François Bayrou, invité de l'émission « Conversations » sur i24News

François Bayrou était l'invité d'Anna Cabana dans l'émission « Conversations », diffusée sur i24News ce mardi 27 novembre. Nous vous invitons à revoir cette interview.

 

Bonsoir, bienvenue dans Nos Conversations, chaque soir en direct depuis Paris, on se passionne pour la politique. Et ce soir, je reçois un homme qui chuchote à l’oreille d’Emmanuel Macron, le Président du MoDem François Bayrou, maire de Pau, ancien ministre. Avec lui, on décodera évidemment le discours du chef de l’État ce matin, en réponse à la crise des gilets jaunes. Emmanuel Macron a annoncé une concertation de 3 mois sur le terrain et un mécanisme de modulation des prix du carburant en fonction des prix du pétrole, ce qui, il me semble, était ce que réclamait notre invité jeudi dans Le Figaro, tiens, tiens, est-ce un hasard, eh bien on le lui demandera dans un instant. Des gilets jaunes et du ras-le-bol fiscal, on en parlera aussi dans la deuxième partie de l’émission avec deux philosophes, François-Xavier Bellamy et Pascal Bruckner. On parlera de la volonté du gouvernement, aussi, de réécrire la loi de 1905 et de la situation plus que tendue entre la Russie et l’Ukraine. Ce sera ensuite l’heure de la carte blanche du journaliste européen Alex Taylor et quand Mister Taylor parle du Brexit tout devient presque clair et ce soir il s’intéressera à la situation désespérée de Teresa May. Enfin, on terminera par le pas de côté de Nicolas Domenach, qui est chaque soir plus croquignolesque, jusqu’où ira-t-il ? C’est parti. François Bayrou, bonsoir.

Bonsoir.

Donc, vous êtes Président du MoDem, maire de Pau

Tout cela est vrai…

Ancien ministre, vous chuchotez à l’oreille d’Emmanuel Macron, c’est vrai aussi ?

Ça, je n’en sais rien, c’est les journaux qui écrivent ça et il y a très longtemps que je me méfie de ce qui est écrit dans les journaux, comme vous le savez.

Vous faites partie de ceux qui lui ont conseillé de changer de ton, au Président de la République ?

Non, d’abord je ne raconte jamais mes conversations, comme vous le savez, vous avez beaucoup essayé de me les faire raconter, mais…

J’essaierai encore longtemps, François Bayrou, je vous le promets.

Je ne raconte jamais mes conversations avec le Président de la République, d’ailleurs avec aucun président de la République, non seulement avec Emmanuel Macron dont, c’est vrai, je suis un soutien, un proche peut-être, mais pas davantage avec François Hollande, pas davantage avec Nicolas Sarkozy, pas davantage avec Jacques Chirac. Et donc, j’ai toujours considéré que la responsabilité qu’un homme politique national avait auprès d’un président de la République était une responsabilité qui exigeait la discrétion.

Mais, en même temps, vous lui donnez des conseils, y compris dans Le Figaro, hein, on parlait de l’interview du Figarodu jeudi. Donc, on vous a lu, vous avez dit notamment : « Il ne suffira pas de dire qu’on ne change rien pour que le mouvement s’arrête. Il faut une redéfinition profonde de la manière d’être et de penser. Ce changement de ton… alors, on va écouter, on va écouter le président de la République ce matin, le discours a duré presque une heure, il y a deux mots qu’Emmanuel Macron a répétés à de très nombreuses reprises : « J’entends ». Regardez. Je l’entends, je l’entends, je l’entends. Est-ce que, au fond, il tente de renouer avec la bienveillance qui avait été l’une de ses lignes dans la campagne présidentielle ?

Qui était sa vraie nature, en tout cas je crois.

En tout cas la nature qu’il a mise en avant.

Non, je ne crois pas, je ne vous le dirais pas autrement, j’essaie depuis longtemps de dire des choses assez fermes pour qu’on les croie, ce qui est le début du lien avec les Français.

