"La France est dans l’attente d’une proposition qui soit de salut public"

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François Bayrou a estimé dimanche sur RTL et LCI que François Fillon n'avait "pas d'autre solution" que de se retirer de la course à la présidentielle, l'affaire des emplois présumés fictifs de son épouse et de deux de ses enfants constituant "une atteinte à la décence". "Dans les circonstances où nous sommes, il faut une démarche de salut public" a affirmé le président du Mouvement Démocrate.

Pour écouter le podcast de l'émission, suivez ce lien.

Bonjour François Bayrou. On se demande si vous serez candidat à la présidentielle, d‘autant que vous venez de publier un livre qui n’est pas un programme détaillé, mais qui veut donner une vision à la France. On se dit en le lisant que ce n’est pas seulement pour nous donner le plaisir de la lecture.

C’est déjà pas mal, le plaisir de la lecture !

Il doit y avoir quelque chose derrière tout cela ! Qu’attendez-vous de François Fillon, lui demandez-vous de se retirer de sorte à ce qu’on puisse parler du fond des sujets et non plus de cette affaire ?

Je vais vous répondre mais auparavant, vous avez dit une phrase : « il y a quelque chose derrière tout ça, derrière la publication de ce livre ». Non, ce n’est pas exact. Il y a quelque chose « dans tout ça ». Il y a un projet dont j’estime qu’il apporte au débat, car aujourd’hui, la France manque cruellement de réponses à ces questions. L’une de ces questions, c’est celle que vous évoquez : la dérive que prend aujourd’hui la vie publique, l’immense désarroi de ceux qui croyaient à ces primaires, à ses résultats, au candidat choisi et qui sont aujourd’hui dans une absolue interrogation et angoisse. Cela rejaillit sur la totalité de la vie publique française.

François Fillon doit-il se retirer pour que cela ne rejaillisse pas sur la totalité de la classe politique française ?

Les Français pensent – et je pense comme eux – qu’il n’a pas d’autre solution que celle-là pour retrouver un débat qui soit à la hauteur. J’entends bien les arguments évoqués, les arguments de droit : la justice dira ce qu’il en est quant à l’atteinte au droit. Mais tous les Français savent qu’il y a eu atteinte à la décence. On ne peut pas se présenter avec un programme qui demande des sacrifices à tout le monde, notamment à ceux qui sont en bas de la pyramide, à ceux qui ont le plus de difficultés, et réserver les privilèges à ceux qui sont dans des situations protégées et de pouvoir. Ceci rend impossible une candidature, une campagne. De cela, la droite et les Républicains vont devoir tenir compte et trouver une réponse. 

François Fillon parle de « complot politique ». Est-ce un argument que vous ne recevez pas ?

Je ne le reçois pas et l’immense majorité des Français ne le reçoit pas. Nous savons très bien que derrière tout cela, il y a des faits, des imprudences, des choses qui n’ont pas été assumées. C’est cela qui fait le matériau. Je ne vois pas d’où viendrait le complot quand les journalistes révèlent des situations autant en décalage avec l’avis des Français.

Si François Fillon se maintenait, aucun accord n’est possible ?

Ce n’est pas seulement depuis aujourd’hui que j’ai des divergences avec François Fillon. J’ai exprimé depuis le début de la primaire, entre les deux tours, les doutes et les incompréhensions à l’égard d’un programme dangereux pour l’alternance.

Maintenant est-ce définitivement terminé ?

Il n’a pas infléchi son projet et la situation dans laquelle il se trouve rend impossible un accord. 

Parmi le public, quelqu’un a dit « notre candidat » en parlant de vous… Est-ce un délit d’initié ou quelqu’un de mal informé parmi vos invités ?

C’est peut-être l’expression d’un souhait, d’un attachement, d’une affection, d’un rêve ! Ce n’est pas une information. Je vais vous donner l’information ! Ma décision n’est pas prise, parce que le paysage politique dans lequel les Français se trouvent… 

Êtes-vous quelqu’un d’indécis, alors ?

Pas vraiment. Vous avez eu l’occasion de le remarquer déjà, quelques fois. Cette angoisse-là doit trouver des réponses.

Qu’est-ce qui pourrait changer dans le paysage politique sachant que le candidat de la gauche est désormais désigné après la primaire ? À part un retour possible d’Alain Juppé, avec qui vous pourriez peut-être faire un ticket, on ne voit pas ce qui peut encore retenir votre décision.

