"Il y a aujourd’hui une vague idéologique simple qui consiste à choisir l’augmentation permanente des inégalités"

Notre invité ce matin est François Bayrou. Bonjour. 

Bonjour. 

J’ai une question directe : pourquoi ne serez-vous pas candidat à l’élection présidentielle ?  

Porquoi dites-vous cela ? Vous prêchez le faux pour savoir le vrai. 

Non, non. 

La question est très simple. L’élection présidentielle, c’est deux choses : une personnalité et un projet. Les deux comptent, et simplement, le projet que je ressens comme nécessaire pour la France, pour l’instant, n’est pas exprimé et n’est pris en compte par personne. La personnalité de François Fillon – vous savez bien que j’ai de l’amitié pour lui depuis longtemps - est une personnalité sur laquelle il n’y a aucun obstacle. Mais le programme qu’il a choisi de porter mérite que l’on ouvre les yeux, que la France, les Français, y compris de son camp, se posent des questions et s’interrogent. Je suis là pour que les yeux s’ouvrent et que l’on se pose vraiment les questions nécessaires. 

Alors ma question est une mauvaise question.  

Votre question est une question souriante. 

Alors je repose ma question : pourquoi seriez-vous candidat à la présidentielle ? 

On est candidat à l’élection présidentielle lorsque l’on sait avec certitude que ce que l’on porte n’est porté par personne d’autre et que c’est essentiel pour l’avenir du pays. 

C’est ce que vous savez aujourd’hui. 

Je n’ai pas dit cela.

Vous venez de me dire « personne ne porte les idées que je défends ».  

Au-delà des sourires, c’est un choix, une décision qui est assez lourde, que je connais un peu. Cette décision lourde ne peut être prise qu’au terme – on dit d’un processus – d’une réflexion, au terme d’un travail par étape. C’est ce travail par étape que je lance en disant : on est aujourd’hui au terme de la primaire de la droite, on est aujourd’hui devant un candidat estimable mais dont le projet est, sur des points essentiels, un projet qui ne correspond pas aux nécessités de la France. Il correspond aux nécessités de l'électorat de la primaire, qui est un électorat qui n’est pas celui de la France au sens large. Certains milieux sociaux y sont ultra-représentés et d’autres y sont au contraire complètement absents. J’ai regardé les chiffres, ils ont été publiés par un grand journal : 16e arrondissement > 38% de participation, cité ouvrière du Nord > 2% de participation. Vous voyez bien qu’on est là devant un problème ! Et donc la primaire est une élection qui ne représente pas le peuple français, qui représente une partie des sympathisants et des adhérents de la droite. 

Donc vous allez vous engager dans une démarche.  

Oui. 

Vous allez rencontrer des Français. 

Pas seulement, je rencontre des Français tous les jours. 

D’accord, parce que tous les hommes politiques nous disent « Je vais aller rencontrer les Français », ce qui me paraît hallucinant d’ailleurs, quand on a une vie normale on en rencontre tous les jours. 

Il se trouve que beaucoup n’ont pas une vie normale, ceci est une autre histoire. Mais je mets de côté les affaires de personnalité et je regarde le projet, sur des points extrêmement précis.

Vous allez construire votre projet. 

Oui. Je vais construire, avec ceux qui travailleront avec moi et qui travaillent avec moi, un projet qui réponde à ce que nous sentons des attentes nécessaires du pays. 

Mais, François Bayrou, jusqu'à quand allez-vous construire ce projet ? Jusqu’à la fin du mois de janvier ? 

Les primaires de la gauche sont à la fin du mois de janvier, l’élection présidentielle commence en février. D’ici là - et je ne suis contraint par aucune date - en effet, je veux que les questions apparaissent. 

Décision fin janvier ou début février, on est d’accord ? 

On va dire autrement. Décision d’ici à fin janvier, début février, c’est-à-dire que je suis maître de ma décision et maître de mon temps. 

On a compris. Vous construisez votre projet et fin janvier/début février vous direz oui ou non. 

Oui.  

C’est cela.  Bon, maintenant c’est clair. Alors, j’ai quand même une remarque à vous faire. C’était en mars 2014, vous étiez candidat à la mairie de Pau, vous aviez déclaré – je vous cite – « Je n’envisage pas d’être candidat à la présidentielle si je suis élu maire de Pau. Il faudra des regroupements d’intérêt national et je préfère y participer en étant à vos côtés maire de Pau et en partageant la crise avec les Palois ». 

Qu’est-ce que je viens de faire pendant 2 ans ? En soutenant Alain Juppé, j’ai défendu cette idée, c’est-à-dire que j’ai dit « Oui je suis prêt à aider, à apporter mon soutien à quelqu’un dont je considére que l’approche va dans le sens de cet intérêt national de ces rapprochements ». Je l’ai soutenu jusqu’à la dernière minute, jusqu’au bout et avec fierté parce que je pense qu’il avait des qualités qui répondaient aux problèmes de l’heure. Un autre choix a été fait et je répète que sur ce choix, personnalité : je suis ami avec Fillon depuis très longtemps ;  projet : alors là, j’ai des choses, les Français ont des choses très importantes à dire. 

