"Dans les temps difficiles dans lesquels nous sommes, les Français ont besoin qu'on leur propose une vision"

Marielle de Sarnez était jeudi 16 février l'invitée de "L'interview politique" d'i>Télé. Au micro de Caroline Delage, la vice-présidente du Mouvement Démocrate a commenté les grands sujets d'actualité : élection présidentielle, annonce du parquet financier, propos d'Emmanuel Macron sur la guerre d'Algérie, CETA, embrasement des banlieues...

L’une des actualités du jour, c’est cette annonce du parquet financier qui n’envisage pas, pour le moment, le classement sans suite de l’affaire Penelope Fillon. François Fillon est plus que jamais déterminé à aller jusqu’au bout. Il s’acharne, selon vous ?

Oui, moi c’est quelque chose que je ne comprends pas, et d’ailleurs je ne suis pas la seule. Il y a beaucoup de gens chez Les Républicains, des parlementaires qui ne comprennent pas, et il y a beaucoup de citoyens français qui ne comprennent pas. Je pense que François Fillon fragilise l’alternance, je crois que le pays a vraiment besoin d’une alternance, je pense qu’il la met probablement en danger, et je trouve que tout ça ne va pas. Mais de toute façon, cette présidentielle au jour d’aujourd’hui, elle est plutôt mal engagée, les Français le voient bien et regardent tout ça avec beaucoup de recul et du désarroi, il y a aussi quelquefois de la colère, on voit bien que tout ça ne se déroule pas comme ça devrait se passer.

Il devrait se retirer, selon vous ?

Ecoutez, franchement, tous ses amis ont suggéré ou proposé qu’il se retire, visiblement il ne le souhaite pas.

Pas tous, mais certains.

Oui, mais je crois qu’ils ont tous plusieurs discours, à l’intérieur et à l’extérieur. Mais enfin, on voit bien qu’il est passé, il y a 2 mois et demi à plus de 30% dans les sondages, à en-dessous de 20 aujourd’hui, et tout cela menace l’alternance. Après, c’est le choix des Républicains, nous avions soutenu Alain Juppé, et moi j’avais, avec François Fillon, une difficulté depuis le premier jour sur son projet. Je trouvais qu’il n’était pas au point d’équilibre de la France et de l’attente, des attentes des Français, que c’était un projet trop dur.

Quelque chose qui vous gênait en particulier ?

Oui bien sûr, la fin des heures supplémentaires, la suppression de 500 000 emplois de fonctionnaires, la hausse de la TVA, encore des hausses d’impôts, laisser filer le déficit les premières années... Oui, beaucoup de choses ne trouvaient pas notre accord, et ne trouvaient pas l’accord des Français. Donc moi je crois qu’on va avoir, qu’on a aujourd’hui, un spectacle des présidentielles qui peut inquiéter les Français. On a des candidats qui sont faibles ou fragilisés, c’est pourtant une élection majeure, dans des temps extrêmement difficiles pour le pays, pour l’Europe, pour le monde, et je trouve que pour le moment ça manque de vision, ça manque de solidité, et ça manque de perspective.

Pour le moment, jusqu’à ce que François Bayrou se déclare candidat ?

On va voir, il n’a pas pris sa décision, il la prendra avant le 23 février, le 23 février vous le savez c’est la date où les maires et les élus peuvent commencer à parrainer les candidats. C’est deux mois avant l’élection présidentielle, il nous semble que c’est une bonne date pour faire un choix, pour annoncer ce choix, il l’annoncera donc avant le 23 février.

D’après notre enquête quotidienne faite par Ifop Fiducial pour iTélé, Paris Match et Sud Radio, François Bayrou est crédité de 5% des suffrages. Est-ce que c’est quelque chose qui peut l’encourager à ne pas se présenter ? En dessous de 5%, on n’est pas remboursé des frais de campagne.

C’est assez drôle, ce rolling que vous avez, parce que François Bayrou est le seul qui ne soit pas candidat. Donc je trouve que 5% sans même être candidat, c’est plutôt pas mal. C’est un peu surréaliste ces intentions de votes, parce que tous les autres sont candidats, François Bayrou ne l’est pas, c’est une décision qu’il prendra, et c’est un choix qu’il aura à faire avec un seul critère : pour le bien du pays. Il fera tout pour que le pays s’en sorte. C’est ça qui nous anime, c’est cette seule perspective, et c’est donc un choix qui est important, et qu’il annoncera la semaine prochaine.

Est-ce que vous, Marielle de Sarnez, vous avez envie qu’il se présente ?

