"La société française doit retrouver confiance en elle, dans son avenir et dans la démocratie"

Interrogé au micro de BFM TV/RMC, François Bayrou a approuvé "le maintien de la présence de la France dans une coalition internationale", notamment en Syrie. Le président du MoDem a également défendu la moralisation de la vie politique française, qui rendra leur confiance aux Français, et l'émergence d'un centre politique, puissant et insoumis.

Bonjour François Bayrou.

Bonjour. 

Merci d’être avec nous. Avant de revenir sur le débat d’hier soir, vous nous direz comment vous l’avez trouvé, je voudrais que nous parlions de la situation internationale et de la Syrie, avec ces armes chimiques utilisées. Les russes, dans un premier temps, ont ciblé l’aviation d’Assad, ce qui a surpris tout le monde d’ailleurs, pour nous dire finalement que c’est l’aviation qui avait bombardé un entrepôt rebelle et que ces armes chimiques entreposées dans cet endroit par les rebelles auraient explosé et tué plus de cent civils.

C’est une tuerie de plus dans des conditions sauvages. En effet, vous avez souligné ce qui est très important : la Russie pour la première fois a dit « c’est l’armée d’Assad ».

Je n’ai pas vu les derniers changements… 

La Russie explique que c’est l’armée d’Assad qui a bombardé des entrepôts dans lesquels se trouvaient ces armes chimiques. C’est quand même important que la Russie ait tenu toute de suite à s’exprimer.

C’est très important que la Russie se soit exprimée dans ce sens en soupçonnant la responsabilité d’Assad. C’est très important pour l’équilibre de la région. Tuerie sur tuerie, il faut absolument trouver une issue à la crise qui ne peut qu’être une issue imposée par les puissances qui nous protègent.

Donc la Russie aussi.

Je n’ai jamais dit qu’il fallait exclure la Russie de ce jeu-là. On ne peut pas exclure la Russie, ni l’Iran et on ne devrait pas pouvoir exclure l’Union européenne. La grande voix qui manque, c’est l’Union européenne.

Je n’ai pas trouvé Emmanuel Macron très performant sur ces questions de lutte contre le terrorisme ou sur ces questions internationales... Est-ce qu’il maîtrise ces sujets ?

Il maîtrise ces sujets. Ce qu’il a dit hier soir est la raison absolue, c’est-à-dire, il y a deux choses à faire, qui sont prioritaires et essentielles. L’une, hors de notre sol, c’est de participer, maintenir la présence de la France dans la coalition internationale, qui se donne l’objectif de faire reculer Daech, la source du terrorisme que nous subissons. C’est une ligne très importante. Vous avez entendu qu’il est le seul à dire de façon claire que nous maintiendrons notre effort, simplement parce que c’est une responsabilité de la France. 

La France doit donc maintenir son effort de guerre non seulement en Afrique, mais ses interventions au Moyen-Orient.

Il faut ajouter une chose, c’est que la France le fait au nom de l’Europe aussi. Elle ne le fait pas en son nom propre seulement. 

Est-ce que la France doit continuer dans cette coalition ?

Pour moi et pour E. Macron, la réponse, visiblement, est oui, et elle doit le faire en recevant l’aide des autres pays européens. Ce n’est pas une démarche française uniquement. Ce n’est pas une question française, mais c’est la question de notre ensemble européen, dont la France est un des bras armés. Nous devons aussi en partager la charge. Si la France intervient au nom de l’ensemble européen, nous devons aussi en partager la charge avec les autres membres de l’Union européenne. C’est la première chose à faire.

L’autre chose à faire, c’est nous réarmer autant que possible sur notre sol notamment en matière de renseignement. Vous voyez bien, cela a été noté à plusieurs reprises hier soir, que le fait d’avoir eu une organisation affaiblie du renseignement sur notre sol est un point faible du dispositif qui est le nôtre. C’est une pensée absolument claire et juste.

Comment avez-vous trouvé ce débat à onze ?

C’est extrêmement difficile d’organiser un débat à onze, mais du point de vue de l’organisation du débat, j’ai trouvé que c’était à la hauteur. Il y avait un aspect « télé-réalité » dans le débat, c’est-à-dire, le surgissement de personnalités, d’attitudes, de gestes qui n’étaient pas attendus. Mais il y a eu des moments très forts, et précisément, le fait qu’il y ait pour participer au débat des personnalités qu’on ne connaissait pas a décapé un certain nombre d’attitudes, de pratiques. 

Cela a permis de dévoiler des comportements, des postures, parfois dissimulés ?

