"La question de la réforme du collège est beaucoup trop confuse"
Invité de Sud Radio ce midi, Marc Fesneau, secrétaire général du MoDem, a apporté son analyse sur le rebond de la croissance, l'influence de Ségolène Royal au sein du gouvernement, la problématique des quotas de migrants, mais il est surtout revenu sur la question de la réforme du collège.
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Nous allons commencer avec le thème de la croissance, et la question de savoir si « une hirondelle fait le printemps », le chiffre est tombé ce matin, un rebond de 0.6 % pour la croissance au premier trimestre. Est-ce qu’on a de quoi s’enthousiasmer quand Michel Sapin, le ministre des finances vise 1.5 % de croissance pour 2016, est-ce qu’il va déjà trop loin, est-ce que c’est bien ou pas bien ce qu’on vient d’apprendre ce matin ?
C’est toujours une meilleure nouvelle, on est à 0.6% c’est toujours deux ou trois points au-dessus des prévisions initiales donc on ne peut pas dire que ce n’est pas une bonne nouvelle. Après, il va falloir regarder sur l’année, ce n’est pas un trimestre qui fait un printemps, même si c’est un trimestre du printemps, si je peux dire ! C’est plutôt une hirondelle favorable. On verra si ça se construit dans la durée. Ce qui est intéressant à regarder c’est le détail de cette croissance qui est liée manifestement, en grande partie, à une relance de la consommation des ménages, à la baisse des prix de l’énergie, et donc c’est ça qui a l’air d’être le moteur de la croissance, et c’est un peu faible comme moteur.
En fait c’est-à-dire qu’on est dépendants de facteurs extérieurs, ça veut dire que si les prix du pétrole augmentaient, il y aurait une constitution un peu différente de croissance. Par ailleurs, il y a quand même un secteur du bâtiment qui est en berne et qui continue d’être en berne, qui est très atone, et on sait que ça porte aussi la croissance, au-delà des problèmes que ça pose en termes de logements, qui sont des problèmes sociaux complémentaires. Enfin, il y a la baisse d’investissement des entreprises qui n’est pas très rassurante. Cela nous fait un facteur positif, et des facteurs d’interrogation fragiles.
Et en ce qui concerne l’inversion de la courbe du chômage, on peut l’imaginer au vu de ces nouveaux chiffres ?
On est encore loin du compte pour arriver à la baisse du chômage. C’est une ritournelle qu’on nous répète tous les mois en disant l’augmentation est moins forte que le mois précédent et donc on voit la baisse de la baisse etc… il faudra de façon continue qu’on ait un taux de croissance un peu solide pour qu’au moment où ça reviendra on puisse voir la courbe du chômage s’inverser, je ne la vois pas s’inverser, en tout cas les économistes disent tous qu’avant la fin de l’année voire le début de l’année suivante, on ne voit pas les conditions qui permettraient la baisse du chômage.
En ce qui concerne Valérie Trierweiler, elle s’exprime aujourd’hui dans Le Parisien. François Hollande n’est évidemment pas épargné, et dans le collimateur aussi, Ségolène Royal. C’est une nouvelle cible ?
Ségolène Royal, pour Valérie Trierweiler ? Ce n’est pas une nouvelle cible !
C’est une cible recyclée ?
