"Je me battrai toujours pour la liberté de la presse et toujours pour l'indépendance de la justice"

Interrogé ce mardi par Public Sénat, François Bayrou exprime sa confiance en la justice et en sa totale indépendance. Il donne également sa vision de la majorité centrale, voulue par E. Macron en cas d'élection, et qu'il soutient depuis longtemps.

La "journée morte" en Guyane :  comment jugez-vous le retard à l’allumage du gouvernement, qui tarde encore à envoyer des ministres ?

Pour moi, le gouvernement ne peut pas se contenter d’observer de l’extérieur ce qu’il se passe en Guyane. Il y a un ministre des Outre-mer, et d’autres ministres qui sont en situation de responsabilité. Leur place est sur le terrain ! L’idée d’attendre que cela se décante, que cela bouge… Cette idée-là n’est pas la bonne ! Dans des circonstances semblables, il y a 20 ans, j’étais ministre de l’éducation. Les étudiants, les enseignants... Une très grande partie de la Guyane était en ébullition… Il y avait des barricades ! J’ai pris un avion, je suis parti, et les décisions nécessaires ont été prises ! Cela a réglé la question. Pour moi, il y a d’ailleurs un souvenir intéressant, précieux, que je partage avec les Guyanais, puisqu’il en a découlé la décision de la création du rectorat de la Guyane. Il est nécessaire, indispensable pour moi que le gouvernement prenne ses responsabilités. Il est là pour cela ! Si vous avez des ministres et un gouvernement, c’est pour ne pas laisser les choses se dégrader.

Comprenez-vous la colère des Guyanais aujourd’hui ? Soutenez-vous leur mouvement ?

En tout cas, je comprends. Qu’est-ce qui est frappant pour les Guyanais, et en Guyane ? D’abord, un décalage immense entre la plateforme spatiale, la plus haute technologie… Évidemment un univers clos, protégé… Et puis, le reste de la Guyane qui est en retard de développement. Il n’y a pas de régions en France où le manque d’écoles est aussi cruel qu’en Guyane.

C’est ce que j’allais vous dire… Il y a, à nouveau, des revendications en la matière aujourd’hui.

À juste titre ! Combien cela coûte-t-il de construire des écoles ? Il n’y a pas besoin de chauffage en Guyane ! C’est donc tout à fait possible de construire des écoles…

Dites-vous que ce département peut encore être sauvé ?

Ce département peut encore être poussé par son développement. Il suffit d’avoir des esprits pratiques et des politiques qui soient des décisions fortes.

D’accord. Vous demandez la présence sur place des ministres, mais le gouvernement n’est-il pas piégé aujourd’hui avec ces revendications qui arrivent, alors que se profile le calendrier électoral ?  

Le gouvernement est sans doute piégé parce qu’il n’a pas pris les choses à temps !

François Hollande n’a pas tenu ses promesses ? Il avait présenté un plan d’avenir !

Il a fait des promesses, et comme toujours, elles sont perdues dans les sables. Si vous me permettez d’élargir cette réflexion : le principal problème de l’action publique en France, c’est que l’on décide et que l’on ne fait pas. Le principal enjeu –j’ai écrit un livre sur ce sujet, qui s’appelle Résolution française – est de parler, de décider, mais aussi de s’occuper de l’application et de l’exécution. Que l’on raccourcisse le délai entre l’annonce et la réalisation de l’action publique. En France, en partie par des procédures inadaptées, en partie parce que les pratiques sont –d’une certaine manière - soumises à leur administration : l’administration a beaucoup de vertus, je suis un défenseur de l’État, mais vous comprenez bien les rythmes de l’administration ne sont pas les rythmes de la vie ordinaires, de la vie politique. Pour moi, la vocation d’un politique est de faire. Pas seulement de parler, de s’exprimer, de laisser venir.

C’est donc un avertissement pour les candidats à l’élection présidentielle… Et sans doute, un avertissement de celui que vous soutenez, Emmanuel Macron ? Nous allons maintenant parler de la campagne présidentielle, avec Jean-Francis Pécresse, directeur de la rédaction qui nous rejoint !

JF Pécresse : Cette campagne présidentielle exacerbant le ras-le-bol des Français est-elle dangereuse ? Peut-elle déboucher sur un accident démocratique, c’est-à-dire une élection de Marine Le Pen ?

