Corse : "Le dialogue n’est pas rompu."

Ce matin, Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur, était l'invitée d'Elizabeth Martichoux sur RTL. Nous vous invitons à découvrir l'intégralité de cette interview ci-dessous.

Elizabeth MARTICHOUX : Bonjour Jacqueline GOURAULT.

Jacqueline GOURAULT : Bonjour.

Vous êtes revenue hier soir à Paris, après ces 48h de visite présidentielle en Corse. Pourquoi le président a-t-il pris le risque d’humilier les Corses, comme le disent les nationalistes ?

Le président de la République a pris le temps de beaucoup parler avec les Corses, il y a eu le mardi matin la cérémonie d’hommage au préfet ERIGNAC, et puis, il y a eu, dès le soir même, dès la première journée, une rencontre entre le président de la République et les représentants de la nouvelle collectivité de Corse. Le président de la République a passé deux heures avec eux, j’étais présente, ainsi que le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur. Donc je ne pense pas qu’on puisse utiliser ce mot quand un président de la République vient passer deux heures à la collectivité de Corse, dans le bureau du président de l’exécutif…

Vous le trouvez déplacé ce mot ?

Je le trouve déplacé, d’autant plus que le lendemain, il y avait un déjeuner républicain à la préfecture de Bastia, et que les élus ont fait savoir, enfin, monsieur SIMEONI et monsieur TALAMONI ont fait savoir, après ces deux heures passées de discussions constructives…

La veille, oui…

Etc., ont fait savoir qu’ils ne viendraient pas déjeuner. La moindre des choses, quand un président de la République…

Ce n’était pas républicain ?

Ce n’était pas très républicain.

Comment vous l’expliquez, que… 

Je ne sais pas…

Avant même le discours, ils aient décidé de boycotter le déjeuner ?

Eh bien, je pense que, il y a un sujet qui est que quand on ne va pas exactement sur leur position, qu’on essaie d’expliquer pourquoi la France ne peut pas accepter tel ou tel point, ils considèrent que ça n’est pas normal, et que, voilà, ils sont insatisfaits du résultat, mais encore une fois, c’est le président de la République qui est venu passer deux heures avec eux, et je pense que là, ils ont fait un faux pas en ne venant pas au déjeuner républicain.

Est-ce que même avant qu’il n’arrive, vous estimez qu’ils s’y sont mal pris ? Ce que je veux dire, c’est que, ils ont organisé une manifestation samedi, ils ont fait voter un texte assez radical la veille. Ça avait déjà agacé le président, ça ?

Je pense que ça n’était pas très habile, effectivement, alors, ils étaient venus rencontrer le Premier ministre, là, j’étais aussi présente…

A Paris…

Ça avait duré aussi deux heures…

Il y a une dizaine de jours…

Le Premier ministre leur a consacré deux heures. Et les choses s’étaient passées, là aussi, de façon sereine, constructive, ouverte. Alors, après, il y avait eu une rencontre avec le président du Sénat, et là, après cette visite…

Gérard LARCHER…

Voilà, et après cette visite, ils ont lancé leur idée de manifestation. C’est vrai que, on a l’impression qu’ils poussent toujours le bouchon un peu plus loin.

Alors, quand même, on va revenir sur le long discours du président hier,  c’est pour ça que je parlais d’agacement, parce que, bon, sans surprise, le président a rejeté les deux revendications phares de la majorité locale, le statut de président et la co-officialité de la langue corse, mais cela dit, à plusieurs reprises, il leur a dit : vous avez des nouveaux pouvoirs, occupez-vous plutôt de la vie quotidienne des Corses, je résume, qui en a bien besoin, cette population, et puis, ne vous perdez pas dans des nouvelles batailles pour faire évoluer le statut, avoir de nouveaux pouvoirs. Ce n’était pas quand même leur faire un peu la leçon, ce n’était pas un peu condescendant, un peu même infantilisant, cette façon de les renvoyer en permanence aux pouvoirs qu’ils ont déjà ?

Quand je suis allée les rencontrer en janvier, l’installation de cette nouvelle collectivité a eu lieu le 2, j’étais en Corse le 5, j’ai eu de longues séances de travail avec eux, et nous avons débattu sur ces deux points qui étaient très clairement les deux points dont nous avions discuté…

Vous parlez, là…

Alors, quand je dis deux, excusez-moi, je suis un peu en avance peut-être sur vos questions, c’est le nouveau statut de la collectivité de Corse, plus la révision constitutionnelle, dont on parlera certainement. Et naturellement, je dirais, là, ils ont beaucoup de moyens, ils sont compétents dans des tas de domaines…

Aucune collectivité n’a autant de pouvoirs, rappelait le président ?

