"La France a le choix - pour la première fois depuis des décennies - le plus clair que l'on puisse avoir"

En plein entre-deux tours, François Bayrou alerte sur l'absolue nécessité d'effectuer le bon choix le 7 mai prochain, celui de la "lucidité et d'un "pays qui veut vivre".

Emmanuel Macron a-t-il commis une erreur de jeunesse en fêtant déjà sa victoire dimanche soir, dans un contexte où l’on voit un Front national très puissant et un pays fracturé ?

J’entends cette polémique, ou ce semblant de polémique. Il est allé boire un pot avec son équipe, et manger un morceau, dans une brasserie absolument classique, parisienne. Il n’y a pas la moindre ombre de fêter quelque victoire que ce soit. Ils ont ensemble pris un pot à la fin du premier tour et de mois de combats difficiles.

A-t-il été influencé par les commentaires qui ont fleuri ? « Il a réalisé le hold-up du siècle ! »

Moi qui lui parle assez souvent, je pense qu’il a tout à fait la sensation de la gravité de la situation et du poids de la tâche qui va être la sienne. C’est cela qui est pour moi l’essentiel. Lorsque l’on arrive en tête d’une élection présidentielle alors que c’est la 1ère fois que l’on se présente au suffrage, bien entendu, il y a le sentiment que l’on a réalisé quelque chose qui était pour le moins inattendu !

On a l’habitude de dire qu’il faut 30 ans pour devenir président de la République. En moins de 12 mois, il n’a plus qu’une marche à gravir pour entrer à l’Élysée. Il a fait exploser le système, ce que vous attendez depuis 15 ans !

J’ai aidé, et je l’aide, dans cette tâche nationale. Cette question est importante. Elle est posée comme cela de manière anecdotique comme s’il s’agissait d’un conte, d’une histoire comme cela… Ce n’est pas ça la question. Il y a un moment où les pays ont besoin d’un bol d’air frais. Il y a des moments où l’on est tellement au bout de la lassitude, de l’exaspération à l’égard de blocages, de systèmes qui ne marchent plus, que l’on se tourne vers une vision nouvelle, vers un regard nouveau…

Une recomposition ?

Pas seulement. Vers une personnalité nouvelle, jeune, et qui en effet est sorti du cadre qu’on voulait lui tracer. Pour moi, qui attends ce moment depuis tellement longtemps, je considère cela comme un moment clef de l’histoire contemporaine.

Peut-être avez-vous fait la fête dimanche soir, même si vous n’étiez pas à la Rotonde ?

Je n’étais pas à la Rotonde…

Seriez-vous allé à la Rotonde ?

J’y étais invité, mais je pense que les moments de joie les plus importants sont les plus retenus…

C’est un conseil qui portera peut-être auprès d’Emmanuel Macron. Justement, avant de dérouler le fil de cette émission : s’il y avait un conseil stratégique dont vous pourriez nous faire part, quel serait-il ?

Quels que soient les conseils que je donne, je peux vous assurer que je ne les donne pas sur les plateaux de télévision ! Je ne vis pas ce moment comme un moment où l’on s‘exprime à la 1ère personne, mais comme celui où des équipes se forment. Elles vont avoir la lourde responsabilité de sortir notre pays de l’impasse dans laquelle il se trouve depuis 15 ans, 20 ans ! 15 ans, 20 ans, où l’on vit l’impuissance publique. 15 ans, 20 ans où l’exaspération monte. Il va appartenir à cette équipe nouvelle d’extraire l’énergie du pays afin qu’il devienne rayonnant.

C’est un sacré défi pour celui - ou celle - qui entrera à l’Élysée. Depuis hier, on voit M. Le Pen qui tente de mobiliser contre Emmanuel Macron… Comment comptez-vous agir afin de mobiliser contre Marine Le Pen ?

