Discours de clôture de François Bayrou à l'Université de rentrée du Mouvement Démocrate 2018

Nous vous invitons à découvrir le discours de clôture de François Bayrou, à l'Université de rentrée du Mouvement Démocrate.

 

Nous avons été très nombreux à notre rendez-vous de rentrée. Plus de huit cents, et au total plus de mille militants engagés, beaucoup d'observateurs, de journalistes bien sûr, que je salue, et des responsables gouvernementaux, des partenaires européens, des amis de la majorité.  Et j'ai été, nous sommes, nous avons tous été, très fiers de ce rassemblement et de cet engagement.

Pour moi, ce succès a une signification. Ce succès, c'est celui de notre unité. L'amitié qui nous a soudés depuis longtemps, les combats que nous avons partagés, le chemin que nous avons fait ensemble, quelle que soit notre responsabilité, que nous soyons engagés récemment ou que nous ayons fait ce choix depuis des années, cette unité, c'est la condition même de notre capacité à nous faire entendre, et c'est la condition même de notre poids dans la vie politique française. 

Nos ministres, Jacqueline, Geneviève (oui, vous pouvez les applaudir) ; notre groupe, Marc à la présidence du groupe, Marielle à la présidence de la commission des affaires étrangères ; Jean-Louis, par la voix -comment dirais-je- originale et unique qui est la sienne… je devrais citer chacun et chacune de nos députés ; les sénateurs, Jean-Marie Vanlerenberghe qui n'est pas là cette année mais à qui je pense et à qui on rapportera ces propos ; les parlementaires européens, Nathalie (Griesbeck) ; notre mouvement, Yann, autour de toi ; nos porte-parole qui sont actifs, Jean-Noël et Sarah ; les responsables de terrain et, cela a été dit, tous les membres de notre équipe, permanents et bénévoles : permanents à qui on ne rend pas assez souvent hommage, et bénévoles qui font un travail remarquable. 

Il ne faut pas que nous nous trompions : c'est cette unité, qui a été forgée dans temps moins faciles, qui nous a faits ce que nous sommes aujourd'hui, et qui va faire ce que nous serons demain. 

Et ensuite, la constance de notre ligne politique, la stabilité de nos choix, la précision des orientations que nous avons suivies et très longtemps formulées avant que beaucoup d'autres, dans la vie politique française ne s'y rendent — je pense par exemple aux finances publiques, à la dette, qui ont été des sujets, à la démocratie, aux problèmes démocratiques, à la moralisation de la vie publique —, tout ce qui a fait au cours des années notre engagement, cette stabilité dans nos choix, est aussi un élément de notre audience. 

Et puis, l'exigence que nous exprimons, jour après jour, devant les Français, et en vérité au nom des Français, cette exigence est un appel au dépassement de tous.

Je veux revenir en un mot -Christophe (Castaner) tu l'as fait- sur l'élection présidentielle de 2017 : cette élection présidentielle, cet immense coup de tonnerre sur la vie politique française et les élections législatives qui l'ont suivie, ce tsunami politique que nous sentions venir et que nous annoncions depuis des années, depuis quinze ans, mais que personne autour de nous ne prévoyait, et personne ne s'y attendait.

Alors, il faut que nous mesurions très bien que cet événement majeur-là, l'effondrement du système politique qui avait exaspéré les Français, et le surgissement de forces politiques nouvelles, d'une alliance politique nouvelle, cet événement-là, l'essentiel du monde politique traditionnel a toujours du mal à en prendre la mesure. Pour une très grande partie d'entre eux, ils n'arrivent pas à savoir ce que c'est que cet objet politique, qui jusqu'alors était non identifié (parenthèse : nous, nous l'avions parfaitement identifié, fermez la parenthèse). Mais le monde politique traditionnel, il est devant ce surgissement comme une poule devant un couteau : ils ne savent pas quoi en faire. Et alors, ne sachant pas quoi en faire, ils pensent, pour la majorité d'entre eux, qu'il n'y a eu là qu'un accident. Ils pensent, pour la majorité d'entre eux, que c'était un coup de hasard, qui ouvre une parenthèse, et que le plus urgent est de refermer bien vite cette parenthèse, et le plus tôt sera le mieux, et on en reviendra au confort du monde bipolaire ancien.

C'est cela qu'ils pensent. Et je veux dire en notre nom que nous, nous n'en croyons rien. Nous croyons exactement le contraire. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un accident, et d'ailleurs je ne crois pas beaucoup aux accidents en général. Dans la vie, dans le destin des gens, et dans les sociétés. Je ne crois pas qu'il y ait un historien ou un sociologue sérieux, et un citoyen sérieux, qui pense que les accidents sont la loi de l'histoire et qui ne voit pas les causes profondes qui se préparaient depuis longtemps et qui font que les événements interviennent. Nous, sous les événements, nous voulons distinguer les causes. Et nous le faisons depuis longtemps. Le tsunami du printemps 2017 avait une cause profonde, et qui était le rejet par les citoyens, chacun pour leur propre compte, d'une vie politique stérile à laquelle ils étaient condamnés depuis des années. C'est ça, les causes du printemps 2017.

Le surgissement d'Emmanuel Macron et de l'équipe qui l'entoure, l'alliance que nous avons établie avec lui, ces coups de tonnerre, cette déflagration, ont été profondément bienfaisants pour la France. Si cet événement n'était pas intervenu, Marielle l'a dit, si cet événement n'était pas intervenu, aussi soudain, aussi inattendu, alors le plus grave était possible. Car le rejet n'aurait pas disparu, il serait resté le même, et comme il n'aurait pas trouvé cette forme pacifique et optimiste, il se serait enflammé. Et au lieu de prendre la forme -pardonnez-moi cette image végétale- d'une pousse nouvelle sur le vieux tronc républicain, alors il aurait pu choisir un extrémisme ou un autre, et menacer et mettre à bas ce que la société française et notre pays ont de plus précieux.

