Intervention de Catherine Chabaud au Congrès du Mouvement Démocrate

Catherine Chabaud, première femme à terminer un tour du monde à la voile lors de la troisième édition du Vendée Globe, et ancienne déléguée interministérielle à la mer et au littoral, s'est exprimée lors du Congrès 2017 du Mouvement Démocrate, à la suite d'une table-ronde consacrée au thème du développement durable. Voici l'intégralité de son intervention.

Merci de m'avoir invitée. Cela fait un moment que nous essayions de fixer un rendez-vous. Comme l’a dit Jimmy, qui est un très grand régatier, il a gagné le Tour de France à la voile à plusieurs reprises, c'est une star et gagner une transat en double, c'est important de le souligner.

Merci de donner la place aux océans. Je vais essayer de vous faire toucher du doigt en 15 minutes à quel point, les océans, c'est important, mais aussi pour la France. Merci de me donner cette opportunité.

Je vais vous expliquer pourquoi je m'intéresse au sujet, indépendamment du fait que je suis navigatrice, cela fait 15 ans que j'ai arrêté la course au large. Dès ma première traversée en solitaire, ce sont les déchets que j'ai pu voir en mer qui m'ont mobilisée. Il n'y a pas une traversée que j'ai faite sans en voir et, voir des déchets, déjà dans la nature, cela agace, sur les plages, cela agace, cela fait plus qu'agacer, cela déclenche des colères, mais apercevoir du polystyrène, des bouteilles plastiques en plein milieu des océans à mille miles de toute terre habitée, je peux vous dire que c'est terriblement effrayant.

En voyant cela, je me suis posé la question, non pas : où sont les affreux pollueurs ? Je me suis sentie responsable.

L'ex-journaliste que j'étais, et on va dire la femme optimiste et engagée, s'est posé la question de comment agir. Depuis 15 ans, ce qui m'intéresse, car quand on a été dans la navigation, dans la course au large on a été proche de l'innovation, ce sont les solutions.

Il y a 15 ans, personne ne parlait des solutions, tout le monde ne parlait que des problèmes et, la mer, on en parlait à propos des marées noires. Encore, aujourd'hui, on en parle surtout quand les navires font naufrage, mais pas pour tout ce que l'océan nous apporte.

Depuis 15 ans, ce qui m'intéresse, c'est le développement durable des activités maritimes, des activités des hommes en mer et aussi sur le littoral.

Rapidement je vais essayer de vous faire toucher du doigt l'importance du sujet.

Sur cette slide, vous avez la première éolienne flottante. Je suis assez fière, car j'en suis la marraine. Elle a été inaugurée récemment à Saint-Nazaire. C'est un projet pilote pour tester le système. L'océan... on dit "les océans", mais je le corrige tout de suite, les scientifiques disent qu'il faut arrêter de dire les océans, mais il y a un seul et unique océan. Tous les océans, l'Atlantique, le Pacifique, Indien, Arctique ou Antarctique, les mers sont toutes liées, il n'y a pas de frontières.

L'océan est absolument essentiel pour l'équilibre du climat. Je tiens vraiment à vous faire toucher du doigt que le sujet océan est en train de monter au niveau international comme le sujet climat est monté hier. Il  y a quelques années, ce n'était qu'un sujet des scientifiques. Aujourd'hui, le climat, cela mobilise les États, la société civile, etc.

C'est la même chose pour l'océan. Il y a des conférences internationales auxquelles j'ai eu la chance de participer ces deux dernières années. On voit une montée en puissance du sujet et notamment sur la relation océan / climat.

Cette carte qui est issue des travaux du Groupement intergouvernemental des experts du climat, le GIEC montre ce que l'on appelle la circulation thermo-aline. Ce fait ce qui fait que l'océan participe à l'équilibre du climat, le moteur, c'est à la fois la salinité et ce grand courant qui fait le tour de la planète : quand il est rouge, il est en surface il est chaud, quand il est froid il est en profondeur et tout cela est actionné à la fois par la rotation de la terre, mais par les différences de salinité. C'est cela qui est la machine du climat.

L'océan, c'est aussi la pompe à carbone. Il faut savoir que l'on parle tout le temps des forêts. Dans les grandes conférences, les grandes COP climat, pendant des années, on n'a parlé que des forêts terrestres, on n'a jamais parlé des forêts marines, en fait, c'est le plancton végétal qui a le même rôle.

