"Les intercommunalités garantissent la cohérence des territoires"

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Invitée de France Culture, Jacqueline Gourault a pris la défense des intercommunalités, qui permettent de "répondre à la diversité des territoires" et donnent aux communes les moyens d'être "plus fortes ensemble".

Du grain à moudre - Jacqueline Gourault, vous êtes vice-présidente de l’association des maires de France, sénatrice MoDem du Loir-et-Cher. Vous présidez d’ailleurs au Sénat la délégation aux collectivités territoriales à la décentralisation, c’est dire si vous connaissez le sujet. Et vous êtes maire de la Chaussée-Saint-Victor, près de Blois, 4.500 habitants à peu près donc ce n’est pas une "petite commune" à proprement parler. Est-ce qu’on peut imaginer fusionner les toutes petites communes ? C’est le géographe Jacques Lévy qui dit qu’il y a un "acharnement thérapeutique à vouloir maintenir sous perfusion un tèrs grand nombre de communes dont certaines n’ont plus d’habitants". Alors, fusionner, comme certaines de nos voisins l’ont fait, est-ce que ce serait une solution ? 

Jacqueline Gourault – Tout ce qui est autoritaire en France, on a prouvé que ça avait du mal à se réaliser mais il y a quand même eu la loi Marcellin, et il y a eu encore dans la loi de décembre 2010 qu’on appelle RCT – réforme des collectivités territoriales – un article qui encourageait à faire des communes nouvelles. Il y en a qui se font, d’ailleurs j’en ai visité à plusieurs endroits, notamment dans le Rhône…

Qu’est-ce qu’elles ont de nouveau, ces nouvelles communes ?

Elles fusionnent. C’est-à-dire que, par exemple, à Thizy-les-Bourgs, la nouvelle commune s’est faite à partir de la fusion de cinq autre communes. C’est Michel Mercier, maire de Thizy, qui vient de le faire et qui a fait aussi d’ailleurs le projet de métropole avec Gérard Collomb, le maire de Lyon.

Mais il y a peu d’exemples. Le nombre de communes nouvelles depuis la loi de 2010 n’est pas très important. Donc c’est un dispositif qui fonctionne mal, en fait.

Oui, mais c’était en décembre 2010, nous sommes en 2013, ce n’est pas non plus un temps très long. En fait, je crois qu’il faut donner la possibilité parce qu’on voit une évolution de la mentalité des maires. Vous avez dit tout à l’heure que les métropoles font peur au maire, ça a été pareil pour le début de l’intercommunalité. Les maires avaient peur de perdre leur pouvoir, et finalement l’intercommunalité est aujourd’hui passée dans les mœurs. Si vous me permettez une dernière chose, à Blois, nous avons créé l’intercommunalité en 1999, le maire de Blois s’appelait alors Jack Lang, et je voulais lui faire ce signe ce soir. 

Comme nous l’avons entendu tout à l’heure dans le journal, Jack Lang a perdu sa fille. Quelle sera la place des communes au sein de ces métropoles ? On entend par exemple le maire d’Arcueil dire que dans le Grand Paris les communes pèseront 1/200 dans le dispositif de gouvernance tel qu’il a été pensé. Quelle sera la place pour les maires dans ces métropoles XXL ?