Et c'est pourquoi je trouve que dans toutes nos discussions légitimes, dans nos débats légitimes, dans nos impatiences, parfois dans nos critiques, nous ne devons jamais oublier la gravité du défi que nous avons eu à relever. L'importance de ce dont les Français nous ont confié la charge, qui est le renouvellement du pacte républicain, du pacte démocratique, qui est l'ADN même de la France.

Les Français, "les gens" comme disent les amis de Mélenchon, les citoyens comme nous disons et comme nous sommes fiers de dire, se sont tournés vers nous, vers Emmanuel Macron et vers ceux qui l'entourent, comme un recours et peut-être même comme un ultime recours. Entre les mains de ce jeune Président et de ses amis, ils ont placé leur amertume pour qu'elle soit conjurée, et leurs espoirs pour qu'ils soient pris en charge.

C'est pourquoi ce n'était pas une alternance ordinaire, c'était l'appel à une renaissance, et cet appel est toujours présent, toujours impatient, toujours exigeant. C'est à cet appel-là que nous devons répondre. Et je me dis que s'il arrive, les jours passant, qu'on oublie, il arrive que tout le monde l'oublie, que les commentateurs l'oublient, et les acteurs parfois aussi, nous, nous ne devons pas l'oublier, c'est notre mission de le rappeler et de répondre à cette attente.  

Je veux reprendre cette amertume. Il y a un très beau poème de Paul Eluard -on cite beaucoup moins Eluard aujourd'hui- j'ai même donné le nom de ce poème à une de mes filles qui s'appelle Dominique, aujourd'hui présente. C'est l'évocation du basculement d'un temps de désespoir amoureux à un temps d'espérance et de renouvellement. Cela commence ainsi : "Toutes les choses au hasard, tous les mots dits sans y penser, et qui sont pris comme ils sont dits, et nul n'y perd et nul n'y gagne, les sentiments à la dérive et l'effort le plus quotidien, le vague souvenir des songes, l'avenir en butte à demain, les mots coincés dans un enfer de mots usés, de lignes mortes". C'est exactement la situation démocratique dans laquelle nous nous trouvions. Personne n'y croyait plus, tout le monde avait le sentiment que les mots étaient usés, que les lignes étaient mortes, que rien n'était vivant et vital dans la vie politique française. Et c'est à cela qu'a répondu cette élection à laquelle nous avons participé.

Et donc ce qui a surgi au printemps 2017, par chance ou par providence, c'est une renaissance de l'espoir français, du goût de vivre de notre peuple, de son envie de faire l'histoire, un refus de la résignation. Et cet espoir a pris le visage de cet homme jeune et audacieux, qui portait en bannière l'optimisme et la bienveillance. Cet espoir a pris le visage de ce jeune homme de Picardie et des Pyrénées — et l'un et l'autre sont, vous le comprendrez bien, importants — comme un appel à l'avenir, comme un appel à retrouver le sens de la vie. Et cela a été vu dans le monde entier, dans le monde entier, et parfois je me demande si cela n'a pas été vu davantage dans le monde entier que dans notre propre pays, comme un signe : un signe pour la France, un signe pour l'Europe qui n'y croyait plus et qui s'attendait au pire, un signe pour le Monde, qui a ouvert ce que Jean-Yves Le Drian, en nous accueillant à Guidel, a nommé "le moment français".

À ce surgissement, nous avons puissamment contribué. Nous nous sommes engagés, sans marchandage et sans arrière-pensée. Et les Français ont adhéré immédiatement à ce qu'ils ont senti comme un nouvel acte de la campagne présidentielle. Dans un moment de découragement de la nation, comme cela s'est produit si souvent dans l'histoire, notre grand courant politique, le grand courant de la démocratie française, démocratie chrétienne pour les uns, démocratie laïque pour les autres, démocratie humaniste pour les troisièmes, ce grand courant de la démocratie française a été du côté où il n'a jamais cessé d'être, c'est-à-dire du côté de l'espoir contre la résignation. Et je suis très fier que nous ayons fait cela ensemble.

Et c'est de cela, qui dépasse de loin les questions de partis, de loin les questions d'appareils, de loin les questions d'étiquette, de loin, de très loin, les questions de marchandage, c'est de cela, de cet espoir-là, que nous avons à répondre.

Dans l'élection présidentielle, là encore Marielle l'a dit hier, il y a quelque chose de magique, c'est que tout le monde, une fois le résultat acquis et l'installation achevée, tout le monde a adhéré. Pas seulement les électeurs d'Emmanuel Macron, ni au premier ni au deuxième tour de l'élection présidentielle: tous les Français ont adhéré. Tous ont eu un moment où ils ont souhaité, cru, imaginé, espéré, et attendu que cette élection ouvre une ère nouvelle pour notre pays, notre société, pour la France.

Et le travail de réforme qui a été conduit par le gouvernement, sous l'impulsion d'Edouard Philippe, a été ces derniers mois, ces premiers mois, très important.

