"Le Parti socialiste se trouve au rendez-vous de sa division interne"

Le président du MoDem a estimé que le soutien apporté mercredi par Manuel Valls à Emmanuel Macron pour l'élection présidentielle marquait "la rupture du Parti socialiste", "une division sur le fond".

Manuel Valls votera pour E. Macron dès le premier tour… Vous l’aviez-vu récemment, vous n’êtes donc pas surpris… En aviez-vous parlé avec lui ?

Il y a des années que le Parti socialiste est divisé, qu’il existe un affrontement en son sein, entre deux lignes politiques qui sont devenues irréconciliables. J’ai dû le dire à peu près 10 fois sur votre plateau. Je ne suis donc pas surpris, mais je sais, je devine que cette décision a dû être prise au terme d’un débat de conscience, et je sais que c’est difficile. Je sais ce que représente pour un responsable politique engagé, ayant fait sa vie dans un mouvement politique, la rupture avec son parti, au nom de l’idée que l’on se fait de son pays.

Est-ce une rupture de M. Valls avec le Parti socialiste ?

C’est la rupture du Parti socialiste ! C’est aussi le PS qui se trouve au rendez-vous de sa division interne, qui n’est pas une division sur les personnes, les ambitions. C’est une division sur le fond : ceux qui pensent que la société évoluera par une méthode réformiste - on fait bouger les choses et chaque fois que l’on identifie une difficulté, on la corrige pour avancer - et ceux qui, au contraire, entretiennent le mythe révolutionnaire - ils savent bien que cela n’est pas vrai - et qui disent « Nous changerons tout parce que la volonté politique nous permettra de renverser tous les obstacles ».

D’une part, M. Valls avait signé cette « charte de la primaire » ; il est traité de traître aujourd’hui par ses amis. Cela ne vous choque pas ? Par ailleurs, sa relation avec E.Macron est loin d’être cordiale. Avez-vous eu un rôle dans sa décision ?

Non. Ce sont des décisions que les responsables politiques prennent en conscience. Il y a deux sortes de responsables : ceux qui font une carrière, et qui sont là pour regarder leur intérêt personnel, la progression des responsabilités qu’ils pourraient avoir. C’est une catégorie très nombreuse. La seconde catégorie : ceux qui choisissent leur cap en fonction de l’idée qu’ils se font - non pas de leur intérêt personnel - mais de la situation du pays et du cadre qu’il doit suivre. Je pense que M. Valls est dans cette catégorie. J’ai toujours dit l’estime que j’avais pour lui ! À propos de la charte, je ne suis pas son avocat, qui vérifiera cela mieux que moi. Il l’a très bien dit ce matin chez M. Bourdin. Pour lui, et pour ses amis, la signature de l’accord extrêmement favorable avec les verts - entraînant un certain nombre de décisions sur l’industrie française, sur le nucléaire et sur les grands équilibres du pays – a été un choc ! J’en ai parlé avec lui, et je l’ai entendu me dire le choc que cela avait été pour lui ! L’idée que je me fais des responsables politiques est donc celle-là : on peut sacrifier des intérêts personnels et de partis quand on pense que l’essentiel est en jeu. Il m’est arrivé de le faire ! Je sais exactement dans quelle situation de conscience il se trouve.

Nous allons écouter la réaction de M. Aubry, elle accueille B. Hamon ce soir à Lille. […] « Celui qui soutient la finance, celui qui n’aime pas les gens ». 

Ce sont des caricatures ! Il m’est arrivé d’utiliser des arguments proches dans le combat. Je travaille avec E. Macron depuis déjà un mois tous les jours, et j’ai la certitude que ce ne sont pas ses valeurs.

Vous avez changé d’avis, vous avez évolué dans la connaissance du personnage…

Oui, parce que je le connaissais finalement assez peu, par l’écran de télévision !

Aviez-vous des préjugés ?

J’avais des raisons d’en avoir ! D’abord, il s’installait sur mon terrain, ce que je n’aimais pas fondamentalement (rires).

Ce que Manuel Valls n’a pas aimé non plus…

Oui, mais ce que j’observe, c’est que sa préoccupation est dans la recherche de l’intérêt général et non d’intérêts particuliers.

Je voudrais que l’on écoute F. Fillon, qui lui aussi a réagi au soutien de M. Valls à E. Macron… Cela pourrait-il affaiblir E. Macron ?

Si j’étais E. Macron - ce que je ne suis pas - je serais extrêmement rassuré. Vous avez toute la gauche qui l’accuse d’être de droite, et toute la droite l’accusant d’être de gauche ! Cette position - je la connais bien - garantit l’authenticité ! Cela veut dire que nous ne sommes plus prisonniers des deux camps ! Que les responsables publics et les citoyens vont enfin avoir à leur disposition, sur la table de vote, une proposition politique qui leur garantit que ces deux partis, épuisés et décomposés de l’intérieur dont on vient de voir les expressions, vont être mis dans l’obligation de se reconstruire ! Les Français vont avoir une autre majorité, une autre proposition politique.

Nous allons y revenir, mais certains parlent de F. Fillon, qui a repris un point dans notre sondage Elabe aujourd’hui…

C’est-à-dire ?

Il est passé de 17 % à 18 % des intentions de vote…

Il y a donc environ 8 points de différence.

Je sais que vous vous en réjouissez… Mais il tente de remonter la pente !

Non, je ne m’en réjouis pas ! Je participe à la vie politique de notre pays, avec le sentiment que ce qui se joue aujourd’hui est essentiel ! Il y a des années et des années que je travaille à ce que l’on tourne la page.

