"Il n'y a qu'une seule équipe suffisamment soudée et cohérente"

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A six jours du scrutin présidentiel, François Bayrou rappelle au micro de France Info la cohérence et le renouvellement nécessaires à la France, incarnés par la candidature et l'équipe d'Emmanuel Macron.

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Bonjour François Bayrou.

Bonjour.

Avant d’évoquer la campagne présidentielle, à six jours du scrutin, un mot sur la Turquie. Le président Erdogan vient de remporter un référendum consistant à renforcer son pouvoir présidentiel. Cette société dérive peut-être un peu des codes que l’Europe met en place. Il faut rompre les négociations avec la Turquie ?

Deux choses. D’abord, c’est un pays coupé en deux, 51% à 49%. C’est un verdict, mais c’est également le signe d’un pays profondément divisé, en raison même de l’évolution, de la dérive que le président Erdogan lui fait emprunter.

Deuxièmement, il y a quelque chose aujourd’hui de fascinant : dans les peuples, il y a une certaine aspiration au pouvoir personnelle très forte, qu’il y ait des chefs, pour ne pas dire tyranniques, qui s’occupent de tout. C’est une évolution qui existe partout dans tout le monde, face à laquelle l’Europe est une résistance.

Troisième chose. Nous avons eu beaucoup de débats sur ce sujet. Je dis que l’intégration de la Turquie en Europe serait impossible pour la Turquie et pour l’Europe.

Mais il existe des négociations...

Ce sont des négociations au point mort et à mon avis, un peu hypocrites des deux côtés. 

Revenons à la campagne présidentielle. Ce soir, Emmanuel Macron tient cet après-midi à Bercy un de ses derniers grands meetings. Beaucoup de gens notent une forme de fragilité, notamment dans l’assemblage hétéroclite qu’a réuni autour de lui Emmanuel Macron, mais aussi par son souci permanent de l’image. Cette fragilité, vous la ressentez ?

Je ne ressens ni l’une, ni l’autre des fragilités que vous avez indiquées. Les paparazzis, dans une campagne présidentielle, nous savons vous et moi qu’il y en a beaucoup. C’est un piège auquel il faut absolument résister. En tout cas, c’est mon point de vue. Je crois que de plus en plus, c‘est le sien. Là, il était sur un télésiège, à la montagne, avec sa femme. Il y a pire comme mise-en-scène.

Et puis il y a Pau au pied des Pyrénées, et rien que cela suffit ! Le meeting que nous avons eu à Pau était par ailleurs superbe, avec plus de 6 000 personnes.

Deuxièmement, il n’y a rien d’hétéroclite autour de lui. Je vais même aller beaucoup plus loin. C’est la seule équipe qui soit cohérente, parce que tous ceux qui sont là partagent une certaine idée de la démocratie, des choix de la France, du fait qu’on ne peut pas renier le choix européen, du fait que l’économie a des lois et que si on veut démentir les lois de l’économie, on aura de très graves accidents et le fait qu’il faut désormais pour le modèle français trouver l’équilibre entre la défense de nos valeurs sociales et de l’école et le mouvement du monde. Tous ceux qui sont là le pensent.

Et les exceptions qu’on pourrait trouver parmi les soutiens, elles ne sont pas destinées à occuper des responsabilités dans la période qui vient. Il y a des soutiens et il y a le noyau dur qui occupera les responsabilités. Je veux même aller plus loin. Les autres candidats n’ont pas de cohérence d’équipe : la gauche est explosée, la droite est divisée. Le seul ensemble qui ait cette unité de fond et qui veuille réformer le pays en le rassemblant, c’est la majorité future d’Emmanuel Macron s’il est élu président.

C’est une conversion de votre part assez récente. Le 29 novembre dernier, vous étiez à cette même place et vous nous disiez le contraire. « François Fillon et Emmanuel Macron, c’est le même mode de pensée (…) Ce sont des logiques qui creusent sans fin les inégalités ».

Il se trouve que dans le travail que nous avons fait ensemble… Si vous vous souvenez des exigences que j’ai formulées lors de notre alliance, il y en avait quatre. La première, que ce soit une vraie alternance. La deuxième, que l’on fasse une loi de moralisation de la vie publique, pour que désormais les conflits d’intérêts soient bannis – la tentative de prise de contrôle par des intérêts de la décision publique, c’est cela, les conflits d’intérêts. Troisièmement, que l’orientation du projet soit une orientation vers l’égalité des chances et vers le social. Quatrièmement, qu’il y ait le pluralisme.

C’est la discussion que nous avons eue et le choix que depuis lors, Emmanuel Macron n’a jamais remis en cause, et je travaille pour ainsi dire avec lui tous les jours. Je vois bien que cette crainte n’était pas la bonne. J’ajoute que depuis, nous avons appris quels sont les liens entre François Fillon et ses intérêts privés : ce sont des liens de dépendance.

Le reproche que je formulais à l’instant était fondé pour l’un et pas fondé pour l’autre.

