Air France : François Bayrou propose "un référendum de l'entreprise"

François Bayrou, président du MoDem, a proposé mercredi pour régler la crise à Air France "un référendum de l'entreprise", se disant "absolument persuadé" que les différents personnels "n'accepteront pas le risque de voir la compagnie s'effondrer ou disparaître".

Bonjour François Bayrou.

Bonjour.

Est-ce que « chienlit » vous paraît un bon mot ? Dans le contexte actuel, même s’il est difficile de comparer ce qu’il s’est passé le 19 mai 1968 avec aujourd’hui.

Oui, « chienlit » veut dire désordre, et c’est un désordre.

C’est plus que désordre, « chienlit ».

Oui, c’est un mot qu’avait trouvé le général de Gaulle devant un bazar effroyable. C’est la mode du mot du général de Gaulle, ce n’est pas sur ce mot que je ferai un procès. Tout le monde voit bien que l’on est devant une décomposition, à l’instant on disait de l’État mais je ne suis pas sûr qu’il n’y ait que l’État. Je pense que les cadres de société dans laquelle nous vivons sont en train de se décomposer largement. Les repères, l’idée que nous nous faisons de la vie ensemble sont extrêmement fragilisés par la crise, par le fait que l’on n’y trouve aucune réponse, par le fait que le débat politique – officiel, institutionnel, le Parlement, etc. – apparaît à mille lieux de la réalité.

C’est la gestion gouvernementale et celle de François Hollande.

C’est la mise en cause de la gestion de la France depuis 15 ans, au moins.

La question était sur François Hollande, on connaît votre opinion.

François Hollande est au-dessous de ce qu’il avait promis, de ce qu’on attendait de lui et de ce que devrait être la mission d’un Président de la République. Mais il n’est pas le premier. Cette décomposition-là, cette dérive-là, il y a des années et des années qu’elle est en France en train de frapper.

Mais on peut se dire, de ce point de vue là, que les gens peuvent entendre vos idées mais en même ils se disent, au fond, en mettant tout cela dans une perspective longue, ce qui est votre droit absolu, cela ne permet pas de régler le problème d’Air France ou le problème justement des multirécidivistes, les problèmes d’actualité d’aujourd’hui.

Attendez, vous m’avez interrogé sur la décomposition.

Oui, mais il y a deux-trois événements du moment.

Oui, il y a décomposition, mais l’obsession de l’actualité immédiate nous empêche de voir les choses. Croyez-moi, ceux qui vous écoutent le savent très bien, c’est-à-dire qu’une affaire en remplace une autre et cela empêche de voir le problème devant lequel nous sommes qui est un problème strictement français.

Mais est-ce que ce n’est pas un problème d’autorité tout simplement ? Vous qui aimez bien les enseignants dans une classe, quand tout d’un coup le professeur n’est pas respecté, tout le monde chahute. Est-ce qu’il n’y a pas un problème fondamental d’autorité avec François Hollande ?

C’est un problème d’autorité qui n’est pas personnel seulement, même si cela compte, cela joue. C’est un problème d’autorité qui touche l’ensemble de notre organisation politique. C’est un problème d’autorité qui fait que, en effet, les gouvernants ne sont pas écoutés. Pourquoi ils ne sont pas écoutés ? Parce qu’ils n’ont pas prise sur la réalité. Pourquoi n’ont-ils pas prise sur la réalité ? Parce qu’ils n’ont pas identifié, ou ils n’ont pas nommé les questions qui se posent et qui sont des questions, en effet, rudes.

Est-ce qu’il n’y a pas aussi que chez les Français, d’ores et déjà, François Hollande est éliminé ? En fait, vous me parlez des structures, on est dans un quinquennat avec des primaires. Mais quinquennat plus primaires, cela veut dire que l’on est en campagne électorale permanente, donc les Français qui nous écoutent ce matin se disent que finalement François Hollande n’a aucune chance de l’emporter, donc on est dans cette situation de chahut.

Je pense que c’est vrai, mais je pense que ce n’est pas la cause de ce qu’il s’est passé à Air France, il ne faut pas mélanger les sujets. Si vous m’interrogez pour que je vous dise mon jugement sur la situation : oui, je pense que François Hollande n’est plus en situation de s’adresser au pays, de se faire entendre du pays et de marquer le pays.