Le moment le plus fort de tous, c’est Philippe Poutou, avec une formule absolument juste et décapante : « vous, quand on vous convoque, vous n’y allez pas parce que vous avez une immunité parlementaire. Nous, quand on nous convoque, nous devons y aller, nous n’avons pas d’immunité ouvrière ». C’est une formule qui pose la question de la moralisation de la vie publique en termes transparents.

C’est la question essentielle, la moralisation de la vie publique, aujourd’hui ?

Je vais essayer de vous le dire autrement. La question essentielle aujourd’hui, c’est la confiance. Est-ce qu’une société comme la société française peut retrouver la confiance, la confiance en elle, la confiance dans son avenir, la confiance dans la démocratie ? Cette question-là trouve des réponses très diverses et dangereuses, il me semble. A cette question-là, la situation faite aux responsables politiques devant les impératifs qui sont ceux de tous les Français, à cette question-là, il faut apporter une réponse essentielle. C’est pourquoi j’avais insisté pour que la moralisation de la vie publique soit l’acte un, ou en tout cas, parmi les premiers actes de l’alliance que nous avons faite avec Emmanuel Macron.

Cela pose des questions dont vous voyez l’importance. Je vais en citer une. Lorsqu’un ministre fait une faute, lorsqu’il porte atteinte à la loi, il n’est pas jugé comme un citoyen ordinaire. Pourquoi ? Il est jugé par ses pairs, enfin, par les parlementaires, dont les uns sont pour lui, dont les autres sont contre lui. Nous l’avons vu avec le procès de Mme Lagarde, dont l’issue a été stupéfiante : oui, elle est coupable, mais elle n’est pas condamnée en raison des responsabilités qu’elle occupe.

Mme Lagarde, qui ne sera pas Premier ministre d’E. Macron, parce que les rumeurs ont couru…

Je ne crois pas que cela soit d’actualité.

Pour revenir à la question, un ministre n’est pas jugé comme un citoyen, il est jugé comme un politique. Il y a une question toute simple : garde-t-on la Cour de justice de la République, cette institution bizarre dans laquelle ce sont les parlementaires qui sont juges, ou est-ce qu’on dit, avec les précautions d’usage, avec un filtre pour qu’il n’y ait pas une plainte tous les jours qui empêche l’action gouvernementale, qu’un ministre doit-être jugé comme un citoyen ordinaire ?

Ma position, c’est qu’un ministre doit être jugé comme un citoyen ordinaire.

Cette simple affirmation sur la différence de traitement, « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir », comme dit Jean de la Fontaine,  cette question est essentielle et est apparue au débat hier. 

J’ai une deuxième question concernant E. Macron. Des interrogations de beaucoup de Français sont visibles. Je lis une déclaration de J. d’Ormesson : « E. Macron vit de la chute des autres ». Comprenez-vous qu’on puisse avoir des doutes sur les capacités d’E. Macron à être président de la République ?

Ces doutes, je ne les partage pas ou pour être exact, je ne les partage plus.

Vous les avez eu ?

Oui, je les ai eus, je l’ai dit à votre micro. Je reviens à cette phrase que vous indiquez : « Il vit de la chute des autres ». Oui, en partie. Et la chute des autres est le symptôme du mal que nous vivons. Nous avons deux partis qui ont la totalité du pouvoir depuis des décennies, qui ont la totalité des sièges eux et leurs satellites à l’Assemblée nationale, qui représentent aujourd’hui moins de 30% des Français. Ces partis-là s’effondrent sur leur usure, sur les pratiques, les dérapages, les dérives dans lesquels ils se sont laissés entraîner, dérives intellectuelles ou dérives de pratiques quotidiennes. Il est juste et il est normal, et j’ajoute, il est pour moi essentiel, qu’on tourne la page sur ces pratiques et ces dérives, qu’il y ait en effet une proposition politique – c’est E. Macron qui la porte – qui nous dise : « nous allons ouvrir une page nouvelle ». Une page nouvelle sur un élément absolument essentiel, qui est de dire : « depuis des décennies, vous nous enfermez dans une guerre artificielle entre ce que vous appelez droite et ce que vous appelez gauche, alors que tous les Français savent que cela n’existe plus sous cette forme-là, et nous, nous voulons en sortir, car nous avons besoin que des gens qui ont la bonne volonté de travailler ensemble et de partager des objectifs puissent le faire sans être paralysés par cette absurdité ». Ceci est une chose essentielle.

Il porte ce que vous portiez en 2007, en 2012 ?

Oui. Le combat, le projet, est plus important que le goût individuel qu’on peut avoir de soi-même avoir la charge du drapeau. 

Quel rôle jouerez-vous s’il devient président de la République ?

Je ne sais pas, je n’en ai jamais parlé avec lui.

Vous dîtes : « je ne sais pas ».

