"La seule issue possible, ce n'est pas l'austérité, c'est la création de richesses !"
François Bayrou a appelé "à mettre toutes les forces du pays dans le soutien aux créateurs et aux entrepreneurs", sur le plateau du 12-13 Dimanche de France 3.
France 3 - Nous allons commencer par un événement de la semaine, ce sont les confessions cathodiques de Jérôme Cahuzac. Dans un entretien télévisé, il a reconnu avoir triché, menti en tout cas, sur son compte en Suisse. Jérôme Cahuzac demande pardon à ceux qu'il a trompés. Le pardon existe-t-il en politique ?
François Bayrou – Franchement, je crois que ce n'est pas du tout la question. La question n'est pas le pardon, l'excuse, la question c'est que celui qui était chargé de la lutte contre la fraude fiscale organisait une fraude fiscale pour son propre compte. Ceci est naturellement impardonnable du point de vue civique. Après, personnellement, c'est autre chose. Mais vous avez vu à quel point cette confession ressemblait à celle de Dominique Strauss-Kahn, d'ailleurs elle a été probablement préparée par les mêmes équipes. Peut-être qu'il manquait d'un peu de spontanéité pour que cela atteigne son but.
La question est aussi de savoir qui était au courant du compte suisse de Jérôme Cahuzac. L'UMP notamment dit que Pierre Moscovici doit rendre des comptes doit dire s'il a ouvert une enquête, s'il était au courant, et si même ce n'est pas allé plus loin. Vous en pensez quoi, vous ? D'autres étaient au courant ?
Je pense que si quelqu'un avait été au courant au sommet de l'Etat, il aurait tout de suite pris la décision, de manière à éviter les conséquences, la vague de désapprobation et de rage qui a suivi. Il aurait mieux valu intervenir tout de suite. Donc je trouve plausible que les responsables disent qu'ils n'étaient pas informés.
Sinon ils auraient agi ?
S'ils avaient eu des certitudes, ils auraient agi. Est-ce qu'ils avaient des doutes ? Probablement oui, tout le monde en avait, vous en aviez et j'en avais. Mais évidemment, dans un équipe gouvernementale, les preuves sont plus importantes que les doutes.
En tout cas il y a des personnalités publiques depuis, de gauche comme de droite, François Fillon et Laurent Wauquiez par exemple à droite, qui ont dévoilé spontanément leur patrimoine. Est-ce que vous imaginez dévoiler votre patrimoine ?
Cela a été fait chaque fois que je me suis présenté à l'élection présidentielle parce que c'est devenu une figure obligée.
Et d'aller sur les plateaux et dire "J'ai une voiture, une maison..." ?
Cela ne me gêne pas. Vous savez, c'est par ma déclaration de patrimoine qu'on avait découvert les tracteurs qui ont fait le buzz que vous savez. Mais si vous m'interrogez sur la question de savoir si la déclaration de patrimoine est pour moi quelque chose d'essentiel, je vous dis que je suis absolument indifférent devant cette exhibition dont je trouve qu'elle est un peu de diversion et un peu secondaire. Ce n'est pas la clef de la lutte contre les dérives...
Contre le chômage et le déficit ?
Il y a pire. On voit une succession d'affaires. L'affaire Cahuzac en est une, il y en a d'autres qui apparaissent. Takieddine, Kadhafi etc.
Oui l'ouverture d'une enquête préliminaire sur le financement éventuel de la campagne de Nicolas Sarkozy par des fonds libyens.
Ce sont des mises en cause qui sont extrêmement graves et lourdes. C'est là, dans la rage des Français, devant la situation politique... On sait bien que les responsables politiques ne peuvent pas tout, mais au moins devraient-ils être intègres. C'est le droit élémentaire des citoyens, de toutes les familles françaises, que d'avoir des dirigeants dont on soit absolument certains de l'intégrité. C'est ce qui est en train de se jouer.
Mais là vous visez Nicolas Sarkozy ?