Donc il est à l’Élysée, mais éliminé dans la tête des gens.

Oui, il y a cette rupture qui fait qu’il me semble que François Hollande n’est pas un choix possible pour l’avenir. 

C’est important. J’allais dire que Jean d’Ormesson, ce matin dans l’Opinion, dit cela avec affection : « François Bayrou est un centriste qui n’a jamais fondamentalement aidé la droite, il a voté blanc en 2007 et a voté François Hollande en 2012 ».

François Bayrou est un centriste qui pense que le centre n’est pas exactement ni la droite ni la gauche. Vous comprenez : le centre n’est pas un entre-deux quelque chose !

Mais ce n’est pas la réalité électorale.

C’est la réalité électorale, et le jour où le centre existera en France – le jour que j’espère et auquel j’aiderai de toutes mes forces – il sera une force de gouvernement et pas un supplétif. Donc oui, en effet, j’ai fait tout ce que j’ai pu au cours de ma vie pour que cette famille politique, ce courant politique, se fasse entendre, existe, et soit indépendant. C’est cette indépendance que, parfois, on peut me reprocher, c’est très bien. Mais ceux qui me la reprochent ne voient pas la nécessité de changer la situation du pays.

Je ne suis pas Jean d’Ormesson, mais il dit encore ce matin dans l’Opinion que c’est l’expérience du journaliste politique qui parle, en dehors de l’écrivain. Il dit « Nicolas Sarkozy va remporter cette primaire », car, comme vous l’avez vous-même dit, cette primaire est celle qui favorise ceux qui s’expriment le plus fort.

C’est le risque.

Voilà, et il dit que François Bayrou sera candidat à l’élection présidentielle parce qu’Alain Juppé sera éliminé.

Je ne suis pas sûr que Jean d’Ormesson soit le spécialiste de ce que je pense, même si c’est quelqu’un que je respecte beaucoup en tant qu’écrivain.

Il dit : « De toute façon, Nicolas Sarkozy sera le candidat de la droite et François Bayrou le candidat du centre ».

Alors j’ai dit à votre micro quelque chose de simple et qui n’est pas une réponse par oui ou par non à la question que vous avez posée, parce que ce n’est pas l’hypothèse que je privilégie. Celle que je privilégie est qu’une personnalité comme Alain Juppé puisse s’imposer, et alors nous ferons des choses ensemble, et c’est bien – vous l’avez dit – que des gens différents fassent des choses ensemble. Mais c’est vrai que, devant la situation où les Français n’auraient le choix qu’entre François Hollande, Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen, je serais de ceux qui sont frustrés et je n’aime pas la frustration.

Donc vous serez candidat.

Je n’ai pas dit les choses comme cela, parce que je vois bien où vous voulez m’entrainer et je ne veux pas me laisser entrainer.

Je ne veux pas vous entrainer, nous sommes des adultes.

Nous sommes des adultes qui savent très bien ce que sont les dépêches, donc non, je ne me laisserai pas entrainer. Mais je vous dis que je ne serai pas frustré et je prendrai les responsabilités que je croirai devoir prendre, comme je l’ai toujours fait.

Avant que l’on parle de François Hollande et d’Angela Merkel – c’est important parce que vous êtes Européen -, il y a une petite chose importante avec l’histoire d’Air France : est-ce que vous avez l’impression que les syndicats jouent un double jeu là-dedans ou que c’est la direction qui est responsable ? Parce que le Canard enchainé parle de 5 000 emplois planqués qui vont être supprimés encore et d’autres à droite considèrent que les syndicats finalement condamnent ceux qui ont pratiqué ces violences mais en même temps, en sous-main, les encouragent. Qui ment dans cette affaire ?

Il y a un contexte de lutte syndicale qui fait que chacun essaie de prendre l’avantage, sans aucun doute, par des arrangements ou par des ruses, mais ce n’est pas cela qui m’intéresse. Il y a une question centrale : est-ce qu’Air France est menacée ?  Je crois que tout le monde doit dire que la réponse est oui. Si Air France est menacée, il faut que des réorganisations soient conduites à leur terme, pour que cela puisse se rééquilibrer. Est-ce que les réorganisations peuvent être conduites à leur terme sans que les uns et les autres – les pilotes, les personnels au sol – ne fassent des efforts ? La réponse est non. On est obligé de faire des efforts. Comment on arrive à ces efforts-là ?