Toute élection peut déboucher sur un résultat que l’on n’attend pas, et que certains ne souhaitent pas ! Alors que beaucoup de voix disent, « Mais ce n’est pas normal, on découvre des choses… » Moi, je trouve cette élection absolument révélatrice de ce qui est en train de naître sous nos yeux : le caractère décomposé de la vie politique française ! Plus spécialement, le caractère décomposé des deux partis qui exercent ensemble le monopole du pouvoir depuis 50 ans. C’est parce que nous avons ses pratiques que nous avons sous les yeux toute cette dérive.

Pourtant, il y a eu les alternances… Vous avez appelé vous-même l’alternance de vos vœux !

Laissez-moi aller un peu plus loin, pour que l’on comprenne les choses : dans une démocratie normale, pourquoi ces pratiques sont impossibles ? Elles le sont parce qu’une surveillance et une régulation, un contrôle et un équilibre empêchent les pratiques inacceptables d’avoir lieu ! Si vous n’avez pas ce pluralisme, qui fait que vous avez des gens portant les yeux sur ce qu'il se passe, alors les mauvaises pratiques prospèrent ! Le fait qu’il n’y ait que deux partis entraine un phénomène que vous connaissez bien : « Je te tiens, tu me tiens par la barbichette », c’est-à-dire « je sais ce que tu fais, mais comme je fais la même chose, nous allons nous épargner les uns les autres ». C’est précisément ce système qui pose le problème démocratique principal dans lequel nous sommes.

Est-ce juste une crise de la représentation, une crise des seuls partis politiques, où cela va-t-il un peu au-delà ? Dans le cahier spécial de Les Échos, ce matin, consacré à « l’audit de la France », Cécile Cornudet parle de la politique comme  d’un « grand corps malade ». Est-ce une remise en cause d’une vieille manière de faire de la politique ?

C’est une remise en cause fondamentale des facilités dans lesquelles la politique française s’est volontiers enfermée ! Ce n’est pas devant vous que je vais rappeler que des gens plaidaient contre la dette… Que des gens plaidaient pour le pluralisme et pour la moralisation de la vie publique… Sur tous ces sujets, j’ai pris les risques les plus importants, parce que je ne pouvais pas accepter qu’on laisse dériver les choses comme elles le font ! Je ne pouvais pas accepter les affaires, ni les décisions prises dans mon dos.

Quels risques avez-vous pris ? Des risques politiques ?

Politiques, non… Je n’ai pas été menacé d’assassinat ! Ceci viendra peut-être… Les choix que j’ai faits ont fait que les deux partis principaux ont eu le monopole des sièges ! Ils ont tout fait pour faire disparaître le centre indépendant, le centre libre de la vie politique française ! Et voilà, que comme un retournement des choses, le centre est à nouveau le lieu rayonnant de la vie politique française !

Lorsque vous entendez de manière prosaïque F. Fillon mettre en cause l’existence d’un « cabinet noir » à L’Élysée, où en tout cas d’un système de remontée d’informations des affaires, d’une forme d’instrumentalisation de la justice à des fins politiques, a-t-il complètement tort ? Les torts sont-ils d’un seul côté ?

Moi qui ai un peu de mémoire, des cabinets noirs, j’en ai vu ! À d’autres époques, dans les décennies passes de la vie politique française. Je n’ai pas du tout le sentiment aujourd’hui que nous soyons dans cette situation-là. Ce qui est frappant pour moi est que ce complotisme là est un enfermement. Cela est fait afin que vos troupes soient mobilisées et poussées dans les flambées de la passion. Ensuite, c’est toujours le même réflexe : « ce n’est pas de ma faute, mais de celle des autres ! ». Si vous prenez ‘ensemble des pratiques dévoilées, aucune d’entre elles ne vient de l’extérieur ! Arrêtons-nous sur ce sujet : aucun de ces faits n’a été commandé ou provoqué de l’extérieur. Ce que l’on reprocherait – si c’était vrai – c’est un dévoilement de choses qui sont incontestées ! Je pense qu’il faut rompre…

Mais ce n’est pas normal ! Les écoutes… Il y a un livre dont F. Fillon a lui-même fait état, qui est un livre écrit par des journalistes du Canard enchaîné, très bien informé, qui révèle en particulier un système d’écoutes de personnalités, piloté par la DCRI. Avez-vous le sentiment d’être écouté, par exemple ?

