Moralisation : "Le président de la République doit oser la rupture !"

François Bayrou a appelé le président de la République à "oser" le référendum de moralisation de la vie publique, jeudi sur Public Sénat et Radio Classique. Une proposition soutenue par 71% des Français selon un sondage.

Guillaume Durand - Nicolas Sarkozy a connu des problèmes dès l'entrée dans son quinquennat et dans les quatre années qui suivirent. Malgré beaucoup de travail, il n’a pas réussi à remonter. Est-ce que nous sommes exactement dans la même situation avec François Hollande ? Est-ce que si le dialogue avec les Français se passe mal d’entrée, il ne s’en remettra pas dans les quatre années qui suivent ?

François Bayrou - En tout cas c’est très difficile. Le constat était le même pour Nicolas Sarkozy et pour François Hollande. Lorsque vous faites une campagne électorale uniquement sur la recherche du succès en voix, vous racontez n’importe quoi ou vous promettez l’impossible. Vous annoncez des décisions qui seront en fait des illusions. Donc, il devient impossible de gouverner derrière, dès que le réel revient. 

C’est le drame de la première année version quinquennat ?

Non, c’était déjà le cas lorsque c’était un septennat. Je vous rappelle que Jacques Chirac en 1995 se fait élire sur le thème de la fracture sociale et sur l’idée que l’on va de nouveau créer des solidarités donc des allocations nouvelles, des aides nouvelles. Quatre mois après, Alain Juppé est obligé de recadrer les choses et de faire un programme qui est un programme de rigueur. Donc, la raison principale – je viens d’écrire un livre sur le sujet – pour laquelle nous sommes dans l’extrême difficulté, c’est que les campagnes électorales refusent d’être le contrat de vérité qu’elles devraient être avec les Français. Donc après, les politiques sont délégitimés.

C’est pour cela que je prends l’exemple du début. Puisqu’en 1995, vous l’avez cité vous-même, l’une des raisons de l’échec c’est que Jacques Chirac a formé un gouvernement de chiraquiens purs et durs, oubliant ceux qu’il avait accompagnés et qui sont passés avec Edouard Balladur. Est-ce que je parle ce matin avec le futur Premier ministre de François Hollande ? Puisque vous avez appelé à voter pour lui et que vous dialoguez, tout le monde le sait. Et qu’il y a des gens, Luc Ferry encore ce matin, qui demandent un remaniement vite, avec les centristes, autrement ce sera l’échec.

Je crois qu’il y a aura un remaniement à l’intérieur de l’équipe actuelle, c’est ce qui est le plus prévisible, sauf accident. A l’intérieur de l’équipe actuelle, parce qu’un gouvernement de quarante membres, c’est une armée mexicaine, ce n’est pas dirigeable. Et comme vous l’avez vu, il y a à l’intérieur du gouvernement des contestations extrêmement virulentes, sous des aspects policés, de la ligne qui est suivie. Ce qui a amené François Hollande hier à un recadrage qui lui aussi était poli dans les termes mais qui sur le fond était extrêmement net et qui va conduire à une clarification, si ce n’est pas à une rupture, à l’intérieur du Parti Socialiste et à l’intérieur de la gauche.

Est-ce que vous pourriez rejoindre François Hollande ? Tout le monde sait que vous parlez. D’abord, est-ce que c’est vrai ?

Cela m’arrive.

Est-ce qu’il a évoqué avec vous la possibilité qu’une autre majorité se mette en place si Montebourg, Hamon et Duflot sortent ?

Non, ne vous faites pas des contes de fées et des légendes. J’espère que l’on peut entendre au micro la gravité de ce que je dis. La situation de la France, pour un républicain, pour un citoyen qui croit à la démocratie, est extrêmement déstabilisante et inquiétante. Si je devais définir une ambiance pour ce que nous sommes en train de vivre, je dirais que ce sont les années 30. Vous vous souvenez, le 6 février 1934, il y avait des ligues d’extrême-gauche et d’extrême-droite qui manifestaient dans les rues. Il y avait une perte de confiance très profonde à l’égard du personnel politique. Nous sommes dans cette ambiance-là.
Alors si vous croyez que moi, que François Hollande ou que le mouvement que je préside seraient en train de préparer des manœuvres qui sous la table permettraient de faire des changements de majorité, vous vous trompez. J’allais dire "je ne mange pas de ce pain-là ", j’ai fait suffisamment de sacrifices pour la politique pour prouver que j’ai choisi de mettre en avant l’essentiel et pas l’accessoire, pas les carrières, pas les manœuvres.

Gilles Leclerc - S’il y avait une véritable clarification politique qui se solde par une vraie rupture, vous en parliez à l’instant en semblant dire qu’il y a quand même deux lignes au sein du gouvernement, compte tenu de la gravité de la situation, par devoir et non par manœuvre, est-ce que vous seriez prêt à aider François Hollande ?

Si un jour la rupture, que j’annonce depuis longtemps car elle est pour moi inscrite dans les faits, se produit, François Hollande devra prouver au pays qu’il est dans cette volonté d’une union nationale qui permettra un rassemblement des républicains pour que tous ceux qui s’accordent sur l’essentiel soient capables de travailler ensemble. Je crois que cela rassurerait le pays, mais c’est un long chemin qu’il a à faire. Ces jours-ci, vous l’avez rappelé, il est attaqué sur son autorité. Je pense que c’est là que sera l’épreuve de vérité pour savoir s’il a cette force. J’ai écrit dans mon livre que la seule question c’est "osera-t-il ?". Cette force de s’avancer devant les Français en explicitant et en clarifiant absolument le projet qui est le sien et qui un projet économiquement très exigent pour qu’on remette le pays en marche. Et civiquement aussi exigent. Vous voyez bien que la vie politique ne correspond plus au pays. Vous avez vu hier la séance à l’Assemblée Nationale…

Guillaume Durand - Des hurlements.

