"J'ai le temps et je suis libre !"

François Bayrou a revendiqué mercredi sa liberté, mettant en garde François Fillon contre un programme "à prendre ou à laisser" et l'invitant à "réfléchir à la différence qu'il y a entre le candidat d'un camp et celui qui veut être président de tout un pays".

François Fillon est-il, comme il l’a affirmé hier dans ses vœux, le candidat de la droite et du centre ?

Tout le monde peut prendre l’étiquette qu’il veut, mais ce n’est pas la question.

C’est ainsi qu’il s’est présenté.

La question avec François Fillon, c’est qu’il a été élu et choisi par une compétition interne qu’on appelle les primaires. J’ai toujours été contre les primaires, parce que cela rend les candidats prisonniers d’un camp. Or, le président de la République doit dépasser les camps. C’est là que l’on est dans l’ambiguïté.

Un certain nombre de gens disent que François Fillon ne doit pas changer un millimètre de son programme. Autrement dit : c’est à prendre ou à laisser.

Or, si on dit aux millions de Français qui s’interrogent aujourd’hui – il suffit de regarder les enquêtes d’opinion pour voir que les questions sont réelles et profondes – « c’est à prendre ou à laisser », alors il y a beaucoup de probabilités qu’ils disent : « on laisse ». Et c’est absolument fondé, car il est impossible de considérer qu’une compétition à l’intérieur d’un parti ou d’un camp résume l’élection présidentielle.

Vous dites : « un certain nombre de gens autour de lui disent cela », mais François Fillon le dit lui-même, qu’il n’a pas un projet pour les primaires, un projet pour la présidentielle, un projet pour les législatives. Pour la présidentielle, François Fillon n’a pas bougé d’un iota. Il le revendique lui-même.

Je ne doute pas qu’il réfléchisse à partir de ce que les Français et à cet instant moi-même lui disons.

Il a clairement dit hier qu’il ne le ferait pas. Vous aviez évoqué à propos de son projet il y a quelques semaines qu’il était « décentré » s’il n’opérait pas de mouvement.

Est-ce que vous vous souvenez de ce grand discours de Philippe Séguin ? Quand il a dit à l’approche de l’élection présidentielle de 1995 : « circulez, y’a rien à voir, il paraît que l’élection ne va pas avoir lieu », c’est exactement la même chose aujourd’hui. Si l’on dit aujourd’hui aux Français : « tout a été décidé par la primaire de ce camp », les Français vous considérer que d’une certaine manière on porte atteinte à ce que doit être le débat de la présidentielle. Le débat de la présidentielle n’est pas le débat d’un camp. C’est pour cette raison que je dis que François Fillon sera à mon sens – modestement – bien inspiré de réfléchir à la différence qu’il y a entre le candidat d’un camp et celui qui veut être président de tout un pays.

A ce stade, aujourd’hui, vous ne soutenez pas sa candidature ?

Non. Je suis libre. J’ai dit depuis le premier jour que je n’étais pas engagé par les résultats de ces primaires. C’est la raison pour laquelle je n’y ai pas participé, parce que je considère que ma liberté de citoyen n’a pas à être amoindrie ou diminuée par une compétition de parti politique à laquelle je n’appartiens pas. 

François Fillon, en marge de ses vœux hier, a réagi aux critiques que vous avez fortement émises la semaine dernière, lorsqu’il avait revendiqué sa chrétienté. Il aurait dit : « Bayrou ne manque pas d’air. Il est ridicule. Il l’a maintes fois revendiqué sur les réseaux sociaux ».

Oui… vous savez, ce sont des ambiances. Ce sont des sujets qui méritent qu’on s’arrête une seconde pour y réfléchir. François Fillon sait ce que je veux dire, mais il fait semblant, naturellement. C’est le jeu.

Pour clarifier les choses, lorsqu’on est interrogés sur le sujet de la religion, il est naturel et normal que l’on dise ce qu’on est et ce qu’on croit. Je n’y ai jamais manqué. Mais lorsqu’il s’agit de transformer une conviction religieuse en position politique, alors là on manque aux principes qui sont ceux de notre pays depuis deux siècles. La religion, quelle qu’elle soit, n’a pas à être une étiquette ni une idéologie. Quand on est interrogés sur la sécurité sociale, le fait qu’on ait telle ou telle conviction religieuse n’a rien à voir avec le projet que l’on porte. Vous comprenez cette différence, cette séparation que la France a constamment faite entre la politique, l’Etat et la conviction religieuse, quelque soit la religion ou l’absence de religion ?