Vous allez voir une autre slide après qui a le même rôle de captation du CO² de l'atmosphère et qui émet, l'océan émet 50 % de l'oxygène de l'atmosphère.

Ensuite, l'océan produit la quasi-totalité de l'eau sur la planète.

Je voudrais savoir, parmi vous, combien viennent-ils de territoires littoraux déjà ?... Un peu moins de la moitié de la salle ! Mais, tous les autres, vous êtes liés à l'océan, car vous avez forcément des rivières. Il y a un cycle de l'eau, on est tous liés par le cycle de l'eau. Il faut regarder les chiffres : un peu plus de 2 % seulement de l'eau sur terre vient des glaciers. Les eaux souterraines, c'est 0,63 %. Les lacs et les rivières, c'est 0,01 %. Plus de 97 % de l'eau sur la planète, c'est l'océan.

Savez-vous pourquoi la mer est salée ? Parce que, justement, quand l'eau est apparue sur terre, dans son cycle, elle a emmené les sels minéraux qui étaient à terre vers la mer. C'est tout simplement pour cela que la mer est salée.

Cette image à l'écran provient de nos amis de TARA Expédition. Ils ont réalisé pendant trois ans une grande expédition autour de la planète sur le plancton. Là, ils visualisent le plancton à la surface de la planète. Je ne vais pas rentrer dans le détail, car on n'aura pas le temps.

Pour comprendre la richesse des écosystèmes marins, voici quelques exemples d'écosystèmes. Il y a des coraux des mers chaudes, mais aussi des mers froides. La Posidonie, pour ceux qui viennent de territoires limitrophes de la Méditerranée, c'est un écosystème endémique à la Méditerranée.

La vie en mer se reproduit à la sortie des estuaires et notamment dans la Posidonie. Les mangroves pour notre formidable pays qui est majoritairement ultra marin...

Y a-t-il des représentants de l'Outre-mer ? Il y en a là-bas... Je signale que la France dispose de ce deuxième espace maritime grâce aux outremers. Sans les outremers, on n'est rien. 97 % de nos territoires maritimes sont en outremer. Donc, la mangrove, c'est un écosystème comme les récifs coralliens. 2018, c'est l'année internationale des récifs coralliens, au passage.

La mangrove et la préservation de la mangrove, c’est un sujet qui concerne beaucoup la France.

Enfin j'ai mis des forêts de laminaire, c'est dans ce type d'écosystème que ma passion de la mer est née à Roscoff ; même si je n'ai aucune origine bretonne, je suis un peu bretonne de cœur et d'adoption.

J'ai mis aussi un océan convoité. On parlait du transport maritime, 90 % de tout ce que l'on produit transite par la mer.

C'est une carte d'un site que vous pouvez trouver sur Marine Trafic, à l'instant t vous avez ce trafic-là. Bien évidemment les images sont grossies, mais c'est pour vous donner une idée de l'intensité du trafic.

J'ai pris l'exemple de la Manche.

Un océan convoité, c'est aussi des ressources énergétiques, Jimmy tu en parlais.

L'usine marémotrice de la Rance : on peut être fiers parce qu'on a été les pionniers dans le domaine. Les autres, ce sont trois exemples d'éolien flottant, d’hydroliennes qui utilisent l'énergie des courants ; l'espèce de serpentin rouge, c'est un système qui récupère l'énergie de la houle.

On pourrait évoquer l'énergie thermique des mers qui est extrêmement pertinente pour les îles. Un sujet, car il était question de transition énergétique tout à l'heure : je promeus beaucoup et, dans mon travail de Déléguée à la mer et au littoral que je viens tout juste de quitter, le travail que nous avons mené avec le Ministère de la Transition écologique et solidaire, l'un des sujets est la recherche de l'autonomie énergétique des îles.

C'est bien évidemment extrêmement pertinent dans les régions ultra-marines, mais ce l'est également pertinent pour nos îles bretonnes, méditerranéennes, etc., sachant que des projets existent. Ainsi, les îles de Sein et d'Ouessant travaillent en ce moment pour viser leur autonomie énergétique

Concernant l'océan convoité, je vous ai mis des virus et des bactéries en haut à gauche pour illustrer, mais également des éponges de mers, pour tout ce qui concerne les biotechnologies marines et, en bas, les crevettes, c'est pour tout ce qui est relatif à l'aquaculture marine.