Je ne parle de personne, je parle de la succession des affaires, vous venez d'en évoquer une. Il y a en qui sont sorties cette semaine qui vont être extrêmement lourdes, l'affaire Lagarde etc. Vous voyez bien de quoi il s'agit. Il y a deux questions en politique. La première c'est l'efficacité de l'action publique. Est-ce que cela sert à quelque chose ? Est-ce qu'on peut redresser la situation ? La deuxième c'est : est-ce que les hommes publics sont au niveau où on les attend. Est-ce qu'ils offrent cette certitude d'intégrité dont nous avons besoin ?
Nous allons en parler. Mardi va avoir lieu le vote solennel sur le mariage pour tous dont nous parlons depuis des mois et qui a divisé les Français. Alors qu'il s'agit d'union, bizarrement c'est plutôt le grand divorce. Jusque sur les bancs de l'Assemblée Nationale puisque tôt, vendredi matin, nous avons vu des députés UMP s'approcher dangereusement des bancs du gouvernement, il y a eu quelques échanges un peu vifs.
Cela ressemblait à la Tchétchénie.
C'est la Tchétchénie pour vous ?
Vous savez, c'est le Parlement tchétchène où l'on se cogne assez régulièrement.
D'après vous, c'est un petit incident ?
C'est un petit incident qui traduit l'énervement habituel. Il est en train de se passer autour du mariage une divison des Français, une explosion des divisions qui est très néfaste dans une société comme la nôtre et dans un temps de crise.
Qui est responsable ? Par exemple, quand Jean-François Copé appelle à manifester cet après-midi dans le cortège des anti mariage pour tous, est-il dans son rôle d'opposant ou est-ce qu'il met de l'huile sur le feu ?
Vous voyez bien, le droit de manifestation est un droit que l'on ne peut retirer à personne, c'est un droit constitutionnel. Derrière cela, il y a des petits groupes qui cherchent des affrontements violents. Or la violence nuit à la cause, mais ils se fichent de la cause. Pour ceux qui cherchent ces affrontements, ce n'est pas du tout la question du mariage, la question sociétale qu'ils veulent traiter. Ils veulent créer un climat d'affrontement le plus dur possible et le plus violent possible parce qu'ils pensent que sur la radicalisation ils vont pouvoir créer un rapport de force différent.
Comment jugez-vous le fait que l'UMP soit dans ce mouvement, finalement derrière ces gens-là ?
L'UMP est un parti politique qui a bien le droit d'appeler à manifester, je ne discute pas ce point-là.
Y compris au risque d'être récupérés à leur tour par les plus radicaux ?
Il appartient à tous ceux qui participent aux manifestations d'empêcher ces violences d'avoir lieu. Après, une autre question que vous avez posée, c'est le choix qui a été fait. Qu'est-ce qu'il y a dans cette affaire ? Il y a trois groupes. Il y a un premier groupe qui est un groupe qui dit que les couples homosexuels ont une double demande de reconnaissance et de droits. Il y a un deuxième groupe qui dit "nous, nous voulons transmettre à nos enfants des cadres stables pour la société dans laquelle nous vivons". Et il y a un troisième groupe qui s'en fiche ou qui dit que ce n'était pas le sujet importance, que ce n'était pas de cela dont on voulait qu'on s'occupe. Est-ce qu'il y avait une voie pour que ces trois groupes se reconnaissent ou s'entendent ? Moi je suis persuadé qu'il y avait une voie.
Vous avez proposé notamment un contrat d'union civile, vous l'avez appelé comme ça.
Je l'a appelé "union".
Union civile qui finalement serait un PACS amélioré, PACS contre lequel vous aviez voté d'ailleurs.
Non, ce n'est pas un PACS amélioré, c'est autre chose.
Est-ce que ce n'est pas finalement une façon de mettre tout le monde d'accord sans que cela règle tous les problèmes ? Finalement, cela aurait été encore un machin de plus.