Il n’y a rien de plus simple : il suffit de dire la vérité. Vous la connaissez. Professionnellement, vous êtes un spécialiste économique, vous savez une chose : si l’on suivait – en étant en dehors des opinions – les directions que Mme Le Pen propose, on aurait le malheur en France et pour les plus faibles de la France. Si l’on sortait de l’euro pour revenir au franc, la monnaie se casserait la figure. Les retraites, par exemple, ne vaudraient plus le montant du chèque. Le pouvoir d’achat s’effondrerait. On aurait d’incroyables difficultés budgétaires. Tous ceux qui voudraient emprunter pour construire une maison, pour acheter une voiture verraient les taux d’intérêt exploser. Ceci s’est tellement vérifié au travers du monde, chaque fois que l’on a essayé cela, que d’une certaine manière, il nous revient à tous, comme citoyens ou spécialistes, de dire la vérité au pays. Cette vérité sera mobilisatrice. Vous voyez que je parle des propositions sans même évoquer les arrières-pensées, extrêmement dangereuses de division des Français sur les sujets les plus explosifs que l’on peut trouver, touchant à l’origine : d’où viens-tu, quelle est ta religion, qui est ennemi avec qui ? Toute ma vie, j’ai voulu réconcilier les Français, dépasser les frontières et les antagonismes. J’ai voulu persuader ce peuple qu’il a beaucoup plus en commun pour se rassembler qu’il n’a pour se diviser. En tout cas, pour moi, c’est un combat de chaque seconde : un combat intérieur et dans le débat public.

Mais depuis hier, Marine Le Pen essaie de convaincre les Français que celui qui va les appauvrir ce n’est pas elle, mais Emmanuel Macron. Au fond, montrer à tout l’électorat que le projet dangereux économiquement, c’est celui d’Emmanuel Macron.

Comme vous le savez, c’est de l’argumentaire politicien.

Cela ne va-t-il pas porter auprès des Français qui sont réfractaires aux arguments économiques que vous développez ? Que développent 25 prix Nobels d’économie, que développent ceux qui font marcher l’économie, c’est-à-dire tous les patrons ? Cela se heurte quand même à une sorte de mur d’incompréhension, et à un rejet de 40 % des Français, si l’on cumule les votes de Marine Le Pen et ceux de Jean-Luc Mélenchon.

Je ne crois pas que ce soient les mêmes. Vous dites oui, moi, je dis non. Dimanche soir, Jean-Luc Mélenchon a heurté en profondeur un grand nombre de ceux qui lui ont fait confiance. Il y a eu quelque chose de très blessant pour un grand nombre de gens. Au fond, ceux qui ont apporté leur soutien à E. Macron ont voté pour le contraire de l’extrême-droite. Je reviens à la question. S’il y a incompréhension, c’est qu’on ne sait pas expliquer, parler, convaincre, entraîner.

Comment faire alors ? C’est toute ma question.

Mettez toute votre énergie et parlez aux gens de leur vie ! Arrêtons les blablas.

C’est une critique que l’on fait aux discours d’Emmanuel Macron… On dit qu’il en fait beaucoup, du blabla…

Nous sommes dans un moment historique. On évite alors de se laisser égarer par les péripéties, et on regarde l’esssentiel : aujourd’hui, pour la 1ère fois depuis des décennies, la France a un choix clair. D’un côté, le choix d’un pays qui veut vivre et avancer dans la lucidité, qui accepte tous les défis qui sont devant lui, et qui les relève ! Concrètement, pratiquement ! De l’autre, vous avez des illusions mortelles : il n’est pas vrai que l’on va pouvoir remettre la retraite à 60 ans ! Il n’est pas vrai que l’on va pouvoir augmenter le SMIC de 30 % ! Il n’est pas vrai que l’on va pouvoir multiplier les embauches de tous côtés. Il n’est pas vrai que l’argent sera disponible et que l’on pourra tirer des chèques sur je ne sais quelle banque centrale ou banque nationale reconstituée ! Tout est faux dans cette affaire ! Tout est mensonge ! Je suis sûr que le sentiment profond des Français va le voir. Je refuse de me laisser égarer dans quelques péripéties que ce soit. Je vais droit au but et je dis ce qu’est le risque, et de quelle manière il faut l’affronter.

Le risque, qu'est-ce que c'est ? C'est que si Marine Le Pen est élue, la France et les épargnants qui travaillent courent à la faillite ?

