"Je suis favorable à un service national universel, civique et de sécurité"
François Bayrou a plaidé, ce matin sur RTL, pour le retour à "un service national universel, civique et de sécurité" afin de "permettre aux gens de tous les milieux sociaux de se rencontrer" et de mettre les jeunes "au contact des réalités de la vie de tous les jours".
Bonjour François Bayrou,
Bonjour,
Le gouvernement vient de valider le licenciement d’un délégué CGT d’Air France, accusé d’avoir participé à l’épisode de « la chemise arrachée », licenciement validé contre l’avis de l’inspection du travail. Validez-vous cette décision ?
J’imagine que le gouvernement a regardé le dossier de près et a vu une chose qui est très frappante pour les citoyens : il y a eu le licenciement de 4 participants à cet épisode de violence, seulement cette personne-là était à l’abri car « salarié protégé » -c’est à dire salarié ayant un mandat syndical- c’est la seule raison. Le mandat syndical ne met pas à l’abri et ne permet pas de faire n’importe quoi – des choses graves- et il me semble que le gouvernement a eu raison d’être ferme sur ce sujet.
Et votre avis sur cette méthode ? Un communiqué de 7 lignes en plein mois d’août.
C’est une décision gouvernementale, ces décisions sont toujours susceptibles d’appel. La centrale syndicale ou le salarié peuvent faire appel et demander à la justice si la décision est fondée ou non. L’idée que des salariés « normaux » puissent être punis mais pas des salariés protégés - devant des actes de violence qui sortent totalement du cadre d’une discussion ou même d’une grève – il y a là quelque chose qui touche à l’idée d’égalité et d’équité.
La décision est tombée la veille, nous l’avons appris il y a quelques minutes, la loi Travail qui a fait couler tant d’encre et fait sortir tant de monde dans la rue au printemps dernier, est promulguée au Journal Officiel depuis quelques minutes. Selon vous, cette loi va permettre d’inverser la courbe du chômage et va fluidifier le marché du travail ?
Surement pas. Il y a une chose intéressante dans cette loi : au sein de l’entreprise on pourra discuter d’une certaine partie de l’organisation du travail. La chose nuisible est la suivante : on va pouvoir payer moins les heures supplémentaires. Je suis pour ma part absolument attaché à l’idée que le travail est mal payé en France. Il faut saisir toutes les chances et occasions possibles afin de mieux payer le travail et ce n’est sûrement pas en baissant la rémunération des heures supplémentaires. J’ai proposé un autre système : la prime ou la rémunération supplémentaire - que l’heure travaillée en plus apporte au salarié – soit défalquée des charges sociales, de manière à ce que cela ne coûte pas plus cher à l’entreprise. Je trouve qu’il est normal que le travail des salariés soit plus rémunérateur, il faudra revenir là-dessus.
C’est un vieux rêve ça !
Non ce n’est pas un vieux rêve, c’est une réalité. Ce que je propose est facile à faire, c’est une question d’organisation. Ce n’est pas un rêve que le travail soit mieux payé.
Le mois dernier, la France a été touchée par deux attentats, à Nice et à Saint-Etienne du Rouvray. Comment éviter l’affrontement des communautés ? Le Parisien, aujourd’hui, fait par exemple un papier sur la parole raciste qui se libère en France. Comment éviter cet affrontement qui semble se dessiner entre musulmans et non musulmans ?
Je pense que les choses sont devenues si importantes et si graves que l’on ne s’en sortira pas avec des demi-mesures. François Hollande est en train aujourd’hui d’inaugurer « la réserve citoyenne », il y a quelques dizaines de personnes, 80 je crois, et même si vous multipliez par cent, cela ne résoudra pas la question. On est très loin. Il faut des décisions très importantes qui permettent de sortir des ghettos, qui permettent aux gens de se rencontrer, qui permettent d’avoir une capacité de contact avec des populations qui ne se parlent plus. Il faut examiner le retour à un service national universel, civique et de sécurité.
