"Il revient aux Européens de porter les changements dont l'Europe a besoin"
Invitée de la matinale d'i>télé, Marielle de Sarnez a appelé "les peuples à se réapproprier le destin européen". "Les Européens doivent pouvoir décider de la politique qui est suivie en Europe", a-t-elle fait valoir.
Christophe Barbier - C'est aujourd'hui la Journée de l'Europe et on a l'impression que tout le monde s'en fiche un peu. C'est désolant, non ?
Marielle de Sarnez - Oui c'est désolant, parce que l'Europe c'est évidemment notre avenir et le cadre dans lequel il faut que nous inscrivions notre action dans le monde d'aujourd'hui.
La faute à qui ? Aux chefs des États et des gouvernements ?
Beaucoup, oui. Et, en même temps, ils savent tous parfaitement que hors de ce projet commun, il n'y a pas d'avenir. Cette Europe, de temps en temps elle est formidable, de temps en temps elle marche moins bien. Profitons des élections européennes pour dire ce qu'il faudra changer. La rendre à nouveau efficace, qu'elle retrouve une capacité à agir et qu'elle soit plus démocratique... Ce sera ça les questions.
Il y aura des listes indépendantes MoDem aux européennes ?
Il y aura des listes du Mouvement Démocrate, peut-être élargies. Nous verrons. Il faut que les Européens assument le concept, l'idée et le projet européen. Je crois qu'il revient aux Européens de porter les changements dont l'Europe a besoin.
Bayrou et Borloo sur des listes communes, ça aurait de la gueule non ?
On verra, mais pourquoi pas. Je suis ouverte et nous sommes ouverts.
Les écologistes étaient très européens au précédent scrutin. Ils se sont depuis divisés. Vous pouvez tendre la main à certains écolos, qui portent l'héritage de Cohn-Bendit ?
Tous ceux qui veulent faire quelque chose d'utile pour l'Europe, au centre de la vie politique française, bien évidemment je regarde cela avec intérêt.
Aujourd'hui, François Hollande fait-il quelque chose d'utile pour l'Europe ?
Je trouve que la France manque d'une conception politique démocratique de l'Europe. Nous entendons les socialistes critiquer Mme Merkel. C'est très facile de critiquer Mme Merkel, mais elle au moins elle existe et elle a une position. Je regrette que la France n'ait pas une voix plus forte sur l'Europe. L'Europe est faite de compromis, de consensus. Pour cela il faut que les grands pays parlent. La France n'a pas de voix forte sur l'Europe aujourd'hui et je le regrette.
Peut-être que François Hollande a raison d'attendre l'élection en Allemagne, en septembre ?
Non. Pour consolider l'Europe, on a besoin de la France. Pour cela, la France a besoin d'avoir une voix forte. Et pour avoir une voix forte, il faut qu'elle se réforme. Tout cela va ensemble.
Une voix fragile s'est élevée il y a quelques jours, celle d'Enrico Letta. Il a parlé des "États-Unis d'Europe". C'est un objectif pour vous ? Ça pourrait être votre mot d'ordre ?
Je le connais, nous avons siégé dans le même groupe au Parlement. Une Europe plus unie, plus intégrée, plus démocratique, ça ce sont nos mots d'ordres. La réalité, c'est que les élites européennes ont pensé faire l'Europe sans les peuples. Je crois que l'erreur est là. Il faut maintenant que les peuples se réapproprient le destin européen. L'Europe c'est leur affaire, ce n'est pas une question de politique étrangère ou d'affaires étrangères.
Il faut élire au suffrage universel des 27, le président de la Commission européenne ?
Les Européens doivent pouvoir décider de la politique qui va être suivie par l'Europe et par les dirigeants européens. Il faut qu'ils puissent décider d'avoir une Europe qui se protège davantage, qui soit plus plus sociale ou plus ouverte... Il faut que ce soit leurs choix, leur Europe.
La Commission a pris une décision politique : elle a donné deux ans de plus à la France pour atteindre le fameux seuil des 3% de déficit. Faut-il en profiter pour relâcher un peu la pression, la rigueur ?
C'est une bonne décision, mais il ne faut pas relâcher le sérieux budgétaire et la gestion de notre dette. Nous devons évidemment continuer à faire des économies. Mais ce sont deux ans qui doivent être mis à profit pour faire les réformes structurelles dont notre pays a vitalement besoin. Nous avons une dépense publique trop importante aujourd'hui. Je crois que l'on peut mieux gérer demain, en réformant. C'est ça que la Commission attend principalement de la France.
Un dernier mot sur l'Europe, en Italie Silvio Berlusconi est condamné mais associé au pouvoir et incontournable...
Il n'est pas au gouvernement, mais son parti est dans la coalition d'union nationale. Je forme le vœu que ça marche, que ça réussisse. Enrico Letta est quelqu'un de bien, d'estimable, d'une nouvelle génération. Si on pouvait tourner la page de Berlusconi, ce serait bien.
