"Pour rompre avec l'impuissance publique, il est nécessaire d'avoir une majorité large"

Ce matin sur Sud Radio et Public Sénat, Marielle de Sarnez a répondu aux questions de Cyril Viguier, Gilles Leclerc et Véronique Jacquier sur le soutien du MoDem à Alain Juppé, les grands défis migratoires et les inégalités salariales entre les hommes et les femmes.

Toute la semaine dernière, François Bayrou a été au centre de l’opposition entre Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, au centre de tous les conflits qui pouvaient exister sur ce sujet. Vous vivez cela comment au MoDem ? Les troupes du MoDem, elles le vivent comment ?

Ce n’est pas une question, si je peux me permettre, pour le MoDem ou pour le parti. Ce n’est pas une question partisane, au fond. Il y a une question de vision qui est derrière tout ça. C’est un affrontement qui est révélateur de quelque chose. Moi, je crois que l’élection présidentielle qui vient, c’est un moment crucial. Je crois que c’est le dernier moment utile, où peut-être qu’on pourra réussir à redresser le pays. Donc pour moi, c’est absolument capital.

 Mais vous leur dites quoi aux militants ?

Je veux dire une chose, c’est que pour cette élection présidentielle, je me retrouve et je me reconnais dans Alain Juppé parce qu’il a cette volonté de rassembler large, et pas de s’asseoir, de se reposer uniquement sur ses troupes.

Et les militants ?

Les militants, ils pensent comme moi, ce sont d’abord des citoyens, ils ont envie que le pays réussisse, ils ont envie qu’on puisse redresser la France, ils ont envie de redonner un nouvel élan à l’Europe. Donc ils sentent que cette élection est absolument essentielle.

Marielle de Sarnez, vous avez soutenu Nathalie Kosciusko-Morizet pour les municipales à Paris par exemple, le MoDem a fait alliance avec Les Républicains, donc comment comprenez-vous l’attitude de Nicolas Sarkozy ?

Si vous voulez me poser la question en me disant, est-ce qu’il y a une cohérence dans l’attitude de Nicolas Sarkozy, je ne suis pas sûre de pouvoir vous répondre par l’affirmative. J’ai fait alliance avec Nathalie Kosciusko-Morizet à Paris, j’ai fait alliance avec Valérie Pécresse en Île-de-France, et ça a été, elle le dit elle-même, déterminant pour gagner la Région et pour que l’alternance arrive. Donc on voit bien qu’il y a deux discours. D’un côté le discours de Nicolas Sarkozy, mais je pense quand même que ce discours est révélateur de quelque chose, j’ai le sentiment qu’il veut se replier sur son noyau dur.

Fébrilité dans sa campagne ?

En tous les cas, il y a un peu une perte de nerfs, pour attaquer, pour avoir autant de violence, je trouve que tout ça n’est pas à la hauteur du moment. Je pense qu’on est dans un moment extrêmement lourd, extrêmement grave, extrêmement difficile pour le pays. En France, on voit bien qu’il y a des déclassements de plus en plus lourds, on voit bien qu’il y a une déchirure sociale, économique, éducative, culturelle, et on a envie, moi comme Française, comme citoyenne, d’avoir des réponses à tout ça. C’est ça qui m’intéresse.

Marielle de Sarnez, vous avez parlé du rassemblement autour d’Alain Juppé pour réussir, est-ce que ça veut dire que le moyen, le levier, c’est la constitution d’une grande force centriste à ses côtés dans la future Assemblée Nationale ?

On va faire étape après étape.

Est-ce que c’est une perspective ? Vous vous souvenez, Chirac avait gouverné uniquement avec son noyau dur, et là vous plaidez pour le rassemblement.

