"Depuis trois ans, on n'a pas arrêté de complexifier au lieu de simplifier"

François_Bayrou-FB

Invité de la matinale de RTL pour la rentrée politique, François Bayrou revient sur l'actualité nationale et européenne, centrée sur les migrants et la promesse de baisse d'impôts de François Hollande.

Bonjour François Bayrou.

Bonjour.

Tout d’abord, concernant les migrants, Jean-Claude Juncker – le président de la Commission européenne – propose que l’Europe dresse une liste de pays politiquement sûrs dont les ressortissants ne pourraient en aucun cas prétendre à l’asile politique dans les pays européens. Vous êtes d’accord ?

Ce que Jean-Claude Juncker fait est bien orienté. Que fait Jean-Claude Juncker ? Un : il dit que les problèmes de migrations, nous ne pouvons pas les résoudre chacun pour soi. C’est impossible, parce que, comme vous le savez, il y a des circulations partout dans le monde et partout en Europe ; et un certain nombre de ceux-là viennent pour s’installer. Beaucoup viennent parce qu’ils veulent aller ailleurs – la France est aussi un endroit où l’on passe et non pas où l’on veut s’installer. Deuxièmement : la voie de l’immigration, c’est la demande de l’asile en disant « Je suis persécuté dans mon pays, menacé dans mon pays et donc, au titre des règles internationales, il faut que vous acceptiez de m’accueillir et de m’accueillir en urgence ». C’est cela que Jean-Claude Juncker vise : les demandeurs d’asile qui, en réalité, ne sont pas menacés, économiquement. Et dresser une liste de pays sûrs cela veut dire que l’on ne pourra pas demander l’asile si l’on vient de ces pays-là.

C’est une bonne idée ? 

C’est, en tout cas, le moyen d’empêcher que les demandes d’asile explosent. Comme vous savez, en Allemagne, cette année, on attend 800 000 demandes d’asile ! Presque 1 million de personnes qui vont demander l’asile en Allemagne et nous en avons des centaines de milliers en France. Avec aussi, en France, des difficultés de traitement des demandes d’asile qui demandent des mois et des mois, des dizaines de mois, des années, quelque fois beaucoup plus…

Donc vous êtes plutôt favorable ?

Donc je suis plutôt favorable à cette disposition.

Concernant le terrorisme et la lutte contre le terrorisme, est-ce que vous partagez l’indignation de ceux qui reprochent au Ministre des Transports d’encourager les contrôles aléatoires de bagages dans les trains, même si cela doit entrainer des discriminations ? 

Il y a eu une polémique, hier, à ce sujet. Je suis pour aider et soutenir les forces de l’ordre. Je suis pour que l’on écoute ce qu’elles disent.

Même s’il peut y avoir du délit de faciès ?

Non. Mais sur le délit de faciès, tout le monde sait bien que nos principes sont absolument opposés au fait que l’on repère quelqu’un sur son physique. Les forces de l’ordre ont des formations, elles ont des habitudes , et je suis plutôt pour qu’on les aide plutôt qu’on les empêche de faire leur travail lorsqu’un danger est immense. Je trouve qu’il faut une solidarité avec ceux qui sont en première ligne, exposés aux dangers et qui essaient de nous protéger de ces risques.

La crise financière chinoise fait trembler les bourses du monde entier. François Hollande, interrogé à ce sujet hier, a dit qu’il était convaincu, lui, que l’économie mondiale était suffisamment solide pour encaisser le choc. Vous m’avez fait comprendre, au début de cette interview, que vous ne partagez pas tout à fait cet optimisme.

C’est très simple : il y avait un temps où l’on disait aussi que le nuage de Tchernobyl s’arrêterait à nos frontières ! C’est absolument impossible. Lorsque vous avez un ébranlement qui se crée dans une des zones de la planète qui est une des plus importantes pour l’économie, pour le commerce international, pour la concurrence internationale, évidemment il y a des conséquences partout ailleurs comme on l’a entendu juste avant cette interview. C’est évident : pour moi, nous allons avoir, en Europe et spécialement en France, des conséquences de ce qui se passe en Chine. Et c’est l’idée un peu naïve que la croissance était là, que la croissance revenait, qu’elle viendrait de l’extérieur... C’est cette idée un peu naïve qui se trouve aujourd’hui mise à mal. Je crois qu’elle va l’être dans les mois qui vienne avec, au fond, pour moi, une idée simple : si nous voulons nous en sortir, ce n’est pas sur les autres que nous devons compter, c’est sur nous-mêmes. C’est sur les changements que nous apporterons chez nous, c’est sur les décisions que nous prendrons chez nous, pour éliminer les handicaps que nous avons, et qui nous empêchent d’être concurrentiels. C’est chez nous que cela se passe et cela ne viendra pas d’ailleurs.