On va y revenir. Mais je voudrais quand même regarder le paysage politique aujourd’hui. Il y a un homme qui est candidat, qui s’appelle Emmanuel Macron, et qui finalement a un espace politique qui ressemble un peu au vôtre. Est-ce que votre espace politique se réduit avec la candidature d’Emmanuel Macron ? 

Voulez-vous bien me reposer la question quand on aura traité du projet de François Fillon ? 

Oui. 

Avant la fin de l’émission, parce que…  

Il vous a invité à le rejoindre d’ailleurs, avez-vous vu cela ? Qu’est-ce que vous lui répondez ? 

Absolument. Voulez-vous bien qu’on reprenne la question après ? 

D’accord, vous ne lui répondez pas.

On va aborder les sujets essentiels. 

Attendez, parce que Macron dit « Bayrou c’est le clapotis de la décadence ». 

Laissons cela de côté. Prenons le sujet vraiment de fond. Il y a aujourd’hui dans le monde, pas seulement chez nous, une vague qui est une vague idéologique – j’emploie ce mot parce que François Fillon l’a lui-même employé -, cela veut dire que l’on veut imposer une idée à tout prix. Cette vague idéologique est simple : elle consiste à choisir la montée des inégalités, l’augmentation permanente des inégalités, à donner toujours moins à ceux qui n’ont pas grand chose et toujours plus à ceux qui ont beaucoup. Cette idéologie ressemble à la lutte des classes à l’envers. Vous savez, il y a un milliardaire américain qui s’appelle Warren Buffett et qui a dit « La lutte des classes existe et nous les milliardaires nous l’avons gagnée ». 

Vous ne voulez pas que cette lutte des classes soit gagnée par les plus riches en France. 

Je ne le veux pas. 

Est-ce le programme de François Fillon ? 

Alors je reviens à la question. Si vous regardez le programme, et je le dis avec un serment de cœur, que dit-il ? Il dit que l'on va baisser la rémunération du travail : dans la fonction publique, parce que l’on va passer des 35 heures à 39 heures qu’on ne paiera pas ou que l’on paiera 36/37 on ne sait pas bien ; dans le privé, en supprimant les heures supplémentaires qui sont le moyen, pour des gens qui n’ont pas grand chose, d’arrondir leur fin de mois. En supprimant la barrière des 35 heures qui est celle des heures supplémentaires, alors il n’y aura plus d’heures supplémentaire en France puisque la barrière que François Fillon envisage est de 48 heures. 

La législation européenne. 

La norme européenne maximale. 

Mais personne ne travaillera 48 heures en France, François Bayrou. 

Vous voyez bien que cela veut dire que les heures supplémentaires n’existeront plus. Si le travail dans le public et le travail dans le privé se trouvent ainsi sous-payés, si, dans le même temps, vous mettez deux points de TVA en plus, et si en plus vous mettez les mutuelles – on va revenir sur ce sujet – alors vous voyez bien que vous avez là un faisceau de décisions qui sont au détriment de ceux qui travaillent, qui ont de petits salaires, qui ont de petits revenus ou des petites retraites, ceux dans le débat d’aujourd’hui dont personne ne parle !

Alors je vais revenir sur vos propositions justement. D’abord, l’augmentation de deux points de TVA, vous l’aviez proposée ! 

La TVA était à 18 à l’époque ! Pardon de vous coincer…

Votre programme, c’était aussi la chasse aux déficits… Et que veut François Fillon en voulant supprimer 500.000 fonctionnaires ? C’est réduire les dépenses de l’État ! 

La question n’est pas seulement celle-là. Elle est : un, est-ce que c’est faisable et deux, est-ce que c’est souhaitable ? Vous avez vu que l’on a traité la question des revenus du travail dont personne ne parle. Il y a des gens qui sont au volant de leur camion qui nous écoutent et qui se disent « mais attends, si on me supprime les heures supplémentaires, combien vais-je gagner à la fin du mois ? ». Tous ont cette angoisse ! Alors, c’est une angoisse que l’on n’aborde pas. Moi, je veux que l’on en fasse le sujet principal du débat.

Est-ce que François Fillon avec ce programme fait le lit de Marine Le Pen ?

En tout cas, moi je considère que ce programme, s’il ne change pas, est très difficilement éligible par les Français.

Voteriez-vous pour François Fillon ?

Mais si je suis devant vous en disant « il faut que tout cela change », c’est précisément parce que j’ai une réserve qui est extrêmement forte en face de ce  programme ou de ce système. Donc je suis pour que l’on ouvre cette question de la situation des gens qui ne gagent pas beaucoup, des petits salaires et des classes moyennes. Il y a 11 millions de Français pour qui à la fin du mois, il ne reste que 10 euros ! Tous ceux qui nous écoutent savent que même ceux qui font partie des classes moyennes n’y arrivent pas facilement !

J’appelle cela le syndrome du « 20 du mois ». 

Oui, c’est exactement cela !

Le 20 du mois, on n’a plus d’argent.