Oui, je pense que c’était une erreur. Parce que quand vous vous retrouvez avec un Président de la République qui est soutenu par 20% ou 27% des Français au mieux, six mois après son élection, vous ne pouvez plus rien faire. Et qu’est-ce qu’on a eu grosso modo toutes ces dernières années et toutes ces dernières décennies ? On a eu exactement ça, c'est-à-dire une impuissance publique et politique. Moi j’ai envie de rompre avec ça, j’ai envie de retrouver de l’efficacité publique, qu’on puisse changer les choses, qu’on puisse vraiment redresser le pays. Et pour ça, il faut vraiment rassembler large, il faut avoir une base large. Il y aura une majorité, je l’espère mais là vous me faites déjà aller très vite... D’abord, il faut qu’Alain Juppé gagne la primaire.

Vous, vous préféreriez qu’il n’y ait pas de majorité nette avec juste Les Républicains ?

Ah non, pas du tout, je vais peut-être vous surprendre mais je trouve que ce serait tout à fait logique, si Alain Juppé gagne la primaire, s’il remporte la présidentielle vous me faites sauter les étapes, mais j’y arrive ! qu’il y ait bien sûr une majorité parlementaire des Républicains, c’est la logique, Alain Juppé est issu de ce parti, je ne l’oublie pas. Mais je souhaite qu’à côté, oui, il y ait la constitution d’un pôle central large, le plus large possible. 

Combien le MoDem envisage-t-il de demander de circonscriptions ?

Pardon, mais les élections législatives auront lieu après l’élection présidentielle qui elle-même aura lieu après l’élection primaire. Donc ne me faites pas aller plus vite que la musique. Ce que je peux vous dire au niveau du principe, c’est que oui, il faudra une majorité qui sera équilibrée, plus large, et plus ouverte.

Marielle de Sarnez, vous soutenez, vous souhaitez la victoire d’Alain Juppé. Quand vous regardez son programme, pour vous, centriste, qui avez des vraies convictions, est-ce que vous êtes enthousiasmée par ses idées ? Je parle du programme.

Ecoutez, pour le moment je trouve que tout ça tient la route. Après il va y avoir une période très importante qui va s’ouvrir, dont on ne parle pas assez, qui est le lendemain matin des primaires. On va avoir presque six mois entre le résultat des primaires, si c’est Alain Juppé comme je le souhaite, et le premier tour de l’élection présidentielle. Ca va être six mois très utiles, très importants pour rebâtir un contrat de confiance avec les Français, un futur pacte d’action avec les Français, et ça, ça me semble très important.

Justement, Marielle de Sarnez, levez une ambiguïté sur l’attitude du MoDem parce que le MoDem veut une rupture profonde dans la façon de gouverner. Une rupture profonde aussi notamment au niveau des institutions, avec l’introduction de la proportionnelle ; Alain Juppé ce n’est pas l’homme d’une rupture, et ce n’est pas l’homme de l’introduction de la proportionnelle ! Alors derrière les primaires, comment ça va se passer ?

D’ailleurs, j’ai vu que sur ce point-là Nicolas Sarkozy était pour la proportionnelle. Donc vous voyez, comme quoi, c’est assez amusant. Ecoutez, je prends en compte Alain Juppé, il a son ADN à lui, c’est normal, nous ne sommes pas les mêmes, et c’est bien normal. Sans ça je serais dans la même formation politique. Ensuite, quand vous gouvernez, quand vous présidez un pays, vous tenez compte de ce que l’ensemble des citoyens qui ont voulu le changement ont dit. Et je ne doute pas qu’Alain Juppé entendra cela, tout en étant lui-même, et c’est bien qu’il soit lui-même avec des principes et des valeurs qui pour moi, me sont compatibles.

Il parle assez peu d’Europe, Alain Juppé, vous êtes députée européenne, ça ne vous ennuie pas, ça ?

