"J'ai passé ma vie à me battre pour que cette partie de la France, celle qui n’a ni l’avoir, ni l’aisance, ni le pouvoir, soit entendue"

David Pujadas - Bonsoir, François Bayrou.

François Bayrou - Bonsoir.

Beaucoup attendent vos déclarations. Vous aviez dit « Alain Juppé candidat, je le soutiendrai ». C’est François Fillon qui a été désigné. Est-ce que vous le soutenez ou est-ce que vous serez-vous même candidat à la présidentielle ?

C’est une décision assez grave pour qu’on la prenne par étape par étape. Je vais vous dire ce que je pense. J’ai de l’amitié pour François Fillon depuis longtemps et tout le monde le sait, lui-même l’a dit sur votre plateau. Deuxièmement, je veux l’alternance, une alternance qui change l’avenir de la France. Simplement, le projet qui est celui de François Fillon est dangereux pour l’alternance, parce que les choix qu’il fait vont à coup sûr marquer négativement tout ce qui pourra être proposé sur ce sujet.

Lequel, en particulier ?

Je vais en prendre plusieurs. Il y a une idéologie qui court dans la planète toute entière – d’ailleurs François Fillon a utilisé le mot « idéologie » - c’est-à-dire une ligne politique qu’on veut imposer à tout prix. Cette ligne politique est celle de l’accroissement continuel des inégalités. Plus simplement : partout on dit « au fond, ceux qui ont peu doivent avoir moins et ceux qui ont beaucoup doivent avoir plus ».

Vous voyez dans le programme de François Fillon un accroissement inéluctable des inégalités ?

Écoutez, nous allons le regarder ensemble, puisqu’on annonce que le travail va être payé moins ! On annonce vouloir passer les fonctionnaires de 35 à 39 heures sans que ces heures se trouvent payées... Dans le privé, on annonce faire sauter la référence aux 35 heures pour la remplacer par une référence à 48 heures... Cela veut dire une chose très simple : il n’y aura plus d’heures supplémentaires en France ! Or, moi, je pense le contraire. Je pense qu’il ne faut non pas payer moins le travail, mais qu’il faut le payer davantage. Je pense que les salariés du public et les salariés du privé sont dans une situation aujourd’hui où beaucoup n’arrivent pas à finir les fins de mois. Et personne ne le dit ! À droite, n'y a-t-il personne pour dire cela ?

Pour vous, est-ce un casus belli ? Est-ce que cela signifie qu’à ce stade, vous n’excluez pas, si le projet reste en l’état, une candidature ?

Je n’exclus rien, je ne ferme aucune porte. Je voudrais que les Français – et François Fillon lui-même – ouvrent les yeux sur ces risques-là.

Lui-même a dit qu’il n’infléchirait pas son programme.

Peut-être a-t-il dit quelque chose, mais peut-être va-t-il réfléchir dans les semaines qui viennent.

Est-ce que vous parlez avec François Fillon ?

Nous avons des échanges directs, sans besoin de passer par des intermédiaires. Vous voyez bien : annoncer en même temps que l'on va supprimer l’ISF pour le haut de la pyramide et qu’on va mettre deux points de TVA pour tous les consommateurs français qu'importe leur difficulté : les petites retraites, les petits salaires, les chômeurs… Est-ce que vous croyez que cela se passe comme ça ? Moi, mon sentiment, ma certitude, c’est que les Français vont ressentir là une grande injustice. Or, tout le combat de ma vie, c’est la justice !

François Bayrou, quand vous dîtes que vous n’excluez rien, vous mettez-vous réellement en position de candidat ?

Je vais, à partir de cette semaine, avec mes amis, organiser des rencontres publiques sur chacun de ces sujets qui nous inquiètent. Prenons la fonction publique. Qu’est-ce que ça veut dire, 500.000 fonctionnaires de moins ? On a, parmi ceux qui nous écoutent, beaucoup d’étudiants, qui préparent les concours de professeurs, de magistrats, de fonctionnaires. Cela veut dire qu’on n’en recrutera aucun pendant cinq ans ? Est-ce que vous croyez que c’est viable ?

Organiser des réunions publiques… dans quel but ?

Dans le but que nous puissions proposer des solutions différentes aux mêmes questions. 

Bâtir un programme présidentiel ?

Par exemple, comment fait-on pour que le travail soit payé plus ? Je vous assure… Je reçois comme maire de Pau, avec 2.600 personnes qui travaillent dans l’agglomération, un samedi par mois, tous les fonctionnaires sans rendez-vous. À chacun, je prends soin de demander son salaire net : 1125 euros, 1140 euros, 1300 euros… Et quand je vois ainsi ciblés ces femmes et ces hommes - dont je vous assure que leur travail est difficile – cela me remplit de révolte ! Je trouve, pour la France, qu'un « camp » – comme on dit - qui a été celui des gaullistes sociaux, des républicains sociaux, ne peut pas accepter cette dérive ! Alain Madelin, dont on ne peut pas accuser d’être un gauchiste impénitent, a écrit à propos de ce programme, quelque chose d’assez joli : « C’est Robin des Bois à l’envers : il prenait aux riches pour donner aux pauvres et là, il s’agit de prendre aux pauvres, pour donner aux riches ».

Est-ce que sous le vernis des idées, ce n’est pas aussi mettre un coup de pression sur François Fillon pour obtenir le plus de circonscriptions possibles ? Parlons franchement.

Cela va vous surprendre, mais non. J’ai passé ma vie à me battre pour que cette partie de la France, celle qui n’a ni l’avoir, l’aisance, ni le pouvoir, soit entendue et que cela ne soit pas l’apanage de la gauche. Hier, il y a des années, la gauche disait : « c’est nous qui faisons ce travail ». Et bien moi, je dis que ce rôle de défense de ceux qui travaillent, qui ont de petits revenus ou de petits retraites, pour qu’il ne soient pas oubliés, mis sur le côté, comme tant d’autres le font aujourd’hui sur la planète, ce travail est le nôtre. Si vous me le permettez, c’est celui de ma vie. J’ai passé des décennies à essayer d’inverser cette tendance. Je dois dire qu’à l’époque, François Fillon était du même avis, du côté des gaullistes sociaux, de Philippe Séguin. Je veux défendre cette vision-là.

Est-ce un avertissement que vous lui lancez ?

Ce n’est pas un avertissement que je lance, c’est une résolution, une détermination que je traduis devant vous. Il faut du changement en France, mais ce changement doit être juste. S’il n’est pas juste, François Fillon perdra l’élection présidentielle et en tout cas, pour moi, je n’aurai plus l’idéal qui m’anime et qui fait que je veux imposer cette justice en France.

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