Donc, bienveillant, à vos yeux, il l’était ?

Je pense qu’il a compris une chose absolument essentielle, que beaucoup niaient, c’est qu’il ne s’agissait pas d’un mouvement ou le prix du pétrole, ou le prix de l’essence, ou le prix du diesel était le seul sujet, ni même le principal sujet. Cependant, il faut y répondre. Et la proposition que le Président de la République a faite, c’est-à-dire de trouver un mécanisme qui tienne compte, quand on fixe le niveau des taxes, du niveau du baril de pétrole, du prix du baril de pétrole, qui vous savez a monté énormément en octobre, et qui est redescendu depuis. Il a fait des hauts et des bas et des aller et retours, c’est…

C’est exactement ce que vous réclamiez dans Le Figarode jeudi, on est d’accord ? 

J’ai toujours pensé que c’était la seule solution accessible.

Alors… Et donc, Edouard Philippe, le Premier ministre, avait rejeté cette idée, est-ce que ce changement de pied, vous vous en félicitez ?

Le Président de la République a indiqué une ligne, après les détails sont à régler, ils ne sont pas très faciles à régler, comme un certain nombre de… mais, heureusement, il y a là un pas en avant, qui est sur un point précis, c’est qu’on va tenir compte de la vie réelle des Français, et notamment tenir compte de la vie réelle des Français qui sont obligés de prendre leur voiture. Il ne suffit pas de fixer des principes intangibles, il faut aussi mesurer ce que ça veut dire pour la vie des gens et notamment des plus fragiles, des plus sensibles. Ça , c’est la réponse technique, concrète j’espère, il faut quelques semaines pour mettre tout ça au point, qui fasse que les Français qui ont besoin de prendre leur voiture, soit qu’ils habitent loin, soit que ce soit leur travail, ne se sentent pas abandonnés par un État qui décide sans tenir compte d’eux. Ça , c’est la première chose…

Oui, justement, et pour leur montrer qu’il tient compte d’eux, donc il annonce, Emmanuel Macron, 3 mois de concertation sur le terrain. Vous vous souvenez, François Bayrou, que Laurent Berger avait proposé, dès le premier jour, hein, de la manifestation, le 17 novembre au soir, il avait dit « il faut réunir les acteurs sociaux, pour construire, je cite, « un pacte social de la conversion écologique ». Et vous vous souvenez aussi que le Premier ministre, Edouard Philippe, avait balayé cette hypothèse d’un revers de la main : « Voilà, c’est pas le sujet ». Alors ?

C’est pas tout à fait la même idée.

Non, mais il y a la concertation en commun.

Mais la concertation, à mes yeux, est nécessaire, elle l’a toujours été. Vous vous souvenez peut-être que j’ai écrit dans mon dernier livre : « On ne gouverne pas contre le peuple ». Tous ceux qui pensent qu’on peut passer en force et imposer les décisions venues d’en haut, ils ne voient pas ce que sont les ressorts et les principes de la démocratie du 21esiècle. La démocratie du 21esiècle, en partie grâce à vous, je veux dire grâce aux médias, grâce aux réseaux sociaux, elle impose qu’il y ait un minimum, sinon d’adhésion, du moins d’assentiment des peuples à l’égard des décisions qui leur sont imposées. Ou qu’ils comprennent, que d’une certaine manière ils acceptent : s’il y a refus, il y a blocage. Et s’il y a blocage, on ne peut plus rien faire. On a vécu beaucoup d’exemples de cette situation-là. Donc, concertation indispensable. Il y a une différence entre ce qui avait été proposé et ce qui est adopté aujourd’hui, c’est que c’était une concertation au sommet, si je puis dire.

Oui.