Des décisions vont être prises au sein du camp de la droite. Ces décisions sont très importantes pour les Français et pour la décision que je dois prendre.

Le retour d’Alain Juppé pourrait-il vous faire renoncer à vous présenter vous-même ?

Le retour d’Alain Juppé est sa décision. D’abord et en premier lieu, elle doit être la décision de ceux qui penseraient, jugeraient que dans les circonstances où nous sommes, il faut une démarche de salut public. Ce n’est plus une démarche d’un camp contre un autre. Je me suis beaucoup opposé aux démarches d’un camp contre un autre. Mais la situation du pays aujourd’hui n’est pas celle-là. C’est une situation de très grande inquiétude, dans laquelle un très grand nombre de citoyens, au-delà des camps, ont besoin d’être rassurés. 

Votre proposition de salut public, c’est Alain Juppé désigné par les Républicains. Et vous, faites-vous équipe avec lui ?

Je ne veux pas être quelqu’un qui est en situation de demander quelque chose dans les circonstances. Je suis – comme tous ceux qui nous écoutent – un citoyen qui voit les dégâts… Je vous assure, incommensurables, qui sont causés, provoqués par la situation dans laquelle nous sommes. Vous n’imaginez pas ce qu’on entend, ce que disent les gens. 

Personne ne pense que vous quémandez… Mais simplement, dans votre esprit, sur le plan analytique de la politique, le retour d'Alain Juppé correspond-t-il à cette idée de salut public ?

Si cette décision était prise, je soutiendrais Alain Juppé.

Activement ?

Bien sûr. Je n’ai pas l’habitude de soutenir passivement, Olivier Mazerolle !

Même si en France cela n’existe pas, cela serait-il « président et vice-président » ?

Sûrement pas ! Je suis absolument opposé à l’idée de ticket, je l’ai dis dix fois à des micros, sans doute ici aussi. Pourquoi ? Il n’y a pas deux présidents de la République ! Il n’y a pas un président et un vice-président. Il n’y a pas de ticket. Je n’ai pas l’intention de jouer de rôle-là. J’ai l’intention d’avoir une attitude civique, sans demander des avantages mais en recherchant ce dont la France a le plus besoin : un équilibre. Vous sentez bien que les sensibilités du pays sont aujourd’hui dans un grand trouble. Je souhaite une démarche qui rassure les citoyens, qui dise après tout : « on peut avoir un président qui nous garantisse la loyauté de l’action publique ».

Dans ce livre, vous dites que le président de la République doit être indépendant des partis, élu sur sa personnalité et quelques grands objectifs, qu’il est le garant de l’unité nationale. Cela existe-t-il encore en France, ce type de personnage ?

C’est la preuve que cette attente-là, je l’exprime et l’incarne. Bien sûr qu’on va le trouver. 

Alain Juppé correspondrait-il à ce personnage ?

Je ne veux pas participer aux scénarios de politique-fiction. 

Vous vous faites presque hara-kiri. Vous êtes prêt à vous présenter à cette élection présidentielle, vous faites un livre qui montre votre vision du pays, mais en même temps, vous dîtes que la France a besoin d’Alain Juppé et que c’est une décision de salut public.

La France a besoin de rassemblement. La France est dans l’attente d’une proposition qui soit de salut public.

Vous dites en même temps qu’Alain Juppé est plus à même de faire ce rassemblement.

Vous êtes vraiment drôles. Il y a huit jours, les questions étaient : « vous avez une ambition perpétuelle, qui jamais ne se voile et on sait très bien que vous faites tout cela pour une candidature à la présidence de la République ». Il se trouve que les choix que je propose depuis longtemps vont dans une seule direction. Les gens sont persuadés que le pays va tellement mal qu’on ne peut pas s’en sortir. Moi, je suis persuadé que la France peut s’en sortir, qu’il y a des réponses simples, en cohérence avec ce que nous sommes de plus profond, avec l’âme du pays, pas seulement avec ses intérêts. Avec ce que le pays est depuis des siècles, certains disent même des millénaires, la France, c’est un projet en soi qui ne ressemble à aucun autre et dont chacun des Français a besoin pour retrouver une vie qui soit pour lui épanouissante. Je crois qu’on peut répondre à cette question, mais je n’ai pas envie d’y répondre sous la seule forme de la première personne du singulier. Je ne dis pas « je », je dis que nous pouvons trouver.

Pas encore. Dans quinze jours, vous direz peut-être « je ».

Peut-être. Je n’ai pas fermé cette porte. Vous savez que l’élection présidentielle suscite en moi un enthousiasme certain. 