Tout d’abord, si je suis écouté, je m’en fiche ! Vous pouvez comprendre cela ! Deuxièmement, je ne crois pas l’être ! Troisièmement, on ne peut être écouté en France que sur ordre d’un magistrat, et si quelqu’un manque à cette obligation…

Vous savez bien que ce n’est pas vrai !

Attendez, vous êtes un journaliste, vous affirmez que cela n’est pas vrai ! Vous allez pouvoir m’apporter des preuves, cela m’intéresse ! Moi, qui suis un responsable public, je dis qu’il n’y a d’écoutes légales en France que celles faites par un magistrat !

On a l’impression que vous êtes dans le monde des bisounours ! Vous savez bien que ce n’est pas vrai !

Je suis un républicain qui croit que la république a des lois ! Si vous pensez le contraire, vous devez le titrer à la une des Échos demain ! C’est votre journal !

Je fais référence à un livre…

Non, non, non ! Vous faites une affirmation ! Vous venez de me dire que je me croyais dans le monde des bisounours. Moi, je crois qu’en France, la loi est respectée. Je ne crois pas que quelqu’un puisse brancher des écoutes sans la décision d’un magistrat où d’un juge d’instruction dans des affaires données, car l’on soupçonne un certain nombre de choses. Si vous pensez le contraire, vous avez le devoir de l’écrire à la Une des Échos

On va guetter le journal demain…

Attendez, ce sont des choses graves ! Comprenez-vous ce qu’il se passe ? Nous vivons dans ce pays par insinuations. Quand les journalistes des journaux les plus sérieux reprennent ses insinuations, moi, je dis qu’il y a quelque chose qui ne va pas, qu’il y a quelque chose de pourri dans le Royaume du Danemark !

On parle de ce livre, mais nous n’avons même pas cité le titre : « Bienvenue Place Beauvau », un livre qui inspire d’ailleurs plusieurs ténors proches de F. Fillon.Ils demandent aujourd’hui l’ouverture d’une information judiciaire.On écoute François Baroin qui envisage lui une commission d'enquête parlementaire.François Bayrou, qu’en pensez-vous ?

Il y a deux choses. Il demande l'ouverture d'une information judiciaire, on va voir si le parquet se saisi ou pas. Si il y a quelque chose de sérieux le parquet doit se saisir et on doit aller au bout des investigations. Mais ce n'est pas fait pour qu'il y ait une enquête. C'est fait pour accréditer l'idée qu'il existe une manœuvre. C'est un argument de campagne électorale. Quant à mettre en place au moment de le prochaine législature une commission d'enquête sur ces allégations ou sur d'autres, d'accord ! Pour moi c'est très simple, je me suis toujours battu pour la transparence et l’honnêteté dans la vie publique. Je me suis battu contre les affaires et dans des lieux où je suis sûr – car désormais la justice est saisie – qu'il y a eu des escroqueries et des complicités.

Avez-vous aussi envie de vous battre contre le tribunal médiatique ? Expression utilisée par Nicolas Sarkozy.

Non. Je dis une chose avec certitude, si il n'y avait pas eu de presse libre les affaires auxquelles je faisais allusion à l'instant ne seraient jamais sorties. Jamais. Celles que nous découvrons et les précédentes c'est la presse libre qui les a faite sortir. C'est pourquoi je dis que vous avez une responsabilité.

Donc vous admettez que la République n'est parfois pas si irréprochable que vous le pensez ?

Non, non. Allons au bout des idées. Ne nous arrêtons pas.

On a l'impression que quand cela vous arrange elle est irréprochable et que parfois …

Non. Ne nous arrêtons pas à des formules de cet ordre. Je viens d'écrire un livre qui traite largement de ce sujet. Je dis que pour défendre la République il y a deux choses : la liberté de la presse et l'indépendance de la justice. Et sur l'indépendance de la justice - permettez-moi de dire – qu'on vient de voir un ministre de l'intérieur qui vient de sauter parce que la presse a révélé un certain nombre de choses sur ses pratiques.Vous souvenez-vous d'un temps ou le ministre de l'intérieur ait sauté comme cela sur information de de la presse ? Moi je n'en connais pas.

C'est le gouvernement de la vertu qui exécute ses responsables en cas de faux pas ?

Lorsqu'il y a des désordres et des dérives, la liberté de la presse et l'indépendance de la justice forment un ensemble, un couple, qui permet de défendre nos principes les plus précieux. C'est pourquoi je me battrai toujours pour la liberté de la presse et toujours pour l'indépendance de la justice.