Par le dialogue ?

Par le travail approfondi et, au bout du compte, par un référendum de l’entreprise. Je veux vous rappeler que Christian Blanc, il y a quelques années, à la tête d’Air France, avait proposé et imposé des changements très importants qui avaient été acceptés par un référendum de l’entreprise. Je suis absolument persuadé que, devant la responsabilité, les pilotes, les personnels au sol ; les salariés n’accepteront pas le risque de voir la compagnie s’effondrer ou disparaître.

On a connu Giscard-Schmidt, Kohl-Mitterrand, Chirac-Schröder, et donc cet après-midi Hollande-Merkel seront au Parlement européen dans un contexte très particulier : il s’agit de la crise des migrants, en plus les Anglais envisagent de quitter l’Union européenne – avec le référendum de David Cameron. Dans ce Parlement européen, que vous connaissez, il y a un tiers d’eurosceptiques, c’est-à-dire un tiers des gens qui sont députés européens mais contre l’Europe. Est-ce que ce couple a une chance de sauver l’Europe ?

Alors, les autres couples que vous avez nommés – De Gaulle-Adenauer, Giscard-Schmidt, Kohl-Mitterrand – avaient une caractéristique : ils étaient équilibrés. L’un ne pesait pas plus que l’autre et aujourd’hui le couple est déséquilibré. Pourquoi ? Parce que la France n’est pas leader.

Donc il y a un gagnant et un perdant, vous voulez dire ?

Je dis cela avec tristesse, avec agacement parce que je n’aime pas la situation qui est créée et, aujourd’hui, François Hollande n’apparaît pas comme pesant du même poids qu’Angela Merkel.

Vous avez vu que, depuis le début, vous l’accablez sur tous les terrains, sur le terrain économique, sur le plan institutionnel, sur le plan européen ? Vous qui avez trouvé cette formule avec Nicolas Sarkozy que vous qualifiez « d’enfant barbare »,  François Hollande c’est quoi ? L’adolescent indéterminé ?

Non, je ne veux pas employer de qualificatif mais mon droit, et le vôtre, ce sont des droits de citoyen. Et, citoyen, nous avons le droit de trancher, de choisir, et de condamner lorsque les choses ne vont pas dans le bon sens. Si quelqu’un, aujourd’hui, peut dire que la France va dans le bon sens, alors il ne vit pas dans le même pays que moi et donc j’exerce ce droit. Vous me demandez s’il n’a que des défauts, non, il est jovial, il a des qualités qui font qu’il est, sans doute, un bon compagnon pour ceux qui l’entourent et une fidélité.

C’est encore pire, vous voulez le défendre, vous l’enfoncez.

Je ne le défends pas, vous savez bien cela. Je dis que le bilan de François Hollande, celui qu’il présente aujourd’hui, est un bilan désastreux pour le pays. Les erreurs qui ont été faites, les décisions mal prises et les absences de décisions sur des sujets absolument centraux sont catastrophiques. Si je prends l’Éducation nationale, est-ce que cela va dans le bon sens ? Non. Si je prends la formation professionnelle, qu’est-ce qui a été fait ? Rien. Si je prends la situation de l’entreprise, je pense qu’il faut être sévère. Si je prends le Code du Travail, on dit des mots mais on ne change rien. Et si je prends les institutions alors les promesses formelles que François Hollande avait faites sont jetées à la poubelle. Je trouve que cela n’est pas, d’un Président de la République, du niveau que la France devrait exiger en période de crise de présenter un bilan de cet ordre. Alors je le dis. Mais je le dis d’autant plus que, en effet, il y a des millions de Français qui n’étaient pas de gauche et qui ont pensé que, peut-être, en raison des promesses qu’il avait faites, du style qu’il affirmait, il y avait une chance de changer les choses.

Et bien ces Français liront Jean d’Ormesson ce matin dans l’Opinion. Merci François Bayrou.

Je reçois la lettre d'information du Mouvement Démocrate

Engagez-vous, soyez volontaires

A nos côtés, vous serez un acteur de nos combats pour les Français, pour la France et pour l'Europe.

Chaque engagement compte !

Votre adhésion / votre don

Valeur :

Coût réel :

20 €

6,80 €

50 €

17 €

100 €

34 €

Autres montants

Qu'est ce que la déclaration fiscale sur les dons ?
Filtrer par