Militaire ?
Non de sécurité. Militaire c’est plus professionnel. Je propose un service civique de sécurité qui mettra tous les jeunes français d’une classe d’âge, pendant plusieurs mois, au contact des réalités qui sont celles de la vie de tous les jours, et ce quelque soit le milieu ou la culture d’où l’on vient. Il faut un moyen de sortir de cet enfermement dans lequel tout le monde se trouve. On parle des quartiers qui sont à origines diverses, de populations dont les cultures ne sont pas habituées ou adaptées à la société française – elles le deviendront avec le temps - mais il y a d’autres quartiers plus privilégiés d’où aussi on ne sort pas. Cet effort national qui consiste à dire : on a des choses essentielles à faire ensemble et l’on peut ou l’on doit pendant quelques mois de sa vie partager avec d’autres les charges de sécurité de la vie de tous les jours, les charges du service envers les autres lorsqu’ils sont en difficulté. Je pense que l’on a eu tort, il y a des années, de supprimer cet appel à la rencontre d’une classe d’âge. Il me semble que ce sont des actes de cette importance qui permettront – peut-être – d’inverser le mouvement. Tout ce qui est homéopathique ne fonctionnera pas.
Vous avez décidé après les attentats de Nice d’armer votre police municipale à Pau. Où en êtes-vous ?
Tout va dans ce sens. Vous le savez, c’est le Préfet qui donne son accord. Il va le donner dans les jours qui viennent, je m’en suis assuré. Il y a ensuite toute la procédure d’homologation qui prend quelques semaines. Les personnels qui ont été recrutés sont des personnels formés et qui ont cette qualification de pouvoir maîtriser la question des armes.
Dans une interview à la RTBF, Marc Trévidic, l’ancien juge aux affaires terroristes, prédit une année épouvantable, il dit : « la tentation pour l’Etat Islamique va être très grande de s’en prendre à la France avant les élections présidentielles ». Qui va pouvoir apaiser le pays, être à la fois fort et rassurant ?
C’est tout l’enjeu de ces élections et j’espère qu’elles se dérouleront dans un climat constructif. Il y a aujourd’hui une espèce de profond doute parmi les français sur ce que la politique, la vie nationale et civique peuvent apporter au pays. Les gens n’y croient plus. Pour qu’ils y croient à nouveau il faut des responsables équilibrés ayant un projet qui puisse rassembler.
Comme François Bayrou ?
Nous verrons, nous savez bien le choix que j’ai fait – choix pas très fréquent dans le milieu politique d’ailleurs – j’ai décidé que si Alain Juppé était choisi par le processus de sélection que son parti a décidé de mettre en place, je le soutiendrai. Je considère qu’il a l’étoffe de cette fonction. S’il perd, je prendrai mes responsabilités.
Cela veut dire quoi « prendre ses responsabilités » ?
Cela veut dire que je n’accepterai pas que l’on se trouve devant le choix Hollande/Sarkozy/Le Pen. Je ne souhaite pas que les citoyens se retrouvent devant des bulletins de vote dont ils savent très bien qu’ils seront une impasse.
Dîtes-le que vous serez candidat !
Je ne souhaite pas faire des annonces qui soient hors saison. Ce n’est pas ma détermination. Ma détermination est que la France puisse sortir de la situation dans laquelle elle se trouve grâce à des candidats équilibrés, estimables et rassembleurs.
J’ai l’impression que vous avez dressé votre autoportrait.
Non, j’ai dressé le portrait de la solution politique qu’il convient - si l’on est responsable – de proposer au pays. Je n’accepterai pas que l’on propose au pays uniquement des solutions dont je considère qu’elles sont toutes des impasses. Ceci est une question très importante qu’il faut traiter manière volontaire afin que l’on ne se retrouve pas encore l’année prochaine ou dans deux ans avec les mêmes questions que vous venez de me poser.
Merci François Bayrou.
Merci à vous.