J’ai comme la crainte que ce soit l’histoire de sa vie, mais pas celle de Ségolène Royal, celle de Valérie Trierweiler, il va falloir qu’elle en sorte, et qu’elle nous en sorte aussi pour tout vous dire. Parce que déjà ça suffisait avant, mais là ça suffit. C’est-à-dire qu’elle ait une rivalité de nature amoureuse ce n’est pas très original, c’est depuis l’histoire de l’humanité que ça arrive. Qu’elle vienne nous la faire subir, quand le volume est déjà suffisamment impressionnant dans le format livre de poche, ça va. Je comprends les vocations d’éditeurs et les envies de s’acheter peut-être une deuxième maison, puisque manifestement avec ses droits d’auteurs elle envisage de s’acheter une nouvelle maison et donc elle relance deux euros dans le bastringue, mais franchement ça ne nous intéresse pas. Ca n’intéresse pas les gens et je vais vous dire d’abord elle a été avec le président de la République, avec François Hollande, puisque avant d’être président de la République il est d’abord François Hollande, ce qui leur est arrivé arrive à des tas de gens. Je ne suis pas sûr que ça vaille le motif d’une exposition médiatique de cette façon-là. C’est toujours problématique quand ce sont des affaires humaines donc je respecte les douleurs humaines y compris la sienne mais justement, si elle veut qu’on prenne mieux conscience de cette douleur, il vaudrait mieux qu’elle se taise. Il y a une part d’indécence quand même.
L’Obs titrait il n’y a pas longtemps la « vice-présidente » en évoquant Ségolène Royal. Est-ce qu’il n’y a pas un binôme dans l’exécutif qui est plus ou moins à l’œuvre et qui est ce même couple qui existait par le passé. Quel est le rôle de Ségolène Royal dans tout ça ?
Ce qui est intéressant, si on veut s’arrêter un instant dessus, c’est la question de qu’est-ce qu’un couple en politique ? Tous les deux font de la politique. On n’a pas tant d’exemples que ça en politique où le mari et la femme font de la politique en même temps. Bon c’est intéressant à regarder, alors à chaque fois dans l’œil des journalistes et pas que, dans l’œil de tout le monde, qu’on regarde qui a gagné ou pas, celui qui est président, celle qui n’est pas devenue présidente mais qui est restée ministre qui a été battue, en même temps la question fondamentale c’est la question de quelle est la place au gouvernement de Ségolène Royal et qu’est-ce qu’elle fait dans la période qu’elle a devant elle…
Mais c’est la question que je vous pose.
Non ce n’est pas la question, parce que la question dans la façon dont on la pose c’est dans les coulisses, au-delà de l’affaire politique, c’est une affaire de couple ou de pouvoir entre un couple ou un ancien couple…
Quelle est l’influence politique de Ségolène Royal, sachant qu’elle a en charge une problématique gouvernementale, sachant qu’il y a un enjeu important en fin d’année sur lequel mise beaucoup François Hollande ?
Je pense que tout tient à François Hollande, et que si il l’a mise sur ce poste-là, c’est qu’il a pensé qu’elle avait la stature et que c’était celle vers laquelle il fallait qu’il se tourne sur ce sujet-là. Mais au-delà de ça, moi je juge Ségolène Royal non pas sur le pouvoir qu’elle aurait ou qu’elle n’a pas, c’est sur l’affaire environnementale et la conférence sur le climat. Le reste, que François Hollande ait eu envie de mettre des gens de confiance autour de lui, parce que quand vous regardez toutes les équipes de François hollande, ce sont des gens qu’il connaît depuis l’ENA. Tout ça c’est une affaire, comme souvent en politique, d’équipe, et Ségolène Royal, fait partie de l’équipe, même si il y a un aspect familial. Tout cet ensemble est un équilibre, je ne suis pas sûre que Ségolène Royal soit plus vice-présidente si l’on reprend l’image de l’Obs que, par exemple, Cazeneuve, que Taubira… pour d’autres raisons. Mais tout cela ce sont des icônes qui représentent chacune dans leur registre quelque chose. On fait un peu plus émerger Ségolène Royal, parce qu’elle a une relation familiale et personnelle qui fait qu’on la met plus en exergue.
En ce qui concerne la situation des migrants, le président de la commission européenne a une solution bien particulière : il voudrait des quotas d’accueils migrants pour les demandeurs d’asile. Qu’en pensez-vous ? On ne peut pas accueillir toute la misère du monde comme le disait Michel Rocard ?