Vous dîtes dans le livre : « J’aime ferrailler, j’aime l’odeur de la poudre ».

C’est vrai. 

Vous allez y aller, dites-le nous !

Je comprends que vous aimiez faire les questions et les réponses. Je vous propose une répartition des rôles : vous faites les questions, et je fais les réponses ! C’est simple. Si mes vœux les plus profonds étaient réalisés, on aurait pour cette élection présidentielle des démarches de rassemblement parce qu’il se trouve que ça va mal ! Chacun des Français qui nous écoute dit : « cela n’a jamais été aussi mal ». Je ne le pense pas depuis l’affaire Fillon, mais depuis des mois et des années, car nous avons une vie démocratique désaxée, parce que les intérêts partisans, les jeux de camps et de camps, les primaires qui les incarnent, tout cela nous place dans une situation dans laquelle les Français ne retrouvent pas leurs espérances et leurs attentes.

Vous avez un candidat de l’unité nationale, il s’est exprimé hier : il s’appelle Emmanuel Macron. Et il n’est pas passé par la primaire.

J’ai lu avec beaucoup de soin le discours d’Emmanuel Macron, hier. Il y a beaucoup de citations de philosophes, d’écrivains... Mais les citations, c’est comme les épices : il en faut un peu, mais peut-être pas trop. J’ai cherché ce qu’il y avait de substance. Je suis désolé de vous dire que je ne l’ai pas trouvé. J’ai écouté vos confrères qui, au-delà de noter l’attrait que Monsieur Macron représente, ont dit qu’il n’y avait pas grand chose à l’intérieur. Il paraît que c’est une stratégie, que ce qu’Emmanuel Macron a décidé c’est de reporter à plus tard, à des calendes dont on souhaite qu’elles ne soient pas grecques, l’annonce de son projet. J’ai fait la liste des promesses, de l’argent qu’on donne : augmenter le budget de la Défense, recruter 10.000 policiers et gendarmes, dédoubler toutes les classes, baisser l’ISF… Je peux ainsi énumérer une liste de dépenses considérables. Ça, c’est la politique la plus classique : on fait des promesses à tout le monde. Je défie qui que ce soit d’avoir été dérangé par le discours d’Emmanuel Macron, hier. C’est un discours extraordinairement généreux. Je pense que c’est une stratégie. Je ne connais pas bien Emmanuel Macron. Je l’ai rencontré un peu longuement dans ma vie une seule fois. Je lui ai serré la main une deuxième fois. 

Pour prendre votre décision, ce n’est plus d’Emmanuel Macron que vous attendez quelque chose. Vous attendez de savoir ce qu’il va se passer à droite, et ensuite vous déciderez.

Je ne suis pas enfermé dans un choix obligatoire. J’ai fait un calendrier et j’ai dit à la mi-février, ce qui est le moment utile comme vous le savez. Les questions de signatures commencent le 23 février, si ma mémoire est fidèle, quelque chose de cet ordre. C’est aux alentours de la mi-février qu’il est normal, loyal, souhaitable, de dire ce qu’on fera. Pour l’instant, je ne trouve dans aucune des propositions politiques qui sont faites la substance, le lourd, le dur dont les Français ont besoin pour se sortir de la situation où ils sont. S’il s’agit de dépenser le l’argent, dans ce discours… Emmanuel Macron a dit « qui fait des promesses sans dire comment elles sont financées trahit la France » et « qui refuse de dépenser de l’argent trahit la France aussi ». 

Vous ne risquez pas d’être un candidat par défaut ?

Ce n’est pas cela. Ceci serait une caricature, mais vous êtes trop observateur judicieux pour faire des caricatures de cet ordre. S’il peut y avoir des rassemblements, j’en serais heureux. Je préfèrerais les rassemblements. Ces rassemblements doivent permettre de renouveler la vie publique et de répondre à l’angoisse des Français. Si ces rassemblements sont impossibles, alors j’assumerai mes responsabilités. 

Une des questions qui intéresse les Français est l’identité du pays. On parle beaucoup de la laïcité. Vous, vous faites de la laïcité un « projet de civilisation ».

Depuis que l’humanité est humanité, les gens se sont entretués au nom de leur dieu ou de leur philosophie. A Rome, on mettait à mort les chrétiens parce qu’lis ne respectaient pas les dieux de la cité. Ensuite, on a fait des guerres de religion sous toutes ses formes. Le catholicisme a fait l’inquisition et les croisades. Les protestants ont fait brûler Servet à Genève. L’humanité toute entière a passé son énergie, sa force, sa capacité, à assassiner et faire disparaître ceux qui ne pensaient pas comme un camp, une sensibilité.