Si on avait pu mettre tout le monde d'accord, ou en tout cas ces groupes différents et ces attentes différentes, les mettre davantage en phase, capables de s'écouter pour faire progresser à la fois les droits des uns et reconnaître la demande stabilité des autres, cela aurait été très bien.
Sauf que personne ne le découvre. C'était une proposition, un engagement même de François Hollande, le mariage pour tous. A la limite même, n'aurait-il pas dû intervenir plus directement et plus solennellement pour calmer les esprits ?
Cela, c'est son affaire et ce n'est pas la mienne. Mais vous voyez bien qu'il y avait un chemin pour que cela ne prenne pas ce tour de clivage et d'affrontement qui est un tour nuisible pour la société française.
Pour terminer là-dessus, quand Jean-Pierre Raffarin pense qu'il y a une menace de chienlit dans le pays, pour jouer à la de Gaulle comme il dit, vous le pensez aussi ?
Il reprend le mot du Général de Gaulle en 1968, en tout cas il y a une vague de déstabilisation et de division qui est en cours.
Qui peut être grave ? Qui peut aller loin ?
Qui est un symptôme de plus du malaise profond de la société française.
Il y a un an François Bayrou vous subissiez deux échecs. D'abord un score décevant au premier tour de la présidentielle, un peu moins de 10% des suffrages, puis un revers aux législatives dans votre circonscription du Béarn, sanctionnant au passage votre prise de position personnelle et surprise en faveur de François Hollande pour le premier tour de la présidentielle. La première question est simple : un an après l'élection de François Hollande, quel bilan faites-vous de cette première année de quinquennat ? Globalement ratée, décevante ? Comment vous la qualifiez ?
En tout cas, il y a des attentes qui n'ont pas été remplies. Il y avait chez François Hollande deux promesses. Une promesse d'apaisement et de prise en compte des Français qui a été globalement respectée sauf dans l'affaire du mariage pour tous qui est aujourd'hui un élément de clivage. Et il y avait une promesse de réduction des déficits, de rééquilibrage du pays et de retour à l'emploi. Je n'ai jamais cru que son programme permettrait de faire cela. Et nous voyons bien aujourd'hui que les difficultés qu'il rencontre viennent de la contradiction entre son programme et les objectifs qu'il avait fixés. Ce qu'il faut faire pour le pays est en contradiction évidemment avec ce que le programme du Parti socialiste et plus largement ce que la pensée du PS depuis des décennies dit aux Français de la situation.
Est-ce que l'UMP aurait fait mieux ?
Non. Si on regarde la courbe de l'activité française depuis 2000, c'est-à-dire depuis treize ans, on voit que cette courbe est presque constamment déclinante, on voit qu'elle baisse tout le temps. Il suffit de prendre le commerce extérieur. J'avais souvent montré dans des émissions la courbe du commerce extérieur, on est à l'équilibre en l'an 2000, et on est à 70, peut-être 80 milliards de déficit aujourd'hui. Ce qui traduit une chose : la France ne traduit plus assez pour faire face à ses besoins ou pour équilibrer ses besoins. Elle ne produit plus de richesses, ce qui fait que tout le monde a un sentiment d'appauvrissement. Et elle ne produit plus les emplois qui permettent l'équilibre de la société. A cette question, depuis douze ou treize ans il n'y a pas eu de réponse, et c'est là qu'il faut maintenant trouver la réponse.
Pour sortir de cette crise de confiance que connaît l'exécutif, faut-il un gouvernement d'union nationale ? C'est quelque chose pour laquelle vous avez souvent plaidé.
Et on commence à entendre des voix ailleurs.
Y compris à l'UMP. Quelles conditions poseriez-vous à ce moment-là ?
La condition pour qu'une unité nationale se fasse, c'est qu'il y ait une politique qui soit clairement définie. On ne fait pas une unité nationale pour rien, ce n'est pas pour être assis autour de la même table. La question est : qu'est-ce que nous allons faire pour que le pays retrouve tout à coup l'énergie dont il manque, la créativité dont il manque, l'envie de faire naître des entreprises et des emplois.
