"Il faut penser un nouveau modèle de consommation"

Robert Rochefort, député européen et responsable de l'Economie au sein du Shadow cabinet, était l'invité d'Europe 1 lundi 26 septembre. Il a annoncé la création de l'Observatoire de la Société et de la Consommation (OBSOCO), afin de proposer un nouveau modèle de consommation qui ne soit plus basé sur le gaspillage.

Vous annoncez la création d’un nouvel Observatoire de la Société et de la Consommation que vous appelez l’OBSOCO. Et si j’ai bien compris, dans votre esprit et celui de votre collègue Philippe Moretti qui vous accompagne aussi dans cette aventure, il ne s’agit pas d’un observatoire ou d’un think-tank de plus ; c’est la notion même de consommation que vous voulez repenser. Expliquez-nous. 

Nous sommes dans un moment de crise économique majeure. La France, on le dit tous les jours, a fondé son modèle économique sur la consommation. Mais en même temps, on voit que la consommation est en train de ralentir et je pense que tout le monde va se poser la question de savoir comment on la relance. Et puis comme on est quand même pas très loin d’une campagne électorale, certains vont dire "il faut donner du pouvoir d’achat" mais on sait qu’on ne peut pas donner de pouvoir d’achat parce que la situation des dettes publiques fait qu’on on pourra plus distribuer du pouvoir d’achat à crédit. De l’autre côté, pour faire simple, les libéraux disent "on donne du pouvoir d’achat en faisant baisser les prix, en accentuant la concurrence", c’est-à-dire en faisant du low-cost, du hard-discount comme ça a été le cas depuis quelques années. Eux-mêmes aboutissent à une impasse : pour faire du low cost et du hard discount, on ne fabrique plus en France, donc la chaîne vertueuse de la consommation, qui était de créer des emplois parce que ça allait relancer la machine économique, marche moins bien et donc il est temps de se dire comme on repense tout ça. Et comme moi je pense malgré tout que la consommation est ancrée dans les gênes de la société occidentale maintenant, et que l’économie de marché n’est pas la plus mauvaise, loin s’en faut, c’est même le moins mauvais des systèmes pour satisfaire le besoin des gens, hé bien je dis qu’il faut que l’on réfléchisse à quelque chose de nouveau. 

Vous soulignez aussi une autre dimension, puisque l'on a fait de la consommation le nec plus ultra de la croissance et surtout du progrès - c’était presque synonyme de bonheur à un certain moment - vous dites en réalité : "c’est un modèle qui est basé sur le gaspillage, qui est donc insoutenable pour l’environnement et il est quand même temps de s’en préoccuper". 

Vous voyez bien que si les quelques centaines de millions de Chinois qui accèdent à la classe moyenne, pareil demain pour les Indiens, et puis tous les autres pays, si toutes les classes moyennes de la planète terre se mettent à consommer exactement comme nous, il est évident que la planète ne marchera pas. Donc nous savons déjà qu’il va falloir par ailleurs des modes de consommation beaucoup plus respectueux de l’environnement et ça ne tombe pas si mal que ça, parce que, dans les pays occidentaux qui sont comme nous le sommes depuis plus de 50 ans, 60 ans dans la société de consommation, on commence à se lasser du modèle du gaspillage. 

Alors ça c’est intéressant. 

On commence à bien voir que le fait d’avoir un objet de plus, le fait d’avoir une télé de plus ou d’avoir une voiture de plus, ça n’est plus ce qui amène à une certaine satisfaction. Alors le marketing a du mal à le comprendre parce qu'il continue à nous vendre, il fait de la surenchère, c’est-à-dire que le marketing propose quasiment de nous dire que si on prend la bonne crème pour notre peau, on va gagner plein d’années de vie, voir qu’on va devenir séduisant, presque immortel. Et donc le marketing a du mal à comprendre cela. Donc je crois que l’on ne peut plus être dans le "toujours plus". Et il faut être dans quelque chose qui est beaucoup plus immatériel et qui en même temps beaucoup plus qualitatif. 

Est-ce que cela n’est pas quand même un peu réservé aux bobos ? 

Je ne crois pas parce que, regardez les jeunes, et y compris les jeunes de catégorie très populaire : ils n’achètent plus de CD. Qu’est-ce qu’ils font ? Ils téléchargent de la musique, alors ils ne le font pas toujours légalement, on est bien d’accord, mais ça veut dire que pour ces jeunes l’objet de consommation n’existe plus. Nous qui sommes les parents de ces jeunes là, nous avons encore notre collection de CD dans le salon, mais pour eux, ce qui compte, ce n’est pas la possession d’un CD, c’est l’usage, c’est-à-dire la possibilité de se faire plaisir en entendant à un moment donné un son. De plus, comme la technologie fait qu’aujourd’hui on peut mettre des milliers sur un cube avec quelques circuits intégrés qui fait 3 centimètres sur 4, je récuse le fait que vous me disiez que c’est réservé aux bobos. C’est réservé aux bobos peut-être quand on réfléchit à des sujets comme les résidences secondaires, comme le fait que vous alliez passer une semaine à l’autre bout du monde mais vous voyez que si on prend l’exemple de la musique, et on peut en prendre d’autres bien évidemment, c’est beaucoup plus général. 