François Bayrou, un mot sur le fond de cette campagne électorale et du programme du candidat que vous soutenez, Emmanuel Macron, avec qui vous êtes allié, partenaire. 35 milliards d'euros de dépenses nouvelles qui ne sont pas financées, c'est ce qu'affirme un institut de conjoncture Coe-Rexecode, n'êtes vous pas inquiet d'une forme de légèreté budgétaire dans le bouclage de ce projet ?

Toujours les campagnes électorales sont propices aux promesses non financées. Par exemple, chez François Fillon …

Pas chez Emmanuel Macron ?

Chez Emmanuel Macron j'ai demandé des explications et je les ai eu. Si cela vous intéresse je vais vous le dire. Mais chez François Fillon, par exemple …

Moi je vous interroge sur Emmanuel Macron.

Un certain nombre de soutiens de François Fillon, affichés, essaient de dire que chez Macron ce n'est pas financé. Je vais vous montrer en un exemple à quel point le programme de François Fillon est loin de tout équilibre.

Oui mais ce n'est pas parce que le programme de Fillon ne serait pas équilibré que cela répondrait à ma question sur Emmanuel Macron.

Je vais vous répondre après, mais d'abord je vous réponds sur François Fillon. François Fillon dit « je supprime 500 000 postes de fonctionnaires et cela va faire 19 milliards d'économies ». C'est cela qu'il dit. Je vous rappelle que cela fait 19 milliards d'économies si on porte à 39H le temps de travail des fonctionnaires et si on ne le paie pas du tout. Deuxièmement, supprimer 500 000 postes cela veut dire qu'on ne remplace pas les départs à la retraite. Mais comme dans le même temps il dit « je repousserai l'âge du départ à la retraite à 65 ans » alors j'ai le regret d'annoncer qu'il ne peut pas y avoir 500 000 suppressions de postes sauf à faire des licenciements parce qu'il n'y aura plus de départs à la retraite en nombre suffisants. Et vous voyez à quel point en prenant le microscope pour regarder les difficultés des autres on oublie les incroyables inexactitudes qu'il y a dans le programme qu'on veut.Sur les 35 milliards, moi je prétends que les financements sont prévus et assurés à une condition, c'est que les économies soient faites.

Jean-Françis Pécresse estime que si Emmanuel Macron est élu on restera au-dessus des 3% de déficit pendant tout le quinquennat.

C'est le seul candidat qui a prit l'engagement de respecter la barre des 3%. Le seul ! François Fillon a dit 4,8% la première année. Je suis engagé pour que nous respections nos engagements. Quant à Rexecode, Monsieur Pisany-Ferry, qui n'est pas la moitié d'un économiste, a fait une réponse argumentée que je vous conseille de lire.

Merci Beaucoup Jean-Françis. Questions à suivre avec Déborah Claude de l'AFP qui arrive.

Bonsoir François Bayrou. Emmanuel Macron est-il le fils héritier, le dauphin de François Hollande pour qui vous avez appelé à voter en 2012 ?

J'espère que non et je suis sûr qu'Emmanuel Macron a fait quelque chose qu'aucun autre n'a fait : il est sorti du gouvernement pour rompre avec la pratique antérieure.

Donc ce n'est pas le dauphin ?

La preuve en a été apportée par le fait qu'il soit sorti du gouvernement. Personne d'autre dans des circonstances comme celles là, étant ministre de l’économie, étant ministre de l'économie assez jeune – à l'âge de Giscard pour simplifier – n'a fait ce choix de rompre avec l'équipe à laquelle il appartenait et avec le président de la République dont il avait été la collaborateur pour dire « non je ne peux plus accepter cela ». Alors oui, il a inspiré la politique économique du gouvernement, je l'ai moi même dit et répété. Je vais prendre un exemple : c'est lui qui a suggéré le CICE. Les entreprises ne se plaignent pas du CICE. Mais moi, quand il a décidé le CICE j'ai dit que cela allait être une usine à gaz et qu'il devrait procéder par baisses de charges. Le programme qui est le sien aujourd’hui c'est précisément de passer par des baisses de charges.

Sur l'alliance avec Macron que conteste notamment Bruno Retailleau ?