La loi n’est pas terminée, les choses sont différentes selon les endroits mais, pour l’instant, le rôle des maires est maintenu dans toutes les métropoles avec des conseils des maires qui sont prévus. À partir du moment où, dans Paris, comme vous le voyez, on efface l’intercommunalité, il est évident qu’on ne va pas effacer les communes. On aurait pu imaginer que ce soient les intercommunalités qui demeurent, là on a fait le choix des communes. En tout cas c’était comme cela, à la sortie de l’Assemblée Nationale. Je crois qu’on a eu tort de trop souvent faire des lois de décentralisation concernant des collectivités locales où l’on mettait Paris à part. On disait que pour Paris on ferait une autre loi. Pendant longtemps, il a été très difficile de s’organiser à Paris. Regardez notamment l’intercommunalité, que maintenant les maires de la région parisienne défendent, mais ils ont eu beaucoup de mal à la faire. Je crois qu’il y a des moments où le législateur doit prendre ses responsabilités et dire qu’il faut, à notre époque, organiser les relations pour le transport, pour l’habitat, d’une manière différente. Il est impossible de laisser ces inégalités territoriales. Ce que vous disiez tout à l’heure est tout à fait juste, c’est un mythe, maintenant, l’unité nationale. Donc je suis de celles qui pensent aussi qu’il faut répondre à la diversité des territoires et organiser les territoires.

À Lyon il faut rappeler que la métropole récupèrera les prérogatives du département. Cette entente générale est une situation exceptionnelle, tous les élus semblent unanimement pour cette métropole.

Oui, c’est quelque chose qui se construit depuis plusieurs années. J’ai suivi de près toutes les étapes. Il est vrai que Gérard Collomb et Michel Mercier ont beaucoup réfléchi et que, effectivement, sur le territoire de la métropole, la métropole assurera les compétences du Conseil Général. Mais à côté il restera un département du Rhône qui sera encore de 450.000 habitants, c’est-à-dire un département moyen pour la France. C’est bien la preuve qu’on n’a pas choisi de supprimer un niveau de collectivité territoriale et qu’on laisse perdurer tous les niveaux. C’est une vraie question, moi je suis maire depuis 1989, l’intercommunalité a fondamentalement changé l’organisation territoriale de la France.

Quelle est votre intercommunalité ?

J’appartiens à la communauté d’agglomération de Blois qui s’appelle Agglopolys, mais qui a commencé par être une communauté de communes et qui a à la fois grandi en superficie et par les transferts de compétences des communes vers les intercommunalités. Mais tout cela dans un climat de projet de territoire et en-dehors des clivages politiques, ce qui est une expérience tout à fait intéressante et qui évidemment change les rapports qu’ont les communes avec le département. C’est un vrai sujet. Maintenant la communauté d’agglomération de Blois fait plus de 100.000 habitants, vous voyez bien que les communes ont un support avec cette communauté d’agglomération et donc moins besoin du support département.

Par exemple, en quoi la Chaussée-Saint-Victor aujourd’hui bénéficie de cette intercommunalité ? Quel est votre rôle de maire dans cette intercommunalité, est-ce que vous avez un mot à dire sur les décisions qui sont prises ?

J’ai été présidente de cette intercommunalité donc je sais comment ça se passe. Bien sûr que j’ai mon mot à dire, tous les maires ont leur mot à dire. On a tendance à dire que les maires sont dépossédés parce que ça passe à l’intercommunalité. Mais l’intercommunalité, ce sont les maires qui la font, et ce sont les conseils municipaux. Je crois qu’il faut bien prendre en main son destin dans l’intercommunalité. Moi j’avais la chance d’avoir la commune avec la sortie d’autoroute, le territoire urbain, le territoire économique, mais ça ne m’a pas empêché d’entrer dans l’intercommunalité parce que j’avais conscience qu’il fallait un projet de territoire plus grand pour essayer de s’en sortir entre, d’un côté, à l’est, Orléans à 50 kilomètres, et de l’autre, à l’ouest, Tours à 50 kilomètres. Donc il fallait un vrai moteur.

Hausse des dépenses de fonctionnement pour les intercommunalités et les communes. Dans le même temps, on sait que l’État réduit ses dotations, 1,5 milliard de moins en 2014, pareil en 2015. Comment est-ce qu’on fait dans ces cas-là, quand on est maire, pour conserver des marges de manœuvre politiques, continuer à assurer les compétences transférées quand par ailleurs l’État coupe les robinets ?