Absolument, c’est…

Là encore, en leur faisant un peu la leçon, vous avez déjà beaucoup de pouvoirs, Messieurs.

Voilà, donc, ils ont une responsabilité énorme, ils ont été élus pour cela, c’était une élection pour élire des représentants à une nouvelle collectivité territoriale…

Mais Jacqueline GOURAULT, ils le savent ! Quel besoin de le rappeler avec autant d’insistance ?

Eh bien, il faut…

Quel était le but ?

Parce que, il faut expliquer que, aussi, l’Etat est là pour les accompagner, les accompagner financièrement, le président de la République a rappelé qu’il y avait déjà un PEI, c’est-à-dire un Plan Exceptionnel d’Investissement pour la Corse, il reste 400 millions encore à dépenser, et le président de la République a annoncé dans son discours que le PEI serait reporté de deux ans, 2020, puisqu’il devait se terminer en 2018.

Oui. Mais quel besoin de leur rappeler, il fallait leur rappeler parce qu’ils n’exercent pas aujourd’hui leur pouvoir au service des Corses comme l’Etat souhaiterait qu’ils le fassent ?

Parce que très évidemment, il y a beaucoup de choses à faire, par exemple…

Et qu’ils n’ont pas encore faites ?

Eh bien, oui, par exemple, prenons l’affaire des déchets en Corse, vous savez que ce sont des décharges sauvages, il n’y a aucune incinération, que les Corses n’arrivent pas à se loger, il n’y a pas assez de logements, qu’il y a beaucoup plus de chômage, que les retraités sont en dessous de… comment dire… plus  nombreux – pardon – en minimum vieillesse qu’ailleurs, qu’on manque d’EHPAD en Corse…

C’est à eux de faire le boulot maintenant ?

Eh bien oui…

C’est ça qui leur a dit…

Oui, et l’Etat va les accompagner, il faut prendre en main la collectivité dont ils ont la charge pour laquelle ils ont été élus, il faut donc se saisir de tous ces éléments pour, je dirais, le bien-être du peuple corse, comme ils disent…

Donc il leur a dit…

Le peuple corse, dit-il, disons, la population corse parce que nous pensons que c’est une partie intégrante de la population française.

Donc, je le disais tout à l’heure, infantilisation, en tout cas, il les a renvoyés à leur responsabilité : faites vos preuves à la tête de l’exécutif, vous avez des nouveaux pouvoirs, et on verra après ou en tout cas, voilà, tant que ce n’est pas fait pour l’instant…

Ils ont déjà beaucoup de pouvoirs, c’est effectivement la collectivité la plus décentralisée, mais l’Etat sera là pour les accompagner, sur le plan, encore une fois, financier et aussi sur le plan a d’ingénierie d’accompagnement technique, c’est très important.

C’est ce qu’a expliqué le président hier. Quand vous les avez quittés, quel était le climat entre vous et eux, ils viendront discuter ?

Oui, bien sûr, ils l’ont dit dans leur réaction, ils continuent la discussion, parce que…

Le dialogue n’est pas rompu ?

Le dialogue n’est pas rompu, et nous attendons qu’ils nous fassent des propositions, parce que le président de la République a dit : maintenant, il faut entrer dans le détail…

Alors là, on parle de la révision constitutionnelle ?

Non, pas seulement, il y a aussi le premier point que vous venez de… il faut entrer dans le détail, quand vous avez besoin d’aide, de soutien, dites-nous comment il faut le faire ! Dites-nous aussi si la loi montagne et la loi littoral est une gêne ou pas pour la construction de logements, parce que c’est vrai, il y a des constatations que nous faisons avec eux, par exemple, la crise du logement est quelque chose de très important, mais nous pensons que le statut de résident est une mauvaise réponse.

Ça, ça a été dit fermement par le président, et il y aura effectivement éventuellement une révision de la loi littoral, il l’a dit. Discuter de la révision constitutionnelle, c’est encore un peu vague ce qu’a dit le président, un peu flou, hier, ça consistera à introduire dans la Constitution, la reconnaissance de l’identité corse, c’est bien cela ?

Oui…

En passant par, alors, c’est un peu technique, mais c’est important aussi, parce que les articles sont très différents, l’article 72 sera enrichi d’une mention sur la Corse ?