Je commence en deux mots le bilan de ces mois-là : permettez-moi de citer en premier l'Education nationale. Ce n'est pas par hasard que nous avons accueilli Jean-Michel Blanquer si chaleureusement hier. S'il est un domaine où le peuple français, chacun dans sa famille, où le peuple français a pu mesurer que quelque chose était en train de se produire, un changement de cap, c'est l'Education nationale. La personnalité, permettez-moi de la qualifier d'éminente, de Jean-Michel Blanquer, le refus du renoncement qu'il a porté, cela s'est matérialisé immédiatement par une des mesures les plus sociales, les plus optimistes et les plus justes qu'on pouvait trouver, c'est-à-dire le dédoublement des classes de cours préparatoire et de cours élémentaire dans les zones en difficulté sociale. Et c'est un grand succès du gouvernement, qui restera dans l'histoire, parce que je le crois, personne ne reviendra sur cette orientation.

De la même manière, moi qui ai des collègues dans cette salle, le rétablissement des humanités, la restauration de cette œuvre précieuse qui est la transmission des sources de notre humanisme, dans l'Education nationale, alors que le gouvernement précédent avait tenté (et quasiment réussi) de les éradiquer, c'est un grand succès dont je suis très fier. Et l'adhésion des enseignants, des salles de profs, de ceux qui font l'Education nationale au quotidien, comme des parents, les devoirs faits -nous avions mis en place cette mesure il y a quelque temps, du temps où nous avions la responsabilité du ministère- les devoirs faits c'est un grand progrès pour les familles, l'engagement des enseignants dans les devoirs des enfants. Il se passe, ont dit beaucoup de familles, il se passe enfin quelque chose.

Mais ce n'est pas le seul domaine : le droit du travail, l'orientation professionnelle et la formation professionnelle, la fiscalité des entreprises et des investissements productifs, les heures supplémentaires, cette décision à laquelle personne ne croyait, le reste à charge zéro, comme on dit, c'est-à-dire, au bout du compte, la possibilité pour tout citoyen assuré social d'avoir des lunettes et des systèmes auditifs sans avoir à débourser les fortunes qu'il fallait débourser avant, c'est un très grand succès, et nous avons le droit d'être fiers de cela. Et nous avons le droit de réclamer, ce gouvernement a le droit de réclamer la paternité d'un changement profond pour la société française.

Et puis il y a —et pour moi cela a été très important— les deux grandes orientations de cette rentrée : pour nous qui pensons, qui pensions depuis le premier jour, et qui pensons chaque jour, que doivent aller de pair « en même temps » le grand effort d'efficacité dirigé vers la créativité de la pensée, de la société, des entreprises, des chercheurs, des innovateurs… et le grand effort de solidarité, grand effort d'efficacité allant de pair avec le grand effort de solidarité, entre Français, d'un bout à l'autre de l'échelle sociale, alors nous avons vu comme deux signaux très importants le Plan de lutte contre la pauvreté et le Plan santé.

J'ai été frappé de l'accueil fait à ces deux plans. On a l'habitude depuis longtemps de voir de grandes annonces gouvernementales, entourées généralement du scepticisme le plus absolu de la part des secteurs et de ceux qui en sont les principaux responsables. Et cette fois-ci les deux plans, notamment dans le secteur des associations, notamment dans le secteur des organisations professionnelles s'agissant de la santé, ces deux plans ont été remarquablement bien accueillis. Sereinement, parce qu'il y avait eu beaucoup de concertation et beaucoup de participation dans l'élaboration de ces plans. Et largement soutenu dans l'opinion publique, en tout cas dans la partie de l'opinion publique qui a entendu ces plans. Et ceci est évidemment une question pour chacun d'entre nous.

Quelque chose se passe, s'est passé, avec l'annonce de ces plans, quelque chose dans la lutte contre la pauvreté, c'est-à-dire dans le fait qu'on décide de s'attaquer à la pauvreté dans sa transmission, dès la petite enfance. Et nous savons la part de destin injuste qu'il y a dans le fait qu'on est, comme dit Emmanuel Macron, assigné à résidence dès qu'on naît : dans un milieu, une classe sociale, parce que, par exemple, on n'a pas la chance de disposer de la langue, on est bloqué dans l'impasse de l'expression. Et tous les enseignants savent qu'au surplus cela produit de la violence. Le fait qu'on décide de s'attaquer précisément à la transmission de la pauvreté dans l'enfance, eh bien, en ajoutant une volonté d'accompagnement pour les plus pauvres, non pas vers l'allocation, mais vers le travail, c'est-à-dire vers l'indépendance, la fierté, et au bout du compte la liberté, cela est pour nous, de même que ce qui s'est passé dans la santé, c'est pour nous essentiel !

L'annonce d'une nouvelle stratégie, d'une nouvelle organisation -dont on a peu parlé, parce qu'une information chasse l'autre, et peut-être parce que les émetteurs d'informations n'ont pas réfléchi assez à la manière dont on peut atteindre les citoyens derrière leur écran de télévision, assaillis qu'ils sont par la multiplicité des nouvelles comme on dit- eh bien dans la Santé, nouvelle organisation de la formation des médecins, priorité enfin donnée à la prévention, à la médecine générale, qui est une médecine de première ligne, à la cohérence de la prise en charge, non plus acte par acte, mais dans le parcours de soins, c'est-à-dire de la prévention jusqu'à la guérison de la maladie. Mais tout cela, c'est une révolution ! Ce ne sont pas des changements anodins à la surface du système ! Tous ceux qui connaissent l'hôpital savent que la proposition d'une prise en charge qui n'est plus celle de la tarification par l'activité seulement, qui entraîne des problèmes de codage des actes, et parfois l'obsession du codage des actes, tout cela c'est une révolution, et nous devons considérer que cette révolution-là, elle répond à une demande profonde de la société française. Et c'est pourquoi il est juste et il est important que nous nous inscrivions en soutien de cette action !