Ce n'est pas seulement cela. D'abord Marine Le Pen ne sera pas élue. Je ne veux pas accréditer une telle hypothèse, je veux que l'on parle du fond et du plus important de l'avenir du pays. Le plus important de l'avenir du pays c'est que si on déstabilisait notre économie, nos finances publiques, l'Etat, si on sortait de l'Union Européenne et de l'euro, alors la France connaitrait le moment le plus difficile et le plus chaotique de son histoire. Elle ne le connaitrait pas théoriquement au sens des idées – tout cela naturellement existe – mais elle le connaitrait dans la vie quotidienne, spécialement la vie quotidienne de ceux qui ont moins. Ce sont ceux-là qui seraient les victimes !

Vous avez évoqué la prise de position qui n'en n'est pas une de Jean-Luc Mélenchon. David Rachline, directeur de campagne de Marine Le Pen lui a fait un appel du pied ce matin. Dans une prise de parole publique tout à l'heure, le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, a dit qu'il ne comprenait pas ce silence insupportable de Jean-Luc Mélenchon. Est-ce que vous partagez cette position ?

D'abord, ce n'est pas à moi de la partager, mais je sais une chose, c'est que des millions d'électeurs qui ont voté pour Jean-Luc Mélenchon ne la comprennent pas et en sont profondément heurtés. Alors, il y a des idéologues qui analysent les choses aux vues des théories et des propositions aussi absurdes les unes que les autres. Excusez-moi de le dire, mais pendant que nous parlons, le Venezuela, présenté comme un modèle, a eu ces dernières semaines 25 morts tués dans les manifestations parce que les produits de première nécessité ont disparu. Alors on fait comme s'il y avait des théories, moi pas ! Moi je regarde la réalité des choses et donc je suis sûre que des millions de gens ne comprennent pas.

Et donc êtes vous choqué que Jean-Luc Mélenchon n'ait pas appelé à voter contre Marine Le Pen ?

J'ai été stupéfait qu'il ne se prononce pas dimanche soir. J'aurais parié tout ce que j'avais que ce ne serait pas le cas. Il faut que vous compreniez que sont blessés tous ceux qui avaient mis leur confiance en Jean-Luc Mélenchon.

Il peut recevoir le discours de M. Rachline ?

Non, je ne le crois pas. Je n'en crois rien. Je vois bien les tentatives qui sont là pour piquer des voix et essayer d'élargir une base électorale, mais je ne crois pas une seconde que les citoyens – femmes et hommes – qui vont se prononcer dans cette élection se laissent abuser par ces discours.

Depuis le premier tour, dimanche, on analyse la coexistence de deux France : une France rurale qui rejèterait la mondialisation, qui serait plutôt dans une forme de réaction par rapport à ce que nous vivons maintenant, qui refuserait l'Europe, qui refuserait le progrès, et une France qui serait beaucoup plus ouverte, qui est la France des grandes villes ouvertes sur l'extérieur, sur la concurrence, sur une politique de l'offre et bien évidemment ouverte sur l'Europe. Cette distinction la partagez-vous ? Est-elle irréductible ?

Je ne partage pas cette analyse. Je ne partage pas cette distinction. Il se trouve que la France rurale je la connais mieux que d'autres. J'y suis né, j'y ai grandi, j'en viens et je l'aime. Il se trouve que la France urbaine je la connais aussi mieux que d'autres parce que je suis à la tête d'une ville qui a toutes ces caractéristiques là et qui est de ce point de vue là particulièrement attachante. Je ne partage pas ce sentiment. Je pense qu'il y a un problème, c'est l'impuissance publique qui a depuis des années frappé de paralysie l'action publique en France. Des promesses ont été faites, chaque fois on vous annonce que l'alternance va tout changer – l'alternance entre droite et gauche – tout cela a débouché sur un ressenti de scandale de la part des Français parce qu'ils voient bien que dans leur vie rien ne change. Bien sûr, ceux qui ont moins de services publics, beaucoup de difficultés à gagner leur vie – je pense aux agriculteurs, aux paysans – le ressentent plus durement que les autres. Mais, sur le fond, il n'est pas vrai qu'il y ait des France aussi séparées que cela. Ce qui manque, ce sont des responsables publics pour entrainer le pays, pour faire partager à l'ensemble des citoyens l'importance des défis qu'il faut relever pour que précisément on s'en sorte tous ensemble. Et ceci est parfaitement faisable.