(Annonce de titres sur la grippe aviaire et l’abattage de volatiles dans cinq départements du Sud-Ouest)

Vous me permettez de dire un mot sur les titres qui viennent de nous être annoncés et le premier d’entre eux, c’est-à-dire, dans cinq départements du Sud-Ouest, des éleveurs de canards qui sont dans une situation tragique de tristesse et de crise économique. Il faut absolument les aider. C’est leur métier. Ils sont dans le désarroi. Tous leurs animaux partent. On ne le dit pas assez. Ce n’est pas pour eux qu’on va abattre les canards, mais pour protéger le reste des élevages français. Donc la solidarité nationale doit s’exercer à l’égard de ceux qui sont en première ligne.

Vous demandez qu’on les aide davantage ?

Je demande qu’on fasse le travail de solidarité nécessaire.

Certains éleveurs se regroupent afin que ne soient pas procédés les abatages.

Je pense à eux. 

François Fillon vient de dire qu’il ouvrira peut-être son gouvernement à un membre de Sens Commun. Qu’en dites-vous ?

Vous voyez bien ce que tout cela révèle. Il y a aujourd’hui en France et dans le monde des mouvements qui veulent que leur conviction religieuse fasse la loi pour tous. C’est un très grand choix. Le choix français, le choix de la laïcité – je le dis d’autant que chacun sait quelles sont mes convictions à moi – est extrêmement précis : ce n’est pas la foi qui fait la loi. Nous avons des convictions personnelles, familiales, on y tient, c’est important. Mais la société est pluraliste, et dans cette société pluraliste, il faut séparer la foi de la loi.

Il y a des mouvements divers qui veulent que la loi soit soumise à la foi. La France, pour que nous puissions vivre ensemble, a fait le choix exactement construit de la laïcité, de séparer l’un de l’autre. Et que simplement par intérêt de camp, c’est ce que François Fillon dit… il faut faire attention, parce qu’alors quels reproches pouvons-nous faire à d’autres, qui veulent définir la loi à partir de la foi ?

Pas seulement l’islam. Regardez ce qu’il se passe en Inde. Partout dans le monde, il y a des courants qui disent que le plus important, c’est la religion.

Nous, nous pensons, Français, que ce qui est le plus important, c’est le vivre-ensemble et le respect du pluralisme des sensibilités. Autrement, cela a un nom : c’est la guerre de religions. On va se battre pour imposer nos principes aux autres.

Il fait une erreur ?

Je pense que François Fillon est dans une logique qui ne cesse de dériver dans ce sens.

Emmanuel Macron a un embarras avec un référent d’En Marche, Mohamed Saou, investi pour les élections législatives, mais internet a restitué des propos radicaux qu’il avait eu, notamment sur « Je ne suis pas Charlie ». Hors micro, Emmanuel Macron a dit que « c’est un type très bien, c’est pour cela que je ne vais pas le virer, malgré le fait qu’il a fait un ou deux trucs radicaux ».

Je ne crois pas tout ce qui est écrit sur internet sans vérifications. Ensuite, des gens peuvent faire des erreurs et par ailleurs être dans leur vie, dans leur manière d’être, des gens biens. Simplement, la responsabilité du patron, ici, du candidat, est de dire : «  vos opinions ne peuvent pas déstabiliser ce groupe, ce mouvement que nous formons ensemble ». De ce point de vue, il y a des risques. C’est à peu près exactement ce qu’Emmanuel Macron a dit.

Est-ce que cela veut dire que forcément, dans ce mouvement des erreurs se glissent ?

Je ne connais rien d’aussi difficile de bâtir un mouvement politique qui tout d’un coup attire des milliers de personnes. Je le sais, je l’ai fait et avec bien des difficultés. Et encore avions-nous la structure du grand courant centriste français.

Vous allez vous assurer des garanties de tous les candidats aux législatives ?

J’assisterai et je pèserai de toute mon influence – si j’en ai – pour qu’il y ait ce choix éclairé qui fasse qu’on ne se retrouve pas avec un mouvement déstabilisé de l’intérieur. C’est très difficile à faire. Je l’ai dit à Emmanuel Macron et à ses équipes souvent. C’est une des raisons pour lesquels nous, le centre indépendant, le MoDem, restons un allié. J’y aiderai autant que je le pourrai avec l’expérience qui est la mienne.

Votre ami, Jean Lassalle, parle de votre ralliement à Emmanuel Macron. « Il est aux antipodes de ce qu’il a toujours dit ».

Ce n’est pas mon ralliement, mais mon alliance.

Il ne comprend pas votre alliance.

Nous avons fait une alliance. Une alliance, c’est entre partenaires, en situation de coresponsabilité.

Vous regrettez que Jean Lassalle soit candidat ?

Je ne m’exprimerai pas à ce sujet. Cela ne ressemble en rien à ce que je crois et j’espère de l’avenir et à ce que nous avons pendant des années bâti ensemble.

Votre nom est souvent cité pour Matignon en cas de victoire d’Emmanuel Macron. En avez-vous envie ?