Alors, je vais vous dire, il y a deux choses dans la révision constitutionnelle, première chose, dans l’article 72, le droit à la différenciation, nous en avons beaucoup parlé avec eux, c’est-à-dire, la possibilité, au fond, d’appliquer – je le fais simplement – les lois et les règlements différemment selon les territoires. Bien sûr, ça sera une loi qui concernera l’ensemble du territoire français. Et c’est très important, bien évidemment…

… Toutes les collectivités locales… territoriales sont concernées ?

Oui. Alors, les Corses, eux, demandent à ce qu’il y ait une reconnaissance de la Corse comme territoire spécifique, et c’est une revendication ancienne, et quand j’y suis allée en janvier, par exemple, le président de l’exécutif, m’a donné les délibérations réclamant l’inscription de la Corse dans l’article 72. Et, c’est une revendication qui venait aussi des assemblées dirigées par GIACOBBI, il y avait une continuité dans cette revendication. Et c’est, pour la première fois, le président de la République a dit : oui, je suis prêt à inscrire la Corse dans la Constitution…

Pour qu’on comprenne bien, pour que nos auditeurs comprennent les implications, ce sera symbolique ou est-ce que ça ouvrira la voie à de nouveaux pouvoirs par exemple ?

Eh bien, ça ne sera pas que symbolique, et c’est là aussi où il faut entrer dans le détail, ça peut donner lieu à de nouvelles responsabilités pour l’Assemblée et l’exécutif de Corse. Mais dans la République, c’est-à-dire…

Toujours dans le cadre de l’article 72, pas l’article 73 ?

Alors, ah non, alors, il y a aussi l’article 73 qui concerne les territoires d’Outre-mer, et il y a l’article 74, qui concerne la Nouvelle-Calédonie. Statut particulier, et donc maintenant, nous avons vu que les Corses, enfin, quand je dis les Corses, le chef de l’exécutif et le chef de l’Assemblée réclament plutôt l’article 74 que l’article 72, mais c’est une évolution de leur part, mais vous voyez, à chaque fois, ce qui est un peu…

Non, mais pour être clair, jusqu’où vous irez ? Jusqu’où vous irez ?

Pour y voir clair, nous, nous sommes constants dans notre position, c‘est-à-dire : la Corse fait partie, est au cœur de la République, a dit le président de la République hier. Nous voulons bien qu’ils aillent vers une autonomie liée à leur spécificité, c’était le discours de Furiani. Le président de la République est constant…

Oui, mais ce n’est pas clair, les territoires, ils vont…

Mais si, c’est clair…

Par exemple, la Corse va rester dans la France métropolitaine, par exemple, La Réunion, Mayotte, quand on parle de ces  territoires, on ne parle pas de la métropole, après…

C’est des territoires d’Outre-mer…

C’est des territoires d’Outre-mer, est-ce que la Corse restera associée à la métropole…

Mais, bien sûr, bien sûr…

D’accord, est-ce que la révision constitutionnelle, c’est ce que vous sous-entendez, n’ira pas jusqu’à l’article 74, ce sera l’article 72, c’est un peu technique, mais c’est important, pour l’instant, on est un peu dans le vague ?

Non, je ne suis pas dans le vague, c’est-à-dire que la Corse restera dans la République et ne sera pas dans un article qui peut imaginer qu’il aille vers l’indépendance. D’ailleurs, je ne comprends pas très bien la position, parce qu’un des grands changements qu’a annoncé le président de l’exécutif, c’est de dire : notre alliance, parce que j’ai fait l’alliance avec les indépendantistes pour deux raisons, pour abandonner l’idée de l’indépendance et pour qu’il y ait la paix civile, eh bien, nous sommes d’accord avec cela.

Toute petite question, il a rencontré la femme d’Yvan COLONNA, la veille, c’était complètement par hasard ou c’était impromptu ou pas ?

C’était complètement par hasard…

Parce que ça semblait un peu monté…

Et en tout cas, je ne suis pas sûre que ça soit la femme d’Yvan COLONNA, c’est une dame qui a eu un enfant avec Yvan COLONNA.

Ce n’était pas l’épouse d’Yvan COLONNA, contrairement à ce qu’on a dit. Merci beaucoup Jacqueline GOURAULT. On y reviendra, bien sûr, sur l’affaire Corse. Merci d’avoir été avec nous ce matin.

Yves Calvi : Mais elle reste très certainement la mère de son enfant. Ils poussent le bouchon toujours un peu plus loin, vient de nous dire Jacqueline GOURAULT, nous sommes constants, nous, dans nos propositions, et nous attendons désormais des élus corses qu’ils nous fassent des propositions.

 

 

 

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