"Pour redonner confiance et espoir aux Français, il faut un rassemblement large dès le premier tour"

Invitée sur le plateau de "Politique Matin" jeudi 23 février, Marielle de Sarnez a répondu aux questions de Brigitte Boucher à propos de la proposition d'alliance formulée par François Bayrou et acceptée par Emmanuel Macron.

Marielle de Sarnez bonjour. L’alliance semble scellée entre Emmanuel Macron et le maire de Pau. Vous allez nous dévoiler les coulisses de cette alliance. Une petite réaction à la une du Figaro, qui vous a fait sourire, « Bayrou joue Macron et choisit encore la gauche » ?

C’est drôle, je la trouve toute en nuances, fine, je la trouve absolument formidable. C’est drôle. On voit les états-majors de droite qui disent que Macron est à gauche, et les états-majors de la gauche qui disent Macron est à droite. Tout ça, je préfère le prendre avec sourire, parce qu’ils sont un peu dépassés je crois.

François Bayrou a pris tout le monde par surprise. Le maire de Pau déjà trois fois candidat à l’élection présidentielle a renoncé cette fois à se présenter. Au lieu de cela, il rebat les cartes de la campagne en faisant alliance avec Emmanuel Macron. Marielle de Sarnez, François Bayrou a vu il y a une semaine environ Emmanuel Macron, il doit le revoir aujourd’hui, mais quand François Bayrou a-t-il pris précisément sa décision ?

Je crois que François Bayrou avait depuis longtemps une intime conviction que nous n’étions pas dans des temps ordinaires. Et d’ailleurs c’est pourquoi il y a maintenant plus de deux ans, il avait engagé son soutien auprès d’Alain Juppé, qui n’était pas de notre formation politique, et qui souhaitait des rassemblements larges pour le pays. Et cette intime conviction, c’est à peu près la même aujourd’hui, et en plus, il y a chez Emmanuel Macron quelque chose qui est en résonnance avec ce qu’on essaye de porter, de défendre, ce que François Bayrou avait presque réussi à imposer en 2007, mais malheureusement pas, qui est une nécessité vitale de rupture avec cette vie politique extrêmement frustrante. Il y a une résonnance, c’est-à-dire qu’on voit bien que les thèses, l’approche, les intuitions d’Emmanuel Macron, c’est qu’il faut changer cette vie politique qui est pleine de frustrations pour les Français, c’est ce que nous portons depuis longtemps avec François.

Vous, à titre personnel, vous étiez pour cette alliance depuis le début ?

Moi, à titre personnel, je suis pour une chose : pour redonner à nouveau de quoi croire aux Français. Pour redonner de l’espoir aux Français. Et je me battrai pour ça pendant ces quelques semaines qui viennent, dans deux mois c’est le premier tour. Tous les hommes politiques que vous recevez sur vos plateaux disent qu’il faut faire barrage à Le Pen. Moi je dis que ce n’est pas une question de faire barrage, il faut que les électeurs qui sont aujourd’hui en déshérence,  soit chez Mme Le Pen, soit le plus souvent chez eux car ils n’ont plus envie de voter parce qu’ils ne croient plus en rien, moi je veux qu’on leur redonne de l’espoir. Je veux que ce rassemblement soit de nature à être le plus large possible, dès le premier tour, pour redonner confiance. Moi j’ai besoin, j’ai envie que notre pays se redresse. J’ai envie que cette société française retrouve de quoi croire dans son avenir.

Pour autant c’est à cause de la hauteur de Marine Le Pen dans les sondages que François Bayrou a pris sa décision.

Marine Le Pen dans les sondages, c’est le résultat d’un délitement de la société française, de difficultés qui s’accumulent depuis trente ans, d’une forme d’incapacité de ceux qui ont été aux affaires alternativement à droite ou à gauche depuis plus de trente ans de régler les problèmes, d’apporter des solutions aux Français. Est-ce que l’école elle fonctionne mieux aujourd’hui qu’il y a dix, ou quinze, ou vingt ans ? Non ! Et je pourrais continuer comme ça longtemps. Il y a des solutions à apporter, pour que la vie des gens s’améliore, et pour que la France retrouve son poids, son identité, sa force, et de l’espoir.

Il a quelques semaines encore, François Bayrou se montrait critique envers Emmanuel Macron, est-ce que cette alliance, elle a du sens ? Ou est-ce qu’Emmanuel Macron, finalement, c’es le moindre mal dans cette élection ?