Mais on doit prendre notre part disait-il, c’est la fin de sa phrase, et c’est cette fin de phrase qui compte, parce que c’est l’équilibre. Et donc je suis très partagé sur cette affaire-là. J’entends ce qui vient d’être dit : on peut d’autant moins prendre la misère du monde que nous-mêmes sommes dans une situation économique et sociale qui est difficile. En même temps, il ne faut pas que l’on se voile la face, ces gens-là arrivent par milliers, quand ils arrivent, mais moi je leur souhaite plutôt d’arriver. Quand ils arrivent en Italie, ils sont dans l’espace européen. Ce que je trouve un peu injuste, c’est que l’Italie est située là géographiquement, mais ce n’est pas elle qui a fait la géographie de la Méditerranée, elle n’y peut rien. Nous, nous pourrions avoir une île comme cela, et on serait peut-être contents que les autres pays européens récupèrent une partie de ces migrants, parce qu’il y a une question de solidarité, et la question qui est au cœur du sujet c’est la solidarité européenne sur ce sujet-là, comme sur d’autres sujets. On est bien contents de la voir s’exercer quand nous-mêmes nous en avons besoin, mais quand les collègues en ont besoin, les italiens, c’est des fondateurs de l’Europe.
Donc je n’aime pas la notion de quotas, je pense que c’est amené de manière un peu maladroite en disant : tu vas en prendre 10 000 sur des critères de taux de chômage, de croissance, c’est un peu maladroit comme façon de faire. Mais en même temps, il y a un épisode historique précédent qui était les boat-people, on ne s’est pas posé la question, on en a accueilli en France des dizaines de milliers, alors on était dans une période plus euphorique d’un point de vue économique. Donc j’essaye de trouver l’équilibre. Je pense qu’il y a plusieurs sujets différents.
Tout d’abord, qu’est-ce qu’on fait de, 200 000 ou 300 000 personnes en Italie d’ici à la fin de l’année, on ne va pas laisser les italiens gérer 200 ou 300 000 personnes on ne va pas les jeter à la mer. Donc on a une question qui se pose, et donc il faut peut-être, je sais que c’est pas facile à dire dans la période dans laquelle on vit, mais se poser cette question-là, et se poser aussi la question du retour de ces gens-là, puisque ces gens-là ils ont des fusils dans le dos, pour des raisons ethniques, des raisons religieuses… Donc c’est une immigration liée au contexte politique, liée à la déstabilisation que l’on a produit dans ce pays. Donc première question qui est : qu’est-ce qu’on fait de ces 300 000 pour éviter que l’Italie ne devienne un entonnoir, un no man’s land au niveau européen, parce qu’on sait ce que ça produit localement ces affaires-là, et donc l’Italie n’a pas à supporter toute seule cette affaire-là. Et puis
Ensuite, comment on réfléchit à quand ils pourront rentrer chez eux, et, enfin, comment arrive-t-on à re-stabiliser ces trois ou quatre pays, par notre faute, en grande partie, par des interventions tout à fait hasardeuses qui ont déstabilisé. Alors oui Kadhafi n’était pas un prince de la démocratie, mais quand on déstabilise comme ça un pays, il faut savoir ce qu’on installe derrière.
Comparaison n’est pas raison mais quand je regardais l’autre jour le processus qui a présidé une fois que l’on avait disloqué, détruit le nazisme à la réinstallation d’une démocratie en Allemagne, on y a mis des moyens, des moyens très lourds, des gens qui dirigeaient tout ça. C’est-à-dire qu’il fallait reconstruire une démocratie dans un pays qui était complètement sous le joug d’un totalitarisme tout-à-fait abouti, au pire sens du terme. Quand vous dites « je détruis le système Kadhafi et après débrouillez-vous », dans un pays qui en plus est plutôt d’une culture tribale, celui-là comme d’autres, puisque la réalité administrative, géographique et politique de la Lybie elle est un peu construite, ce n’est pas comme ça que c’est dans la réalité dans ce pays-là, en tout cas pour ceux qui en parlent un peu ils disent ça en tout cas.