Que souhaitez-vous dire d'ici dimanche 7 mai aux électeurs de droite, hormis le fait de leur dire « faites barrage à l’extrême droite ? ». Que faut-il leur dire ?

Je pense que la question de la France est en jeu dans cette élection. Je pense que la grandeur de la France, la dignité de la France, l'honneur de la France et le lien entre Français sont en jeu dans cette élection. Contrairement à ce que vous croyez – et j'espère vous faire partager ce sentiment – je ne fais pas de différence dans le discours entre s'adresser à une partie de l'électorat que l'on appelle de droite et une partie de l'électorat que l'on appelle de gauche. Je pense que tous ceux là sont des citoyens français et que tous ceux là ont dans les douze jours qui viennent à mesurer l'importance de leur choix. C'est cette importance là qui me mobilise et qui me pousse à la passion de cet engagement.

Emmanuel Macron, si il est élu, contrairement à Jacques Chirac en 2002, aura-t-il entendu le soutien des électeurs venus de tout l'échiquier ?

Je suis persuadé que oui. Et d'ailleurs, la démarche politique qu'il a choisi, qui ressemble en effet à la démarche politique que j'ai toujours essayé de défendre, c'est précisément de ne pas faire de séparation entre ceux qui ont envie de le suivre ou de l'aider entre les camps, les fractions ou les partis.

 On va voir comment le président – le futur président car vous en avez la certitude – va pouvoir gouverner.

Je n'ai jamais employé de certitude. J'ai une chance assez rare, c'est que j'ai participé à plusieurs élections présidentielles et je n'ai jamais pensé que c'était joué à l'avance, ni que c'était facile. Je ne pense pas cela.

C'est au tour de Jérémy Marot de l'AFP de nous rejoindre.

Bonsoir M. Bayrou. Vous refusez d'imaginer l'hypothèse d'une Marine Le Pen qui accède au pouvoir le 7 mai. On se projète le 7 mai au soir, Emmanuel Macron est élu, avec qui gouverne-t-il ? Avec quelle majorité ?

Il gouverne avec la majorité que lui auront donné les Français. S'il est élu, c'est parce que précisément la majorité des Français aura choisi de lui apporter son suffrage et son soutien. Cela constitue une majorité. A partir de cette majorité présidentielle, il va former une majorité législative. Je n'ai pour ma part aucun doute que comme ils l'ont fait à chaque élection sans exception, les Français l'ayant élu président de la République lui donneront les moyens de gouverner. Les partis qui ne sont pas au deuxième tour, qui ont été écartés par les citoyens, qui essaient d'expliquer que par l’élection législative on pourra empêcher le président de la République de gouverner se trompent.

Il n'y a pas de risque de cohabitation ?

Je crois – de toutes mes fibres – que les Français seront cohérents et simplement tireront les conséquences des choix qu'ils ont fait en donnant au président de la République élu la majorité qui lui permettra de gouverner. Cela aura un autre avantage, c'est que cette nouvelle majorité permettra de renouveler profondément les visages de la vie politique française.

Il faut préparer les législatives. On attend encore des investitures. Pour le moment seulement quatorze…

Tant mieux ! L'idée qu'on polluerait, ou qu'on troublerait l'élection présidentielle par la distribution d'investitures pour des élections législatives qui vont venir plusieurs semaines après, est une idée baroque. En tous cas, moi, je considère que c'est une idée qui n'est pas cohérente. Tout le monde sait que quand il y a des investitures cela provoque des sentiments mitigés chez les uns et chez les autres, chez tous ceux qui pensent ou souhaiteraient avoir ces investitures. Ce n'est donc pas le moment – en plein dans les deux tours de l'élection présidentielle – d'annoncer des investitures pour les élections législatives. Tel est mon sentiment.

Pourtant, Emmanuel Macron l’a annoncé, l’a dit à plusieurs reprises, il y aura une vague d’investitures entre les deux tours. Cela a été dit encore la semaine dernière et il faut en attendre beaucoup.