Là nous sommes dans une crise de confiance. Le Président de la République suscite 74% de mécontents dans un sondage paru ce matin. Est-ce que le gouvernement d'union nationale, vous l'appelez maintenant ? Est-ce que vous pensez que c'est une solution pour sortir le pays de la situation dans laquelle il est ?
L'unité nationale vient après la fixation de la politique à suivre. Si vous n'avez pas une réponse pour les deux questions que j'évoquais et que je rappelle. D'abord, comment rendre au pays l'énergie pour créer des richesses et des emplois. Deuxièmement, comment rendre la vie politique insoupçonnable, saine, faire que tous les courants du pays soient représentés.
Vous pensez à l'affaire Cahuzac.
Pas seulement, il y a d'autres affaires.
L'unité nationale avec qui ? L'UMP, le PS, le MoDem et c'est tout, ou d'autres ?
Avec tous ceux, le jour venu, qui soutiendront la politique fixée.
Si Jean-Luc Mélenchon la soutient, vous l'acceptez.
Ne plaisantons pas. Essayons de voir que ce qui manque aujourd'hui c'est la fixation d'une politique. Les gens ne comprennent rien à ce que les pouvoirs successifs disent, ils ne savent pas où l'on va. Tant que nous n'aurons pas, dans notre pays, des gouvernants qui parlent clair et qui assument, dont nous sachions où ils vont et qui ont un petit nombre d'objectifs bien fixés...
François Hollande n'est pas assez clair aujourd'hui ?
François Hollande traduit par ses silences les hésitations de sa majorité et son parti.
Nous sommes aujourd'hui le 21 avril. Il y a onze ans, jour pour jour, Jean-Marie Le Pen accédait au second tour d'une élection présidentielle. Cette situation peut-elle se reproduire selon vous ?
Oui elle peut se reproduire. Oui, les extrêmes peuvent faire des scores extraordinaires. Mais ce qu'il faut voir derrière les extrêmes, c'est où cela nous mène. Le chaos qui sera créé par les solutions évoquées par les partis d'extrême-droite ou d'extrême-gauche est un chaos que nous paierons de larmes pour toutes les familles, pour tous les emplois. Aucun pays dans le monde n'a jamais trouvé dans les extrêmes une solution aux questions qui se posent à lui. Donc, il faut à la fois offrir une perspective qui soit une perspective de rupture nette...
Quand vous dites cela c'est intéressant, mais Marine Le Pen dit cela et il y a des Français qui l'entendent.
Mais écoutez bien les solutions qu'elle a derrière. Son père avait choisi d'installer sa progression par la provocation. Elle, elle est beaucoup moins provocatrice. La manière dont elle s'exprime et peut-être la manière dont elle pense l'est beaucoup moins. Mais les solutions qu'elle a adoptées pour être sur la ligne de l'extrême-droite sont mortelles pour le pays.
Justement, les politiques d'austérité conduites un peu partout aujourd'hui en Europe ne risquent-elles pas de déboucher au fond sur une sorte de 21 avril européen, compte tenu de l'émergence un peu partout de partis populistes, extrêmes. Notamment pour les élections européennes l'année prochaine.
J'entends dire cela avec beaucoup d'exubérance. Ecoutez-moi bien, si l'on croit qu'un pays peut s'endetter indéfiniment, c'est exactement comme si l'on conseillait aux familles en surendettement de multiplier leurs dettes. Il n'y a pas de voie de ce point de vue. Et d'ailleurs il n'y a pas de voie dans ce que vous appelez l'austérité. L'austérité qui consisterait à couper, uniquement à couper partout, à couper les branches, à prendre la hache et bientôt la tronçonneuse, ce n'est pas une solution.