Staline, aussi.

Il y a des dictatures religieuses et des dictatures antireligieuses : l’une ne vaut pas mieux que l’autre. Il se trouve que la France, spécialement la France, a crée pour l’humanité une idée qui n’avait jamais été exprimée : l’idée qu’on pouvait vivre ensemble en ne croyant pas la même chose. Cela a commencé avec l’Édit de Nantes et Henri IV. C’est pourquoi je me suis tant attaché à cet homme : non pas parce qu’il était béarnais, ou pas seulement, mais parce qu’il a importé pour l’humanité toute entière un projet de civilisation sans précédent. Ensuite, deux ou trois siècles après, la laïcité est intervenue. Au fond, elle rend plus fort encore cela. Je dis que c’est un projet de civilisation : si je voulais employer le mot juste, c’est une anthropologie, une conception de l’homme. Cela veut dire : « Vous ne croyez pas comme moi, je suis croyant et vous n’êtes pas croyant. Vous ne vivez pas comme moi et cependant, nous sommes compagnons d’humanité ». Cela veut dire que « je reconnais pleinement ce que vous êtes et j’exige que vous reconnaissiez ce que je suis ».

Ce que vous décrivez, c’est d’individu à individu. Mais il y a aussi des droits collectifs qui consistent à respecter l’intégrité d’une société. La société a-t-elle le droit d’exercer une forme de contrainte dans la religion des gens ? 

Une grande partie de l’angoisse qui conduit à des dérives extrémistes de la société dans laquelle nous vivons, c’est que des gens ressentent intérieurement le risque que demain, la France ne soit plus la France. Que demain, nos pratiques, notre genre de vie, notre manière d’être, nos pratiques, nos coutumes, n’existent plus, soient emportés. Je pense qu’il est nécessaire de présenter cette idée qu’il est légitime pour un peuple de vouloir se projeter dans l’avenir, pour ce qui fait que la France est la France, de reconnaître son caractère propre, ce qui fait qu’elle est différente de tous les autres.

Concrètement, le voile ? Que fait-on ?

C’est moi qui ai pris la circulaire sur le voile à l’école, il y a vingt ans.

Aujourd’hui se pose la question du voile dans l’espace public, dans les universités…

Il y a l’espace de la rue, l’espace dans lequel les citoyens ont le droit d’être ce qu’ils sont à condition qu’ils respectent la loi que j’ai votée d’interdiction du voile intégral. Ce n’était pas une question de droit individuel, de quelqu’un qui dit « j’ai bien le droit de me voiler intégralement, si je respecte les lois ». Ce n’est pas une question personnelle. En réalité, le voile intégral portait atteinte à ce que nous sommes profondément : une société du visage découvert, avec tous les risques que cela signifie. C’est une excellente illustration du principe que nous avons des droits individuels qui doivent être respectés, mais en même temps, qu’il est juste de rappeler que tous ensemble nous formons une société, une civilisation qui a besoin d’être assurée que dans l’avenir elle durera. 

Certains vous diront - Manuel Valls, le Front National - que le simple port du voile, c’est affirmer une identité qui ne correspond pas à celle du pays.

Ceux qui disent cela, généralement, se réclament de racines chrétiennes. Moi, je demande à ceux qui nous écoutent, par conviction ou par documentation, d’entrer dans une église. Ils trouveront dans les églises des statues féminines, la Vierge, les grandes figures de la chrétienté. Qu’ils repèrent s’il y en a une seule qui ne porte pas de voile.

Cela remonte à…

Prenez Mère Thérésa ! Ce n’est pas le temps du Christ, Mère Thérésa. C’est une religieuse et il y a des religieuses qui portent le voile. Je ne veux pas faire de globalisation stupide, d’excitation sur des signes. Ce qui est important, c’est que nous disions : « il y a l’espace de l’école ». C’est l’objet de la circulaire que j’ai prise : dans cet espace, les signes religieux ne passent pas en premier. L’espace de l’université, c’est un espace où les femmes sont toutes majeures et affirmées. Il y a une question de respect, de discrétion, de vivre ensemble. 

Que les professeurs soient gênés, cela arrive. Certains professeurs demandent à des étudiantes d’enlever leur voile. Vous qui avez enseigné, les comprenez-vous ? 