Une sorte de Grenelle. Or, ce qu’Emmanuel Macron a dit est absolument juste, il a dit : Vous ne pouvez pas parler de la métropole comme des Outre-mer, vous ne pouvez pas parler de la campagne comme de la ville, c’est pas la même chose d’habiter à 50 km de son travail, obligé, parce que vous ne pouvez pas faire autrement, ou d’habiter à 200 m de son travail. Et, de ce point de vue-là, c’est pas très facile de trouver les adaptations, mais je suis sûr qu’il a raison et qu’il est très important de faire que participent à la réflexion ceux qui en sont les vrais sujets, les vrais exemples. L’autre jour, vous vous souvenez qu’à l’Elysée Emmanuel Macron a reçu les maires, ils étaient d’ailleurs très nombreux et il a fait un exercice de questions-réponses très authentique…

Ça a duré 3 heures.

3 heures de temps, et très brillant je pense, en tout cas très précis. Il y a un maire…

Vous le trouvez toujours brillant, Emmanuel Macron, en fait, quand même, François Bayrou.

Écoutez, pour une fois que je trouve un président de la République bien, on va pas…

C’est pour ça que je…

On va pas le regretter. En tout cas, je dis bien, je pense que cet homme a en lui de quoi répondre aux exigences du moment et aux exigences historiques que nous sommes en train de vivre. Il a cette conscience, il se rend compte des choses, il a l’envie de les changer en ce qu’elles peuvent être changées, maintenant est-ce que tous les moyens sont en place, c’est une autre histoire. On en parlera une autre fois. Mais je reviens…

Aux maires.

Àcette réunion avec les maires. Il y a un maire qui était là et qui a dit : « Monsieur le Président, moi je suis maire dans une vallée de montagne, chez moi, en facture, l’essence à la pompe est de 1,80 le litre ». Vous voyez bien qu’il y a là quelque chose qui ressemble à un abus de position dominante. C’est la seule station-service de la vallée, ben naturellement les prix explosent. De tout ça, on a besoin de faire la matière de la réflexion qui sera la nôtre. On a besoin d’avoir une réflexion de terrain, pas seulement une réflexion des instances gouvernementales et des couloirs de ministères.

Donc, il faut sortir de l’abstraction, même si elle est intelligente, pour descendre sur le terrain ?

J’ai aimé dans ce que le Président de la République a dit, les choses qui étaient de la vie de tous les jours : « On nous raconte qu’il y a un chèque-énergie, quel est le numéro de téléphone pour avoir le chèque-énergie ? » 

Il a dit que même lui il n’y comprenait rien.

Et cela tombe bien parce que moi je n’y comprends rien non plus. Alors peut-être c’est notre commun amour pour les Pyrénées, au Président de la République et à moi, qui fait que nous sommes particulièrement sensibles à ce qui est trop abstrait, trop compliqué, trop technocratique. 

Mais justement, est-ce que l’on a un gouvernement trop technocratique, François Bayrou, aujourd’hui ?  

Non, je n’en sais rien, je ne suis pas là, je suis un soutien.  

Vous avez quand même l’air d’en savoir quelque chose. 

Il y a aussi des sujets sur lesquels j’essaie de ne pas dire de bêtises, même si j’en pense parfois. Et donc c’est très important pour moi d’être tout à fait stable sur la ligne que je défends : une ligne de soutien à ce que nous avons besoin de faire pour que la France s’en sorte et en même temps une ligne suffisamment indépendante pour que je puisse exprimer ce qui est le sentiment d’un grand nombre de concitoyens de ce pays, qui voudraient que les choses soient mieux orientées parfois.  

Mais alors justement, sur cette ligne très indépendante, est-ce que vous avez le sentiment que le Premier Ministre Édouard Philippe est aussi bienveillant – pour reprendre ce mot – qu’Emmanuel Macron ? 

Le Premier Ministre est le Premier Ministre, le gouvernement est le gouvernement, la majorité est la majorité, les soutiens sont les soutiens, et donc si vous essayez – gentiment – de me conduire à un situation de critique ou de frondeur, je n’entre pas dans ce genre de jeu parce que je pense que l’unité est nécessaire ; et quand on a des positions à exprimer, on le fait sur un mode suffisamment respectueux, constructif pour qu’elles puissent être entendues sans que cela apparaisse le moins du monde comme un affaiblissement. 