Peut-être l’a-t-il dit, mais si j’ai un conseil à exprimer, il faut se concentrer sur l’élection présidentielle. Il faut se concentrer sur la question qui est posée aux Français pour une fois dans une absolue transparence : que voulez-vous que soit l’avenir de notre pays ? Vous avez deux propositions politiques qui ne disent pas la même chose de la France et de l’avenir de la France. Et je n’ai pas de doutes que les Français vont se prononcer de manière absolument claire, qu’ils vont répondre à cette question. Et tous les moments d’authenticité de ce pays permettent de répondre à cette question qui est une question de vie des citoyens. Nous avons envie de former un pays rassemblé, et pas divisé. Nous avons envie de nous respecter et pas de nous mépriser. J’étais aux obsèques ce matin du jeune policier qui a été tué sur les Champs Elysées, j’ai été bouleversé par le discours du compagnon du jeune policier tué. C’était un discours magnifique de dignité, magnifique de justesse, magnifique de générosité. Et ce discours était du côté d’un pays qui se rassemble et pas d’un pays qui fait prospérer des divisions et des ressentiments. Et pourtant, quand on perd un être cher dans des circonstances comme celles-là, il y a toutes les raisons d’être habité par cette… Et bien non ! Ce jeune a donné un superbe exemple. En tout cas, je l’ai entendu comme tel et tout le monde était bouleversé, quelles que soient les opinions. Il y avait des larmes dans les yeux de tous ceux qui étaient là, et je vous jure qu’à cet instant, il n’y avait aucune idée, aucune volonté, d’aller vers ce pays en affrontement où on voudrait nous entrainer.

Pour le reste, il y a le débat politique et vous êtes sûr qu’il y aura une majorité cohérente pour Emmanuel Macron s’il est élu. Écoutons quand même ce que dit Bruno Le Maire. Il imagine quand même l’hypothèse où aucune majorité claire ne se dégage et il est prêt à une alliance. On l’écoute… (Enregistrement)

Alors, la main est tendue, vous la saisissez ?

Vous voyez que tout le monde y vient ! Vous aviez entendu les débats des primaires, les anathèmes, les condamnations. Et puis vous voyez que devant l’événement, devant la gravité de la situation, tout le monde à droite, à gauche et au centre dit « mais au fond c’est ce qu’il faut faire, il faudra travailler ensemble, on ne pourra pas faire autrement que de travailler ensemble ». Vous voyez que tous ceux qui proposeraient aux Français d’élire une majorité de paralysie de l’action du nouveau Président de la République, tous ceux-là seront rejetés. C’est un peuple qui a une grande habitude de cette cohérence à travers le temps. Je me souviens de François Mitterrand qui disait en 1981, j’étais très jeune citoyen : « Vous n’imaginez tout de même pas que les Français seront assez stupides pour m’élire Président en mai et me refuser une majorité en juin ? ». Et ceci est un argument de bon sens et de responsabilité, et les deux auront leur rôle.

Parlons de la droite maintenant, un seul parlementaire pour le moment a rejoint le mouvement En Marche !, c’est le sénateur Lemoyne. La droite reste pour l’instant groupée. Comment ne pas rater l’ouverture vers la droite et convaincre ces parlementaires de vous rejoindre et de gouverner avec vous ?

Quand vous dites que ce parti reste groupé, c’est que vous ne lisez pas les articles que vous écrivez.

Officiellement, il y a une position commune, bien que des individualités s’expriment. Par exemple, Alain Juppé dit qu’il faut réorienter la politique de son parti vers une politique humaniste et européenne, et là vous, vous seriez le parfait trait d’union vu votre proximité avec Alain Juppé…

En traversant les couloirs du Sénat pour venir à votre émission, j’ai rencontré plusieurs parlementaires LR et tous disaient « ce n’est pas possible d’avoir une position comme celle-ci, il faut des choses claires ! ». Alors je ne dis pas que c’est l’unanimité, puisqu’il paraît qu’ils se sont divisés. Je dis que c’est le sentiment de responsabilité qu’éprouvent un grand nombre de ceux qui sont les cadres et les animateurs de ce mouvement. Il me semble que dans les heures ou les jours qui viennent, beaucoup de ceux-là vont s’exprimer pour dire clairement vers qui va leur choix et que nul ne puisse mettre en cause les orientations qu’ils vont exprimer.

M. Bayrou, on vous sait attaché à la transparence, donnez-nous des signes encourageants ! Quels sont vos contacts avec Alain Juppé en ce moment ?

