qu’il y a la moindre chance que les chiffres du chômage se retournent ?
Je ne sais pas si c’est une question de chance mais je ne vois pas bien comment les chiffres du chômage se retourneraient. C’est ce qui m’affole un peu d’ailleurs : la seule réponse qu’a trouvée le gouvernement, c’est de dire « on va de nouveau lancer 100 000 contrats aidés » comme si c’était dans ces dispositifs que la solution de long terme se trouvait. Il faudrait mieux que l’on ait quelque chose autour de la réforme du travail, autour de l’allègement des charges plutôt que par oxygène d’essayer de maintenir des emplois de toutes forces. Cela n’a jamais marché, en tout cas jamais marché sur la durée. C’est l’appareil productif qu’il faut moderniser.
Un peu de libéralisme ?
Un peu de libéralisme ! Le mot est très mal vécu en France mais un peu de liberté donnée aux entreprises et aux gens qui veulent entreprendre, oui ! Si c’est cela le libéralisme, ça va très bien !
Merci Marc Fesneau.