Je trouve qu’il en parle pas mal. En tout cas il est venu plusieurs fois à Bruxelles, il est venu à Strasbourg, je l’ai vu à Bruxelles et à Strasbourg. Il a une position que je partage, en disant qu’il faut que la France soit forte. Parce que si la France n’a pas un président fort, d’un pays fort, je peux vous assurer que le délitement européen va se poursuivre. Moi, pour la première fois, j’ai une vraie inquiétude sur l’avenir de la construction européenne, vraiment. Parce qu’on est dans une pleine décomposition de l’Europe...                          

Mais vous trouvez que c’est au centre des enjeux de la campagne ou pas, aujourd’hui ? 

Plus on parle d’Europe, plus je suis heureuse, mais je ne veux pas qu’on parle d’Europe d’une façon hors-sol, vous voyez. L’Europe, ce n’est pas une politique étrangère. L’Europe, ce n’est pas Bruxelles. L’Europe c’est nous. Il faut qu’on retrouve une intimité avec l’idée européenne, et même avec l’idéal européen. Il faut qu’on ait une France forte, donc un président fort, un axe franco-allemand, et à mon sens on ne pourra pas faire cette Europe politique dont on a besoin à 27, il faudra qu’on reparte d’un noyau dur qui soit peu ou prou ceux qui ont en commun une monnaie commune ; il va falloir qu’ils aillent plus loin en matière économique, en matière sociale, et en matière politique.

Et en matière migratoire ? Sur les migrants par exemple. Vous êtes beaucoup à Strasbourg et à Bruxelles, mais est-ce que la méthode du gouvernement français par rapport aux camps de migrants, le démantèlement de la jungle de Calais, comment vous regardez ça ?

Je suis beaucoup à Paris aussi. Je pense que nous n’avons pas de politique migratoire, et je pense que nous n’avons pas de politique de réfugiés. Au fond, nous gérons quand les flux sont là. Nous avons été incapables, la France, l’Europe, d’anticiper ce qui s’est passé en Syrie, avec le départ des réfugiés. Ca fait cinq ans que nous sommes un certain nombre de gens à dire que bien évidemment il va y avoir des millions de réfugiés, tout ça aux portes de l’Europe. On a été incapables de l’anticiper, de le prévoir, de le gérer. Moi je veux qu’on mette fin à ça. Il faut une vraie politique migratoire, il faut une vraie politique concernant le droit d’asile.

Mais c’est quoi une politique migratoire ?

Par exemple, quand vous avez des réfugiés syriens qui sont 5 millions à peu près dans les pays voisins de la Syrie, plutôt que d’engraisser les passeurs, risquer la vie de ces réfugiés syriens, vous installez un certain nombre de consulats de l’Union Européenne, mais pas seulement ; du Canada le Canada l’a fait , des Etats-Unis, de l’Australie, d’un certain nombre de grands pays démocratiques. On aurait dû avoir une conférence internationale sur cette question. Et puis vous allez vous enquérir sur le terrain de ceux qui demandent l’asile, pourquoi ils demandent l’asile en France ou dans un autre pays, ou sur un autre continent, et vous répondez par l’affirmative ou par la négative. Mais vous gérez avant même qu’ils passent comme ils l’ont fait avec les passeurs, et au risque de leur vie. Tout ça n’a pas été géré. Il faudra qu’on ait une vision globale de tout cela.

La gestion de l’évacuation des migrants de Stalingrad, vous êtes Conseillère de Paris. Votre sentiment ?

Bien sûr, on ne peut pas laisser la situation se détériorer pour des raisons évidemment humanitaires, mais en même temps il faut avoir une politique. Nous devons avoir une politique de développement avec l’Afrique, si on n’a pas de politique de développement avec l’Afrique, ça ne marchera pas. Vous devez avoir une politique d’entente avec les principaux pays d’où viennent les migrants quand c’est possible et quand il n’y a pas la guerre. On doit avoir une politique vis-à-vis de la migration et des migrants « à visas multiples », c'est-à-dire donner des visas d’entrée qui soient pour un temps limité, trois mois, six mois, sur plusieurs années... et vous avez à ce moment-là un droit de travail. Mais si vous ne repartez pas chez vous et si vous transgressez, votre droit de travail tombe. Il faut qu’on réfléchisse autrement à cette question, on ne peut pas non plus accueillir tout le monde donc il faut des quotas, et il faut que ce soit débattu, par exemple au Parlement.