Alors, d'où vient que la rentrée, comme l'a dit le Premier ministre devant les députés de notre groupe, soit une rentrée difficile ? Que les études d'opinion, les sondages divers et variés, montrent quelque chose qui s'apparente ou rappelle la morosité des temps précédents ?

Je ne vais éluder aucune question parce que je trouve que c'est mieux, quand on est ensemble dans une réunion aussi importante, qu'on dise les choses comme elles sont.

Premièrement, les Français ont besoin non pas seulement de l'énoncé des réformes successives et séquentielles, mais les Français ont besoin d'un plan d'ensemble. La politique, ce n'est pas dossier après dossier, un dossier que qu'on ouvre et un dossier qu'on referme : il faut que s'exprime à l'intention des Français la vision qui organise ces réformes. On a besoin non pas seulement de savoir les pas que l'on fait, mais on a besoin de savoir où l'on va.

C'est très important, parce qu'à mes yeux -j'y reviendrai- c'est la charge principale du Président de la République que d'organiser ainsi l'action qu'il inspire, de faire que tous les citoyens qui lui ont confié cette charge suprême dans notre pays, suivent le développement de sa pensée et de son action.

Puis il y a eu (guillemets) "l'affaire" (guillemets) Benalla.

Je veux en parler très simplement.

Nous avons vécu cette semaine l'audition devant le Sénat du principal protagoniste de cet incident. Et nous avons appris, en tout cas pour moi c'était très important, et nous avons vu simplement se confirmer, ce que nous sentons depuis le début : on a voulu faire une affaire d'Etat d'un accident de parcours.

J'ai été frappé par la personnalité qui s'est révélée au cours de cette audition : une personnalité d'un jeune de 26 ou 27 ans, je ne sais plus, dont à l'écouter j'ai trouvé qu'il avait un haut potentiel, dont j'ai compris quel avait été le parcours, et ce jeune homme, nimbé par l'aura de l'Elysée, a été invité dans une manifestation où il n'aurait jamais dû être invité, et a fait un dérapage auquel il n'aurait jamais dû se laisser entraîner.

Cet accident de parcours méritait une sanction, il y a eu sanction. Mais il n'y a eu ni mise en danger de la République, ni mise en danger de l'Etat, ni quoi que ce soit qui justifie à mes yeux un tel barouf !

Alors cela a fait apparaître des problèmes, des problèmes d'organisation, dans l'appareil si complexe et depuis si longtemps un peu enfermé de l'Elysée. Il y a été porté remède.

Et puis cela a fait naître une difficulté institutionnelle, entre l'exécutif et le législatif, dans sa mission de contrôle, une crainte dont nous avons dit, dont j'ai dit dès la première minute qu'elle n'était pas fondée, une crainte d'ingérence excessive. Je voudrais dire ceci : tous les pouvoirs, de tous les temps, et singulièrement tous les pouvoirs exécutifs, et particulièrement tous les présidents, à un moment ou un autre, se sentent assiégés, ils se sentent ciblés par leurs opposants ou par la presse. Ils trouvent cela injuste, et quand cela m'arrive, moi-même je suis comme eux… Mais cette impression d'être assiégé est mauvaise conseillère. Et la colère est mauvaise conseillère. C'est le jeu des institutions, mouvement démocrate, c'est le jeu des institutions, et c'est le bienfait des démocraties. Le pouvoir appelle les contre-pouvoirs, et c'est heureux: le Parlement, la presse, les associations, l'opinion organisée, et le pouvoir doit accepter les contre-pouvoirs, les regarder comme nécessaires, et comprendre que c'est cet équilibre qui tient lieu de garde-fou, garde-fou pour le pouvoir ou les gouvernants eux-mêmes, et plus souvent garde-fou pour ceux qui les entourent. Il faut, nous sommes là pour ça, défendre cet équilibre des pouvoirs, défendre les contre-pouvoirs, et il faut acquérir cette philosophie, cette compréhension, et je dirai même cet humour, qui sont la plus efficace des défenses quand on est dans ces situations de responsabilité.

Et quand cela arrive, les oppositions, ou la presse propagent des contre-vérités, ou dépassent les bornes, et on en a vu un certain nombre d'exemples, alors il faut rectifier le plus efficacement et le plus précisément possible. Et je vous dis que l'opinion, au bout d'un certain temps, est parfaitement capable de juger et de remettre à sa place ce qui doit être remis à sa place.

Alors, c'est vrai, l'Elysée est un lieu clos, trop. Eh bien il y a un remède tout simple, il faut en sortir ! C'est un lieu où l'on se sent assiégé : eh bien il faut rompre le siège en s'adressant le plus souvent possible, et le plus régulièrement possible, aux Français.

Alors je sais bien, tous ceux qui s'intéressent au pouvoir, à son exercice, à ses symboles, à son image, je sais bien qu'il y a une théorie, que je connais bien, sur la parole présidentielle : c'est la théorie de la parole rare, s'appuyant sur le "tout ce qui est rare est cher". Cette théorie a été énoncée, construite, par un homme avec qui j'avais des liens d'amitié assidus, qui s'appelait Jacques Pilhan. Cette théorie a été construite par Jacques Pilhan pour François Mitterrand, et puis, par un basculement tout à fait inattendu de l'histoire, en partie appliquée pour Jacques Chirac, quand Jacques Pilhan est passé de conseiller de François Mitterrand, Président sortant, à conseiller de Jacques Chirac, Président entrant.