Ecoutez, moi je mûris une sorte d’intuition, mais je ne vais peut-être pas vous en faire part ce soir. Sa décision n’est pas prise, et moi je comprends très bien les arguments : il y a une offre politique devant nous, devant nos yeux et devant les yeux des Français, qui n’est pas satisfaisante. Il n’y a pas de vision, il n’y a pas de solidité, il n’y a pas de présidentialité qui s’impose, et il y a une très grande fragilité des candidats dans un temps où les défis et les enjeux sont extrêmement nombreux. Il y a la question du Front National, Marine Le Pen aujourd’hui fait campagne en tête, et derrière, les candidats qui sont là ne la font pas baisser. Ils ne créent pas de dynamique, ce sont des candidats qui se tiennent tous dans un mouchoir de poche, donc vous savez bien qu’on a un choix à prendre, soit une candidature pour porter une vision, soit rendre possible des rassemblements larges comme nous avions essayé de le faire avec Alain Juppé. Est-ce que le cadre de la présidentielle est définitivement écrit à l’heure où je vous parle ? Est-ce que François Fillon sera encore candidat la semaine prochaine ? Il y a encore des interrogations, et donc oui, il faudra encore attendre le 23 février.

Et s’il y a rassemblement, ce serait plutôt avec Emmanuel Macron ?

Il faudra attendre le 23 février, je vous l’ai dit. Ce serait évidemment un rassemblement qui soit compatible avec nous, Alain Juppé l’était tout à fait.

Emmanuel Macron l’est ?

Moi j’ai des interrogations sur Emmanuel Macron, même pas sur son programme et son projet, mais sur sa vision, au fond. Qu’est-ce qu’il porte pour la France ? Quelle est son idée du pays ? Je reconnais que j’ai ces interrogations pour l’ensemble des candidats, je trouve qu’il y a un manque de vision, on ne voit absolument pas quel va être le thème majeur de l’élection présidentielle, et pour le moment, ce qu’on a devant les yeux, c’est plutôt décevant.

Justement, Emmanuel Macron fait polémique aujourd’hui après ce qu’il a dit sur la colonisation française en Algérie, qu’il a qualifiée de crime contre l’humanité. Vous en pensez quoi ?

Je pense qu’il faut faire attention aux mots qu’on emploie, aux termes qu’on utilise. Il faut faire attention avec l’Histoire. Crime contre l’humanité, pour moi c’est 1945, Nuremberg, c’est la Shoah. Et je pense qu’il y a des millions de Français qui pensent la même chose que moi.

Il y en a d’autres, des crimes contre l’humanité, malheureusement.

Ecoutez, il y a des génocides. Crime contre l’humanité, dans notre histoire, dans notre collectif, je trouve que c’est ça. Et mettre sur le même plan colonisation et Shoah, je pense qu’il y a beaucoup de Français que ça déstabilise. On sait bien qu’il y a quelquefois des lumières, mais surtout beaucoup d’ombres dans la colonisation, on sait bien que la guerre d’Algérie a été une sale guerre, comme beaucoup de guerres. Une vraie sale guerre. Mais il faut faire attention aux termes qu’on utilise. Il faut essayer de penser juste avec les termes appropriés.

C’est quoi le terme approprié alors ?

On peut dire qu’il y a beaucoup d’ombre sur la colonisation, on peut revenir dessus, on peut aussi passer notre temps à regarder en arrière, mais on peut aussi construire quelque chose. Il y a urgence à construire une nouvelle relation avec l’Algérie. C’est un grand pays, qui est aux portes de l’Europe, aux portes de la France, avec lequel nous avons cette histoire compliquée. Bien évidemment, il faut aussi avancer, et se créer un avenir commun dans le monde tel qu’il est, nous avons intérêt ensemble, France et Algérie, et tous les autres pays qui nous entourent, à avoir des relations apaisées et tournées vers l’avenir.

Mais c’est possible quand l’abcès n’est pas crevé ?

Il y a eu beaucoup de choses justes qui ont été dites sur la guerre d’Algérie, énormément, et sur la colonisation, mais moi je ne défends pas une thèse. Je dis juste qu’il y a des termes et des mots qui ont un sens dans l’Histoire, et que ce sens-là, il faut leur laisser. C’est simplement ça que j’ai dit.

François Bayrou met en garde contre un embrasement des banlieues, c’est dans l’actualité depuis plusieurs jours, depuis l’arrestation brutale du jeune Théo. Vous pensez que le gouvernement est dépassé par la situation ?

Je pense que c’est une situation difficile, mais qui ne date pas d’aujourd’hui. On avait eu aussi ça il y a plusieurs années.

En 2005. Vous pensez que c’est pareil ?

Ecoutez, en tous les cas, à chaque fois ça y ressemble. On a mis, c’est ce que François Bayrou dit souvent, beaucoup d’argent dans tout ce qui était matériel, immeubles qu’on a pu refaire, urbanisme. Mais peut-être qu’on n’a pas mis assez dans l’humain. La suppression de la police de proximité était une mauvaise chose, tout le monde le dit à peu près, une police qui soit là au quotidien. Que la seule relation en matière de sécurité soit avec des policiers qui à chaque fois viennent de l’extérieur uniquement pour la répression - ce qui est normal quand il y a des troubles, des troubles lourds à l’ordre public - ça n’est pas la manière dont ça devrait se passer. Oui, la police de proximité était une bonne chose, oui, les renseignements généraux aussi étaient une bonne chose pour assurer la sécurité intérieure du territoire. Et puis il y a aussi toute la question de l’éducation, de donner de l’espoir dans les banlieues, c’est l’emploi et c’est l’éducation. On a une école aujourd’hui qui ne remplit plus ses objectifs. Quand vous avez près de 40% des classes d’âges qui rentrent en 6e sans maîtriser parfaitement le français, sans savoir lire ou comprendre ce qu’on lit, et maîtriser ce qu’on lit, évidemment nous courons à l’échec. Donc il y a beaucoup de choses à rebâtir en France, c’est pour ça que cette élection présidentielle est essentielle et importante au moment dans lequel nous sommes.

