"La loi Fioraso ne renforcera ni le rayonnement de nos universités, ni l'efficacité de notre recherche"

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Pour Pierre Albertini, cette énième loi pour l'Enseignement supérieur et la Recherche "traduit une erreur de diagnostic et de stratégie", quand il faudrait "un travail en profondeur, qui porte d'abord sur les moyens et sur les méthodes".

Le Gouvernement soumet mercredi au Parlement l'examen d'un projet de loi sur l'ESR, concocté par les services de Geneviève Fioraso. "Ce sera la 7e loi sur le sujet en cinquante ans. Quels que soient les buts poursuivis - ils sont louables- cette démarche illustre avant tout un mal français, profond, auquel on succombe une fois encore : préférer la voie législative, celle de la table rase, à la conduite d'une véritable politique publique, dans la durée", souligne Pierre Albertini. "Il est vrai qu'il est plus gratifiant, médiatiquement, de faire adopter une loi nouvelle (à laquelle on attache son nom), surtout par une 'procédure accélérée' comme le Gouvernement l'a décidé. Mais c'est hélas une double erreur de diagnostic et de stratégie", déplore l'ancien président de l'Association des villes universitaires de France. 

À ses yeux, "les moyens d'améliorer l'enseignement supérieur et la recherche, dans notre pays, se trouvent moins dans un texte, fût-il bien inspiré, que dans les actes : la mobilisation des acteurs, la valorisation des bonnes pratiques, le juste équilibre entre autonomie et régulation, l'affectation des moyens adéquats, l'excellence de la recherche ne résultent que faiblement d'un énoncé législatif, ils se prouvent par une action persévérante, des ressources régulières, une évaluation rigoureuse des résultats obtenus", égrène-t-il avec conviction.

"Des intentions louables" 

"Le projet du ministre comporte des objectifs que personne ne conteste", estime le professeur de Droit public. Ainsi, "une approche couplée enseignement supérieur et recherche est bienvenue, la remise au goût du jour des missions de l'un et de l'autre n'est pas inutile, l'encouragement au regroupement, la simplification de la cartographie des formations, d'ailleurs largement commencés, méritent d'être poursuivis".

"Qui peut nier que le parcours doctoral est aujourd'hui sous-exploité, que l'échec en licence est trop élevé ou encore que la démocratisation de l'enseignement supérieur est encore inégale ?", interroge par ailleurs le responsable centriste. "Mais les mots ne suffisent pas à transformer les réalités. Ce n'est pas cette loi qui améliorera, seule, la condition de vie des étudiants, leur insertion professionnelle ou l'attractivité de nos universités", prévient-il.

"Un dispositif inutilement lourd"

Le projet de loi comporte, avant discussion, 69 articles. Il en comprendra sans doute près de 100, in fine. "C'est à la fois trop long et trop complexe", souligne Pierre Albertini. Pour lui, "beaucoup de dispositions ne devraient pas figurer dans une loi. Ainsi, on pouvait mettre en place une 'stratégie nationale' pour l'ES et pour la recherche sans le concours du législateur". "Inscrire dans la loi la promotion de l'anglais relève du gadget et offense notre langue", fustige-t-il encore.

"Plus grave est le remplacement de nombreux organismes et outils par de nouveaux : pourquoi faire table rase des PRES et autres réseaux alors qu'on pouvait les faire évoluer dans le temps ? La même observation vaut pour l'évaluation de la recherche", souligne l'ancien édile de Rouen. "La conséquence la plus claire du nouveau texte est qu'il faudra consacrer beaucoup d'énergie à mettre en place de nouvelles structures : cela se fera inévitablement au détriment de la conception de nouveaux projets. Une communauté forte et créative donne toujours la priorité aux projets sur les structures. Enfin, dans la gouvernance des universités, on peut craindre de tomber de Charybde en Scylla, d'un excès de centralisation à une dilution des responsabilités", analyse-t-il avec inquiétude.

"Le travail doit surtout porter sur les moyens et sur les méthodes"

L'enseignement supérieur et la recherche "ont besoin avant tout de stabilité et de reconnaissance", diagnostique Pierre Albertini. "Dans la compétition à laquelle se livrent, en ce domaine, les pays développés, une énième loi ne va pas renforcer le rayonnement de nos universités et l'efficacité de notre recherche. Seul, un travail en profondeur et dans la durée permettra d'élever encore le niveau de formation, de diversifier nos élites, d'améliorer notre créativité et notre innovation, de nous ouvrir plus encore à l'Europe et à l'international. C'est dire qu'il doit porter surtout sur les moyens et sur les méthodes", conclut-il.

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