"Le pays a besoin d'un projet social réel : il faudrait une grande loi sur la participation dans l'entreprise, et reprendre la question des heures supplémentaires."

François Bayrou était l'invité d'Apolline de Malherbe dans "BFM Politique" ce dimanche 8 avril 2018. Nous vous invitons à revoir la deuxième partie de l'émission pendant laquelle le président du Mouvement Démocrate a répondu aux questions de la journaliste Myriam Encaoua du journal "Le Parisien".

Myriam Encaoua : Nous allons parler justement de la une du Parisien de demain, la grève à la SCNF : c'est ce qui pénalise les français. « Nous irons jusqu'au bout », dit Edouard Philippe, alors que, vous le savez, les syndicalistes durcissent le ton. Est-ce que le gouvernement a raison de tenir ?

François Bayrou : Mais le gouvernement ne peut pas faire autrement : vous avez entendu le monsieur qui parlait (dans le reportage), il dit « c'est toujours la même chose », c'est à dire que l'on impose un changement, une réforme – le mot est trop souvent utilisé- on propose un changement important, dont on voit qu'il peut jouer un rôle très positif pour l'avenir, et puis il y a un blocage, et on recule. La société française en est au point, je vous dis cela très gravement, où elle ne peut plus accepter cette idée de l'impuissance publique.

Myriam Encaoua : Un problème de taille : les français ne soutiennent pas massivement cette réforme, on sent bien une forme de division dans l'opinion, au fond cette réforme a t-elle été bien expliquée ? Est-ce un problème de pédagogie ?

François Bayrou : 75% la défendent. Essayons de voir l'essentiel : Moi, je ne fais pas porter aux cheminots la responsabilité de la crise de la SNCF. J'ai vécu dans ma jeunesse, avec les familles de cheminots qui étaient mes amis et mes voisins. Il y a une fierté de l'entreprise SNCF. Il y a un dévouement, on le voit bien quand ça va mal. Il y a également un statut : est-ce que le statut répond bien à l'avenir ? Je suis persuadé qu'il y aura des évolutions.

Myriam Encaoua : Là il ne s'agit pas d'une évolution mais d'une suppression du statut. 

François Bayrou : Pas du tout : suppression du statut pour les nouveaux entrants, ce qu'on a fait au fond à France Télécom et Orange. Et vous voyez aujourd'hui que France Télécom et Orange sont en voie de succès, enfin en tout cas de changement si profond, que désormais on voit bien que de nouveaux services sont rendus et que le personnel ne regrette pas son ancien statut. Les anciens gardent donc leur statut, tandis que les nouveaux employés on les embauche sous un nouveau statut, qui était en négociation exactement à l'instant. La convention collective de tout le secteur du transport était en négociation et en vérité, si on voulait jouer la montre il aurait suffit d'attendre que cette convention, dans neuf ou dix mois, soit établie pour qu'il n'y ait plus de problème.

Myriam Encaoua : Il n'y a pas de méthode plus « douce » et progressive?

François Bayrou : Le gouvernement a choisi d'aller franchement à la réforme et on ne peut pas le lui reprocher. Il y a tellement de gens qui ont rusé... Il y a deux autres éléments : premièrement, quel est le statut de l'entreprise ? On avait une entreprise unique, on en a fait trois, et aujourd'hui on propose de revenir à une. Je comprends que ce soit perturbant mais il faut voir que ce statut d'entreprise publique de société anonyme complètement contrôlée par l'Etat, ce statut là est celui même qui, dans les autres pays européens, a permis les plus grands succès du rail. En Allemagne, c'est que l'on a fait il y a vingt ans. Aujourd'hui le rail allemand se porte très bien. C'est ce que l'on a fait en Suisse, demandez à ceux qui nous écoutent d'aller sur Internet, j'allais dire sur Wikipédia, qu'ils regardent la situation du rail suisse : cela a permis des progrès auxquels les salariés ont trouvé bénéfice.