Pour qualifier cette alliance on a évoqué les mots de négociations, de tractations, mais c’est vraiment le contraire ! François Bayrou a dit hier, extrêmement clairement, qu’il pense qu’il faut unir nos forces. Nous sommes dans des temps effectivement qui ne sont pas ordinaires, et on est plus forts ensemble, c’est vrai en France et c’est vrai en Europe. Il a dit très clairement qu’il avait quatre exigences, quatre demandes fondamentales, essentielles, qu’il voulait qu’Emmanuel Macron nous réponde et nous entende là-dessus. La première d’entre elles, c’est cette loi de moralisation de la vie publique et politique française, que nous réclamons depuis extrêmement longtemps. La deuxième c’est que nous ayons une aspiration pour l’action publique qui ne soit plus la croissance éternelle des inégalités, mais qui remette le travail au cœur de tout, et qui lutte contre les inégalités. La question aussi bien sûr du pluralisme et de la démocratie. Sur toutes ces questions, il y a eu des réponses. Donc ce sont des exigences de fond, de contenu, qui se font devant tous les Français, et je crois que c’est comme ça qu’il faut faire de la politique aujourd’hui.

C’est vrai que contrairement à ce qui se passe avec Benoît Hamon et Yannick Jadot, l’annonce de cette alliance a été faite avant les éventuelles négociations.

Oui, et les exigences ont été posées publiquement, c’est ça que je voulais dire.

Mais il y aura des négociations peut-être pour la composition d’une future majorité, pour les législatives ?

Ecoutez, avant la composition d’une majorité, il faut gagner l’élection présidentielle. Et comme vous l’avez dit, la politique c’est pas de l’arithmétique, c’est de la dynamique.

Ca se prépare quand même avant.

Ce qu’il faut maintenant c’est quoi, c’est convaincre les Français, et s’adresser à tous les Français. C’est leur avenir qui va être en jeu dans exactement deux mois.

Mais vous n’avez pas peur que François Bayrou se fasse un peu avoir, vous savez qu’en 2012 il avait appelé à voter François Hollande, et puis finalement il ne s’est rien passé après ?

Non, la question n’est vraiment pas là. La question, c’est qu’est-ce qui a au fond inspiré François Bayrou ? C’est uniquement le bien du pays. Parce que c’est une décision qui n’a pas été évidente pour lui, François aime aller au combat, il aurait été heureux, je pense, d’être candidat, et il était prêt, peut-être plus que jamais. Beaucoup de ses proches ont regretté qu’il n’y aille pas, mais en même temps, donner sa chance à un changement vital, à une alternance claire, à mettre toutes les vieilles pratiques de côté, à pouvoir enfin redonner de l’espoir aux Français, ça vaut vraiment le coup.

Mais est-ce qu’il avait vraiment le choix, François Bayrou ? Il n’avait pas l’espace politique, avec Emmanuel Macron.

Mais vous dites ça, mais la politique ce n’est pas de l’arithmétique, c’est de la dynamique. Tout le monde voyait bien que cette campagne, vraiment n’était pas séduisante pour les Français, depuis plusieurs semaines et plusieurs mois. Vous voyez bien que les Français regardaient cette campagne avec un grand scepticisme pour ceux qui s’y intéressaient. Et je trouve que tout cela vient au bon moment, la campagne s’ouvre, pour moi, aujourd’hui, le cadre en est enfin dessiné, on a les offres, on a les offres absolument classiques et traditionnelles de ceux qui ont échoué, malheureusement, ces dernières décennies, je le regrette car j’aurais aimé qu’ils réussissent pour mon pays.

C’est pas une offre contre la droite, quand même ? Il a déclaré ce matin sur RTL vouloir éviter que les grandes entreprises ne rédigent des lois. Est-ce qu’il ne vise pas François Fillon, est-ce qu’il ne vise pas Axa, Henri de Castres ?

Est-ce qu’on a besoin de moraliser notre vie publique et politique ? C’est vital. Est-ce qu’on a besoin de clarifier définitivement tout ça, est-ce qu’on a besoin de séparer la politique et l’argent ? Est-ce qu’on a besoin que la vie publique échappe aux intérêts privés et financiers ? La réponse est oui. Les Français n’en peuvent plus, ne veulent plus de ces pratiques-là. Nous voulons tourner la page. Si vous ne tournez pas la page, il n’y a pas de confiance. Et sans confiance, on ne redressera pas le pays.

