"La communication tue le sens, la sincérité, l'authenticité qu'on est en droit d'attendre de quelqu'un qui a reçu la confiance des Français"
Le président du MoDem, François Bayrou, a critiqué mardi sur Public Sénat "une entrevue bidonnée" et "une communication qui tue le sens" après une visite de François Hollande la semaine dernière chez une retraitée en Lorraine.
François Hollande en fait-il trop comme hyper-communiquant ?
La communication tue le sens des gestes, tue la sincérité profonde, l’authenticité que l’on est en droit d’attendre de quelqu’un qui a reçu la confiance des Français pour diriger l’action et affronter avec eux les difficultés qui se présentent. Avec eux et pas en perpétuelle campagne électorale. Et dernier exemple, cette entrevue bidonnée avec une dame en réalité manipulée, après que l’on nous est présenté tout cela comme étant improvisé. Pour moi l’authenticité n’est pas là, que la sincérité n’est pas là et que ceux qui dirige la totalité de l’action du pouvoir ce n’est pas l’obligation de résoudre les problèmes des Français, de prendre des mesures courageuses, d’aller au-devant des obstacles, de dire ce que notre pays rencontre, mais de faire la seule qui désormais compte, c’est la campagne électorale, la perspective de 2017, les sondages.
Vous écoutez François Hollande quand il s’exprime ?
Il y a des mois qu’il n’est pas entendu. Il y a des mois et des mois que sa parole, plus encore que sa parole, sa personnalité, est devenue lointaine pour les Français. Sa personnalité est désormais dans un chemin d’éloignement et d’absence auprès des Français. Et je crois que l’un est lié à l’autre : à partir du moment où l’on ne s’exprime plus vraiment avec la sincérité de son être, mais que l’on se retrouve dans les mains de communicants…. Je crois que la communication c’est le contraire des communicants. La communication ce n’est pas la mise en scène ; ce n’est pas les propos recopiés ; ce n’est pas de l’artificiel. La vraie communication c’est le naturel.
Justement François Hollande se défend de faire de la communication ?
Vous avez entendu la phrase de François Hollande : hors caméras et hors micros. Or la scène que nous avons vue, c’était une scène entièrement construite pour les caméras. La seule qui manque c’est la vérité. C’est la vérité d’un dirigeant, d’une attitude et d’un être. Il va à la chasse aux voix.
Vous dites sa personnalité n’imprime plus mais est-ce que vous lui reconnaissez un certain succès par exemple avec la baisse du chômage ?
Je lui reconnais de se battre pour la cop21, d’essayer d’arracher une décision dont tout le monde pressent qu’elle risque d’être insatisfaisante et pour améliorer les choses, il le fait et il le fait bien.
Un point positif, il a arraché le levier chinois ?
Ça c’est la présentation mais je lui reconnais d’essayer. Je lui reconnais d’être dans sa responsabilité de chef des armées et au fond à la hauteur de sa fonction. Il y a des choses que j’approuve et des choses que j’approuve moins mais je lui reconnais d’être digne dans cette fonction. En revanche je ne reconnais pas car pour l’instant je ne crois pas que l’on puisse s’y fier, quand il s’agit de la baisse du chômage. Et quand au CICE j’ai toujours trouvé que c’était un mécanisme infiniment compliqué pour remplir l’objectif qui était fixé. Je me souviens très bien du soir où le CICE est sorti : je dinais avec Michel Sapin qui m’a dit c’est formidable, on va créer 300 000 emplois. Et je lui ai dit : tu vas en créer zéro. L’autre jour on a fait une annonce disant que l’INSEE avait reconnu que le CICE avait créé 140 000 emplois. Alors j’ai pris mon stylo et j’ai fait une division assez simple : le CIE a coûté 33 milliards les deux premières années sans doute davantage, cela équivaut à 250 000 euros par emploi. On ne peut vraiment pas se vanter d’un résultat comme celui-là. J’espère que cela a permis de sauver des emplois mais selon moi une baisse des charges franche et massive aurait été beaucoup plus efficace, beaucoup plus générale, beaucoup plus simple, beaucoup plus lisible, et aurait permis, à mon sens, de faire des pas en avant.
Espérez-vous encore des réformes d’ici la fin du quinquennat, dans le domaine économique et social ? Par exemple sur le code du travail, est-ce que vous y croyez ?
Franchement, après les déclarations successives, on a l’impression que pas grand-chose ne va changer. Moi je voudrais qu’on fasse un code du travail d’abord lisible par tous. Sur un petit nombre de pages. Une centaine de pages. Et Robert Badinter a montré quelle exigence ça représentait. Je ne dis pas que son texte est parfait mais il semble que l’on pourrait garantir les mêmes droits en utilisant des textes qui soient beaucoup plus lisibles.
Est-ce que l’on garde le contrat de travail ?
Vous voyez que l’on change de sujet. Le code du travail, c’est la question première, c’est d’abord sa forme. C’est son caractère illisible et minuscule qui fait près de 2000 pages. Et en plus ça change tout le temps. Tout ça c’est pour un petit entrepreneur, un artisan, une petite PME, une incompréhension. C’est donc à l’avantage des organisations puissantes, des services des ressources humaines des grandes entreprises et des avocats ! Et sur ce pont je dis en effet que c’est une faute. Après, il y a une deuxième question : est-ce qu’on doit changer un certain nombre de dispositions ?