Mais, excusez-moi de le dire, ce ne sont pas les mêmes profils. François Mitterrand était couturé de cicatrices, il portait un poids d'Histoire (au singulier) et d'histoires (au pluriel) qui le portait naturellement vers le rôle de Sphynx, et il en jouait assez bien. Et Jacques Chirac en avait beaucoup vu aussi -et même il en avait beaucoup tu- si je puis me permettre de le dire.

Les profils ne sont pas les mêmes. Et les responsabilités non plus. Parce que le moment historique est particulier. Il y avait une gauche avant François Mitterrand -il n'en était pas, d'accord, mais il y avait une gauche avant François Mitterrand. Et il y avait une droite, naturellement, avant et autour de Jacques Chirac. Mais le mouvement majoritaire qui s'est affirmé au printemps 2017, ce mouvement central, que jusqu'alors nous défendions tout seuls et contre tous, ce mouvement central que nous pressentions, pour reprendre les affirmations de l'époque, de Barre à Rocard, de Balladur  à Delors, si vous vous souvenez des grandes déclarations qui ont fait de ce mouvement ce qu'il est, ce mouvement central-là, nous le défendions, il existait pour nous potentiellement, mais c'est l'élection d'Emmanuel Macron qui l'a révélé ! C'est sur la personne et l'aura d'Emmanuel Macron qu'il repose en très grande partie. Il faut donc le porter, l'animer, lui donner son sens, en affirmer le projet et — c'est ma conviction profonde — c'est le Président de la République qui doit le faire, qui doit le faire en France comme il le fait tous les jours en Europe et comme il le fait dans le Monde !

Et donc, lui qui a réussi à faire entendre cette voix française dans le monde, je suis persuadé qu'il est nécessaire et facile qu'il formule et incarne pour les Français le projet de société que nous portons et qui est la vraie raison de notre engagement.

Alors, après 2017 cher Christophe (Castaner), un mot de la majorité. D'abord pour te remercier d'être venu comme tu l'as fait, affrontant les embruns… mais c'est très agréable les embruns, à mes yeux en tout cas... Voilà, et donc, merci d'avoir été là.

Nous avons une responsabilité particulière, vous et nous, toi et moi. Cette responsabilité, c'est que nous avons la charge de deux partis différents par leur histoire, mais proches par leurs aspirations. Étonnamment différents par leur histoire, et étonnamment proches par leurs aspirations.

Savez-vous qu'il y a plusieurs dizaines de députés membres du groupe En Marche qui ont été adhérents au MoDem dans leur histoire ? Aucun d'entre vous ne peut ignorer que la déclaration de principe du MoDem à sa création, c'était précisément de faire lever une génération nouvelle de gens qui refusaient le clivage gauche-droite absurde, et qui voulaient — et qui ont tenu jusqu'au bout — renouveler la démarche politique du pays. Et donc, il y a une proximité dans les aspirations qui nous oblige à parler, non pas comme des concurrents, c'est complètement absurde, mais à parler comme co-responsables de la situation politique du pays, chacun à sa place, mais chacun dans une égale certitude de notre responsabilité. Nous sommes tous les deux en charge d'inventer de nouveaux modèles d'organisation, d'engagement, en charge de faire naître — c’est si important — une ressource humaine nouvelle sur les territoires, mais je veux dire que nous sommes dans une situation, tout le monde le sent bien, où il faut réaffirmer un principe qui est depuis longtemps le principe qui nous fait vivre. La majorité — la politique en général, la démocratie avec certitude —, la majorité a besoin de voix libres qui s'expriment en son sein. La majorité et les mouvements, mais la majorité a besoin de voix libres, pas de corset : alors c'est naturellement toujours quand on est responsable, et je n'échappe pas tout à fait à cette critique, on a envie que tout soit aligné, carré. Mais en réalité, la liberté d'expression, la liberté de pensée, est beaucoup plus fructueuse que ça. Et donc j'appelle tous ceux qui croient à cette vision de la majorité, à exprimer les attentes profondes et les propositions qui sont les leurs, sans que l'on considère qu'il y a une atteinte à quelque pacte majoritaire que ce soit.

Nous sommes là parce que nous sommes alliés, nous sommes là parce que nous sommes solidaires, et nous sommes là, c'est le plus important, parce que nous avons choisi librement cette alliance, cette solidarité, et nous continuerons à la faire entendre dans notre expression.

Je veux dire un petit mot des journalistes. Ils nous ont interrogés tous ces jours-ci en disant : "Mais est-ce qu'ils vont vous entendre ? Est-ce qu'ils vont faire des pas dans votre direction ? Est-ce qu'ils vont vous prendre en compte" ? Tout ceci est complètement extérieur à notre vision. Depuis très longtemps je sais une chose, on est entendu si l'on est fort. Soyons forts et nous serons entendus, il n'y a pas besoin d'autre concession de cet ordre. Cela, c'était quelques mots sur la majorité.

Je veux aborder un sujet qui est à mes yeux très important et dont je dois dire, j'en parle souvent avec Jacqueline Gourault, que je ne comprends pas la situation que nous avons laissé se créer. Je veux vous dire que nous avons une priorité absolue, c'est de reconstruire la confiance entre les responsables gouvernementaux et le terrain local, et les élus locaux.

Tout le monde dit, et beaucoup l'ont exprimé ces deux jours, qu'il y a une crise larvée entre l'Etat et les collectivités locales. Eh bien cette crise est absurde, elle est infondée, elle est une impasse. Et donc, il faut en sortir ! Et pour réfléchir à la manière d'en sortir il faut que nous abordions la grande question, parce que cette crise de confiance est très étroitement liée à la question de la réforme de l'Etat. Toutes ces questions sont liées.