Et alors vous avez entendu dans le discours d’Emmanuel Macron, il n’y avait pas qu’un changement, il y avait aussi quand même ce besoin de dire qu’il ne se déjugeait pas, qu’il maintenait le cap, qu’il maintenait la ligne, on écoute le Président : 

« J’éprouve de la compréhension pour ces concitoyens mais je ne céderai rien à ceux qui veulent la destruction et le désordre (…) Je sais que les habitués de la politique attendent de moi un renoncement, une esquive, bref, de laisser en quelque sorte le présent prévaloir sur le futur (…) Ne pas changer d’avis, ne pas changer la vérité, ne pas changer de cap, est-ce à dire qu’il ne faut rien changer ? (…) Le cap est donc donné, qu’il ne faut rien renoncer au cap parce qu’il est juste et nécessaire (…) Le cap est clair et les choix sont faits, je viens de vous les présenter. » 

Il a tellement répété que le cap était maintenu, que le cap était clair, qu’on peut se dire que ce n’est pas aussi clair. 

Non mais la vraie question que vous avez parfaitement entendu avec votre sensibilité et votre habileté, c’est est-ce qu’il faut ne rien changer ? La réponse est évidemment non. Il faut changer un certain nombre de choses mais le plus important du discours c’était la compréhension du Président de la République de ce qu’était la profondeur de ce mouvement, par ceux qui l’animent et par ceux qui – au fond – le soutiennent, même s’ils ne participent pas directement. 

Ca a changé, il n’avait pas compris cela aussi clairement.  

Je pense qu’il l’a compris depuis la campagne présidentielle mais peut-être un certain nombre de ceux qui partagent les responsabilités l’avaient-ils un peu oublié. Emmanuel Macron a compris que ce mouvement vient de très loin, de très loin, plusieurs décennies à mon avis. 

On a l’impression d’entendre le Président de la République, lui aussi nous a dit que le mouvement venait de très loin, François Bayrou. 

Et bien c’est que nous partageons le même sentiment, et c’est bien. 

C’est que vous lui parlez souvent peut-être. 

Vous avez déjà essayé, ce n’est pas la peine de recommencer. Le mouvement vient de très loin, il vient des quinquennats précédents et plusieurs quinquennats précédents, et des majorités précédentes et assez loin. Vous voulez que je vous cite un exemple : l’élection de Jacques Chirac, 1995, c’est loin, plus de 20 ans, cette élection a été aquise sur quoi ? Sur la fracture sociale. C’est-à-dire exactement ce qu’on retrouve là. Qu’est-ce qu’on a fait pendant ces 25 ans ? Rien. En tout cas, rien de suffisant, on a eu le sentiment qu’à chaque fois on en faisait un thème de campagne électorale et que ce n’était pas un thème de gouvernement. Et bien je serai très heureux, moi qui aime beaucoup ces milieux éloignés du pouvoir – parce que simplement j’en ai une longue expérience de vie, amicale et, j’allais dire, fraternelle – que cela devienne un thème de gouvernement. C’est que, enfin, ceux qui ont la responsabilité du pays prennent cela à bras le corps, et il y a une chose que le Président de la République a ajouté et que je partage intégralement : c’est que nous ne sommes pas le seul pays dans cette situation. A peu près toutes les démocraties occidentales.

Lui a pris l’exemple du Brexit. 

A peu près toutes les démocraties occidentales sont dans le même cas, et l’élection de Trump ce n’est pas autre chose, et le Brexit ce n’est pas autre chose, et ce qui se passe en Allemagne ce n’est pas autre chose. La déconnexion entre le monde de ceux qui décident et partagent avec les autres milieux de décisions européens ou mondiaux – les raisons qui font qu’on prend telles orientations – ceux-là sont prétendument au somment, soi-disant au sommet, et puis il y a le socle du pays, la profondeur du pays. Et la profondeur du pays parfois a le sentiment que la langue qu’on lui parle n’est pas la langue qu’il comprend. 