Vous parliez effectivement du poisson tout à l'heure et il existe de vrais sujets en matière de développement durable maritime et d'alimentation, avec la promotion d'une pêche durable, la lutte contre la pêche illicite et le développement d'une aquaculture durable, soit un véritable enjeu visant absolument à éviter les transferts d'impact.

Ainsi, nourrir des poissons avec des poissons n'est aujourd'hui pas forcément la bonne solution.

Dans l'océan convoité, je vous ai mis une image pour illustrer les ressources en hydrocarbures. Nous sommes heureusement en train, en France, d'abandonner la prospection, mais il faut comprendre que les états, les uns après les autres, veulent aller chercher des hydrocarbures toujours plus au large, toujours plus profond, avec les impacts que cela peut avoir sur la biodiversité locale.

L'image à l'écran concerne également les ressources minières et illustre les champs de nodules polymétalliques, mais aussi tout ce que l'on découvre le long des dorsales, avec tout un tas de minerais, notamment des pierres rares, intéressant bien sûr les États.

Vous avez aujourd'hui, auprès de l'Agence internationale des fonds marins, de nombreux États qui demandent des permis d'exploration - la France en fait partie - pour aller exploiter demain tout cela.

Il s'agit, là, de véritables enjeux de promotion d'un développement durable de ces activités sur notre littoral, mais également au large.

Concernant le fait que l'océan est sous pression, je vous ai mis quelques exemples. Nous avons heureusement réussi à réduire les marées noires. Il y en a moins aujourd'hui, car la France s'est donné des moyens, notamment en donnant des moyens importants aux Préfets maritimes.

Il est ainsi possible d'arrêter un bateau, le ramener au port et lui donner une amende conséquente.

Le corail blanc représente l'acidification de l'océan suite à une trop forte concentration de CO² dans l'atmosphère. Je vous ai mis une image des déchets, des grands - je n'aime pas cette expression - continents de déchets ni des iles de déchets, car s'il s'agissait de cela, il serait plus facile d'aller les ramasser.

Il existe un véritable enjeu de réduction de nos déchets dès la sortie, depuis tous vos territoires et il faut absolument les réduire très en amont, en commençant par en produire moins, mais également en traquant les déchets, afin d'éviter qu'ils s'agglomèrent partout dans les grands océans de la planète.

J'en arrive à la fonte de l'Arctique, sachant que, pour la France, et je l'évoquais tout à l'heure, les enjeux sont absolument capitaux. Je m'efforce à répéter aujourd'hui que les Gouvernements, les uns après les autres - j'ai participé au Grenelle de la mer et j'ai vu ce qui se passe- mettent facilement 2 ans pour réaliser que le sujet océan est absolument primordial.

Or, malheureusement, ils le réalisent tardivement. Nous commençons enfin, depuis 10 ans, à effectuer de la concertation. Au Ministère, nous avons arrêté une stratégie nationale mer et littoral, ce qui a permis au Gouvernement d'annoncer un plan d'action.

J'essaie de pousser la durabilité du curseur dans ce domaine, car il est vrai qu'aujourd'hui, nous avons beaucoup à faire pour promouvoir le transport maritime et développer nos grands ports de commerce. Il faut que la France retrouve un leadership dans le transport maritime, mais c'est, à mon sens, à condition de pousser véritablement la durabilité du transport maritime.

Réduire, et vous l'avez indiqué, Jimmy, les émissions des gaz à effets de serre du transport maritime, c'est aussi regarder nos grands ports de commerce, qui constituent des fonciers formidables, des lieux de culture et de biodiversité.

J'ai récemment visité le grand port du Havre avec son Directeur et ce n'est pas qu'un lieu de transit de conteneurs. Il n'y a pas que des boîtes qui transitent par les ports. Ce sont également des lieux dans lesquels il est possible de développer l'économie circulaire, etc.

Ce sont des sujets que j’essaie de développer.

La slide à l'écran vise juste à vous indiquer que, lorsque l'on parle d'économie liée à la mer, la moitié du chiffre d'affaires de l'économie maritime concerne le tourisme, notamment du littoral et il faut donc véritablement, pour le tourisme comme pour la pêche, un océan en bonne santé si nous voulons pouvoir développer cette économie.

Les solutions sont les suivantes : mieux connaître et gérer durablement.

Je vous ai mis en bas cette image, que j'aime bien, à savoir une vision de chercheurs regardant un écosystème, un champ d'éoliennes offshore, également comme un lieu où il est possible de développer de l'aquaculture.