Vous avez eu l’occasion de le dire François Bayrou, mais les mots qui sont rapportés ce matin dans la presse montrent que le dialogue entre vous est encore à bâtir.

Il y a dix jours – et c’était repris abondamment sur votre antenne – il y avait un article dans le Canard enchaîné qui disait : « L’accord secret Fillon-Bayrou ».

Essayons d’être aussi objectifs qu’on peut l’être. 

Soyons objectifs sur un autre candidat à la présidentielle : Emmanuel Macron, qui se trouve en Allemagne, s’affiche européen, revendique des valeurs de progrès, refuse de se classer à gauche… Le centre n’a-t-il pas trouvé son candidat ?

Le centre, ou en tout cas cette partie importante du centre que je représente, va dire dans les semaines qui viennent, sans précipitation, ce qu’il en pense.

Le centre va-t-il se prononcer sur la candidature d’Emmanuel Macron ?

Non, pas du tout. Ne faites pas semblant de ne pas comprendre. J’ai deux interrogations sur Emmanuel Macron : est-il armé pour être président de la République ? La responsabilité présidentielle n’est pas tout à fait une responsabilité politique ordinaire. Quel est son projet ? Je n’ai pas de réponse affichée ou affirmée.

N’est-il pas aujourd’hui ce que vous auriez rêvé d’être ? Brice Hortefeux dit qu’il est un « Bayrou des temps modernes ». N’est-il pas un « Bayrou 2.0 », la vision moderne du centre ?

Je ne sais pas ce que « moderne » veut dire lorsqu’il s’agit d’incarner un projet politique différent du projet de la droite et du projet de la gauche. Le centre n’est pas un entre-deux, ni un ni-ni. C’est un projet politique à part entière qui a ses axes et qui veut depuis longtemps proposer aux Français une alternative. Le jour où Emmanuel Macron dira ce qu’il veut faire, quels sont les axes et le choix qu’il va faire, alors on saura si les idées du centre sont compatibles ou ne le sont pas.

On peut attendre ce qu’Emmanuel Macron va faire ou quel candidat va sortir des primaires… Mais aujourd’hui, qu’est-ce qui vous empêche de vous décider à être candidat ? On ne comprend pas, très franchement.

Il faut que vous essayiez de comprendre ! 

Je fais des efforts, pourtant !

Je suis libre. Est-ce que je suis satisfait par l’offre politique aujourd’hui proposée ? Comme des millions de Français, non. Je ne reconnais pas dans l’offre politique proposée les attentes qui sont les nôtres, celles d’une grande partie du pays. Je ne suis sous pression de personne. J’ai le temps et je suis libre.

Vous n’avez pas le temps de cela. La présidentielle, c’est dans trois mois. Il faut le temps de bâtir un projet, l’exposer, trouver un financement…

C’est votre jugement. Je vous proposerai de lire le livre qui va sortir au lendemain des primaires de la gauche. Je viendrai volontiers ici. Il exposera ce projet qui est différent, pas seulement le mien mais celui de ce grand courant politique qui a des millions de personnes qui lui appartiennent et qui ne se retrouvent pas dans ce qu’on lui offre aujourd’hui.

Un mot sur ce qui se passe aux États-Unis. Nous apprenons ce matin que les renseignements américains ont informé le président sortant, Barack Obama, et le prochain président Donald Trump, que Barack Obama avait été espionné par les russes et qu’ils détenaient des documents compromettants sur lui. Peut-on faire confiance à la Russie aujourd’hui ?

Je fais la distinction entre la Russie et l’administration Poutine. C’est la raison pour laquelle je plaide que dans certains courants politiques français, nombreux, on prenne de la distance non pas avec la Russie, avec qui il faut parler, mais avec monsieur Poutine et sa manière d’intervenir au-delà de ses frontières sur la politique du monde.

Il s’agit là d’une différence fondamentale entre François Fillon et vous.

C’est une différence fondamentale et je la revendique. La France n’a pas à être en situation de trop grande proximité avec des responsables politiques d’autres pays surtout quand ils ont des attitudes qui ne correspondent pas à l’idée que nous nous faisons des relations internationales.

Donc on peut discuter avec les Russes mais pas avec Poutine, mais c’est lui le président.

Je n’ai pas dit « non », j’ai dit « indépendance ». Je dis qu'il faut garder suffisamment de distance pour que votre jugement soit un jugement libre, pour que vous ne soyez pas automatiquement entraîné dans le sillage d’attitudes et de pratiques qui ne ressemblent pas à ce que la France doit exiger.

 

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