Et là vous avez le sentiment que la langue qu’a parlé le Président Macron c’est une langue que peuvent comprendre la profondeur et le peuple ? 

Assez souvent il a parlé de la vie quotidienne de tous les jours, du fait que l’on promet quelque chose et que cela ne venait pas. 

Il a quand même été très conceptuel aussi, François Bayrou. Vous savez bien. 

Oui, c’est sa nature. Il est entré dans la vie de ceux à qui il s’adressait par la réalité de leur vie. 

Et pourquoi il n’est pas allé jusqu’à proposer un moratoire sur la hausse des taxes au 1erjanvier ? Parce que vous esquissiez cette hypothèse-là dans Le Figaro, vous avez ce matin qu’il y a 12 des 13 présidents de région, de droite comme de gauche, excepté Xavier Bertrand, qui ont signé la tribune dans L’Opinion pour appeler à ce moratoire, ce n’était pas forcément une mauvaise idée. 

Cela aurait pu se faire ou en tout cas on peut trouver des accommodements, en tout cas des approches différentes de celles qui sont aujourd’hui. 

Vous croyez que cela peut encore se faire ? Même si le Président Macron ne l’a pas annoncé. 

Je pense qu’il reste 3 mois de réflexion et de discussion. 

Donc ce n’est pas à exclure. 

Je pense que rien n’est à exclure de ce qui peut permettre la conciliation du pays autour des grands axes qui sont ceux de l’avenir. Vous comprenez bien pourquoi le Président ne veut pas, c’est pour des raisons budgétaires, parce que ce sont des sommes très importantes qui dans l’équilibre du budget sont à prendre en compte. C’est vrai. Et en même temps, il y a d’autres raisons à prendre en compte, d’autres éléments qui permettent à un peuple d’exister, répondre à ses problèmes, d’être performant. 

Vous pensez qu’ils y viendront, quand on vous entend, on entend cela. 

Je pense qu’il y a une adaptation nécessaire des principes à la réalité. 

Et elle a commencé mais elle pourra aller encore plus loin. 

Il est tout à fait légitime qu’on s’interroge sur – un mot compliqué – l’acceptabilité des décisions que l’on prend pour que les citoyens qui sont l’objet de ces décisions participent et soutiennent. 

D’accord, et vous avez le sentiment que cette prise de conscience… 

En tout cas, un pas important a été franchi aujourd’hui. 

Au sommet de l’État. 

Oui.

Les 2 têtes de l’exécutif. 

Vous voyez bien, vous insistez toujours sur le sujet de l’unité des 2 têtes de l’exécutif. 

C’est un sujet important. Vous en conviendrez, pour la bonne efficacité.

C’est la raison pour laquelle je partage avec vous ce sentiment. 

Nous accueillons maintenant l’éditorialiste Nicolas Domenach pour les questions en plus. 

Je ne sais pas pourquoi vous souriez comme cela de concert. 

C’est parce que l’on est content de vous accueillir. 

Cela doit être cela. 

J’ai suivi avec passion cet entretien, je partage avec vous l’idée qu’il y avait beaucoup de bienveillance chez le Président de la République, surtout chez le candidat. Cela fait partie non seulement de sa nature mais aussi de sa culture et de celle de son épouse, cela fait déjà beaucoup. Autant c’était présent dans la campagne, autant – et c’est important pour la suite – on, beaucoup n’ont pas compris où était parti cette bienveillance dans les mois derniers. Je veux dire, qu’est-ce qu’il s’est passé. 

Vous l’avez retrouvée aujourd’hui et pour moi c’est un point positif évidemment. 

Vous pensez qu’on l’aura ressentie. 