Cette alliance, elle n’allait pas forcément de soi. Il y a eu des récentes déclarations de François Bayrou qui parlait d’Emmanuel Macron comme le candidat des forces de l’argent, il disait que ça ne suffisait pas d’être ni de droite ni de gauche pour être centriste, qu’il était à l’origine de l’échec de la politique de François Hollande.

Il n’est pas centriste, Emmanuel Macron. Il se dit progressiste, et au fond c’est un réformateur, réformiste, social-démocrate progressiste.

Après toutes ces critiques, comment expliquez-vous ce rapprochement ?

Je vous l’ai dit, je crois que le moment était vraiment là, de donner un espoir nouveau, de dessiner une perspective nouvelle pour les Français.

Au-delà de ces critiques, et de tout ce que François Bayrou peut reprocher à Emmanuel Macron ?

Ecoutez, les critiques, il faut se dire les choses, c’est important. Hier François Bayrou a dit que sur la colonisation, il était vraiment en désaccord avec ce qu’Emmanuel Macron a dit. Il le dit publiquement, et il l’a dit à Emmanuel Macron. C’est ça. Il faut se dire les choses. Regardez Les Républicains, les socialistes, au fond ils ne se disent absolument rien, et ils se détestent tous chez eux. Alors c’est mieux de se dire les choses, et de les gérer comme ça.

Est-ce qu’il y a un homme qui a œuvré au rapprochement, je pense éventuellement à une grande figure de la vie politique, proche du milieu écologiste ? Cohn-Bendit n’a pas été le trait d’union entre les deux hommes ?

Non, pas du tout, ça s’est fait en conscience et en responsabilités pour François Bayrou. Et je peux ajouter que j’ai le souvenir de 2007, où François Bayrou avait vraiment réussi à bousculer le système, et au dernier moment le RPR et le Parti Socialiste se sont entendus contre cette candidature de François Bayrou. J’ai le souvenir d’un certain nombre de personnalités dont je ne donnerais pas les noms, mais qui ont failli franchir le pas. Qui ont failli quitter leur camp politique, le transgresser, pour soutenir François Bayrou. Finalement ils n’ont pas pu le faire, osé le faire, je trouve que c’est formidable que François le fasse aujourd’hui.

On reproche à François Bayrou son appel à voter François Hollande en 2012...

Est-ce que les Français ont réélu la dernière fois Nicolas Sarkozy ? Non ! Est-ce qu’ils en avaient envie ? Non ! Si Nicolas Sarkozy avait eu un bilan formidable, s’il avait changé le pays, changé la vie des gens, si les gens avaient mieux vécu, il aurait été réélu sans aucun problème.

Vous pensez que les Français sont prêts à dépasser ce clivage gauche-droite ?

Moi je respecte les gens qui sont de droite, je respecte les gens qui sont à gauche, je suis moi-même au centre. Il y a aussi beaucoup de Français qui n’ont pas d’étiquette politique. Mais est-ce qu’on est condamnés à rester chacun dans son coin, à regarder les autres gouverner en espérant qu’ils vont échouer ? C’est ça qui fait échouer la France depuis 30 ans ! Si vous regardez tous les pays autour de nous en Europe, ils ont réussi, avec les alliances, avec des coalitions, à redresser leur pays. A redonner de l’espoir à leur pays. Et moi c’est ça que je veux pour le mien.

Dans les exigences de François Bayrou il y a la proportionnelle, est-ce que ça veut dire qu’il y aura des candidats MoDem aux législatives, ou avec une double appartenance En Marche ?

Non, dans ces exigences, il y a le pluralisme. Et est-ce que vous croyez que le président qui sera élu, et je crois, et j’espère, et je ferai tout pour que ce soit Emmanuel Macron, est-ce que vous croyez qu’il pourra gouverner tout seul ? Est-ce que vous croyez qu’on peut gouverner tout seul, demain, le pays ? Non, la réponse est non, donc il faudra évidemment des coalitions avec les gens qui l’auront soutenu au premier tour, peut-être avec des gens qui le soutiendront au deuxième tour, c’est ça l’esprit des institutions de la Vème République.

Il pourra y avoir une étiquette MoDem-En Marche ?

Ca se sont des choses qui n’intéressent personne, pas l’opinion publique, et même pas moi. Il faudra une majorité d’abord pour gagner les présidentielles, avoir une majorité présidentielle la plus large possible, et une majorité parlementaire qui en découlera et qui pourra enfin gouverner le pays.

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