Franchement non, je ne comprends pas cela. Si le voile n’est pas agressif, tout cela ce sont des manières d’être. D’abord, ce n’est pas un voile, c’est un foulard, la plupart du temps. Ce n’est pas ce type de signe qui me dérange profondément. Ce qui me dérange, c’est ce qui suscite l’affrontement, et là, il y a des difficultés.

Marine le Pen a décliné ce week-end la façon dont elle entendait mettre en œuvre la préférence nationale avec par exemple, la proposition de taxer plus lourdement l’emploi d’un salarié étranger en France, y compris européen. Est-ce une bonne idée ? 

Idée simpliste et qui est non seulement irréalisable, mais qui poserait des problèmes incroyables à l’économie française. Quand une entreprise prend un salarié étranger, c’est pour deux sortes de raisons. Premièrement, les compétences de ce salarié n’existent pas dans les CV qu’on leur propose. Cela arrive pour des ingénieurs, pour des informaticiens. Si on le paralysait, cela aurait des conséquences extrêmement négatives. Deuxième raison, les conditions d’embauche de ces salariés sont plus avantageuses car les charges sociales de salariés qui viendraient des étrangers seraient moindres. Cela n’est pas acceptable. Il faut une politique non pas de sanction, mais de création de l’équilibre nécessaire. 

Remettez-vous en cause la directive sur les travailleurs détachés ?

Je remets en cause les conséquences sur les charges sociales qui sont tirées de cette directive-là. Nous proposons depuis longtemps - y compris nos députés européens qui sont là - que les charges des travailleurs détachés soient les mêmes que pour les travailleurs nationaux.

Si vous êtes président, suspendrez-vous son application ?

Si je suis président, j’ouvrirai ce chantier. C’est parce que je suis européen que je crois que l’Europe doit être ressentie comme aidant les pays qui la forment et pas comme créant des problèmes à l’intérieur.

Vos députés n’ont-ils pas voté cette directive au Parlement ?

Ils ont toujours défendu dans la vie politique nationale et aux élections européennes avec moi cette idée de l’égalité des charges. D’ailleurs, ils ont proposé que la partie supplémentaire de charges soit reversée aux régimes sociaux des pays d’origine, pour qu’on ne les prive pas de droits.

Politique de la chaise vide ou pas ?

Le jour où un président de la République française est élu et dit dans le cadre européen des choses claires et fortes, il sera entendu et ouvrira un débat. Ce débat sera repris dans l’ensemble des pays européens.

Le président polonais vous dira : « vous êtes bien gentils les Français, mais… ».

Le président polonais aura un débat avec moi et je ne suis pas d’ailleurs certain que ce soit le président qui siège, mais le premier ministre polonais. Nous avons besoin d’ouvrir des débats comme cela. L’Europe meurt d’être une omerta. Un chapitre dans le livre est entièrement consacré à ce sujet. L’Europe meurt d’être fermée sur ses organes de décision.

Vous imaginez dans vos propositions avoir ces discussions devant toute la population européenne, sous le regard des caméras ?

Non seulement je l’imagine, mais je le souhaite. A l’instant où un débat de cet ordre s‘ouvrira, l’Europe cessera d’être anonyme et lointaine. Elle deviendra le moyen pour le peuple de faire entendre leurs exigences.

Un conseil européen, à la télévision ?

Cela ne veut pas dire qu’ils ne seront pas préparés avant. Vous savez bien, depuis que les organisations fédérales ou confédérales existent dans le monde, les responsables de chacun des pays qui forment ces organisations débattent publiquement de l’intérêt des choses. Aux États-Unis, cela s’appelle le Sénat : les représentants de chaque État débattent ensemble. Il y a dans l’organisation de nos voisins et amis suisses le même genre de choses. Il faut d’autant plus au XXIè siècle que les décisions qui sont prises le soient au vu et au su des citoyens, qui pourront s’y engager, les soutenir, les critiquer. Cela deviendra une démocratie, plutôt que quelque chose d’anarchique, d’oligarchique. 

D. Trump a suspendu pour trois mois l’entrée de citoyens de sept pays musulmans. C’était un engagement de sa campagne. Les juges l’ont interdit de le faire. Cela est-il légitime ? Cela ne pose pas un problème démocratique ?

Non, c’est au contraire la marque exemplaire que les États-Unis sont un pays où le droit est supérieur à l’oukase d’un seul homme. 

Cela donne un argument aux populistes. N’est-ce pas le gouvernement des juges ?