Apolline de Malherbe : Donc vous soutenez la réforme, vous soutenez la concurrence qui va améliorer le service férroviaire, on vous entend. On va maintenant écouter une séquence au CHU de Rouen cette semaine où le président était interpellé (reportage). Voilà, ça bouge beaucoup dans le pays, au-dela de la grogne des cheminots il y a le personnel hospitalier, il y a aussi les étudiants, les retraités... Il y a quelques jours Emmanuel Macron disait « Je ne sens pas de colère monter dans le pays. » Vous, qu'est-ce que vous sentez ?

François Bayrou : Oh je pense qu'il y a des inquiétudes sociales profondes. Le projet social n'a pas été expliqué, énoncé, raconté.

Myriam Encaoua : Vous également, vous annonciez il y a quelques semaines un « tournant social ».

François Bayrou : Au fond, je le dis depuis le premier jour, que la promesse de l'élection d'Emmanuel Macron c'était des réformes d'un côté, et en même temps, la justice et la solidarité. Le gouvernement devrait avoir comme obsession cette question « Où est la justice ? Où est la solidarité ? ». Il n'y a que comme ça que l'on peut avancer. 

Apolline de Malherbe :  si vous dites « devrait », c'est bien que ça n'est pas le cas à vos yeux !

François Bayrou : En tout cas, pour moi, il faut améliorer. Je donne des postes simples de propositions pour que l'on aille de l'avant dans un projet social pour le pays ; on a fait quelque chose de bien, je le note au passage, c'est l'éducation. Le fait qu'on dédouble les classes dans les quartiers les plus sensibles, c'est un progrès social. Le minimum vieillesse, c'est un progrès social, au temps pour moi. Moi je dis qu'il faut une grande loi sur la participation. Je sais très bien qu'il y a des gens qui n'en veulent pas. Mais je pense que c'est absolument nécéssaire. Il est vital qu'on ait un mécanisme, un mouvement qui fasse que quand votre entreprise se porte bien, les salariés qui ont partagé les efforts partagent aussi les bénéfices et que ce soit – il y a déja des dispositifs mais ils sont marginaux. Mon ami Jean Peyrelevade a écrit récemment un livre dans lequel il dit lui-même qu'on devrait réserver 25% de la propriété de l'entreprise à terme aux salariés. Que l'intéressement puisse se traduire par une part grandissante d'actions détenues par les salariés. C'est une question très importante qui va à l'encontre du capitalisme mondial.

Deuxième proposition : il faut revoir la question de la défiscalisation des heures supplémentaires. C'était l'intuition de Nicolas Sarkozy, on a pas été d'accord sur tous les points mais sur ce point là je pense qu'il y avait quelque chose de juste. Quand on fait l'effort de travailler, il faut que soi-même et la famille puissions en retirer les bénéfices.

Apolline de Malherbe :  Edouard Philippe a évoqué cette idée de ne plus payer de charges sur les heures supplémentaires mais pour l'instant pas de dates. Vous dites qu'il faut le faire vite ?

François Bayrou : Je vais dire plus que ça : on a un problème d'organisation du fonctionnement de l'Etat, lequel fait que les logiques éternelles, les arguments des administrations s'imposent. Quelque soit le ministre. Je vais prendre un exemple qui me met dans une colère noire depuis plus de vingts ans : la crise du monde de la santé aujourd'hui vient d'une décision criminelle maintenue au travers du temps qui est le numerus clausus et le blocage du nombre des étudiants en Médecine. Quand on pense que la France, le pays qui avait dans le monde la santé la plus respectée, se trouve aujourd'hui à ne plus avoir de médecins dans les quartiers des villes, dans les campagnes, que des spécialités entières sont massacrées, désertées : la gynécologie, l'ophtalmologie... Tout ça est une logique administrative qui s'est imposée il y a vingt ou trente ans, contre la réalité. Quand vous pensez aux milliers de jeunes qui ont été écartés en dépit de leur niveau et on les a jeté comme un Kleenex, je trouve ça affreux pour la France. Ca n'est pas une décision politique mais qui a cheminé sous la table et constamment remise en jeu. Les politiques ont démissionné face à ses logiques administratives : moi je suis pour que ce soit la politique qui ait la prééminence dans ce pays et je vous assure, si vous les prenez entre quatre yeux, il n'y a pas un ministre du gouvernement qui ne vous dira pas que j'ai raison assez largement.

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