Par exemple, on a beaucoup parlé de dépense publique : ma conviction est qu'il n'y aura pas de réelles économies dans la dépense publique s'il n'y a pas une réforme profonde de l'Etat.

J'ai bien aperçu depuis longtemps, et cela n'a pas été démenti ces derniers mois, que tout le mouvement de l'Etat en France va naturellement vers la centralisation, le jacobinisme et la technocratie. Cette idéologie, qui est l'idéologie en réalité subliminale des grands corps de l'Etat, elle fait à mes yeux des ravages depuis longtemps. C'est comme cela que l'on gouverne la France depuis des décennies, et c'est comme cela qu'on échoue avec une régularité de métronome. C'est avec cette malédiction qu'il faut rompre, car la vie, les temps, exigent exactement le contraire, exigent initiative du terrain, confiance au terrain, compréhension des acteurs de terrain, la volonté de faire confiance aux corps intermédiaires, les élus locaux, les associations, les innovateurs sociaux, les entreprises, l'économie sociale, tous ceux-là doivent avoir leur place dans la manière dont l'Etat fonctionne, et dans la manière dont les gouvernants de l'État construisent l'avenir du pays.

Il est d'intérêt national que l'Etat retrouve sa confiance au terrain. Laissez faire la proximité, laissez faire l'imagination de proximité. Ouvrons un grand débat national sur la fiscalité locale. Il y a de l'inquiétude (Jean-Louis Bourlanges le rappelait), il y a de l'inquiétude de la part les élus locaux sur la manière dont à l'avenir ils pourront se financer, et intervenir par leurs décisions sur leur financement. Ouvrons un grand débat ! Jacqueline l'avait ouvert à sa manière, et j'étais profondément d'accord avec elle. On a besoin de savoir de ce point de vue-là où l'on va. Et je le dis d'autant plus que j'ai toujours soutenu que la taxe d'habitation était l'impôt le plus injuste, le plus absurde, qu'il s'adressait à des collectivités qui avaient des charges de centralité et qui devaient payer beaucoup plus que toutes les autres qui les entouraient et qui profitaient de ces équipements, il y avait une taxation qui était inversement proportionnelle à la richesse de la cité, on payait beaucoup plus, à valeur locative égale, dans un quartier en difficulté de Pau, qu'au 7e arrondissement à Paris. C'était injuste, c'était absurde, et on a le devoir de bâtir un système différent.

Donc je le dis en votre nom, je suis sûr que tout le monde le pense, il faut rétablir le contrat de confiance avec les collectivités locales. C'est un devoir pour l'Etat et c'est un besoin absolu pour assurer le soutien que la politique de construction de cette France nouvelle mérite.

Beaucoup, ces derniers jours, ont dit qu'il fallait clarifier les idées qu'on exprime en matière de biodiversité, en matière de santé, d'environnement, Yann, au sens large du terme. On a eu beaucoup de débats sur ce sujet.

Moi j'ai un souvenir étrange : dans une élection présidentielle précédente, je suis entré en campagne par un discours que je trouvais fondé, eh bien, sur les abeilles ! Et plusieurs hommes politiques très importants de l'époque ont dit : "Mais qu'est-ce que c'est, les abeilles ? C'est un petit sujet. Cet homme politique-là, en fait ce qui l'intéresse ce sont les petits sujets, les petites solutions", a dit, à l'époque, un grand (par la taille) homme politique, flamboyant par le style, et qui avait exercé de très éminentes fonctions diplomatiques et gouvernementales. Je dis ça, je ne dis rien !

Et donc, "petits sujets", disait-il, "petites solutions". La conduite de l'Etat, ce n'est pas ça, disait-il. Et même, j'ai le souvenir que des responsables soi-disant écologistes — et même soit-disante écologiste... je dis ça, je ne dis rien — avaient dit à peu près la même chose.

Eh bien, moi je crois que la question des abeilles, la question de la biodiversité dans le monde des insectes, dans le monde de la flore aussi, cette question-là est très étroitement liée à la question de l'homme et de sa survie, et de son avenir dans l'environnement.

Et donc ceci ne se résume pas, ou la question ne peut pas se résumer à la celle si préoccupante du loup, ou même de l'ours ! Parce que ma conviction profonde, c'est qu'on ne sauvera ces espèces que s'il y a un accord profond avec les êtres humains qui sont obligés de vivre avec elles, et notamment avec les bergers. Il se trouve que quand j'étais président du Département des Pyrénées-Atlantiques, j'avais invité pour venir élaborer un plan avec nous, j'y pense très souvent, le responsable de la défense des ours, au Yellowstone Park aux Etats-Unis. Ce responsable nous avait dit des choses très simples : un, si vous acceptez la guerre entre les bergers et les ours, ce sont les ours qui vont mourir. Deuxièmement, on a besoin de trois choses, je vois exactement sa démonstration : il faut que vous pensiez à créer des zones de nourrissage pour les ours. Parce que s'ils meurent de faim, ils s'attaqueront aux moutons. Deuxièmement, il faut que vous fassiez un travail de chiens dressés, cela je crois a été assez fait, de chiens dressés pour défendre les troupeaux. Et troisièmement, pardon de le dire avec cette simplicité, un ours qui devient prédateur, il faut le retirer du circuit, parce qu'il est un sujet de conflit et d'affrontement avec l'entourage humain avec lequel il doit vivre. Construisez des parcs, disait-il, mais ne les laissez pas divaguer en liberté.