N’est-ce pas ? C’est toujours la même chose. Il y a un piège quand on exerce des fonctions exécutives, gouvernementales, de pouvoir. Ce piège est que il faut absolument appliquer un certain nombre de règles nécessaires, des règles de gestion, qu’on reprenne des dossiers qui avaient été évoqués depuis longtemps – qu’on les reprenne avec des idées semblables, pour ne pas dire les mêmes idées – et qu’on perd un peu le contact avec ce que les citoyens entendent des décisions qui sont prises, ce que les citoyens ressentent de la manière dont les hommes de pouvoir exercent leurs fonctions. Je sais – pour l’avoir vécu et partagé souvent des moments avec lui – je sais que le président de la République est très sensible à cela. Et je pense que la crise que nous traversons lui aura permis de l’exprimer à nouveau avec force. 

Mais ce qui revient partout et chez les gilets jaunes - de votre circonscription aussi - c’est le sentiment d’injustice.  Et cela, on n’a pas l’impression qu’il ait percuté le président de la République. 

Parce que vous ne l’avez pas écouté. Il a dit : « Ils ressentent l’injustice et ils ont raison. » Ce n’est pas une petite reconnaissance.  Je cite à peu près sa phrase. Pourquoi « injustice » ? Parce que ce sont ceux qui sont dans les situations difficiles  à qui l’on demande d’assumer l’essentiel de la charge. Et cela, ça mérite une réflexion. C’est pourquoi il a raison d’avoir initié, demandé, une concertation décentralisée, sur le terrain. 

Mais vous savez que la revendication est brute : rétablissez l’ISF. C’est aussi symbolique que ça pour la plupart de ces gens. Alors peut-être qu’ils se trompent mais en tout cas, c’est ce qu’ils ressentent. 

Comme vous connaissez bien la vie politique française, vous savez que je me suis beaucoup opposé à la manière dont l’ISF a été réformé. Pourquoi ? Parce qu’on a traité par une seule décision, des situations différentes. L’engagement du président de la République – et le mien accessoirement – c’était qu’on supprime l’ISF sur l’investissement productif, l’argent qui se place dans l’appareil de production : celui qui permet de faire des usines, celui qui permet de soutenir des entreprises qui naissent, celui qui permet de créer de l’emploi. Après il y a eu des interventions diverses et variées sur lesquelles on reviendra lorsque l’on sera historiens, ce qui n’est pas demain la veille… 

… mais vous n’avez pas été entendu à ce moment-là…

…. et je n’ai pas été entendu à ce moment-là. Cela arrive en politique de perdre des arbitrages. 

Et c’est cela qu’on paye aujourd’hui ?

La situation aurait été meilleure si la réforme de l’ISF avait été mieux faite.  Mais on ne va pas pleurer sur le lait renversé. C’est comme cela. On est bien obligé de prendre les choses comme elles étaient. Par exemple, vous savez que je proposais qu’on allège la CSG sur des tranches de retraite en se servant de l’argent qu’on aurait économisé ainsi. Très souvent en politique, il arrive qu’on voie juste et qu’on ne soit pas exactement entendu. Mais après tout, la règle de la politique, c’est qu’on arrive à se faire entendre. Peut-être est-ce – comme vous l’avez souligné – plus le cas dans la période que nous vivons ?

D’accord. Donc vous êtes plus entendu. 

Dernière question : est-ce que le parti du président de la République, ça peut servir à quelque chose ? Parce que là, il n’a servi à rien depuis qu’il a été élu… 

Je ne connais pas de défi plus difficile à relever que  construire un parti politique. Je le sais parce que ça m’est souvent arrivé de le faire. Mais qu’est-ce qu’il a fallu traverser comme difficultés ! Et encore étions-nous - nous – dans la situation d’un parti politique qui avait une colonne vertébrale, une doctrine, une philosophie, une vision du monde et un leader. Et c’est encore plus difficile quand il s’agit d’un mouvement sorti de son propre germe si j’ose dire. 

Donc vous souhaitez bonne chance à Stanislas Guerini ?

Non je souhaite que ça se passe bien. En tout cas,  nous sommes dans une bonne entente entre ces mouvements extrêmement différents  mais je sais que le MoDem est aussi là comme un pilier solide. 

 

 

 

 

 

 

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