Et la proposition de François Fillon, de baisser la majorité pénale à 16 ans, vous trouvez que c’est une bonne idée ?

J’ai l’impression que ça fait 15 ans que la droite dit cela. Je ne suis pas idéologiquement fermée, mais ça fait 15 ans qu’ils l’annoncent, et ils ne l’ont jamais fait. C’est une première question. Ensuite, à 16 ans, il y a aussi, on l’a vu, des jeunes de 15, 14, 13 ans qui sont concernés, donc ce qu’il faut ce sont des réponses appropriées en matière de sécurité pour tous ces jeunes mineurs. J’ai le sentiment que ça ne l’est pas. Et moi je crois profondément que la première fois qu’un mineur commet un délit, il faut une sanction réparation immédiate. Il ne faut pas un jugement des semaines, des mois après. Il faut que ça soit dans l’immédiateté, que la sanction ait une vraie valeur de réparation.

Un mot sur le CETA, le traité de libre-échange entre l’UE et le Canada, vous avez voté pour ? Contre ?

Non, je me suis abstenue.

Pourquoi ?

Parce que je ne suis pas hostile à ce qu’on ait des accords de commerce, mais je pense que nous sommes dans une époque où on ne peut plus continuer à négocier tout ça dans une forme d’opacité, lancer des négociations sans que ça concerne les opinions publiques, sans leur dire de quoi il relève, parce que bien évidemment ça crée d’immenses problèmes, on le voit bien. Il y a donc une question démocratique. Et puis la deuxième question, c’est que l’Union européenne ne peut pas passer son temps à dire « on va créer de la croissance en faisant du libre-échange ». Elle doit dire « on va créer de la croissance en travaillant chez nous, en défendant nos intérêts, en ayant une industrie commune, des investissements signifiants, en mettant en commun un budget, en investissant sur la recherche ». Bref, faire de la politique. Ne pas seulement avoir une monnaie commune, mais avoir ensemble une politique économique commune.

Emmanuel Macron c’est le seul candidat à la présidentielle qui soutienne ce CETA. Ca ne vous gêne pas ? Dans le cadre d’un éventuel accord ?

Ce n’est pas la question majeure. Ce traité doit maintenant être ratifié par tous les parlements nationaux, donc il ne sera pas en vigueur avant un certain temps.

Mais il s’applique provisoirement, partiellement.

C’est ça qui est compliqué. C’est compliqué pour les citoyens. Il s’applique partiellement, mais comme c’est un accord dit mixte, c’est-à-dire qu’il conserve les textes fondamentaux et les législations des pays qui composent l’UE, il faut ensuite qu’il soit ratifié par l’ensemble des parlements. Il va s’appliquer pour une partie, toute la partie qui n’est pas mixte, mais pour tout ce qui est préservation des accords d’investissements, tribunal d’arbitrage, tout ceci sera mis de côté jusqu’à la ratification des parlements nationaux. Mais moi je vous dis, si je me suis abstenue, c’est que je pense qu’on ne peut plus faire du libre-échange l’alpha et l’oméga de la politique européenne. On peut faire du commerce, mais il faut que l’Europe se réveille. Il faut qu’elle construise sa propre croissance. Il faut qu’à l’occasion de l’anniversaire de la signature du traité de Rome, le 25 mars, on mette en route un noyau dur de l’Union européenne parmi les pays de la zone euro qui décident d’avancer ensemble. Si on n’avance pas, on recule, et si on recule, on va mourir.

Un mot sur Paris, le parlement a donné son feu vert définitif pour la réforme du statut de Paris, et le regroupement des 4 premiers arrondissements. Vous êtes pour ?

J’espère qu’il n’y a pas d’arrière-pensées électorales. J’ai toujours des craintes quand je vois des réformes arriver comme ça, moi je suis pour, depuis très longtemps, une simplification, pas seulement sur Paris mais aussi autour de Paris. Paris est ville et département, il faut que Paris soit ville. On a en Île-de-France trop de strates de décisions, on a les conseils départementaux, on a le conseil régional, on a la Métropole du Grand Paris, on a le Grand Paris Express, on a le STIF... Bref, on n’a pas le temps de rentrer dans tous les détails, je pense que les citoyens s’y perdent, et qu’il va falloir là aussi de la simplification.

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