Et quant à la croissance des ours -je dis ça parce que dans les Pyrénées, comme vous le savez, cela occupe un tout petit peu l'actualité- et donc dans la population d'ours, il y a des foyers qui sont vivants : dans l'Ariège par exemple il y a plus de 80 ours maintenant, alors acceptez que ces populations se répandent naturellement ! Voilà. Si j'avais quelque chose à dire -mais je n'ai rien à dire sur ce sujet- si j'avais quelque chose à dire, je l'aurais dit.

Je vais aborder un sujet qui n'est pas au fond tellement éloigné du précédent, même si cela fait bizarre. Moi je pense qu'on ne pose pas assez la question de la vitalité démographique de la France. Question à mes yeux absolument essentielle, question qui touche à l'avenir dans lequel se projettent les familles, dans lequel se projettent les couples, dans lequel se projettent les cités, avec les écoles et la formation.

La France est dans un état de fléchissement démographique cruel, qui est un fléchissement démographique dangereux. Il y a deux ans encore, la France était le pays d'Europe qui avait une démographie positive. Et nous regardions l'avenir un peu avec commisération en pensant à l'Allemagne, laquelle Allemagne se trouve dans une situation de vieillissement telle qu'elle a dû, vous le savez, prendre la décision de laisser entrer un million d'immigrés en réalité pour répondre à cette question brutale. Pardon de dire les choses comme elles sont.

On ne peut pas se contenter d'avoir une démographie aujourd'hui négative. C'est une question de politique nationale. Il y a des décisions à prendre, des décisions de soutien aux familles, des décisions de crèches, des décisions de garde d'enfants, des décisions d'éducation précoce, pour permettre aux femmes de travailler en protégeant leur carrière quand elles ont des enfants, aussi difficile que cette exigence soit à faire entendre aux chefs d'entreprises, la protection de la carrière professionnelle des femmes et des hommes — mais c'est plus souvent des femmes, disons la vérité — des femmes et des hommes, en tout cas des parents, qui décident d'avoir des enfants, la protection de leur carrière professionnelle est un enjeu national. 

Je veux aborder maintenant, et cela sera évidemment l'avant-dernier chapitre… parce que le dernier est une conclusion. Je veux aborder le grand combat européen que nous allons vivre. Et l'aborder du point de vue de son inspiration, et en même temps du réalisme nécessaire. J'avais demandé, je ne sais pas si vous l'avez trouvée, que l'on projette une photographie, qui est la photographie de Geremek, Bronislaw Geremek, qu'on appelait affectueusement Bronek, qui a été notre ami, qui est venu — je le dis parce qu'il y a un de ses collaborateurs qui est présent dans la salle, ou qui était là hier en tout cas, Bronislaw Geremek était un très grand intellectuel, responsable politique démocrate polonais. Et quand l'élargissement de l'Europe a été acquis, nous avons proposé de faire de Geremek le premier président du Parlement européen de l'Europe réunifiée.

Bronislaw Geremek est mort il y a 10 ans, exactement, presque jour pour jour. Et j'ai trouvé que c'était bien d'entrer dans cette réflexion, parce que qui ne voit que l'Europe n'est pas uniquement une question d'intérêts, l'Europe est une question de défense de ce que nous avons de plus précieux. Je suis très content que la photo de Geremek soit là pour nous rappeler ceci.

Tout le monde a dit que l'Europe était en danger, que l'Europe était au risque, qu'elle était en train de se décomposer intérieurement, qu'elle était au bord de l'implosion, qu'il y avait le Brexit… mais tout ceci, mes chers amis, répond à un plan précis qu'un grand nombre de puissances dans le monde veulent que l'Europe disparaisse ! C'est cela la question ! Alors ce sont des puissances qui s'arment, à tous les sens du terme, qui s'arment économiquement, qui s'arment militairement, qui s'arment idéologiquement. Il n'aura échappé à personne que, pour la première fois depuis des décennies, viennent d'être organisées des grandes manœuvres entre la Russie et la Chine, démonstratives, avec étendards déployés, et que Vladimir Poutine lui-même, en allant assister à ces manœuvres, a dit que c'était un message envoyé au Monde ! Et ne vous trompez pas, ce n'est pas envoyé au Monde, c'est envoyé à l'Europe, oui c’est à l’Europe que le message est adressé !

Donc il y a là une volonté, il y a là un plan. Il ne vous aura pas échappé que dans l'affaire du Brexit, Trump a condamné les gouvernants anglais en disant qu'ils n'allaient pas assez loin dans leur exigence d'éclatement de l'Europe. Trump, avec le lien qui existe, évidemment, entre l'Angleterre, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Et d'ailleurs ce n'est pas étonnant, on a vécu quelque chose qui à mes yeux est profondément troublant, et profondément scandaleux, Trump a décidé unilatéralement, et de manière choquante pour beaucoup d'entre nous, a dénoncé les accords avec l'Iran. Et il a décidé d'imposer des sanctions à l'Iran. Jusque-là on peut avoir des débats, mais disons que c'est la souveraineté américaine. Mais ces sanctions des Etats-Unis à l'Iran, qui les assume ? C'est nous qui les assumons. Et les grandes entreprises françaises qui avaient noué des accords et installé des centres de développement en Iran, portant concernées en rien par la décision américaine, ont été obligées de plier bagage et de piteusement disparaître de cette zone de développement si importante pour elles !

Nous sommes assujettis, et il n'est pas possible pour nous, qui sommes attachés à la souveraineté — je me suis défini longtemps comme un souverainiste européen — nous qui sommes attachés à la souveraineté, nous ne pouvons pas accepter, par l'absence d'Europe forte, que les autres décident à notre place de notre destin !

