"J'appelle mes amis à voter Alain Juppé"

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Dans un entretien accordé à Valeurs actuelles, le président du MoDem "encourage" ses électeurs à soutenir Alain Juppé à la primaire, mais prévient qu'il sera lui-même candidat en 2017 en cas de victoire de Nicolas Sarkozy : "Je prendrai à l'instant mes responsabilités", dit-il.

Découvrez ici la version papier de l'interview accordée par François Bayrou à Valeurs actuelles.

Comment réagissez-vous à l’annonce de la candidature de Nicolas Sarkozy ?

J’ai lu des extraits de son livre.  Et franchement, en-dehors du ton polémique, notamment contre Alain Juppé, je n’ai rien trouvé de nouveau dans ces pages. Tous les thèmes qu’il aborde, ont été déjà traités  et pour certains rebattus. Mais à la vérité, la seule question importante est celle-ci : cette vision de la France, obsédée de son identité, fascinée par l’islam, à la recherche des affrontements, est-elle la bonne pour notre avenir ? Cette question doit trouver une réponse. Pour moi, tout ce qui renforce le climat de division du pays est néfaste pour son avenir. Tout le temps que nous passons à nous exaspérer les uns les autres, notamment sur la religion, tout ce temps est un temps perdu. Nous ne le rattraperons pas. Il faut combattre les dérives et les fanatismes. Rudement. Mais le pays a bien d’autres choses à vivre, qui sont plus positives et enthousiasmantes. Ces crispations sont sans doute un carburant efficace pour le moteur électoral. Mais diviser ou unir, il faut choisir. Et pour moi, cette obsession perpétuellement entretenue est une régression. Je n’ai jamais négligé la France au plus profond de son histoire. J’aime parler de notre pays, de son identité, de sa culture, de sa vie et de ses valeurs, avec amour et passion, mais autrement que dans une perpétuelle crise de nerfs.

Dans son dernier entretien à Valeurs actuelles, Nicolas Sarkozy prédit que vous serez « le Taubira de Hollande » et que si vous êtes candidat en 2017, vous ne prendrez des voix qu’à la gauche. Pensez-vous, aussi, pouvoir « mordre » dans l’électorat de droite ?

Je n’ai pas une minute à donner à la polémique stérile avec Nicolas Sarkozy. En revanche, j’ai une divergence capitale avec lui : pour redresser notre pays, je sais qu’on aura besoin de ne pas mépriser la moitié du pays. Pour lui, le mot de « gauche » c’est l’insulte suprême. Pour moi, je n’oublie pas que le Président est le Président de tous les Français. Il n’est pas l’homme d’un parti ou d’un clan, il est l’homme du pays. C’est parce que depuis dix ans, Nicolas Sarkozy et Hollande ont oublié cette loi que nous en sommes où nous en sommes. Pour moi, je refuse le sectarisme et l’esprit de parti. Je suis du centre, depuis ma jeunesse ; mais gauche, droite, centre, ou autre, je vois d’abord des Français, des concitoyens, affrontés aux mêmes difficultés, inquiets de la même angoisse. Lors de l’élection présidentielle, les Français ne se détermineront pas seulement en fonction du positionnement, mais en fonction des qualités de l’homme appelé à les représenter et à les entraîner. Solidité, courage, équilibre, honnêteté et vision compteront bien plus que les étiquettes. Et cela pour tous les citoyens d’où qu’ils viennent !

Vous affirmez souhaiter la victoire d'Alain Juppé à la primaire de la droite, mais vous avez annoncé que vous ne voterez pas lors de ce scrutin. Appelez-vous, en revanche, vos amis et électeurs, à se mobiliser en faveur d'Alain Juppé ?

Tous ceux de mes amis qui veulent voter pour Alain Juppé, je les encourage et les encouragerai à le faire. Son équation personnelle, son expérience et son souci de rassemblement lui permettent aujourd’hui d’être le président dont le pays a besoin.

Mais pourquoi ne participerez-vous pas ?