Oui, mais Manuel Valls, d’une certaine façon vous a déjà presque répondu par anticipation. Il fait une tribune, ce matin, dans Les Echos dans laquelle il dit qu’il faut tout faire pour accélérer la croissance en France, obtenir au moin 1,5 % de croissance, et il souligne qu’il veut maintenir le soutien aux entreprises et assouplir les règles du marché du travail. Donc la réforme, ce que vous dites...

Mais pourquoi, depuis trois ans, ne l’ont-ils pas fait ? Pourquoi chaque fois qu’il s’est agi d’apporter un geste de soutien aux entreprises, est-on allé inventer des usines à gaz, pour ces machines administratives tellement compliquées sur lesquelles personne ne comprend rien, surtout pas les PME et les artisans qui sont, eux, dans une situation particulière. Quand vous êtes une grosse entreprise, avec des services juridiques très puissants, une administration de votre entreprise, à ce moment-là vous y arrivez. Mais si vous êtes un artisan, si vous êtes une petite entreprise ou une moyenne entreprise, vous avez beaucoup plus de difficultés. On n’a pas arrêté de complexifier, au lieu de simplifier.

Mais avec le « pacte de responsabilité », le gouvernement tient le cap.

Oui, dans les mots et les intentions. Dans les réalités, je ne le vois pas venir. Regardez : vous avez interviewé cent fois, à vos micros, depuis plusieurs années, des gens qui vous disaient « Nous allons simplifier ». Vous trouvez qu’il y a eu une simplification, vous ? Vous trouvez que le monde est plus facile ? L’administration plus simple, plus accessible, la rapidité des décisions plus grande ?

C'est une vieille histoire, Courteline en parlait déjà...

C'est une si vieille histoire que nous en sommes là où nous en sommes. C’est parce que c’est une vieille histoire que nous sommes incapables de changer, de faire bouger nos habitudes – sans doute parce qu’il y a des conservatismes ou simplement des habitudes prises – et tout cela fait que les Français – et je suis un peu dans ce cas-là – chaque fois que les dirigeants font des déclarations la main sur le cœur en disant « Vous allez voir, maintenant nous allons changer », on a beaucoup de scepticisme et de mal à y croire.

Vous ne croyez pas qu’il y aura de baisses d’impôts, comme nous le promettent François Hollande et Manuel Valls, encore ce matin ?

L'affirmation du Président de la République, selon laquelle il y aurait des baisses d’impôts, a suscité un haussement d’épaules généralisé. Pourquoi ? C’est très simple : vous baissez les impôts, mais où faites-vous les économies ? En prenant l’argent où ? Les baisses d’impôts, ce sont des dépenses supplémentaires ou, en tout cas, des recettes moindres, donc vous avez un déséquilibre qui se crée. Vous pouvez imaginer des baisses d’impôts – et c’est ce qui probablement aurait du être pensé depuis longtemps – dès l’instant que vous avez fait des économies. Or, le déficit de la France, évidemment, ne baisse pas ou il baisse seulement à la marge. On est dans une situation où les promesses de cet ordre, que ce soit des promesses de dépenses ou des promesses de baisse d’impôts, ce sont des promesses qui seront financées par l’emprunt. Or, nous sommes déjà écrasés sous la dette, comme vous le savez, nous allons atteindre 2 100 milliards d’euros de dettes pour la France. Et donc, de ce point de vue là, c’est un abus de confiance, comme toujours, une affirmation qui ne sera pas suivie d’effets et qui sera payée par tous ceux qui nous écoutent.

En deux mots, vous avez lu le livre d’Alain Juppé, votre poulain des Républicains sur l’école ?

Non, je ne l’ai pas lu, il ne sort que demain donc je ne l’ai pas lu. J’ai une vision beaucoup plus inquiète de la situation de l’Education nationale et j’ai, en tout cas, une certitude – moi qui ne suis pas chaque fois pour démolir ce que les gouvernements précédents ont fait –  : du point de vue de l’Education nationale, l’inspiration des « réformes », des décisions qui ont été prises dans l’Education nationale, va à l’encontre de ce que je crois nécessaire pour le pays, et donc j’ai une volonté de rupture franche avec ce qu’il s’est passé depuis trois ans ou en tout cas ces derniers mois à l’Education nationale. 

On vous fera revenir pour nous expliquer tout cela.

J’en serai ravi.

Merci François Bayrou.

 

 

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