En tant que députée européenne, François Fillon et Alain Juppé ne cachent pas un certain mépris pour la Cour Européenne des Droits de l’Homme. François Fillon veut la revoir, à propos de la GPA il dit qu’elle ne fait pas son travail. Alain Juppé, lui, a un certain mépris parce qu’il dit que ce n’est pas suffisant pour régler le problème de la légitime défense des policiers. Donc tous les deux s’assoient dessus, pardonnez-moi l’expression.

Vous dites mépris, je ne suis pas sûre que ce soit le terme, il faut faire attention aux mots qu’on utilise. Je ne pense pas qu’il dise « mépris », Alain Juppé, ce n’est pas la façon dont il parle, à mon avis des instances de ce qui représente l’Etat de droit. Après, s’il y a des questions, regardons-les. Moi, mon ADN, c’est plutôt d’être du côté de l’Etat de droit, et je pense que ce n’est pas en minimisant les libertés publiques et l’Etat de droit qu’on arrivera à régler ces questions.  Je pense qu’on est assez forts pour faire les choses dans un Etat de droit, et sans remettre en cause les institutions.

Marielle de Sarnez vous êtes une femme, une élue, en politique. A quelle heure allez-vous arrêter de travailler ce soir ? A 16h34 exactement ?

Je n’arrêterai peut-être pas de travailler parce que j’ai des choses à faire, des réunions, mais je vais vous dire, je serai parfaitement solidaire des femmes qui s’arrêtent de travailler à cette heure-là.

Donc vous savez pourquoi je dis ça. Les femmes salariées disent qu’elles travaillent bénévolement, entre guillemets, jusqu’à la fin de la journée par rapport à leurs collèges masculins. La France est placée au septième rang, dans cette affaire. Ca vous interpelle ou pas ?

Elles ne disent pas, elles constatent. C’est la vérité.  C’est un scandale, je vais vous dire, je pense que la question égalité hommes-femmes, et en particulier l’égalité salariale hommes-femmes doit être centrale !

On en parle, au Parlement Européen, de ça ?

Mais bien sûr qu’on en parle. On est au septième rang d’Europe pour ça, et on est au soixantième rang en Europe pour la représentation des femmes à l’Assemblée Nationale ! Donc tant qu’on n’aura pas un mode de scrutin différent, on aura une Assemblée qui ne représente pas, et qui ne ressemble pas à la France.

Donc l’élection d’Hillary Clinton, ça va vous faire plaisir.

Ecoutez, en tous les cas l’élection de Trump ne me ferait pas plaisir... Donc je pense, j’espère qu’Hillary Clinton sera élue, en même temps je n’ai pas une passion dévorante pour elle, je suis désolée de le dire. Mais c’est quand même beaucoup mieux que Trump.

Pourquoi ?

Je trouve que d’abord, ce côté dynastie a quelque chose qui moi me dérange.

C’était le cas des Bush, et des Kennedy.

Et alors ? Oui, je trouve ça dérangeant. Je pense que l’Amérique vit des problèmes lourds, mais d’ailleurs pas loin de ceux de la France. On voit bien qu’il y a une inégalité croissante entre les catégories de population, que les classes moyennes souffrent terriblement, qu’il y a un déclassement, qu’il y a une déchirure sociale qui est en train de se produire dans le pays. Je vois ça aux Etats-Unis, je vois ça en France. Et c’est pourquoi je me dis qu’il va falloir qu’on ait des hommes d’Etat et des gouvernants de premier plan.

Marielle de Sarnez, merci d’avoir été notre invitée. 

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