Vous me croirez si vous le voulez. Je n’en ai jamais parlé avec lui.

Vous pourriez être ministre ? Vous l’accepteriez ?

Je suis élu de ma ville et j’ajoute une chose : tout ce que je pourrai faire pour que mon pays s’en sorte, je le ferai. 

Vous accepteriez d’être Premier ministre ou ministre ?

Nous verrons, c’est pour après. Je ne connais pas de sujet plus vide de sens que celui de parler de la composition du gouvernement alors que l’élection n’a pas eu lieu.

Certains nous ont dit qu’ils présenteraient leur gouvernement avant l’élection. Même E. Macron nous avait dit un temps qu’il nous présenterait les candidats d’En Marche. Nous les attendons toujours !

Ils ne l’ont pas fait. Heureusement ! Je déconseillerais qu’on pollue l’élection présidentielle par des querelles d’élection législatives. Chaque chose en son temps. L’acte premier, c’est l’élection présidentielle. 

Mais F. Fillon va présenter ses 577 candidats dimanche prochain.

Et bien, c’est son affaire. Mais ces 577 candidats, croyez-moi, auront du mal à porter l’étiquette.

Pourquoi ?

Si E. Macron est élu, la vague du renouvellement, que vous entendez tous les jours quand les auditeurs vous appellent…

Je n’entends pas tous les jours le renouvellement pro-Macron, j’entends tous les jours la volonté du renouvellement général.

Celui qu’E. Macron apporte de manière crédible, cette volonté de renouvellement général, pouvant l’emporter, un vote qui a cette utilité-là, de tourner la page et de partir sur des bases nouvelles, c’est Macron. S’il est élu comme je crois qu’il doit l’être, la vague du renouvellement portera jusqu’aux législatives et emportera les digues de ceux qui voudraient qu’on en reste aux temps stériles dans lesquels nous étions.

Vous qui avez fait de la dette un sujet essentiel, hier soir, F. Fillon est revenu sur la dette de la France : 2 200 milliards. Il a raison ?

Tous ceux qui parlent de la dette ont raison, mais tous ceux qui parlent de la dette en acceptant l’idée du dérapage au commencement du mandat sont dans les mauvaises habitudes.

Comme vous le savez, le programme de F. Fillon, c’est d’accroître le déficit au début du mandat, tout de suite, pour espérer ensuite le faire descendre. E. Macron est le seul à avoir dit de manière claire qu’il avait l’intention de respecter les disciplines que nous nous sommes fixées, c’est-à-dire, au-dessous des 3% dont vous savez que c’est la règle européenne, quoi qu’on pense de ce chiffre.

Dernier sujet à aborder avec vous : est-ce que vous avez dit que la culture française n’existait pas ?

On se connaît depuis des années. La culture française, c’est le combat de ma vie. La langue française, c’est le combat de ma vie. La littérature française, c’est le combat et l’engagement de ma vie. Cette idée de la langue française et de la francophonie, c’est le combat de ma vie. Ce que j’ai dit, peut-être de manière assez peu explicite, c’est que quand on entre dans le domaine de l’art, la musique, la peinture, l’architecture, l’art est universel. La vocation de l’art, ce n’est pas nationaliste, c’est universel. Lorsqu’on réfléchit une seconde, avec ce que l’on sait de l’histoire, aux dérives et aux drames qu’on a connus quand certains ont voulu au XXème siècle nationaliser l’art, expliquer qu’il y avait un art allemand, par exemple, vous voyez qu’essayer d’enfermer l’art dans les frontières nationales, c’est se tromper. La langue est par définition la culture française, la littérature française, la culture et la littérature francophones.

La France est un pays multiculturel ?

Je ne sais pas d’où vient cette idée de multiculturalisme dans votre affirmation. Pour moi, la France est un pays qui, heureusement, par sa langue a un puissant moyen d’intégration et un puissant moyen de rayonnement. Regardez par exemple la place de la francophonie en Afrique, la place de la francophonie dans le monde, le fait qu’Haïti qui n’est pas en France soit un puissant affluant de la littérature française. Cela devrait être notre fierté. Pour le reste, il y a des artistes français, des peintres français, des sculpteurs français, des architectes français, qui participent à la vie universelle de leur vie. 

Nous terminons cette interview avec un tweet de Marie-Christine. « Et vous F. Bayrou, vous changez de direction à chaque élection présidentielle ».

Je ne change pas de direction, je n’en ai jamais eu qu’une : il faut un centre puissant en France. La soumission du centre à un bord ou à l’autre, cela a plus souvent été à droite qu’à gauche, à un des partis puissants qui tiennent le pouvoir est une défaite de la pensée et de la volonté.

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