Je ne me sens pas autorisé à faire des déclarations à la place de ceux qui en sont les responsables.

Sauf que vous, vous avez des contacts directs avec Alain Juppé, je reviens sur ce sujet…

Chacun s’exprimera et je ne doute pas de la force de leur expression.

Pourriez-vous nous dresser le profil idéal d’un gouvernement d’ouverture : des ministres de droite ? Des ministres de gauche ? Des ministres du centre ?

Je n’ai aucune envie de jouer à ce jeu. Je vous demande pardon, parce que c’est un jeu qui vous plairait beaucoup. J’ai beaucoup de choses à penser sur le sujet, j’ai écrit des centaines de pages pour expliquer ce que je croyais. Ce que je crois, c’est que la grande majorité des Français partage les mêmes valeurs et les mêmes orientations pour l’avenir. Ce que je crois, c’est que la grande majorité des Français, par exemple, est attachée à l’idéal européen. La grande majorité est agacée de la manière dont l’Europe fonctionne, ou plutôt ne fonctionne pas, de la manière dont les mécaniques de décisions européennes ne sont pas assez efficaces, et dissimulées, opaques aux yeux des citoyens. Je partage l’insatisfaction et je partage l’idéal. Et je suis sûr qu’autour de cela il y a une grande majorité de Français. Vous croyez que les Français ne voient pas que dans le monde dangereux où nous sommes, ceux qui leur proposent de s’isoler les conduisent à la catastrophe ? Vous croyez que quand ils pensent à leurs enfants, ils ignorent ça ?

François Hollande considère qu’on n’a pas suffisamment pris en compte la présence du Front national au second tour, il l’a déclaré aujourd’hui.

François Hollande est dans une situation de transition, il s’est exprimé clairement. Le problème c’est qu’il n’aurait pas fallu laisser grandir les raisons qui ont fait le succès du Front national. Et ceci je ne l’impute pas à François Hollande uniquement, je l’impute à une longue période durant laquelle la pratique politique n’a pas donné les résultats que les citoyens étaient en droit d’attendre.

Permettez-moi d’insister, dans les principes forts…

Insistez ! Mais cela m’étonnerait que votre insistance ait raison de mes résistances...

Dans les principes forts d’Emmanuel Macron, il y a celui du pluralisme, du renouvellement, on parle pour les législatives de 50% de candidats issus de la société civile, et 50% au plus d’élus : qui sont ces élus ? Ce sont des élus de droite, de gauche, du centre ?

Je peux vous dire une chose certaine, c’est que le Mouvement démocrate que je préside, sera en tant que tel présent dans cette majorité nouvelle. Nous avons un accord, une alliance, et je peux vous dire une chose, c’est que les candidats qui seront présentés n’appartiendront pas au monde des sortants car nous n’avons pas de sortants. Donc oui, pour moi, cet engagement de renouvellement, cet engagement de pluralisme, c’est ce qui a fait le sceau même de notre alliance.

D’ailleurs, cet accord, cette alliance que vous évoquée, semble un peu secret défense quand on vous demande le nombre de circonscriptions réservées au MoDem…

Et bien, comme ça, quand on vous posera la question, vous direz que vous ne savez pas, c’est le but de l’exercice.

Emmanuel Macron ne croit pas aux cent premiers jours du Président, a-t-il tort ?

Je comprends très bien ce qu’il dit quand il dit que ce n’est pas son approche, mais il y a beaucoup de choses qu’il faut faire dans les 100 premiers jours et des engagements qu’il a pris. Il y en a un par exemple, avant les élections législatives, il posera une loi sur la table des ministres : une loi de moralisation de la vie publique. On peut écrire cette loi avec les différents aspects qui doivent être les siens en quelques jours. Par exemple, une guerre sans pitié contre les conflits d'intérêts, quand l'intérêt privé l'emporte sur l'intérêt général. Ceci se fait dans tous les autres pays démocratiques d’Europe. Deuxièmement, il faut avoir la certitude que le financement de la politique devient clair. Par exemple, la politique est pleine de micros partis, plusieurs centaines ! Que sont les micros partis ? C’est la manière légale de détourner la loi, c’est-à-dire que chacun organise sa petite boutique avec son propre financement qui échappe à la loi sur le financement des partis. Je considère que cela ne va pas ! Et ainsi de suite… Il y a un certain nombre de chapitres de la moralisation de la vie publique et ce qu'Emmanuel Macron a dit, c’est que ce serait sur la table du conseil des ministres avant les élections. 