Tout cela est donc parfaitement logique. Je vous rappelle que j'ai proposé une alliance entre la droite républicaine et le centre indépendant avec Alain Juppé et que M. Retailleau et quelques autres ont fait de ce sujet le sujet de la primaire en disant « nous refusons qu'il y ait une telle alliance ». Donc rien n'est plus logique que de réaliser ce rassemblement autour de l'idée d'un centre indépendant. Et pourquoi M. Retailleau est-il embêté et quelques autres aussi ? Parce que cela va mettre le point final à un système avec lequel nous vivons depuis 50 ans qui est « pouvoir du PS ou pouvoir du RPR devenu UMP devenu LR ». C'est cela qu'ils voulaient instaurer comme loi universelle.

Votre nom est sifflé aussi bien dans les meetings de François Fillon que dans ceux de Nicolas Sarkozy.

Oui, j'ai l'habitude. Il se trouve qu'en effet, je suis un homme politique engagé, un responsable engagé qui depuis le début de sa carrière essaie d'arracher le pouvoir à ces deux partis. Alors cela embête M. Retailleau et un certain nombre d'autres, mais moi je considère qu'ils ont conduit la France dans l'impasse la plus grave que l'on pouvait trouver. Je considère que les cinq années de François Hollande n'ont pas été brillantes, mais que les cinq années précédentes de Nicolas Sarkozy étaient également condamnables. C'était la raison pour laquelle j'ai choisi l'alternance en 2012 et que je choisis l'alternance en 2017.

Vous êtes prêt à travailler avec Jean-Yves le Drian, avec des poids lourds du gouvernement ?

Bien entendu. Vous savez bien que ce sont des sensibilités proches. Quelles différences substantielles y a t'il entre M. Le Drian et M. Juppé ? Ils ont exercé des responsabilités semblables avec la même idée du devoir de la vocation de la France. Moi je trouve qu'il est logique qu'un jour ces sensibilités se rapprochent. Je prétends qu'il n'y a qu'une majorité sérieuse en France, qu'une majorité cohérente, c'est ce que j'ai appelé l'arc central. Il n'y a plus de majorité à droite. Vous voyez bien que les propos de M.Retailleau, de M.Wauqiuez et d'un certain nombre d'autres sont des propos que le Front national entend sans protester. Ils ont des thèmes qui sont des thèmes absolument semblables. Et de la même manière, il y a une partie de la droite républicaine qui n'est pas sur cette ligne. Elle s'était regroupée autour de Juppé au moment de le la primaire. Elle n'est pas sur cette ligne.

Vous êtes donc prêt à travailler avec des Jean-Baptiste Lemoyne et des Jean-Yves Le Drian pour recomposer la vie politique ?

Bien entendu ! Je crois qu'il y a dix ministres de Chirac - peut-être onze, ou douze – qui soutiennent Emmanuel Macron. Ils n'ont pas renié leurs convictions.

Demain, Dominique de Villepin ce serait une belle prise ?

Ce ne sont pas des prises. Tout cela se fait au terme de réflexions et de débats de consciences d'hommes et de femmes qui sont dans une situation pour eux qui est insupportable et ingérable et qui disent qu'il faut en sortir. Moi je suis solidaire avec tous ceux qui, constatant la décomposition de la vie politique, du pays disent qu'il faut en sortir. Je le dis depuis plus longtemps qu'eux. Depuis quinze ans on voit se préparer ce phénomène de décomposition et avancer cette décomposition. Il est temps d'arracher le pouvoir à ces deux organismes politiques – PS et LR – qui sont des organismes politiques usés dont les pratiques, les méthodes, le sectarisme empêchent que la France avance. C'est la raison pour laquelle je suis très content de ce choix.

Vous êtes prêt aussi à travailler avec l'ancien Premier ministre Manuel Valls ?

On va voir ce qu'il dit, les choix qu'il fait. Mais cela ne me gène pas de dire que c'est quelqu'un que j'estime. Je trouve que la vie politique française manque de l'expression de cette estime là. Je peux être en désaccord avec quelqu'un et avoir de l'estime pour lui. J'ai été en désaccord souvent avec Manuel Valls, mais il se trouve cependant que j'ai de l'estime pour lui.

On dit que Emmanuel Macron peut peut-être lui demander de ne pas le rejoindre pour l'instant. Vous avez des informations là-dessus ?