Écoutez Emmanuel Maurel, l'aile gauche du PS, qui vous avait déjà interrogé il y a quelques temps quand vous étiez venu sur ce plateau. Il a accepté de rejouer le jeu, justement à propos de ces politiques d'austérité, il vous pose une question.
« Emmanuel Maurel - Bonjour M. Bayrou. J'ai vu dans un journal du soir que vous vous inquiétiez de la pression de ce que vous appelez l'aile gauche sur François Hollande. Vous encouragez le Président au contraire à aller vers toujours plus de rigueur, voire vers plus d'austérité. Or nous constatons autour de nous, dans les pays européens, notamment du sud, que ces politiques non seulement ne résorbent pas les déficits, mais plongent les peuples dans la catastrophe du chômage et de la précarité. Ne croyez-vous pas au contraire qu'il serait temps d'entamer un vrai tournant de la relance ? »
M. Maurel est surement très intelligent mais nous allons mettre les choses au point. Je répète que dans l'austérité, les coupes sans fin, il n'y a pas de chemin. Nous ne pouvons pas nous en sortir sous cette forme.
Mais pas de relance pour autant ?
Laissez-moi finir mes phrases. Dans les coupes sans fin, dans la hache et dans la tronçonneuse, il n'y a pas d'issue. La seule issue possible, c'est de multiplier la création de richesses et d'emplois, et donc de se demander pourquoi, dans un grand pays créateur comme le nôtre qui sait tout faire, les avions, les fusées, est-ce que nous n'arrivons plus à produire le minimum pour vivre ? Et donc à mettre toutes les forces du pays pour que désormais ce soient les créateurs, les innovateurs, les investisseurs, les entrepreneurs qui deviennent la première ligne soutenue et honorée par les autres.
Il faut tout faire pour relancer l'activité. Pour ou contre l'activité le dimanche ? La question resurgit parce que les salariés de Bricorama ont manifesté cette semaine pour demander que la loi sur le travail le dimanche soit assouplie. Ce sont des salariés qui le demandent. Vous vous souvenez de l'affaire Bricorama qui était sous la menace d'une sanction et d'une amende de 37 millions d'euros. Faut-il refaire la loi sur le travail du dimanche pour favoriser le travail le dimanche ?
Pourquoi ? Vous croyez que cela va créer des richesses ?
C'est ce que disent certains.
Essayez de réfléchir. Ce sont des commerçants. L'argent que nous allons dépenser le dimanche sera autant d'argent qu'on ne dépensera pas le reste de la semaine. Donc vous ne créez pas de richesses, vous ne créez pas d'emplois.
Mais pour les gens qui travaillent le dimanche, ce sont des emplois.
Non, c'est une manière différente d'organiser le commerce en France et de faire qu'on dépensera le dimanche ce que l'on ne dépensera pas le reste de la semaine. Cela veut dire que beaucoup de petits commerces disparaîtront. Moi, je ne suis pas ennemi que dans des zones particulières l'on regarde de quelle manière on peut changer les choses. Mais vous voyez bien que c'est encore une manière de poser des fausses questions.
L'emploi justement, avec la succession des fermetures d'entreprises, cela s'arrête quand ? Les Français se posent cette question, tout simplement. Pétroplus cette semaine, Arcelor Mittal, Florange... Les salariés de ces entreprises, qui ont été des entreprises-symboles pendant la campagne électorale présidentielle l'an dernier, aujourd'hui s'estiment abandonnés. Est-ce qu'il faut sauver ces entreprises ? D'abord, est-il possible de les sauver ? Et faut-il les sauver ?
Il est possible de les sauver s'il y a un projet industriel.
Mais il ne faut pas forcément s'arc-bouter dessus ?
On leur a menti depuis des années. Chaque campagne électorale, à Pétroplus, à Florange, les candidats sont allés dire "votez pour moi, je règle la question". Ce n'est pas vrai. Si vous n'avez pas un pays tout entier qui soutienne la recréation, la renaissance des entreprises, vous n'y arriverez pas. Il arrive que des entreprises soient à bout de souffle. Cela arrive, c'est le renouvellement de la vie. Donc pour l'instant, la France est un pays qui bloque assez souvent les énergies des entrepreneurs.