Et alors, tous ceux qui croient stupidement, qu'on peut tout seul, chacun pour soi, compter dans les affaires du Monde… par exemple quiconque prétend stupidement qu'on peut traiter de la question migratoire tout seul dans notre coin… celui-là est un menteur éhonté. Vous vous souvenez du débat très intéressant que nous avons eu hier avec Jean-Christophe Rufin sur cette question des migrations. Et vous avez vu la lutte contre les trafics, les réseaux criminels qui sont impliqués, de la drogue jusqu'à l'être humain, dans tous les trafics, l'absence totale d'Etat, le chaos qui a été créé (je le dis à voix basse : y compris par nous, en Libye), l'incapacité à saisir, parce qu'ils sont extrêmement forts, extrêmement riches, extrêmement puissants, extrêmement technologiques, l'incapacité à mettre bon ordre à ces trafics et à ces manquements criminels, qui est-ce qui pense qu'on va pouvoir répondre tous seuls ? Où sont-ils, ceux qui s'avancent devant les micros, depuis Salvini jusqu'à Orban, en passant par nos propres extrémistes ? Qui sont-ils, pour raconter des sornettes qui peuvent coûter la vie de milliers et de milliers de personnes, et en tout cas notre capacité à fixer nous-mêmes nos propres règles ?

Et donc, cet énorme travail-là qui consiste à identifier depuis l'environnement jusqu'aux trafics criminels, jusqu'aux politiques industrielles, jusqu'à l'équilibre financier de la planète, les immenses qui sont ceux de notre destin, propres de notre destin national, tout cela mérite que nous soyons les premiers dans l'engagement européen. Mais en apprenant à parler pour les citoyens, la langue que les citoyens parlent tous les jours ; à nous débarrasser ou à nous éloigner d'une manière un peu... je ne sais pas comment on peut dire, un peu routinière de parler de l'Europe. C'est une réalité nouvelle, c'est une réalité jeune si nous nous en occupons, c'est une réalité simple d'accès pour tout le monde et pour tous les citoyens. Et je nous invite à participer à la réflexion précise sur ce que nous voulons faire de l'Union européenne, et de l'afficher, de l'affirmer devant les Français, pour qu'ils adhèrent au combat le plus important de notre destin.

Voilà, j'ai fini… (et j'invite mes critiques habituels à regarder le chronomètre, Madame de Sarnez, vous avez vu ? Très bien !).

 

Donc, je vais dire quelque chose qui peut-être ne sera pas politique habituellement.

Je pense que le plus important au fond, dans les enjeux qui sont devant nous, il n'est jamais exprimé, le plus important, c'est que nous assumions la part d'idéal qu'il y a dans notre projet. On parle beaucoup d'économie, on parle beaucoup de réformes structurelles, on parle beaucoup de mécanismes administratifs. Moi, je crois que la France a besoin de se proposer à elle-même, et de proposer au Monde, un vrai projet de société où nous devons revendiquer une part d'idéal. On ne peut pas vivre sans idéal. Regardez, au fond, tout ce qui marche, tout ce qui mobilise, dans la société française : les associations, les ONG, l'engagement bénévole et citoyen. Et cela va depuis le téléthon  jusqu'aux associations sportives et culturelles, qui permettent (je pèse mes mots), qui permettent à notre société, singulièrement à nos villes, aux sociétés urbaines, de tenir bon quand tout va mal.

Eh bien ce tissu-là, il montre quelque chose. La France a une devise philosophique, au fond : trois vertus, c'est très rare dans l'histoire des pays qu'ils adoptent comme devises des vertus morales. D'habitude, ils disent : "Nous au-dessus des autres", ou bien : "Dieu au-dessus de nous". Et la plupart des devises vantent l'identité de leur pays, et l'originalité, la puissance, l'intégrité de cette identité.

Nous, nous avons "Liberté, égalité, fraternité". Et Liberté, égalité, fraternité, cela veut dire que nous croyons quelque chose de plus que les enjeux matériels, et que nous considérons que ce quelque chose de plus est plus important encore pour l'avenir de nos enfants et pour élever nos enfants que les enjeux matériels. La République a besoin d'idéal. Et c'est, j'en suis sûr, une des raisons de l'élection d'Emmanuel Macron. Dans le projet, je l'ai dit sobrement, dans le projet il y avait cela : il y avait ce besoin que l'on se fixe un horizon qui va plus loin, sachant que le quotidien est essentiel, mais qui va plus loin que le quotidien. Un horizon qui nous rassemble, dont nous puissions parler avec nos enfants, dont nos enfants puissent, si nous sommes à la hauteur, parler avec des étoiles dans les yeux. Que cela nous donne pas seulement des résultats, mais des raisons de vivre.  Et je suis persuadé que nous, nous avons les moyens, nous avons le devoir, de restituer à la politique cette dimension idéaliste — je pourrais presque dire, au sens le plus large du terme, spirituelle. Philosophique et spirituelle. On a le devoir de faire que la politique, ce soit quelque chose qui s'adresse au plus profond de nous-mêmes, pas aux intérêts des peuples et des citoyens, mais à l'âme des peuples et des citoyens.

Et cela se résume en une phrase sur laquelle je m'arrêterai, parce que c'est un message adressé à nous et adressé au Monde. La loi du monde, aujourd'hui, c'est la loi du plus fort. C'est la loi du plus fort, c'est la loi du plus riche. Et nous, nous croyons que la vocation de la France, et à l'intérieur de la France spécialement notre vocation c'est de bâtir, face à la loi du plus fort, face à la loi du plus riche, la loi du plus juste !

Et nous avons une mission qui s'énonce simplement : rendre plus fort ce qui est juste, et plus juste ce qui est fort.

Je vous remercie.

 

 

 

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