Cela constitue un véritable enjeu et le Gouvernement a lancé des travaux sur la planification des espaces maritimes, sachant qu'il existe, à ce sujet, des contraintes communautaires et l'un des enjeux est la conciliation des usages, notamment en développant les synergies.

J'aime bien cette image, car elle montre la synergie entre les acteurs de l'énergie, mais également ceux de l'aquaculture.

Tout ceci, c'est véritablement un enjeu d'avenir et je crois à l'avenir de l'économie maritime, mais véritablement à condition d'en promouvoir une approche durable.

Je vous ai mis quelques exemples d'une gestion durable. En bas de l'écran, vous voyez un voilier du futur. Il s'agit d'un projet que j'ai porté pendant quelques années et qui s'est frotté au programme d'investissements d'avenir. Cela n'a pas été simple.

Je pourrais en parler longtemps parce, car, à mon sens, ce sont les instructeurs qui ont un peu tué ce programme qui a malgré tout donné lieu à un certain nombre d’innovations et l'aile rigide aujourd'hui portée par un architecte naval formidable, M. Marc Van Peteghem, a été inventé durant la Coupe de l'America.

Aujourd'hui, cet architecte naval essaie de la développer pour le transport maritime. En en mettant plusieurs sur un cargo, il espère réduire de 30 % la consommation d'énergie pour le transport maritime.

Enfin, un dernier mot pour vous parler d'une vision que nous pouvons avoir demain pour l'océan, lequel est aujourd'hui est peu connu. Notre vision doit s'orienter vers une meilleure connaissance de l'océan, car, à ce jour, nous ne le connaissons pas vraiment, puisque seuls 5 % de l'océan sont connus.

L'océan et le littoral sont impactés, mais nous pouvons nous orienter vers une réduction des impacts sur les écosystèmes marins et côtiers. Par ailleurs, il convient, à mon sens, de passer d'une économie maritime de filière, où chacun travaille dans son coin, les ports les pêcheurs, etc., à une économie des territoires maritimes et littoraux.

De nombreuses choses sont à développer sur vos territoires, car la mer est source de richesses pour vos territoires et pas uniquement car des boîtes y transitent.

C'est un message que j'ai envie de vous faire passer, ne pas oublier la culture liée à la mer et beaucoup d'autres sujets, sans oublier bien évidemment la plaisance. Il est vrai que la France peut s'enorgueillir de ses actions dans ce domaine.

Il ne faut pas non plus oublier le rayonnement de la France qui pourrait aujourd'hui être encore être plus audible sur la scène internationale, en sachant le sujet monte en puissance.

C'est un message fort que j'ai envie de faire passer.

Je suis co-fondatrice de la plate-forme Océan et climat qui a fait entendre la voix de l'océan pendant les négociations climatiques et j'en suis assez fière.

Je vous remercie de votre attention.

 

Marielle de SARNEZ. - J’ai été heureuse d'entendre Catherine Chabaud.

Le message est reçu et, ainsi, au sein de la Commission des affaires étrangères que je préside, nous allons consacrer un grand rapport d'information sur la question de la mer et de l'océan. C'est déjà commencé.

Par ailleurs, je vais regarder la question des grands fonds, celle des terres australes, car je considère qu'il s'agit d'une question vitale, puisque ce sont, au fond, nos nouvelles frontières ou notre nouvel horizon.

Ajoutons que, pour la France, c'est une question géographique extrêmement importante, puisque nous avons le deuxième domaine maritime du monde, grâce à l'Outre-mer, derrière les États-Unis.

Je peux d'ailleurs ajouter, sachant qu'ils sont à un peu plus de 11 millions, tout comme nous, que la différence se réduit et que nous allons peut-être passer devant, puisque nous sommes en train d'élargir nos "zones économiques exclusives", donc nos plateaux continentaux.

Je pense qu'il s'agit donc là pour la France, d'un enjeu absolument exceptionnel. Je voulais donc vous dire que nous serons présents, que nous comprenons l'enjeu et que nous relevons le défi.

Merci.

 

Catherine CHABAUD. - Il s'agit effectivement d'un enjeu géostratégique pour la France qui n'a jamais rien fait.

Nous possédons une richesse formidable avec l'Outre-mer et nous ne savons pas quoi en faire.

Je soutiens que la mer est l'élément qui va permettre de rassembler une nation dispersée à travers le monde. Appuyons-nous donc sur le sujet.

 

 

 

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