Le premier déplacement d’Emmanuel Macron, doit-il l’accorder à Angela Merkel ?
 
Oui. J’imagine qu’il ne pense pas autrement. À Angela Merkel, son gouvernement, à ceux qui ont la charge de diriger le pays notre premier partenaire, notre premier client, notre premier fournisseur et notre premier allié. Il y a aujourd’hui une mode de la détestation de l’Allemagne. Je pense que cette mode est néfaste pour la France parce qu’elle nous empêche de voir en face les problèmes qui se posent à nos deux peuples.
 
Une sorte de réconciliation du couple franco-allemand…
 
Pas seulement de réconciliation : d’un nouvel élan de deux peuples qui décident d’affronter ensemble parce qu’ils sont voisins les réalités du monde ! Et ainsi de donner à l’Europe cette nouvelle impulsion qui permettra de répondre à la critique que les citoyens émettent sur le fonctionnement de l’Union européenne. 
 
Avant le premier tour, on a beaucoup entendu parler des candidats qui militaient pour que l’urgence soit mise sur les actions contre le terrorisme. Est-ce que du coup cette priorité ne devrait pas passer avant la loi de moralisation ?
 
La mobilisation des services de renseignement et des services de police est entière et vous ne pouvez pas insinuer le contraire au moment où nous parlons.
 
Ce sont les autres candidats qui insinuent…
 
Ceux qui l’insinuent ne vont pas dans le bon sens. Il y a même des candidats qui proposaient de désarmer les policiers ou de désarmer notre pays. Moi, ce n’est pas mon sentiment. Mon sentiment est que la mobilisation n’est pas une question de quelques semaines, c’est une question de tous les jours pendant les cinq années que nous allons vivre ! J’ai exprimé l’idée que le suivi de la menace, l’observation fine de la manière dont évoluent les choses de la part des terroristes doit être notre ligne. Nous avons constamment à adapter la défense à la menace. La menace évolue, la défense doit évoluer aussi. Voilà pourquoi Emmanuel Macron propose de réorganiser le renseignement. Mais ce sera une oeuvre de cinq années. Là, vous m’interrogiez sur les premiers jours.
 
Emmanuel Macron a annoncé une nouvelle loi Travail, une réforme par ordonnances. On a vu ce que cela a donné avec la loi El Khomri...
 
L’élection présidentielle donne au président de la République un mandat. Les élections législatives vont suivre, elles donnent à la majorité et au gouvernement un mandat. De ce point de vue, oui, la légitimité est plus forte que celle des gouvernements précédents qui d’une certaine manière faisaient un peu le contraire de ce qu’ils avaient dit qu’ils feraient. Ce n’est pas la même chose d’agir lorsque vous avez un mandat et d’agir en dehors de tout mandat ! Je vous rappelle que les ordonnances sont par ailleurs votées à l’Assemblée. Il y a des sujets sur lesquels on peut ou on doit avancer par ordonnances pour éviter l’enlisement dans lequel on vit depuis trop longtemps. 
 
L’enlisement, cela ressemble-t-il aussi à ce que l’on avait entendu sur le 49-3 ?
 
Ce n’est pas exactement mon sentiment. Moi je pense que le 49-3 a été choquant parce que le débat n’a pas eu lieu.
 
Avec les ordonnances, le débat aura-t-il lieu ?
 
Il y a un débat sur la loi d’habilitation par ordonnances. Le gouvernement vient devant le Parlement et il dit au Parlement quels vont être ses orientations et ses choix. Le Parlement lui donne cette habilitation. 
 
Est-ce qu’il faut s’attendre à peut-être une mesure sortie du chapeau concernant les syndicats ?
 
Je déteste le mot « sorti du chapeau ». Emmanuel Macron va avoir à expliciter les choix qui sont les siens, certains qu’il a déjà annoncés, qui n’ont pas été entendus parce que le brouhaha de la campagne électorale empêchait qu’ils fussent entendus et peut-être d’autres qu’il exprimera. 

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