Je suis défavorable dans son principe à cette primaire : c’est le contraire de nos institutions. La philosophie de la Ve République, c’est celle-ci : le Président échappe aux partis et aux camps. Là, on remet le Président au choix partisan d’un camp. Si je participais, cela voudrait dire que j’adhère à ce principe de la coupure de la France en deux camps, et que, en tant que responsable conséquent, j’accepte le résultat de cette consultation, quel qu’il soit. Ce n’est sûrement pas le cas.

Vous avez mis en garde Alain Juppé contre le « piège » que constituait selon vous cette primaire. Vous pensez donc, malgré son avance dans les sondages, qu’il pourrait être battu par Nicolas Sarkozy ?

Alain Juppé a d’importants atouts pour déjouer ce piège et je l’y aiderai autant que je pourrai. Ma crainte est seulement que ce type de consultation partisane desserve les candidats équilibrés et modérés au profit de ceux qui « mettent le feu ». On l’a vu aux Etats-Unis avec la désignation de Trump.

Est-il totalement exclu que vous soyez candidat en 2017 même si Alain Juppé est désigné par la primaire ?

Oui.

Soutiendriez-vous Fillon si c’est lui qui remportait la primaire ?

J’ai de l’amitié et de l’estime pour François Fillon, mais je n’ai pas d’autre engagement que celui que j’ai exprimé en faveur d’Alain Juppé.

Quel jugement portez-vous sur Bruno Le Maire ?

En temps de grande crise, le refrain du « renouveau » ne suffit pas en soi.

Pourriez-vous soutenir un autre candidat centriste issu, par exemple, de l’UDI ?

La question de la présidentielle, c’est la crédibilité et la solidité. Ça ne s’improvise pas.

Vos amis n’hésitent pas, eux, à parler en cas de victoire de Nicolas Sarkozy du « plan B », B comme Bayrou, naturellement. Ils y travaillent. Pourquoi ne pas annoncer dès maintenant votre candidature dans ce cas ?

Parce que ce serait immédiatement utilisé pour affaiblir Alain Juppé. Ce que je ne veux en aucun cas. Mais il faut que les choses soient bien claires : je n’accepterai pas d’être devant une table de vote où le seul choix serait les bulletins « Hollande », « Sarkozy » et « Le Pen ». C’est totalement exclu pour moi. Et nous sommes des millions de Français dans le même état d’esprit. Je prendrai donc à l’instant mes responsabilités.

Donc vous réfléchissez et vous préparez bien à cette candidature ?

Je prépare toutes les hypothèses.

Depuis son élection à la tête du FN, Marine Le Pen a multiplié les déclarations de soutiens et d’apaisement vis-à-vis, notamment, de la communauté juive. Croyez-vous en sa sincérité ?

C’est d’une manière générale que les idées et les obsessions de ce parti sont aux antipodes de ce que je crois juste et vrai. Je suis notamment en désaccord plus que profond, cardinal, avec l’idée d’une France fermée, avec sa ligne économique intenable aussi bien qu’avec son  obsession de sortie de l’Europe.

Vous êtes, en revanche, comme Marine Le Pen, favorable à l’instauration de la proportionnelle. Laquelle aurait notamment pour conséquence l’entrée en force de députés FN à l’Assemblée…

Et alors ? Le FN représente entre 25 et 30 % des voix ; ses électeurs ont le droit d’être représentés, comme tous les partis, à égalité devant le suffrage.  C’est vrai pour le FN, c’est vrai pour le Front de gauche, c’est vrai pour le centre indépendant. De quel droit n’y aurait-il comme aujourd’hui que les électeurs PS et LR qui seraient représentés ? Derrière leurs arguments « moraux » se cache, en réalité, des intérêts partisans : avec moins de 40 % des votants, le PS et LR et leurs satellites occupent la totalité des sièges ! C’est une règle électorale obscène. Je ne l’accepte pas. Et ce faisant, je défends tous les électeurs dissidents.

Vous avez, parait-il, récemment déjeuné avec les dirigeants de l’UDI Hervé Morin et Philippe Vigier. Croyez-vous possible la reconstitution d’un grand parti centriste en cas de candidature Alain Juppé ou François Bayrou en 2017 ?