Donc la troisième question, qui est pour nous, c’est comment on re-stabilise ces pays-là, parce que il y a ceux qui vont arriver cette année, et puis tous les ans ça va arriver, et donc c’est ça les deux questions me semblent-il qui se posent : comment on réparti au mieux et c’est forcément désagréable comme débat entre nous parce que c’est un débat d’égoïsme, normal, je peux pas faire grief, quand on est dans la misère dans laquelle se trouve le pays, y compris en France, de dire on va en prendre 40 000, les français qui sont là ils disent, mais on peut pas, malgré la bonne volonté qu’on a tous de ne pas les laisser dans leur mouise, ils sont chez nous. Quand ils sont en Italie, ils sont chez nous. Après, on peut toujours établir des frontières quand ils passeront, mais ces gens-là ils vont avoir besoin de frontières, de se nourrir et pourquoi les italiens prendraient tout ? Moi je trouve ça assez injuste.
En ce qui concerne la réforme des collèges, et cette dernière minute, puisqu’on apprend que François Hollande appelle l’ensemble du gouvernement à soutenir le texte porté par Najat Vallaud-Belkacem. Qu’est-ce qui se passe exactement au sommet de l’Etat ?
Ah ben nous voilà rassurés ! Si on apprend que François Hollande demande à l’ensemble de son gouvernement de soutenir une réforme c’est intéressant comme concept, en tout cas c’est nouveau dans la cinquième République. Manifestement cette réforme elle pose des problèmes et c’est pour ça que je pense que pour le coup, Manuel Valls, et je pense pourtant que l’on peut partager des choses avec lui, a eu tort de le poser en débat droite-gauche, parce que je pense que c’est une question qui dépasse le débat droite-gauche.
Je pense que, y compris à gauche, il y a une question sur cette réforme des collèges, parce qu’elle est confuse, au-delà d’être jargonnante et de blablater pour ne rien dire et sur un certains nombre de thèmes que sont ce qu’on appelle « les humanités » pour faire un peu savant, en tout cas les langues anciennes sont l’affaire des classes bilingues, et sur l’affaire de l’Histoire, ce sont des choses très symboliques, on a l’impression que l’on a marché sur la tête et que au motif qu’il faudrait niveler, on nivelle plutôt vers le bas, et tout cela n’est pas compréhensible sur des affaires d’Histoire, moi je ne comprends pas la façon dont on compte enseigner l’histoire, en sortant un peu de la chronologie, en disant il faut en faire une épopée, on décide de faire l’impasse sur certains thèmes et pas sur d’autres, tout cela est un peu bâclé.
Je sais que c’est un domaine qui est cher à la gauche, mais ce n’est pas un domaine qui n’est cher qu’à la gauche. L’ensemble des forces politiques doit s’intéresser à l’éducation puisque l’on a un vrai problème d’éducation dans ce pays, un problème de décrochage qui ne commence pas au collège, mais qui commence bien avant, donc j’aimerais qu’on commence déjà à poser la question parce qu’on est vite passé à la question de l’école primaire, en disant on a fait les rythmes scolaires. Enfin moi je suis maire d’une commune, je suis désolé mais les rythmes scolaires n’ont rien changé, alors on l’a fait, parce que moi je suis un républicain, je ne suis pas à l’UMP hein, je suis un républicain, donc je respecte la loi, enfin qu’est-ce qui a changé pour les enfants dans les processus d’apprentissage du lire, de l’écrire, du parlé ? Rien.
Alors le fait que quand ils arrivent au collège et qu’ils n’ont pas acquis ces notions, fait que je ne sais pas comment ils vont faire au collège. Et on nous rajoute au collège une espèce de « truc fumeux », on se fait plaisir et on ne voit pas trop l’intérêt que ça va avoir pour l’éducation, donc je ne suis pas sûr que l’on n’assiste pas à une marche-arrière toute assez rapidement.
Merci Marc Fesneau.