Je crois qu'il y a une chose extrêmement importante. C'est que l'on évite toute ambiguité. Ambiguïté que Monsieur, tout à l'heure, défenseur de François Fillon maniait avec dextérité. Il y a deux attitudes. Un, le soutien. Le soutien, il est légitime qu’il soit large ! Et deux, l’exercice des responsabilités. L’exercice des responsabilités doit être cohérent et porter le renouveau. L’équipe gouvernementale - par hypothèse, si Emmanuel Macron est élu - doit être absolument renouvelée avec des visages, des méthodes et des pratiques nouvelles !

Sans vous ?

Excusez-moi, mais je ne suis pas membre du gouvernement sortant ! Je ne suis pas membre du gouvernement précédent ! Je ne suis pas membre du gouvernement anté-précédent ! Il se trouve que j’ai quitté cette pratique, que je m’y suis opposé depuis 15 ans au moins !

Vous êtes en capacité d’exercer des responsabilités si je vous suis bien.

Je vais vous surprendre : je n’ai jamais parlé de ce sujet avec Emmanuel Macron, pour deux raisons extrêmement précises. La première, c’est que je trouve complètement stupide et vain d’avoir une conversation sur les responsabilités ultérieures alors que l’on n’ait pas élu…

Il a quand même dit que le MoDem serait dans la majorité.

Ce n’est pas la même chose ! Bien sûr que le MoDem sera dans la majorité, comme un mouvement autonome ! C’est un des éléments de notre alliance outre les quatre exigences que j’avais formulées. Et la deuxième raison est que c’est la responsabilité personnelle du Président de la République.

Vous entendez-vous bien avec Emmanuel Macron ?

Ce n’était pas garanti à l’avance. Comme vous le rappeliez, nous avons eu des échanges un peu virils ! 

Sentez-vous qu’il a l’étoffe et l’expérience pour être Président de la République ?

Ce que j’ai observé en tout cas depuis la pratique de cette alliance, c’est que c’est quelqu’un pour qui l’intérêt général était très important, pour qui la réflexion sur la pratique du pouvoir cheminait et était très importante et c’est quelqu’un avec qui on peut avoir des échanges. C’est mon témoignage personnel !

Et sur son étoffe présidentielle ?

Alors vous faites toujours allusion à sa jeunesse… Je vais vous dire : il va être élu à l’âge où John Kennedy a été élu, à deux ou trois ans près ! John Kennedy a été élu à 43 ans, lui va être élu à 40 ans et 43 ans au début des années 60 c’est plus jeune que 40 ans aujourd’hui. C’est à peu près similaire ! J’étais en train de lire un roman sur les débuts de John Kennedy et on lui faisait les mêmes reproches, exactement ! Il y a des moments dans l’histoire des peuples où les choses sont tellement décomposées qu’on a besoin de jeunesse !

Vous lui faites confiance.

Autrement, je ne serais pas là ! 

Vous dites depuis des années vouloir cette victoire d’une majorité centrale.

Il est vrai que je le dis depuis des années. J’ai pris tous les risques depuis des années pour que se réalise ce projet d’une victoire d’une majorité centrale. 

Si Emmanuel Macron gagne cette élection présidentielle, à quoi ressemblerait cette majorité centrale que vous appelez de vos voeux ?

C’est une majorité profondément renouvelée dans les visages. La promesse que porte Emmanuel Macron, c’est une promesse de renouveau, c’est que l’on sorte de l’usure dans laquelle on est enfermé ! La deuxième chose est que c’est une majorité pluraliste, c’est-à-dire que l’on n’aura pas l’illusion d’avoir un seul cap, un seul parti, une seule organisation, une seule idéologie. C’est la majorité la plus cohérente qui puisse exister en France ! Une majorité cohérente de gauche est aujourd’hui impossible. Une majorité cohérente de droite est impossible aujourd’hui.

Ce n’est pas ce que dit François Fillon.

Ce n’est pas parce que François Fillon dit quelque chose que c’est vrai ! François Fillon est aujourd’hui à 18 % dans les sondages. Marine Le Pen est à 25 %. Où est la majorité de droite ? Où est la cohérence d’une majorité de droite ? Pour faire une majorité, il faut arriver à plus de 50 % ! Et il faut arriver à plus de 50 % de gens qui s’entendent entre eux, qui aient - à des nuances près - les mêmes options fondamentales ! Je constate dans la majorité qu’Emmanuel Macron prépare, c’est que c’est le seul candidat aujourd’hui qui obtienne des soutiens, des ralliements de personnalités nombreuses et d’expérience. 12 anciens ministres de Jacques Chirac je crois...