Justement, il faut qu’on en prenne d’autres. Sur cette idée qu’il faut désormais distinguer la propriété de l’usage, le produit lui-même et puis le service qu’il rend, à quoi peut-on l’étendre rapidement ? 

Je vous cite un exemple très simple : la machine à laver. Finalement, on achète tous des machines à laver. Est-ce que l’on ne pourrait pas arriver à décalquer dans les familles ce que l’on fait dans les entreprises qui est qu’aujourd’hui qu'on n’achète plus de photocopieuses mais on achète un abonnement avec une photocopieuse qui est installée par le prestataire et vous payez la photocopie, c’est-à-dire vous payez un forfait à l’usage. Et si on faisait pareil avec la machine à laver, ça aurait beaucoup de vertus ! Parce que d’abord, cela forcerait le prestataire qui propose ce service à avoir des machines de très bonne qualité, parce qu’il n’a pas envie de faire intervenir un technicien tous les jours chez vous. Et vous, par exemple imaginez que vous soyez une personne en solo, vous savez que dans les grandes villes de France il y a 40 pour cent des logements qui sont occupés par des personnes seules. Si vous êtes célibataire et que votre voisin de pallier est divorcé, est-ce que cela ne pourrait pas vous venir à l’idée de dire "tiens si on prenait un abonnement de machine à laver pour deux" ? 

Ça créerait du lien social. 

J’ai pris cette exemple de la machine à laver, mais vous voyez que c’est une façon de reprendre l’exemple Vélib’. Dans la plupart des villes, toutes les grandes de France, les grandes villes d’Europe et même un certain nombre de grandes villes d’Asie et d’Amérique, vous payez l’usage d’un vélo pendant une heure ou deux, et c’est bien mieux puisque vous faites plus de vélo puisque le vélo est à votre porte. Vous n’avez pas besoin de l’avoir emmené, c’est écologique, c’est économique et ça fait de la productivité par rapport à l’usage du produit lui-même. Donc vous augmentez non pas le pouvoir d’achat mais le pouvoir de consommer. 

Alors ça déplace évidemment la question de la création d’emploi, de la production, vers le service, puisque derrière il y a de la maintenance ? 

Voilà, parce qu’il faut aussi que nous soyons capables de résoudre cette question qui est : comment réindustrialiser et comment créer à nouveau des emplois dans les pays occidentaux ? Vous voyez, il y a deux pistes par rapport à ça : la première c’est qu’effectivement on crée des emplois de maintenance puisqu’il faut entretenir et cela n’est pas délocalisable. La deuxième c’est que, comme il faut fabriquer des produits de qualité, c’est beaucoup plus facile de relocaliser en commençant par les produits de qualité. On sait que la délocalisation est d’autant plus intense qu’il s’agit de produits bas de gamme ou de produits pas chers. Et comme c’est ça notre idée, avec notre collègue Philippe Moretti et tous ceux qui créent cet Observatoire, nous faisons une autre proposition, pour montrer que tout ça est très lié : si on mettait les garanties légales sur les produits d’équipements qu’on achète à 5 ans, à 7 ans ou à 10 ans sur les produits, cela forcerait à effectivement privilégier la qualité et donc à favoriser les relocalisations d’activités de fabrications en France. 

On voit bien à vous entendre, vous avez rappelé tout à l’heure qu’en France, la consommation était considérée comme le moteur essentiel de la croissance ; c’est une petite révolution intellectuelle à laquelle vous nous appelez et à laquelle vous avez travaillé, c’est ça ? 

Oui, parce que vous n’imaginez tout de même pas que dans les cinquante ans qui viennent, on va avoir la même société de consommation que dans les 50 ans qui viennent de s’écouler ? Et d’ailleurs, il y a 60 ans, elle n’existait pas cette société, elle a correspondu à une société de gaspillage, pas seulement dans la société de consommation, mais de gaspillage dans la façon de polluer partout. Il faut que nous inventions une autre société et je crois qu’il faut qu’on en débatte. Si on crée cet observatoire, c’est parce qu’il faut en débattre avec les entreprises de la distribution, de la fabrication, les bureaux de recherche et développement, également les communicants et les consommateurs, les syndicats et je dirais aussi les pouvoirs publics. Parce que vous savez, quand on a décidé de faire des hypermarchés partout en France dans les années 60, quand ensuite on a fait ces boîtes à chaussures de surfaces spécialisées le long des départementales, les pouvoirs publics ont été non seulement complices mais ont encouragé ça. C’est-à-dire que la décision publique va aussi opter dans un sens ou dans un autre. 
Pour faire du Vélib’ ou de l’autopartage, il faut une implication des pouvoirs locaux et donc nous voulons que tout ce débat s’organise, se mette en place et nous pensons que c’est une perspective pour les consommateurs ou les citoyens de retrouver une satisfaction qui soit tout à fait réelle et également de relancer non pas la croissance, comme c’était le cas dans les décennies passées avec des taux très élevés, mais en tout cas une forme de progression de l’activité économique dont on a bien besoin.

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