Sur toutes les chaînes on a montré ces images qui sont franchement honteuses et puériles pour des adultes, quelquefois même plus près du troisième âge que du second, qui s’invectivent alors que le pays est à l’abandon. Il est à l’abandon parce que depuis quinze ans les choses glissent. Encore hier, on a annoncé les chiffres de ce que l’on appelle le commerce extérieur de la France. Le mois dernier : effondrement. C’est-à-dire que nous sommes plutôt sur des rythmes de 70 à 80 milliards de déficit par an.

C’est pour cela que la question qu’a posée Gilles est importante parce que c’est une question de calendrier. Cette prise de conscience dont vous parlez, l’union nationale, si c’est dans deux ans c’est trop tard, le problème sera réglé. Donc cela veut dire qu’on en revient au syndrome de la première année ou les mois qui suivent.

Vous avez raison, c’est-à-dire que attendre ne sert pas. Vous voyez bien que nous sommes pris dans une perturbation, dans une météo, comme on dirait pour des marins qui traversent l’Atlantique, qui est désastreuse. Il y a vraiment des creux très importants. J’imagine que c’est là que se trouve la principale question.

Gilles Leclerc – Sur les mesures concernant la moralisation qu’a défendues hier François Hollande, est-ce qu’elles répondent à ce qui vient de se passer ? C’est-à-dire en gros à l’affaire Cahuzac et au-delà. Je parle des mesures concrètes.

Un nombre d’entre elles sont utiles mais évidemment cela ne répond pas à la fracture qu’il y a entre le monde politique et parlementaire et le pays.

Il faut quand même le faire ?

Je vais vous dire ce que j’ai trouvé bien. Je trouve bien l’idée d’un parquet spécialisé et d’un office central de répression, police et douane, spécialisé dans la corruption et la fraude fiscale. Je trouve que c’est bien car vous allez avoir des magistrats qui vont se spécialiser dans les échanges avec les pays qui sont les paradis fiscaux pour savoir qui fraude et qui est corrompu, ce qui est une deuxième question. Donc, j’ai trouvé cela bien. Pour le reste, les histoires de patrimoine c’est un peu de la diversion à mes yeux.

Vous êtes pour cette très grande publicité, ce déballage de patrimoine entre guillemets ? Est-ce que vous trouvez que c’est bien ?

Moi je n’ai pas du tout la fascination de la transparence. Mais, pour m’y être soumis plusieurs fois parce que les candidats à l’élection présidentielle qui l’acceptent ont leur patrimoine dans le journal, ce n’est pas si terrible et ce n’est pas si grave que cela après tout que l’on sache que vous êtes riche. Il y a beaucoup de gens en France qui voudraient que l’on sache qu’ils sont riches.

Est-ce que l’exercice d’un métier est compatible selon vous avec le mandat parlementaire ?

L’exercice d’un métier est compatible avec le mandat d’un parlementaire à condition que ce ne soit pas un métier qui vous expose à être manipulé par des lobbys.

Qu’il n’y ait pas un risque de conflit d’intérêts.

Voilà. Je vous rappelle que tout cela est traité ailleurs depuis longtemps. Au Parlement européen, pour ceux qui en sont familiers, à chaque vote vous avez des députés qui lèvent les mains en disant "C’est un vote sur les banques, excusez-moi, je suis actionnaire d’une banque, je ne peux pas voter". La discipline que s’imposent des parlementaires européens, nous pouvons l’avoir pour des parlementaires français. Je cite un autre exemple, dont je suis persuadé qu’il a l’air petit mais qu’il est très important. Je suis pour qu’on ne puisse pas déléguer son vote quand on vote au Parlement et que tous les votes soient publics. Cela se fait au Parlement européen, vous êtes obligés d’être là pour voter. Que cela se fasse de la même manière au Parlement français. Vous savez que, par exemple, je plaide pour que nous ayons moins de députés et de sénateurs et beaucoup moins de ministres, pour que nous montrions par l’exemple que l’on prend en compte ce qu’ils vivent et que l’on est décidé à ouvrir une page nouvelle. Cela ne se fera, c’est la phrase à laquelle je voulais arriver, que par l’intervention directe des Français. Ce matin il y a un sondage qui montre qu’à la question "Voulez-vous un référendum pour la moralisation de la vie publique ?", 71% des Français sont pour, comme je le plaide. Pourquoi ? Parce que le monde politique et parlementaire traditionnel ne prendra pas un certain nombre des décisions que j’évoque devant vous. Ils ne diminueront pas le nombre de leurs sièges. Si nous avons besoin de le faire, alors il faut que ce soit par l’intervention directe des Français. C’est pourquoi le site moralisation.fr accueille une pétition citoyenne sur ce sujet et nous avons passé les 50.000 signatures.

Guillaume Durand – Dernière question, est-ce que vous comprenez Jérôme Cahuzac s’il revient à l’Assemblée ? Il n’a pas l’air d’avoir renoncé à cette possibilité.

Franchement, non. Vous vous rendez compte à quel point cela choque la conscience des Français. Il a, en tant que membre du gouvernement, pris l’Assemblée à témoin les yeux dans les yeux pour lui déclarer le contraire d’une vérité qui était pourtant essentielle. Je pense qu’il devrait réfléchir à cela. 


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