"L’épreuve de force et le blocage, ça ne peut pas marcher durablement"

François Bayrou, président du MoDem, était l'invité ce matin de la matinale de LCP. Le Maire de Pau a réaffirmé sa volonté de réformer en profondeur les institutions du pays.

François Bayrou, bonjour !

Bonjour !

Vous êtes président du MoDem et maire de Pau. Le pays est en partie bloqué, le climat social est particulièrement tendu, qui est responsable de cette situation ? Est-ce le gouvernement ou est-ce la CGT ?

Les deux ont leur part de responsabilité mais la part de responsabilité la plus importante repose sur le système de gouvernement en France qui est complétement dépassé. C’est un système de gouvernement qui empêche que l’on trouve des accords sur les textes, quand je parle de système de gouvernement, je parle de la représentation des Français, le Parlement actuel, cette manière de fonctionner est complément dépassée : être incapable, sur n’importe quel texte que ce soit, d’arriver à des accords ou même de rechercher des accords, avoir une représentation du pays dans laquelle les Français ne se reconnaissent pas, qu’il n’y ait aucun dialogue possible au Parlement et que la voix du pays n’arrive pas faire entendre ses attentes.

Les blocages à l’Assemblée arrivent souvent, faudrait-il pour vous changer la Constitution, retirer le 49-3 ?

Vous dites que les blocages à l’Assemblée arrivent souvent, en effet c’est depuis longtemps…

Sous Michel Rocard il y a eu beaucoup de 49-3…

Cette simple phrase signifie que notre système ne fonctionne plus, que nos institutions ne marchent plus, que la manière dont on gouverne le pays et dont on lui parle ne fonctionne plus. Il y a une nécessité de réforme absolument profonde. On est entré dans un cycle dont personne ne sait comment on va pouvoir en sortir. C’est un affrontement à la vie à la mort, quitte ou double entre la CGT et le gouvernement. À l’intérieur de la gauche, il y a une guerre civile avec l’incapacité de voir un chemin qui se dessine. L’opposition a elle aussi ses problèmes. Vous voyez bien que tout cela exige une refonte profonde dans les esprits.

Vous parlez de guerre civile, est-ce le retour du syndicalisme de classe ?

Lorsque monsieur Le Guen dit que ça ne fonctionne plus comme cela, en réalité on voit bien que ça fonctionne comme cela, on l’a sous nos yeux. L’immense distance entre les déclarations du gouvernement ou du parti socialiste et la réalité, les Français l’ont sous les yeux. C’est un peu comme le « ça va mieux » que François Hollande nous ressassait il y a quelques jours. Si vous voyez que ça va mieux aujourd’hui, c’est que vous êtes d’un très profond optimisme. Il y a un choc entre la réalité et la vision du gouvernement, tout le monde voit ce choc créer un gouffre, une séparation dont on ne sort pas.

Êtes-vous particulièrement inquiet de ce climat social ? Comment voyez-vous les choses évoluer ?

J’ai l’impression que l'on est parti pour une épreuve de force qui est sans issue, sans autre issue que la débâcle d’un côté ou que la débâcle de l’autre.

Qui va céder le premier ?

Je ne peux pas répondre à cette question, vous voyez bien à quel point les esprits sont surexcités, à quel point la parole politique apparait très loin de la réalité et de la vie des Français. Je pense qu’en cette fin d’année scolaire et politique, il y a de quoi se faire de très gros soucis sur la France. J’imagine l’image de la France à l’extérieur, que nous créons, qui est créée par cette incapacité absolue de gouverner un pays en recherchant la pédagogie, la conviction et les ententes. Jamais probablement on a eu à ce point sous les yeux le précipice, le résumé symbolique de ce qu’est l’échec absolu de notre système politique qui existe en France depuis plusieurs années.

Philippe Martinez dénonce ce matin un passage en force. Il dit que la mobilisation va continuer. Faut-il régler le problème avant l’Euro ? A-t-on le choix ?

On devrait ! Mais vous voyez aujourd’hui l’intensité de l’affrontement, ce matin, blocage des raffineries, pénurie dans un certain nombre de distributeurs d’essence, les centrales nucléaires, la SNCF, le transport aérien... On a le sentiment qu’il y a une montée du conflit. Cette montée du conflit, on a l’impression qu’elle ne peut pas déboucher instantanément. Je ne crois pas à une solution de court terme.

Peut-on accueillir l’Euro dans ces conditions ?

De toute façon on y vient. Tout cela se sont des coups partis depuis longtemps et on a l’impression d’un précipité de bien des risques qui sont en train de se multiplier en France en raison de la manière dont ce pays est mal gouverné depuis longtemps…

Très longtemps, c’est-à-dire avant 2012 ?

Oui bien sûr, on a déjà connu des blocages comme cela, depuis une décennie, peut-être plus. Nous avons aujourd’hui des règles politiques et démocratiques qui sont devenues totalement inadaptées à la réalité du pays. Les uns et les autres disent « la CGT et le gouvernement ne voient pas le monde comme il est », la raison est que nous n’avons pas les instruments pour traduire le monde comme il est. Vous voyez bien, la majorité du pays n’est pas représentée à l’Assemblée nationale. Comment voulez-vous que cela marche, il n’y a jamais de dialogue ou de discussion. On ne cherche pas d’accords, ni de consensus, ni à faire évoluer les textes. Nous sommes la seule « démocratie » en Europe occidentale qui soit entièrement fondée sur l’épreuve de force et le blocage. L’épreuve de force et le blocage, ça ne peut pas marcher durablement, ça n’a jamais été très efficace mais ça ne peut plus marcher. Tous ceux qui roulent des mécaniques et qui recherchent le bras de fer, au bout du compte, ils prouvent la totale inadaptation de nos règles démocratiques.