Il se trouve que pour tous les pays de droit dans le monde, pour la civilisation du droit, même si on a le pouvoir, on ne peut pas faire n’importe quoi. Même si on a été élu, je rappelle qu’Hitler a été élu avec plus de 90 % des voix.  

Faites-vous la comparaison entre Trump et Hitler ?

Je ne fais pas la comparaison, je rappelle les raisons pour lesquelles dans le dernier siècle nous avons bâti un équilibre dans lequel nous ne pouvons pas faire n’importe quoi même lorsque nous sommes élus. Or, ce que je constate avec effarement et tristesse, c’est que Donald Trump est parti sur la voie de faire n’importe quoi. Vous me dites : « il est élu ». D’ailleurs avec moins de voix qu’Hilary Clinton. Peut-être est-il élu sur ce programme, mais il est du devoir des citoyens conscients de dire « ceci est un risque, ceci est une impasse, on court à des accidents graves » et de s’y opposer. Quand il y a des lois et une constitution pour s’y opposer, alors il est bon que la constitution s’y oppose. La politique, ce n’est pas la dictature de la majorité. La politique, c’est l’action de la majorité en respectant les règles de droit qui protègent les minorités, jusqu’à la plus petite des minorités, qui est le citoyen.

Vous remettez en cause le rôle du président de la République, considérable, dans la Vème République ? 

Je pense que la Vème République est un régime équilibré, très bien pensé. Nous l’avons déséquilibré parce que la représentation parlementaire n’existe plus. La Vème République, c’est un président, un gouvernement et un Parlement. Le Parlement doit représenter l’ensemble de la population. Je dis comme les Allemands qu’à partir du seuil d’un million d’électeurs, cela fait 5 % à peu près, vous avez le droit d’être représenté. Si les cinq ou six grands courants français – extrême gauche, gauche, droite, centre, extrême droite, et même les écologistes – se surveillent les uns les autres, ils empêchent les abus et les dérives. La raison pour laquelle il y a tant de dérives dont nous constatons encore les effets, c’est parce qu’il y a une monopolisation, la prise de contrôle du Parlement, par deux appareils aux connivences extraordinaires. Je vais prendre un exemple très simple pour lequel j’ai mené une campagne qui a recueilli plusieurs dizaines de milliers de signatures. Pourquoi est-ce que les parlementaires ne paient pas l’impôt sur ce qu’ils reçoivent ? Ils ne paient l’impôt que pour la moitié de ce qu’ils reçoivent. Pour l’autre moitié, les indemnités de frais de mandat : zéro demande d’explication. Le Parlement est un paradis fiscal, oui. Cela changerait tout. Ils voteraient peut-être un peu moins les impôts s’ils devaient les acquitter. On doit payer l’impôt sur la totalité des indemnités que l'on reçoit et comme un VRP ou n’importe quel chef d’entreprise, on présente des notes de frais, des justificatifs.

On est d'accord.

Vous dites : « on est d’accord ». J’observe que je suis le seul à proposer cela depuis longtemps, car il faut mettre de la clarté et de la simplicité dans tout cela. Tous les abus qui sont dénoncés jour après jour dans la période où nous sommes, c’est parce qu’il n’y a pas cette vigilance qui doit être menée si des gens qui ne sont pas d’accord sur tout sont présents dans la même assemblée.

Mais alors, si en juin 2017, alors que l'on n’a pas la proportionnelle, vous êtes élu président, avec qui gouvernez-vous ?

Je n’en suis pas à ce stade. Vous dites : « on n’a pas la proportionnelle ». Est-ce qu’il existe une possibilité pour que le scrutin change, pour que la loi électorale injuste soit remplacée par une loi électorale juste, dans le cadre d’une élection présidentielle qui lui donnerait mandat pour le faire ? Je crois que c’est possible. Je pense qu’avant l’été, le peuple souverain, par le référendum, peut changer cela. Si j’étais candidat et si j’étais élu – cela fait deux « si » – je pense qu’on peut déclencher le changement par le peuple avant les élections : il suffira de prolonger le mandat des députés d’une quinzaine de jours. 

Vous avez un programme de futur candidat à la présidentielle.