Si mon nom est cité, ce n’est jamais par moi. Je n’ai jamais ni de près, ni de loin, participé à ce petit jeu. Je l’ai dit et je le répète : je n’en ai jamais parlé avec Emmanuel Macron. Ceci pour une raison précise : c’est la responsabilité du président de la République. Pas du candidat, ni des gens qui font des ententes.

Ma question est : est-ce que vous en avez envie ?

Je ne raisonne pas sur ces questions à partir de l’envie. Cela vous paraît surprenant. Je sais deux choses simples : je ne cesserai jamais de m’occuper de ma ville de Pau et je ne cesserai jamais de servir autant que possible l’idée que je me fais de l’idée du pays, qui a tellement de problèmes actuellement.

Puisque vous resterez à Pau, pouvez-vous affirmer aujourd’hui que vous ne serez pas ministre ?

Vous ne m’avez pas vraiment écouté. Sortez de la fausse naïveté dans laquelle vous êtes. La situation d’après la présidentielle n’est pas encore connue. J’espère qu’Emmanuel Macron sera élu, qu’il y aura une majorité nouvelle autour de lui et que son gouvernement sera solide. Je ferai tout ce que je peux pour qu’il en soit ainsi. Je n’ai envie d’entrer dans ce petit jeu auquel vous essayez de me livrer.

Vous dîtes que vous espérez une majorité nouvelle autour de lui. Le cas échéant, vous ne favorisez pas l’Assemblée nationale pour lui apporter un soutien ?

Je ne serai pas candidat aux élections législatives. Je l’ai déjà dit deux ou trois fois. J’ai été député pendant longtemps. Je ne le regrette pas, mais pour moi, l’engagement citoyen qui est le mien ne passe pas par l’Assemblée nationale en 2017.

Emmanuel Macron, invité de BFM, vient de dire à l’instant que le Premier ministre qu’il nommerait ne serait pas issu de la société civile mais du monde politique, parce qu’il a besoin d’une certaine expérience. C’est peut-être pour cette raison que votre nom est cité.

Le jeu des pronostics est le vôtre.

Ce ne sont pas des pronostics, mais des analyses. Il n’y a pas grand monde autour d’Emmanuel Macron capables d’occuper ce poste. Vous en voyez, vous ?

Regardez les autres candidatures.

Non, on parle d’Emmanuel Macron. La ficelle est un peu grosse.

Il n’y a pas de ficelle. Vous dites qu’il y a deux ou trois noms cités autour d’Emmanuel Macron. Y’a-t-il des noms cités autour des autres candidats ?

Quels noms ?

Vous n’avez qu’à lire les articles de journaux. C’est votre boulot !

Autour de Le Pen, de Mélenchon, vous voyez des noms apparaître ?

La vérité, c’est qu’il n’y a qu’une seule équipe suffisamment soudée et cohérente, qui partage les mêmes objectifs, pour qu’on puisse en effet y dire des noms. C’est une équipe de renouvellement. Quel est le choix de dimanche prochain ? Ou bien nous restons dans le système classique qui nous a conduit où nous sommes, usé, à mes yeux, des deux partis, gauche et droite, qui se renvoient le pouvoir à chaque alternance, ou bien nous cherchons des rassemblements plus larges pour que la politique qui doit être conduite le soit. La seule possibilité de rassemblement plus large est celle qu’Emmanuel Macron propose. 

Le besoin d’expérience au Premier ministre, est-il nécessaire ?

Je ne connais pas de gouvernement à la tête duquel ou dans lequel on ne souhaite pas des expériences importantes. Je ne l’imagine même pas.

Vous êtes d’accord avec Emmanuel Macron sur ce point ? C’est le monde politique et pas la société civile qui apportera le Premier ministre ?

C’est raisonnable.

C’est presque un acte de candidature…

Vous le voudriez !

Je vous embête…

Vous ne m’embêtez pas… Si je n’avais embêté dans ma vie que par cette question de savoir si j’accepte d’aborder la fonction de Premier ministre, je me serai bien mieux porté ! Je n’ai jamais envisagé cette question avec lui, même sous l’angle que vous venez de dire.

Peut-être que Dominique de Villepin sera présent au meeting, tout à l’heure. Vous le souhaiteriez ?

Je l’ai lu sur Twitter comme vous. Je n’en sais pas plus. Je trouve que les expressions de soutien qui forment un équilibre : centre, gauche, droite. Jean-Louis Debré, par exemple, lorsqu’il a dit que pour lui cela irait dans ce sens-là, c’est un soutien important. Ce que le gaullisme a apporté à mon sens ne trouve pas sa place dans la manière dont François Fillon présente les choses. Le gaullisme, c’est autre chose de plus grand. Que Dominique de Villepin ait laissé entendre qu’il pourrait soutenir la candidature d’Emmanuel Macron, je trouve cela très bien. Que Jean-Louis Debré et d’autres en aient fait autant – il y a une dizaine de ministres qui ont été dans les gouvernements de Jacques Chirac qui sont présent pour soutenir Emmanuel Macron – c’est un équilibre bienvenu !

 

 

 

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