Et ma réponse c’est que oui, il faudra changer un certain nombre de dispositions. Il y a en une que je n’accepterai pas de changer c’est le SMIC. Après on peut débattre sur la manière, branche par branche, entreprise par entreprise, on discute de la durée et j’ai moi-même des idées que je présenterai assez vite sur la manière dont on peut traiter des 35 heures. Après sur le SMIC, sur le salaire du travail, je ne suis pas prêt à baisser le SMIC parce ce que je pense que le travail n’est pas bien rémunéré pour certaines catégories.
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Déborah Claude : Le Front national serait devenu le principal opposant. Est-ce que vous pensez – comme on l’entend ces jours-ci – que le gouvernement et le Parti socialiste font monter le Front national ? Y a-t-il des arrière-pensées derrière tout cela ?
Je sais que cela se dit beaucoup mais moi ce n’est pas ce que je pense et ce que je ressens. Le Front national monte, profite des faiblesses conjuguées et successives de ceux qui exercent le pouvoir en France alternativement. Plus encore, ce n’est pas tant de leurs faiblesses dont il s’agit, c’est de leurs impuissances. Je sais bien que depuis des lustres – pour ne pas dire des décennies – la droite dit « c’est la faute de la gauche et c’est Mitterrand qui a inventé le Front national ». Il l’a favorisé un tout petit peu avec ruse mais ce n’est pas vrai que ce soit la gauche qui fasse monter le Front national. Et la gauche dit « c’est de la faute de la droite qui reprend les thèmes du Front national », je ne crois pas non plus que ce soit le fond de la question…
Le fond de la question est que le Front national est entré dans une situation qui est la plus électoralement favorable : il est devenu l’opposant universel. L’opposant universel, forcément, ramasse les voix, à chaque instant.
Est-ce qu’il est surcoté ?
Non, je ne crois pas. Je pense que les sondages disent à peu près ce qu’ils trouvent dans leurs enquêtes.
Michel Grossiord : Jean-Christophe Cambadélis se dit sûr qu’il n’y aura pas de victoire Front national aux régionales. Est-ce votre sentiment ?
Cela signifie que la gauche, si l’électorat de droite et du centre est en tête, se reporte sur elle.
Déborah Claude : En Aquitaine, le candidat du Front national est crédité de 20 % des voix.
À vue humaine, il n’y a pas de risque extrême-droite en Aquitaine. C’est une région dont le tempérament, la culture et la sensibilité ne la portent pas naturellement. S’il y avait risque en Aquitaine, alors je vous garantis qu’il y aurait partout ailleurs de très graves craintes à avoir.
Michel Grossiord : Quand vous évoquez les électeurs de gauche, vous qui avez voté François Hollande, est-ce que vous les appelez aujourd’hui à une forme de mobilisation pour le candidat de droite ?
J’appelle tous les électeurs à la lucidité et à la cohérence. Il y a au fond deux sortes de position face au Front national. La première c’est ceux qui pensent que c’est bien ou que ce n’est pas grave. Il y a ensuite ceux qui pensent que c’est grave pour l’avenir du pays, que les propositions et plus encore les obsessions du Front national nous entrainent à une catastrophe. On croit que c’est pour réparer le mal mais c’est pour aggraver le mal ! Il faut donc que les électeurs soient lucides, qu’ils identifient le risque maximal, qu’ils soient cohérents, et qu’ils tirent les conclusions de leurs analyses ou en tout cas de leurs certitudes : il y a là un risque que l’on ne peut pas courir pour notre pays, et pour les plus fragiles dans notre pays.
Qui trinqueraient le jour où ce type de dispositions entreraient dans les faits ? La perte de confiance à l’égard de la France, la crise absolue de tous ceux qui regardent la France, par exemple des investisseurs, par exemple de ceux qui peuvent aider à financer notre économie…
Est-ce que vous sentez la mobilisation assez forte aujourd’hui contre cette catastrophe que vous annoncez ?
Il me semble qu’il y a un début e cette prise de conscience mais j’appelle à cette prise de conscience chacun de ceux qui auront l’occasion de nous entendre. Ceux qui trinqueraient dans une affaire comme celle-là, ce sont les plus faibles des Français. Si vous regardez la Grèce, qui risquait en premier lieu, en première ligne, ce n’est pas les armateurs grecs – ceux-là ils ont mis leur argent ailleurs, ceux qui risquaient ce sont les petits retraités dont on avait déjà amputé les retraites et qui allaient se retrouver sans rien. Pour tous ceux qui ont une conscience civique et sociale, ceux qui pensent que quand on a la responsabilité d’un pays – ne serait-ce que comme citoyen, avec un bulletin de vote – on doit penser à tous ceux qui ont du mal à vivre et puis à ceux qui peuvent tirer le pays en avant, ceux-là je les appelle à la lucidité et à la cohérence.
Au front républicain ?
Je n’emploie pas ces mots-là – front, c’est d’abord le Front national qui a utilisé ce nom, donc on essaie de faire un décalque. Je préfère le mot « responsabilité ».