J’essaie de ne pas faire des propositions faibles et de dire des choses qui pèsent, de ne pas rester dans le flou. Je pense qu’on peut avoir une assemblée différente. On appliquerait ainsi d’après les principes de la Vème République : « le président de la République nomme un gouvernement en fonction des qualités personnelles des ministres et en tenant compte de la composition de l’Assemblée ». Je viens de citer à peu près exactement le texte fondateur de la Vème République : c’est le discours de Bayeux du général de Gaulle. Tout le monde l’a oublié, y compris ceux qui se proclament comme ses héritiers. Tout le monde a oublié ce qu’était l’équilibre des institutions proposé par les fondateurs. Nous sommes passés à une dérive absurde par laquelle, alors que la Vème République a été créée pour enlever du pouvoir aux partis, les partis ont récupéré la totalité des pouvoirs par des manœuvres complexes, les primaires en étant une.

Sur les perspectives proposées aux pays, vous parlez d’une vision à long terme. Pour le domaine économique, vous dites qu’au moins les Chinois savent comment réagir par rapport au futur.

Il faut citer la totalité de la phrase. Je suis en désaccord avec les Chinois sur à peu près tout et je suis de ceux qui alertent sur les Droits de l’Homme, par exemple. Cependant, ce que j’observe, c’est qu’en Chine, l’horizon qui est pris en compte est très lointain. La Chine sait qu’elle va manquer de matières premières, alors elle achète des terres en Afrique. Cela pose des problèmes moraux très importants, mais au moins y a-t-il cette réflexion sur le futur. Nous, nous ne gouvernons pas à trente ans comme eux mais à trente jour. Et encore. 

Michel Rocard et Alain Juppé avaient proposé un plan pour le travail, sur le long terme.

Apparemment, il n’en a pas été tenu compte comme il aurait fallu. Je pense que nous pouvons poser les problèmes des générations qui viennent. Une de nos fautes et un de nos crimes, c’est de considérer que les générations qui viennent ne comptent pas. C’est la phrase de Groucho Marx : « Pourquoi voulez-vous que je m’occupe des générations futures ? Ont-elles fait une seule fois quelque chose pour moi ? » Nous agissons avec désinvolture. Cela a été fait. Le Général avait crée le premier Commissaire au Plan, Jean Monnet. 

Aujourd’hui, l’économie change plus vite. Il y a l’émergence de nouvelles formes de modes de production.

Je ne suis pas d’accord. Bien sûr, cela change, mais vous croyez qu’on ne peut pas prendre en compte les changements dont on est certain qu’ils vont venir ? Par exemple, l’ensemble de la production va désormais dépendre de l’algorithmique. L’algorithme, c’est découper toute action en une série de programmes qui se répliquent. Peut-on avoir en France la meilleure école algorithmique du monde ? Je pense que oui. Nous avons les plus grands atouts, les plus grands mathématiciens de la planète. Nous avons des personnalités éminentes, le professeur d’algorithmique au collège de France est une personnalité éminente. Nous pouvons prévoir que c’est là que cela va se jouer. Cela n’empêche pas de prendre en compte l’initiative privée. Autre exemple : nous pouvons alléger les tâches que les chercheurs sont obligés d’accomplir, et qui les empêche de faire leur travail Nous avons une bureaucratisation de la recherche que je trouve nuisible. Il faut prendre en compte cette nécessité, que la recherche soit soutenue dans son initiative et pas perpétuellement bridée. 

En 2024, Paris a choisi comme slogan de candidature, un slogan anglais : « Made for sharing », « Prête pour le partage ». Cela vous choque-t-il ? Faut-il de la préférence nationale sur ce coup ?

Je raconte dans le livre un autre exemple : Air France a choisi un titre pour son plan « Trust Together ». Je dis cela alors qu’un de mes meilleurs amis est celui qui porte la candidature olympique, Tony Estanguet. Il est de Pau, c’est un de mes amis. Le Français est une des deux langues officielles de l’olympisme, avec l’anglais. Nous voulons organiser les JO en France et ce que nous trouvons de mieux à faire, c’est de présenter notre slogan, notre attrait dans la seule langue de l’olympisme qui n’est pas la nôtre !  

C’est une langue universelle. C’est pour que le message passe, partout.

Moi, je voudrais que le français soit une langue universelle et que les dirigeants français tiennent compte des 300 millions de francophones dans le monde qui nous aiment, qui nous attendent, nous regardent et qui espèrent qu’on leur donnera droit de cité. Avec ce système, personne n’est incité à apprendre le français et tout le monde est incité à abandonner le français pour l’anglais, pensez à l’Afrique. Je trouve que c’est une trahison, un abandon de ce que nous sommes et de ce que des générations avant nous, Pierre de Coubertin le premier, ont gagné pour l’olympisme. Cela ne va pas. Si on avait cherché une seconde, je suis absolument certain qu’on aurait pu trouver un slogan en français, parfaitement compréhensible en anglais, avec des mots qui auraient le même sens dans les deux langues. Il suffisait de se creuser un peu la tête, mais on n’a baissé les bras.

