"Il n'est plus possible que plus de la moitié du pays soit exclue de l'Assemblée Nationale"

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François Bayrou, dans une interview accordée au quotidien Le Monde du 21 octobre 2011, a réagi à l'accélération de la crise et à l'investiture de François Hollande au PS. "Il n'est plus possible que plus de la moitié du pays soit exclue de l'Assemblée nationale", a-t-il par ailleurs déclaré, réaffirmant sa volonté de voir instaurer une part de proportionnelle au scrutin législatif.


Le Monde : La crise, avec la surveillance par Moody's de la note AAA de la France, menace plus que jamais. Jugez-vous bonne la politique menée par Nicolas Sarkozy ?

François Bayrou : Il y avait une chose à faire, le premier jour, qui n'aurait pas coûté cher et qui aurait arrêté la crise. Il suffisait que l'Union européenne affirme que la dette contractée jusqu'à ce jour par les Etats de la zone euro était garantie par les institutions de la zone euro. La France aurait dû défendre cette thèse. Cela aurait rétabli la confiance et n'aurait pas coûté le prix exorbitant que la défiance généralisée va nous obliger à assumer. Le renouvellement des dettes à venir devait en revanche être conditionné à des réformes. Ce n'est pas ce qui a été fait. Une stratégie confuse collant à une politique allemande elle-même incertaine a conduit à la généralisation de la défiance. 


L'UMP annonce la fin du AAA en quelques heures si M. Hollande est élu président en 2012… 



Il n'y a qu'une stratégie de redressement des finances publiques. Cette stratégie, c'est d'augmenter les ressources fiscales de l'État et de baisser un certain nombre de dépenses publiques. Une vingtaine de milliards doivent être économisés au niveau de l'État, une dizaine dans les collectivités locales et une vingtaine dans la Sécurité sociale. En ce qui concerne les ressources, je suis pour la création de deux nouvelles tranches de l'impôt sur le revenu : il faut relever à 45 pour cent celle qui est actuellement à 41 pour cent et en créer une à 50 pour cent. Il faudra peigner les niches fiscales d'une vingtaine de milliards d'euros et il faudra une augmentation de la TVA de 2 points. 

La gauche est dans l'illusion quand elle dit : "Nous allons augmenter les impôts et cela nous permettra de faire de nouvelles dépenses publiques." La droite raconte des histoires quand elle dit : "Nous allons baisser la dépense publique sans augmenter les impôts." 



François Hollande se dit sensible à la question des déficits. Au fond, n'occupe-t-il pas, comme vous, le terrain du Centre ? 



Ce n'est pas un secret que j'ai de bonnes relations avec François Hollande. Mais il est engagé avec son parti dans un programme insoutenable pour la France. In-sou-te-nable ! Je vous le dis en détachant les syllabes. On ne fera pas 300 000 emplois jeunes sur fonds publics. On ne fera pas des recrutements de dizaines de milliers de fonctionnaires. On ne fera pas le retour à la retraite à 60 ans. On ne fera pas une allocation générale pour tous les étudiants. Tout cela additionné est une illusion meurtrière pour le pays. C'est un mensonge public. 

Ne pas dire la vérité, c'est se condamner à des accidents à très court terme. En 2007, je disais qu'on ne pouvait pas continuer les dérives pendant les deux années après la présidentielle. Cela a été vérifié. Aujourd'hui, j'affirme qu'on ne pourra pas les continuer pendant deux mois. 



Vous ne croyez donc pas aux intentions de M. Hollande? 



Au fond de lui-même, je suis sûr, il n'est pas très éloigné de cette pensée. Mais les socialistes ont décidé d'une stratégie de séduction tous azimuts. Avoir fait voter 2,5 millions de personnes pour un programme qui ne sera pas appliqué, c'est pour moi une situation de malaise démocratique. 



Sitôt investi, M. Hollande a fait une ouverture en direction des centristes… 



François Hollande prétend que sa majorité peut aller des communistes, des écologistes, jusqu'aux centristes. Je vous le dis : cette majorité-là n'existera pas. Il y a deux thèses irréconciliables. Les uns disent : "C'est la faute du capitalisme, il faut démondialiser." Les autres sont réformistes. J'admets volontiers que M. Hollande est de la seconde famille. Mais une telle majorité qui engloberait les uns et les autres est impossible durablement. 