C’est aussi l’échec de la social-démocratie voulue par François Hollande? 

Moi je ne sais pas exactement ce que François Hollande veut. François Hollande avait devant lui un choix : est-ce qu’il restait dans le système de la gauche unie avec une idéologie dont il savait bien qu’elle n’était pas adaptée au réel ou bien est-ce qu’il changeait pour trouver un autre mode de gouvernement ? Il a choisi de ne pas choisir. Un certain nombre de ses décisions vont dans le sens de l’évolution. Mais comme il maintient les règles qui vont dans le sens de l’évolution tout cela est absolument bloqué, illogique et au bout du compte profondément nuisible à la vie du pays. 

Pour Bruno Le Maire ce matin, c’est l’autorité du gouvernement qui est battue en brèche. Est-ce que c’est véritablement la faute du gouvernement ? Est-ce que vous ne trouvez pas que Bernard Cazeneuve ou Manuel Valls sont à la manoeuvre?

Dans la déclaration que l'on a entendue, on retrouve le même schéma que perpétuellement. C’est-à-dire que chaque fois que quelqu’un s’exprime, il dit : "c’est la faute des autres". La faute du gouvernement existe, il n’a pas préparé le texte, les choix qu’il a faits n’ont pas été assumés. La faute de ses opposants existe, on voit bien la volonté de blocage et de faire chuter un pays, alors qu’on a un texte qui devrait être un texte d’adaptation de la réalité sociale. Ce que les uns et les autres font semblant de ne pas voir, c’est l’incroyable inadaptation du jeu dans lequel chacun joue son rôle. Au point où nous en sommes, tout le monde a sa responsabilité. La responsabilité la plus importante est la manière dont est organisé le pouvoir, le parlement, l’opposition dans notre «  démocratie française ». Elle n’est pas très démocratique et totalement inefficace.

Comment change-t-on cela ? Qu’est-ce que vous proposez pour changer les choses ?

Vous voyez bien qu’il faut entièrement changer les règles de notre fonctionnement. Le Président de la République devrait être plus rassembleur et plus visionnaire qu’il ne l’est. C’est sa fonction. La gouvernement devrait rechercher des majorités larges et pour cela il faudrait qu’on puisse entre courants différents travailler ensemble. Donc il faut changer les règles de la représentation. 

Sauf qu’ici les centristes de l’UDI sont prêts à voter une motion de censure de gauche…

Le centre est une vision différente, ce n’est pas d’un côté ou de l’autre. Je ne dis pas ni d’un côté ni de l’autre. Le centre est la garantie du pluralisme. En France il y a 5 ou 6 familles politiques. La centre devrait avoir la sienne et son indépendance. Or refuser l’indépendance du centre comme je lis un certain nombre de déclarations, cela veut dire qu’on se condamne à ne pas avoir un centre fort, puissant, proposant, rassembleur dont le pays a besoin. Mais tout ce que je dis viendra un jour…

Cela veut dire que le centre doit être incarné à la prochaine élection présidentielle !

Nous verrons cela ensemble.

Vous n’excluez pas une candidature en 2017.

Il y a l’effort que propose Alain Juppe et cet effort m’intéresse.

Est-il suffisant pour vous ?

Après je peux avoir des nuances - j’en ai - on discutera de cela le moment venu. La personnalité en tout cas est intéressante. Si ce n’est pas cette solution là, alors il faudra proposer autre chose. Je dis cela en essayant de m’abstraire du contexte électoral dans lequel nous sommes.

On a quand même l’impression que votre candidature fait son chemin dans votre tête…

Cela n’est pas la question principale aujourd’hui. On aura tout le temps de parler de cela, de l’équation électorale…

Sauf qu’une élection présidentielle, vous l’avez dit, cela se prépare aussi.

Encore heureux, c’est un sujet auquel j’ai réfléchi - vous me l’accorderez - depuis longtemps. Le principal est que si l’on continue comme cela, dans ce chemin et avec ces règles, on arrivera à rien. On est bras de fer contre bras de fer. Blocage contre blocage. Épreuve de force contre épreuve de force. Et cela est contre productif pour l’avenir du pays. Essayez de vous imaginer ce que voit l’Europe ou ce que voit le monde en regardant la France ! Un pays où on n'a sûrement pas envie de prendre des risques, de s’installer, d’investir, de créer des entreprises, de créer des emplois. C’est un pays de blocage perpétuel.

Vous dites qu’il faut changer ce blocage gauche-droite. Est-ce qu’il a raison Emmanuel Macron quand il prône le "ni gauche, ni droite" ? 

Je ne crois pas qu’avec une double négation, on fasse une affirmation. Je crois qu’il faut avoir une constance. Emmanuel Macron qui est au gouvernement dans un des ministères les plus exposés aujourd’hui. C’est principalement sur ce champ que je voudrais voir une affirmation et une pensée nouvelle. Pour l’instant je ne les vois pas très bien. 

Vous avez dit : "je suis allié à Alain Juppé, pas rallié". Quand vous voyez les sondages qui sont plutôt bons pour vous - notamment en mai 13,5 à 16 % contre 11 à 12 % en avril -, cela ne vous donne-t-il quand même pas envie d’y aller en candidat seul ?

Je vais vous dire quelque chose même si je sais bien que ce n’est pas la mode en France. Pour moi, l’élection présidentielle n’est pas une question de plaisir personnel. Je ne vous dis pas qu’il n’y a pas de plaisir personnel, je ne vous dis pas qu’on est complètement désincarné et qu’on ne vit pas ce moment de manière extrêmement forte, extrêmement électrique. La question de la situation que nous avons sous les yeux est beaucoup plus importante que cette envie. 

Merci François Bayrou d’avoir été notre invité.

Merci à vous. 

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