Vous parliez de renouvellement des visages, c’est un peu contradictoire. 

Non ! Dans les soutiens, cela ne me gêne pas ! Mais le renouvellement est nécessaire. J’observe qu’il y a des soutiens nombreux et j’ajoute que toutes ces personnalités - pour 98 % - sont cohérentes entre elles ! Je répète qu’entre Jean-Yves Le Drian d’un côté et Alain Juppé de l’autre, les axes sont les mêmes ! Il y a des nuances, mais on les gère ! Je vais le dire de manière simple : pour avoir une politique économique qui fasse sa part à la liberté et au soutien aux entreprises, et une politique qui revendique un cap de solidarité, ils sont tous d’accord ceux qui sont là !

Le doute demeure quand même.

Moi, je vous dis : abandonnez le doute !

N’y aura-t-il pas des combines qui nous ramènent à la IVème République ?

Je crois exactement le contraire ! Cette alliance qui formera la majorité présidentielle aura 577 candidats dans les 577 circonscriptions du pays. Je vais prendre un pari : je suis persuadé que cette majorité sera plus large que les autres ! Et elle sera à coup sûr plus cohérente que les autres ! Je vais plus loin : cette majorité sera la traduction en une vague de ce que la France ait exigé en votant pour Emmanuel Macron au mois de mai.

Manuel Valls doit visiblement annoncer des choses dans les prochains jours. Vous le connaissez. Est-ce qu’il peut être aujourd’hui l’incarnation du leadership des progressistes de demain ?

D’abord, je n’aime pas le mot « progressiste ». Je sais qu’Emmanuel Macron utilise ce mot, que Manuel Valls l’utilise aussi mais moi je ne sais pas ce que « progressiste » veut dire. Il y a en moi autant de « progressisme » que de « conservateur ». Je pense qu’il y a des domaines entiers de la vie dans lesquels il faut transmettre des choses qui existent. Par exemple, en matière d’éducation : on transmet une langue qui existe, on transmet des lois mathématiques qui existent. Ce que je crois, c’est qu’il y a en effet un grand courant réformiste en France, qui pense que le pays doit - pour faire face aux exigences du temps - choisir la voie de la réforme progressive. On identifie un problème, on règle le problème, en se fixant comme règle que l’on n’organise pas la fracture de la société française. C’est ça le réformisme ! 

Il n’y aura pas d’accord avec les états majors dit aujourd’hui même Emmanuel Macron. Sauf avec le MoDem ?

Oui. En Marche et le MoDem vont rechercher une majorité présidentielle cohérente et pluraliste.

Vous serez donc le pivot.

Non… Ce sont des expressions qui laissent penser que l’on parle de son propre intérêt. Je ne parle pas de mon propre intérêt. Je fais tout ce que je peux pour trouver les conditions pour que l’avenir ressemble à ce que je crois mais je ne suis pas dans cette idée d’avoir la main.

Écoutez Benoît Hamon qui se dresse lui contre la coalition de tous ceux qui, dit-il, ne veulent pas lâcher le pouvoir et que l’on retrouve aujourd’hui autour d’Emmanuel Macron : [son de Benoît Hamon].

Il est rigolo Monsieur Hamon, n’est-ce pas ? D’abord, il est plus âgé qu’Emmanuel Macron ! Donc quand il parle des « gens qui s’accrochent », bon… Ensuite, il a été au gouvernement ! S’il en est sorti, c’est parce qu’il a été viré ! Troisièmement, le parti au pouvoir depuis cinq ans, dix ans, quinze ans, c’est le Parti socialiste, son parti ! C’est à l’intérieur de son parti que le rêve qui s’éloigne de plus en plus serait de conserver le pouvoir. Ce sont des accusations profondément décalées par rapport à la réalité parce que ce qu’amène Emmanuel Macron, c’est précisément la fin du pouvoir du PS que défend Monsieur Hamon, la fin du pouvoir de LR que défend Monsieur Fillon. C’est pour arracher le pouvoir à ces deux appareils épuisés qu’Emmanuel Macron s’est présenté devant le pays, c’est pour ça qu’il a le succès que nous savons et c’est pourquoi je suis allié avec lui. 

Merci Monsieur Bayrou.

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