Les événements vont imposer – quel que soit le vainqueur de la présidentielle – une majorité dans laquelle les réformistes de gauche, du centre et de la droite républicaine devront assumer ensemble la responsabilité du pouvoir. Aucune des deux majorités traditionnelles ne peut respecter le contrat que la nécessité imposera. La droite est sous la pression de la droite extrême, ou "populaire", qui flirte avec des thèmes europhobes et anti-immigrés, et la gauche est sous la pression des démondialisateurs. Avec d'étranges recouvrements entre les deux radicalités. 



Les projections sur les législatives de 2012 prédisent une large victoire de la Gauche. Quelle peut être la place du Centre ? 



Aujourd'hui, la Gauche est favorite. La vertu de l'élection présidentielle est qu'elle permet au pays de redessiner le paysage politique. La majorité qui sortira des urnes entraînera une majorité législative différente. Et lors de cette échéance, le courant central du pays, unifié, devra défendre lui-même ses convictions et ses candidats. Si je gagne, ce grand courant aura des investitures dans toutes les circonscriptions. Et il y aura un courant de rassemblement puissant. 



Rassembler le centre semble déjà une mission délicate… 



Le centre est en diaspora. Mais je crois que cette diaspora s'achève. Il y a des députés de la majorité actuelle qui dialoguent avec nous, tout comme des élus de centre-gauche. Dans les familles divisées de cet ensemble au centre-droit, la prise de conscience est en train de se faire qu'au fond il faudra choisir entre Nicolas Sarkozy et moi. 


En 2007, nombre de vos soutiens ont rejoint la majorité pour assurer leur réélection. Pourquoi changeraient-ils d'avis ? 



Tout le monde sait que l'UMP est un échec. Il faut reconstruire un Centre indépendant. Je ne vais pas régler de comptes, je ne mettrai pas en accusation des choix passés. Les députés s'apercevront bien sûr que l'UMP ne peut plus être l'assurance de leur réélection. 



Si vous n'êtes pas au second tour de l'élection présidentielle, que ferez-vous ? 



Il y a quatre candidats possibles pour le second tour : Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy, François Hollande et moi. Trois – M. Sarkozy, M. Hollande et moi – peuvent être élus. Quatre dont trois ! La campagne électorale permettra aux Français de trancher. Après, il y a un second tour où chacun prendra ses responsabilités. 



Ferez-vous connaître, cette fois, votre préférence ? 



Je prendrai mes responsabilités, et cette décision sera prise d'une manière collégiale. 



Vous avez demandé plusieurs fois une part de proportionnelle dans le scrutin législatif. Est-ce la clé d'un accord ? 



Je vous dis avec certitude qu'il n'est plus possible que plus de 50 pour cent du pays soient exclus de l'Assemblée nationale. De l'extrême Gauche au Front National, en passant par les Écologistes et le Centre, c'est la majorité du pays qui est exclue, ou obligée de faire allégeance pour avoir des sièges. Cette exclusion est honteuse. Faut-il changer cela après ou avant la présidentielle ? Si j'étais Nicolas Sarkozy, je me demanderais quelles sont les raisons de la fragilité politique dans laquelle nous sommes et j'ouvrirais, avant 2012, pour les élections qui viennent, le débat. 

La perspective d'une vie démocratique dominée sans partage par le PS, qui, avec moins de 30 pour cent des voix, pourrait occuper sans aucune exception tous les pouvoirs du bas en haut de la République, est malsaine. Jamais cela ne s'est produit dans la République. 

La primaire des partis est maintenant achevée. Maintenant va commencer la vraie primaire, la primaire du pays. Les Français ont deux choix à faire : veulent-ils l'alternance ? Et, si oui, avec quel président, quel projet, quelle majorité ? 



Ne craignez-vous pas que la crise n'augmente la polarisation de la vie politique, réduisant l'espace central ? 



Comme à chaque élection présidentielle, on essaiera de réduire le débat à la bipolarisation. Et comme à chaque élection, nous ferons échouer cette tentative. J'affirme que notre potentiel électoral est plus important qu'en 2006. 
Ne vous y trompez pas : beaucoup de Français veulent une alternance, ils veulent tourner la page Nicolas Sarkozy, mais ils ne veulent pas donner tous les pouvoirs au PS. Et par dessus tout, ils veulent qu'on leur dise la vérité et qu'on leur propose un chemin crédible pour en sortir.

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