Vous savez qu'à une époque il a été question de la nationalisation, même partielle, pour des entreprises stratégiques, la sidérurgie par exemple, ou les raffineries, cela aurait éventuellement permis de gagner du temps pour trouver une solution, la nationalisation partielle ou temporaire ?
Il ne peut y avoir d'intervention de l'Etat que s'il y a projet industriel. Et là, ce qu'on avait dit, ce que M. Montebourg avait laissé entrendre, c'est : on va faire une intervention massive de l'Etat, l'Etat va prendre ses responsabilités, mais il n'y avait pas de projet industriel. Donc cela aurait été, une nouvelle fois, entretenir des illusions, Dieu sait que l'on en a trop entretenu au cours des années.
Arnaud Montebourg a peut-être mis de l'eau dans son vin. Il a déclaré il y a quelques jours : "l'Etat peut beaucoup mais il ne peut pas faire de miracle". Finalement, vous lui donnez quitus de cela ?
Non, je ne donne pas quitus d'avoir raconté des histoires aux Français, je ne donne pas quitus à tous ceux qui ont participé à cet immense mouvement d'illusions.
Arnaud Montebourg en particulier ?
En particulier. Tous ceux qui ont fait croire aux Français que ça y est, on avait la clef, qu'il suffisait de dépenser l'argent qu'on n'avait pas pour sortir le pays des difficultés qui étaient les siennes. Ils ont participé à cela. Moi, je suis allé à Pétroplus, et je n'ai jamais laissé entendre aux ouvriers de Pétroplus qu'on allait pouvoir sauver l'affaire uniquement par l'intervention de l'Etat.
Vous savez que le gouvernement, et François Hollande notamment, maintient son objectif d'inverser la courbe du chômage d'ici la fin de l'année. Vous y croyez ? Vous êtes prêt à faire le pari ?
Pas vraiment. S'il n'y a pas une page qui se tourne, une nouvelle page qui s'écrit, une volonté qui se forme au service du seul sujet qui compte et que j'ai exposé devant vous, le soutien à ceux qui créent richesses et emplois, je ne crois pas que cela suffira. Aujourd'hui, ce que je vois dans les courbes, c'est que cela continue à plonger. Donc, mon intention c'est de proposer aux Français la nouvelle politique dont nous avons besoin pour nous en sortir.
Que vous développerez au cours des prochains mois.
Que j'ai commencé à développer depuis des années.
Pour terminer, je voudrais vous montrer cette image, vous allez me dire si vous les reconnaissez, pas les acteurs mais ceux qu'ils incarnent.
Vous parlez du film qui a été présenté cette semaine sur votre antenne.
Sur France 2. La dernière campagne, qui a été diffusé cette semaine et qui a fait un tabac.
Tout le monde m'en a parlé. Ce n'est pas souvent qu'un téléfilm politique suscite comme cela de l'intérêt, de la passion. Tout le monde m'en a parlé mais je vous promets que je vais le télécharger que je vais le voir. En tout cas c'était fascinant selon tous ceux qui l'ont vu, la manière dont les acteurs habitaient le rôle, de manière presque mimétique de ceux qu'ils représentaient.
Mais alors, faire de la politique un spectacle, du cinéma, c'est une bonne chose ou il faut se méfier de cela ?
Mais la politique c'est la vie.
Je croyais que vous alliez me dire que la politique c'est du cinéma, j'ai eu peur.
Non, la politique c'est la vie. Dans la politique il se joue des choses absolument essentielles. De même que l'amour c'est la vie, et qu'on fait des films sur l'amour, la politique c'est la vie parce que c'est un peuple qui choisit son destin.
Et on peut en faire de la fiction.
Oui, on peut écrire des livres, des romans et on peut en faire de la fiction.