Mais si on ne pose pas cette question, de quoi parle-t-on ? On égare les gens avec des histoires sur l’origine, sur les affrontements… Mais la question de la plupart des Français, c’est : un, est-ce que j’ai du travail ; deux, est-ce que je suis dans mon travail correctement rémunéré ; trois, est-ce que je suis respecté dans mon travail ? Toutes ces questions, ce sont celles des gens et personne ne les aborde !

Comment faites-vous pour augmenter les salaires à la fois dans la fonction publique mais aussi dans le privé ?

Les heures supplémentaires sont une arme pour augmenter le revenu du travail. Simplement tous les efforts effectués ces dernières années ont été pour baisser les revenus des heures supplémentaires ! Moi, je suis pour les maintenir, y compris pour les augmenter : c’est à 25 % aujourd’hui, si on passe à 30 %, c’est bien. Il suffit de les rendre indolore pour l’entreprise. Quand on gagne 10 euros pour une heure normale, l’heure supplémentaire est payée 12,50 euros. L’heure normale coûte 20 euros à peu près à l’entreprise et il suffit de dire que les 2,5 euros s’imputent sur les charges et que l’heure coûtera donc le même prix pour l’entreprise qu’une heure normale mais elle rapportera aux salariés nettement plus ce qui lui permet d’être reconnu dans son travail sans avoir à sacrifier l’entreprise. C’est une idée simple, efficace, opératoire qui va dans le sens de l’augmentation du revenu réel du travail. Le revenu réel du travail est d’une part une reconnaissance et deuxièmement cela permet de mettre un climat nouveau des le pays pour que les gens se remettent à avoir un peu plus confiance dans l’avenir. Cette vision nouvelle va en effet à l’encontre de ce système qui se répand sur toute la planète qui consiste à faire que le travail soit payé de moins en moins et qu’au contraire les plus favorisés aient de plus en plus de facilités.

En avez-vous parlé avec François Fillon de cela ?

Pour l’instant non, mais on va le faire !

Je l’écoutais lundi soir et il souhaitait vous rencontrer.

Je le ferai avec plaisir.

Il ne vous a pas appelé pour l’instant.

Il m’a envoyé un message hier.

Pour prendre rendez-vous.

Pour que l’on se voit, mais je trouve que c’est une très bonne idée !

Vous allez donc le voir !

Oui. Je parle avec tous les responsables démocratiques français, tous ceux qui ont un rôle à jouer dans l’avenir du pays ! Je n’en exclus aucun, je parle avec tous. Nous avons tous ensemble la charge de l’avenir du pays ! J’écarte les inimitiés. Je n’aime pas le climat où l’on se déteste. J’aime le climat où l’on pose crûment, franchement et sans peur les questions de l’avenir du pays.

Si vous n’êtes pas candidat, c’est la fin de votre vie politique nationale.

Vous avez déjà posé à beaucoup de gens la question. Ma vie de citoyens, ma vie civique ne s’arrêtera jamais pour une raison très simple : j’ai la chance d’être dans la force de l’âge, avec de l’expérience et des responsabilités qui me plaisent. Je suis à la tête d’une ville formidable et je suis heureux d’en être. On fait des choses exaltantes et je n’arrêterai jamais l’engagement civique qui est le mien. Il y a des tas de gens qui ont la tentation de la retraite, de s’en aller, d’aller faire de l’argent : pas moi ! Il se trouve que je crois qu’il n’y a rien de plus noble que l’engagement civique ! De ce point de vue, écartons la question. Parlons un instant de la sécurité sociale. Jamais je n’avais lu un programme de cet ordre qui consiste à privatiser les remboursements pour lesquels il n’y a pas de risque et au contraire à renvoyer au public les affections qui présentent de grands risques ! Alors évidemment je comprends que les mutuelles, pour quelques-unes d’entre elles, se frottent les mains. Mais cela veut dire que la cotisation à la mutuelle augmentera nécessairement. Le travail payé moins, la TVA en plus et l’augmentation de la mutuelle, cela fait beaucoup pour les petits ! Au contraire, à ceux qui sont au sommet de la pyramide, on va favoriser les choses par la suppression de l’ISF en particulier. C’est un problème de société pour la France !

Quelques mots sur Emmanuel Macron.

Sur ce point, le programme d’Emmanuel Macron est le même que celui de François Fillon. Il n’y a pas beaucoup de mesures qu’Emmanuel Macron ait annoncé. Mais la première mesure qu’il a dite, c’est : « je supprime les heures supplémentaires pour les jeunes ». « À partir de 50 ans, ils travailleront moins », dit-il. C’est un peu ingénu parce que ça laisse croire qu’à partir de 50 ans, on est entré dans une catégorie vieillissante et je n’en crois évidemment rien. Mais c’est avec une idée comme cela qui fait que l’on n'embauche plus les seniors ! Ce que je veux, c’est réévaluer le travail, que l’on puisse de nouveau en France être assuré de son avenir lorsque l’on travaille.

François Hollande est-il en situation d’être candidat aujourd’hui ?

D’être candidat, oui. D’être élu, je ne crois pas.

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