Mais la démocratie, ça donne Beppe Grillo et Berlusconi qui revient par la fenêtre ?
La démocratie, ça donne en effet Beppe Grillo et des anti-européens, mais parce que les Européens ne s'assument pas ! Il faut que les Européens s'assument ! Sans être européistes, sans être fédéralistes, car ce sont des choses qui sont loin des gens et loin des peuples. Nous avons besoin d'une Europe démocratique et d'une Europe qui retrouve une capacité à agir pour les Européens.
La France enchaine les jours fériées, c'est peut-être aussi pour ça qu'on parle peu d'Europe aujourd'hui. Est-ce que c'est désolant ?
Je trouve que c'est désolant, parce qu'on voit bien qu'on ne peut pas créer des richesses dans un pays, se réformer, se mettre au diapason du monde d'aujourd'hui, en accumulant les jours fériés. Il faudrait qu'on réfléchisse sérieusement à tout cela, oui.
Jean-Louis Borloo a présenté un plan en dix propositions pour un redressement national. Est-ce que ces propositions et cette méthode
Tout ce qui va dans le sens d'un effort qui pourrait être fait en commun, cela va dans le bons sens. Mais je crois que ce dont la France a besoin, c'est davantage de réformes structurelles que d'une boite à outils supplémentaire. Nous avons besoin d'une réforme réelle des retraites, de réformer l'État, de réformer nos collectivités locales et de les simplifier, ...
Cela, ça peut être fait droite, gauche et centre réunis ?
Cela ne peut être fait que droite, gauche et centre réunis. Ce sont des réformes lourdes. François Hollande a pris la responsabilité du pays avec de nombreuses réformes qui n'ont pas été faites depuis de nombreuses années. Ce sont des réformes cruciales, nous sommes dans l'obligation de les faire. Mais on ne peut pas les faire, quand on est juste soutenu par 25% des Français. On est obligé d'avoir une majorité plus large qui les soutienne. Il faut donc que François Hollande dépasse son camp, dépasse la gauche. Ce qu'on attend de François Hollande, c'est qu'il réforme pour la France, pas pour la gauche mais pour le pays.
Dépasser son camp, est-ce que cela peut se faire à l'occasion du prochaine remaniement ?
Je ne sais pas si ce sera le cas. Qu'il y ait une équipe resserrée, ce serait bien. J'ai toujours trouvé que nos gouvernements étaient beaucoup trop nombreux. Une équipe d'une quinzaine de ministres me semblerait davantage au goût du jour.
Il faut le faire vite, ce remaniement, maintenant qu'il est annoncé, pour éviter la tétanie ministérielle ?
Je suppose que François Hollande et le Premier ministre jouent de tout cela. Comme ça, ils peuvent affirmer une autorité sur les ministres. Il y a une partie de jeu psychologique. S'ils veulent faire un remaniement, qu'ils le fassent, mais ce n'est pas la question vitale pour moi.
On a vu Arnaud Montebourg et Manuel Valls, hier, se promener sur les Champs-Élysées en souriant. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
Ils ont a peu près le même âge, ils ont peut-être les mêmes ambitions, ils ont donc sûrement beaucoup de choses à se dire.
Mais ils n'ont pas la même ligne politique. Il y a beaucoup de contradiction...
Il y a beaucoup de contradiction et c'est bien pour cela que je vous dis qu'il va falloir que François Hollande, au fond, clarifie sa ligne et puisse aller au-delà des étiquettes politiques de la gauche.
Les Champs-Élysées nous amènent à Paris, vous êtes candidate aux municipales de mars prochain. En ce moment, l'UMP tente d'organiser une primaire. Ça ne marche pas, quelques milliers d'inscrits à peine, est-ce que c'est un mauvais système?
Ça devrait nous faire réfléchir au fait que les démarches partisanes ne sont peut-être pas celles qui sont attendues par nos concitoyens. Vous voyez bien que c'est l'affaire d'un parti. Peut-être que les Parisiennes et les Parisiens attendent une démarche moins partisane, plus rassembleuse, différente, nouvelle. Et c'est celle là que j'ai envie de proposer.
Entre les deux tours des municipales, vous êtes prête à discuter avec NKM et Hidalgo pour l'union autour de Paris ?
Anne Hidalgo et Nathalie Kosciusko-Morizet ont sûrement des choses à apporter à Paris. Pour ma part, j'ai envie de proposer des choses très concrètes pour la vie des Parisiens, en particulier sur le logement.
Ça changera la vie des Parisiens, qu'une femme soit Maire ?
J'espère que la campagne entre femmes sera une campagne d'un meilleur niveau et que l'on pourra montrer qu'il est possible de faire de la politique autrement. C'est mon vœu.