Sommes-nous en train de vivre ce que vous souhaitiez ? Était-ce votre rêve ?

Oui. Je crois que c’est un moment historique, parce que pour la première fois, il apparaît qu’une proposition politique rassembleuse permet de dépasser la guerre des deux camps. Un grand bol d’oxygène va être offert aux citoyens, qui vont enfin se dire que l’on peut défendre des idées sans que la droite dise que la gauche à tort, et vice versa.

Peut-être que cela peut paraître assez flou, pour les gens… Ecoutez M. Valls, ce matin… Alors, racontez-nous, que va-t-il se passer ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’il y a un parti En Marche ! d’E. Macron au centre ? Vous représentez son aile droite-centriste ? Manuel Valls représenterait l’aile gauche de cette grande coalition, éventuellement ?

Les détails de l’organisation sont peu importants. Ce qui est important - et Manuel Valls l’a dit - c’est qu’il y a une cohérence sur le fond, une cohérence beaucoup plus grande, beaucoup plus importante que celle qui peut exister à droite ou à gauche ! La gauche est décomposée et le candidat de la droite est à 18 %. Vous croyez que cela fait une majorité ? En plus, à l’intérieur, il y a ceux qui sont assez séduits par le Front national et ceux qui, au contraire, disent « jamais ». Il n’y pas d’autre majorité cohérente, qui rassemble des gens, que cette grande majorité centrale, réformiste, qui dit « la situation de ce pays enlisé, on n’en peut plus, donc on va faire ce qu’il faut, sujet par sujet, pour en sortir ». 

Vous croyez que vous allez être d’accord sur tout mais cela peut être aussi un désordre généralisé !

Absolument pas, sinon je n’y participerais pas ! Vous vous souvenez que j’avais participé quatre exigences programmatiques.

Dont l’alternance, or il y a un certain nombre de gens qui sortent du gouvernement Hollande et dont Manuel Valls était le Premier ministre. Donc ce n’est pas l’alternance !

Mais comme soutiens ! D’ailleurs, Manuel Valls a dit « Mais on ne veut pas participer au pouvoir ». Comme citoyen, en situation de responsabilité, qui dit « Notre pays court aujourd’hui un risque que nous ne pouvons pas accepter, heureusement, tout le monde a le droit de soutenir. Après il reste la cohérence des équipes nouvelles qui seront aux responsabilités et la cohérence globale de la majorité. Entre Manuel Valls et Alain Juppé, expliquez-moi la différence ! Il y a des nuances mais pour l’essentiel, ils veulent que l’Europe existe, une économie efficace, de la solidarité comme projet pour le pays, que la vie politique permette à nouveau à ces sensibilités de s’exprimer, d’être reconnues, d’être légitimes ! Regardez la situation dans laquelle nous sommes. Si vous prenez vos chiffres, le candidat de la droite est à 18 %, le candidat du PS est à 10 %. Ces deux partis occupent la totalité des sièges à l’Assemblée nationale ! Ils sont à moins de 30 % et ils ont la totalité des sièges !

Emmanuel Macron n’a pas eu l’air d’accueillir à bras ouverts Manuel Valls.

La précaution bienvenue qu’il a prise est la suivante. Il dit « Ne vous trompez pas, je ne suis pas là pour refaire Hollande. D’ailleurs, je suis sorti du gouvernement parce que je pensais que la situation précédente conduisait à l’impuissance ! » Il est sorti du gouvernement pour proposer cette voie nouvelle. La deuxième chose qu’il a dite est « Je ne serai pas prisonnier de mes soutiens, ne vous trompez pas, je suis là pour tourner la page, pour proposer une pratique, un projet, une manière de faire qui sera nouvelle ! On n’est pas là pour reprendre la même équipe ! La pratique politique doit changer sur le point que le sectarisme doit reculer. En tout cas, c’est le combat que moi j’ai l’intention de mener.

Donc vous y accueillez Manuel Valls à bras ouverts.

Je trouve que c’est un homme estimable. Je l’ai toujours pensé et je le pense aujourd’hui.

Le Brexit, c’est historique.

C’est historique à l’échelle de l’Europe autant que ce qui s’est passé aujourd’hui à l’échelle de la politique française. 

Ce sera douloureux pour les Britanniques dit François Hollande. Est-ce que ce sera douloureux pour nous aussi ?

Pour moi, c’est une clarification. Depuis le début de cette immense aventure européenne, de ce rêve sans précédent dans l’histoire des hommes, que des nations qui s’étaient fait la guerre décident - sans que l’une prenne le pas sur l’autre - de s’associer pour que l’avenir soit meilleur pour les deux ! Cela n’a jamais existé nulle part. Je pense que c’est une clarification parce que, depuis le début de cette aventure, il y avait deux projets concurrents : le projet que portait la France et l’Allemagne et le projet que portait la Grande-Bretagne. La France et l’Allemagne voulaient que l’on relève les défis politiques du monde. La Grande-Bretagne voulait que l’on fasse du commerce et de la finance. Choisir pour l’Europe la voie de l’Europe politique, de l’Europe qui va se confronter aux États-Unis et à la Russie, indépendante et pas soumise, avec un projet sans être en même impérialiste ou conquérante, c’est une chance qu’il faut saisir ! Je suis optimiste et je suis pour que l’on soit intraitable. Je suis pour que les gouvernements affirment à la face des citoyens qu’en effet, ils ont décidé de faire de ce projet celui qui leur permettra de relever les défis du monde.

Merci François Bayrou.

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