Dans votre livre, vous parlez de fiscalité excessive, mais vous ne dites pas quels impôts vous allez baisser.

Ma première préconisation en matière fiscale, c’est qu’on se donne comme règle de ne plus augmenter les impôts. Vous avez deux propositions politiques : celle portée jusqu’à maintenant par François Fillon et celle portée par Emmanuel Macron, qui toutes les deux proposent d’augmenter les impôts. L’un veut monter la TVA, l’autre la CSG. Ce qui revient d’ailleurs, pour la baisse du pouvoir d’achat, exactement au même. Deuxième règle, il ne faut pas laisser déraper le déficit. J'ai listé les mesures dans tous les partis. Par exemple, les Républicains ont dit : « la première année, nous ferons passer le déficit de 3 à 4,7 % ». Et personne n’a rien dit. Tout le monde considère qu’après tout, les élections sont un exercice de promesses indéfinies dans lequel il suffit de garantir à chacun qu’on va lui faire un chèque et que c’est bien normal, et qu’après tout on verra après. Je ne participe pas de cette vision-là. 

Si vous n’augmentez pas les impôts, pour réduire le déficit, il faut faire des économies.

Je ne fais pas de promesses excessives. Oui, on peut faire des économies. Non seulement on peut faire des économies, mais on peut améliorer l’activité du pays. En travaillant sur les obligations infinies, les normes, les règles impératives qui sont bloquantes, je pense qu’on peut améliorer la croissance du pays d’1,5 point par an. Si on l’améliore d’1,5 point par an, alors on a en même temps la résolution du déficit et des moyens nouveaux. Je pense qu’il faut réfléchir du côté de l’activité et pas seulement du côté des dépenses.

Vous dites que l'on n'augmente pas les impôts, mais on ne les baisse pas non plus.

Si, on les baisse dès qu’on peut. 

Y a-t-il a un ras-le-bol fiscal ?

Tout le monde parle de la suppression de l’ISF, moi je propose que l’investissement dans les usines, dans l’appareil productif, dans les entreprises qui produisent, soit traité comme l’œuvre d’art : elles sont aujourd’hui exemptées d’impôts.

Emmanuel Macron dit la même chose.

Peut-être dit-il la même chose après que je l’aie dit. Je suis prêt à prendre en compte cette rencontre d’opinions.

La retenue à la source, lancée par la majorité en place... Pensez-vous que c’est une bonne mesure ou si vous êtes candidat, reviendrez-vous dessus ?

Je l’ai défendue très longtemps. Mais je trouve que l’application si rapide promise dès la première année présente des risques. 

Y aurait-il un moratoire ?

L’un des risques psychologiques de cette affaire, c’est que la feuille de paie va diminuer. 

On rappelle que c’est l’employeur qui prélèverait sur la feuille de paie l’impôt du salarié.

Je pense qu’il faut faire très attention à cela. Des réformes de cet ordre doivent être confirmées – je n’ai pas les informations de Bercy sur les conséquences de tout cela – et il n’est pas mal de prendre un peu de temps pour que les choses se passent bien, au lieu de faire les choses brutalement.

Allez-vous soutenir le candidat socialiste si François Fillon se maintient ? 

Je n’ai aucune intention de soutenir le candidat socialiste, parce que je suis pour l’alternance. Je trouve que tant de chances ont été manquées dans les cinq années qui s’écoulent... Il y a besoin d’une alternance en France. Le maintien de la candidature de François Fillon ferait courir des risques à l’alternance.

Vous avez cité le général de Gaulle et vous avez dit plusieurs fois : « si j’étais président ». 

Vous m’interrogez sur ce que je ferai « si j’étais président », alors je vous ai répondu à chaque occurrence que je n’étais pas candidat. Mais si vous poussez la question, je vous réponds : « pour moi, la fonction présidentielle est la clef du voûte du pays ». On a besoin de quelqu’un qui garantisse au pays que la voix des citoyens, tous les citoyens, pas d’un clan, soit entendue et que les débats qui ont lieu devant eux soient loyaux. Qu’on leur dira les choses. Qu’il n’y aura pas de groupes de pression, d’intérêts économiques, qui derrière le rideau, commanderont la décision des pouvoirs politiques. C’est une garantie indispensable et civique. 

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