C’est une nécessité et c’est inéluctable. Je n’économiserai aucun effort pour que se réalise cette obligation civique. Cette famille s’est perdue parce que beaucoup de ses membres ont fait le choix de la dépendance. Mais l’heure est trop grave pour qu’on en reste à ces divisions. L’attente est plus importante qu’elle l’a jamais été. Il suffit de regarder les intentions de vote dans les sondages. 2017 doit permettre la renaissance de cette famille. Et le plus tôt sera le mieux.

En plus de vos discussions avec l’UDI, on murmure aussi que vous rencontrez des membres des Républicains, inquiets d’une candidature Nicolas Sarkozy… Si tel est le cas, et que vous soyez candidat, pensez-vous pouvoir compter sur un certain nombre de ralliements ?

Il y a en France des millions de gens qui considèrent insupportable qu’on les conduise à la triple impasse, extrême-droite, président sortant, président précédent.  Une immense majorité d’entre eux voudrait éviter cette impasse. Et c’est vrai aussi parmi les responsables politiques. Bien sûr, je parle avec beaucoup d’entre eux. Je sais qu’ils réfléchissent à l’avenir, avec bonne foi. Je réfléchis avec eux. Je ne sous-estime pas la difficulté de sortir des sentiers battus, mais la congélation actuelle ne peut pas durer.

Avec le recul, comme expliquez-vous votre résultat de 2012, très inférieur à celui de 2007 ?

En 2012, la question qui se posait à une grande partie de l’électorat, c’était : qui peut faire pièce à Nicolas Sarkozy ? A partir du discours réussi du Bourget, François Hollande a occupé cet espace. En politique, il ne suffit pas d’être ce que l’on est, il faut être en situation. C’est cela l’expérience d’il y a cinq ans.

La « situation » serait-elle meilleure pour vous en 2017 ?

Sans doute, mais la question n’est pas celle de l’opportunité, elle est celle de la nécessité.

Vous atteignez 13 à 16 % dans les sondages présidentiels, soit un socle très supérieur aux deux derniers scrutins. Vous êtes aussi, selon les enquêtes d’opinion, la 2ème ou 3ème personnalité politique préférée des Français. Comment expliquez-vous cette popularité, en décalage avec le poids électoral de votre parti ?

 Ce que les gens entendent le mieux, c’est l’authenticité. Ce qui compte, ce n’est pas seulement ce qu’on dit, c’est ce qu’on est. La parole politique est tellement dévaluée et épuisée qu’une parole libre, non formatée, se reconnaît instantanément. Mon parcours fait que je parle librement. Tout le monde sait que j’ai pris des risques, peut-être excessifs, pour ce que je croyais juste. Les parcours de vie sont des garanties plus solides que les discours. Le mien est différent de beaucoup d’autres. Il a commencé dans le monde du travail, une petite ferme au pied des Pyrénées, il est parcouru de livres, enraciné dans une région et une ville, le Béarn et Pau, dont l’histoire, celle d’Henri IV, n’est pas indifférente au monde actuel des menaces de guerres de religion. Il y aussi le caractère qui est le mien, pas toujours commode je l’avoue, mais totalement indépendant des grands intérêts économiques ou financiers et n’ayant jamais été tenté par les affaires qui ont tellement troublé l’image de la politique. C’est tout cela qui, avec le temps, fait un lien avec les Français.

Une observation récurrente qui revient à votre endroit, c’est « François Bayrou est un homme seul » : peu d’élus de poids, de militants, de ressources financières… Peut-on espérer gagner une présidentielle sans une « machine de guerre » à ses côtés ?

C’est un atout majeur, au contraire, de n’être pas prisonnier des appareils et des forces classiques ! C’est cette indépendance qui peut permettre de changer les choses. Or c’est le sujet principal de l’immense impuissance qui est devenue notre lot. Rien n’est plus urgent que de changer le pouvoir, changer la représentation, associer des énergies nouvelles, réconcilier, dire la vérité. C’est une question de vie ou de mort, de renaissance ou d’effondrement ! La situation morale du pays est pire encore que sa situation économique. Sur cette nécessité de rupture le temps est venu d’être intraitable. On élit un Président pour qu’il soit capable de faire naître un monde nouveau.


Arnaud Folch

 

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