Bien sûr, avec le fait que l’État diminue les dotations, ça va être encore plus difficile, mais je crois que le secret c’est de vivre avec ses moyens. Malheureusement, il y a des élus qui ne le font pas, c’est-à-dire qui dépensent trop par rapport aux ressources de leur commune et de leur intercommunalité. Il y a eu, dans certains endroits, des dépenses excessives, à la fois du personnel et aussi des élus. On a vu des intercommunalités où tout le monde était vice-président. D’ailleurs la loi maintenant limite le nombre de vice-présidents parce qu’autrement, évidemment, les indemnités sont prises sur le budget de la commune ou de l’intercommunalité. Donc, c’est vrai qu’il y a eu des dépenses excessives, c’est vrai qu’il faut aller vers la mutualisation, mais il ne faut pas toujours montrer du doigt ce qui ne marche pas. Je voudrais aussi que l’on montre du doigt ce qui marche, là où il y a mutualisation. Je crois tout de même que l’intercommunalité est une bonne chose, parce qu’on ne peut pas dire à la fois qu’il y a trop de communes en France et que l’intercommunalité coûte trop cher. Il y a un moment où il faut choisir, et je pense que le bloc communal est une très bonne idée et c’est, d’une manière ou d’une autre, une étape de réorganisation sur le territoire national. Je crois que les communes et l’intercommunalité ont encore de la chance par rapport aux autres niveaux de collectivité territoriale parce qu’ils ont encore ce qu’on appelle des impôts locaux, ce que n’ont plus les autres. C’est-à-dire que nous avons encore ce que nous appelions à l’époque "les quatre vieilles", maintenant nous n’en avons plus que trois, mais nous les avons encore. Nous avons une fiscalité directe. Je crois qu’il faut être raisonnable, ne pas trop fiscaliser, mais au moins nous avons une marge de manœuvre dans le bloc communal.

Ce serait quoi, la cohérence du bloc municipal. Est-ce que ce serait par exemple la commune chargée du quotidien et les intercommunalités du projet ?

En tout cas moi c’est ce que je vis sur mon territoire. Laissons le principe de subsidiarité s’appliquer, c’est-à-dire qu’on fait les choses au niveau où c’est le plus pertinent. On fait les choses de proximité dans les communes, et les grands projets sur le périmètre intercommunal.

Mais qu’est-ce que ça veut dire les petits sujets et les grands sujets ? Pourquoi les petites communes se retrouveraient avec les petits projets ?

Je n’ai pas du tout dit ça.

Pardon, j’ai compris ça.

J’ai dit simplement : la politique de proximité pour les communes et les grands projets sur le territoire intercommunal. Par exemple nous venons, à Blois, de construire un centre nautique. Évidemment, ça ne peut se concevoir que sur un périmètre de ce qu’on appelle un bassin de vie. Chacun ne va pas faire sa petite piscine. Cela, ce sont des vraies cohérences de territoire et des vraies mutualisations de moyens. Par contre, s’il faut gérer l’état civil, s’il faut gérer le centre aéré pour les enfants l’été, c’est souvent beaucoup mieux fait par les communes, plutôt que d’inventer des machines centralisées qui ne sont plus au contact des gens. Je crois que c’est ça la vérité. Il n’y a pas de petites et de grandes communes dans l’intercommunalité, il y a l’intérêt général des habitants d’un bassin de vie. Vous savez, il y a deux problèmes, il faut vraiment se rendre compte de ça en France, il y a le problème de l’habitat, mais aussi le problème des transports. Les déplacements, c’est quelque chose d’absolument fondamental, et pas seulement en ville. Il faut bien comprendre que le problème du déplacement est quelque chose qui est très important pour les zones rurales.

Justement, pour la question du transport, comme pour beaucoup d’autres questions qui sont l’électricité, le foncier, est-ce que l’intercommunalité ou la métropole est un moyen d’être plus fort ensemble ? C’est-à-dire est-ce que c’est un moyen de se préserver, ne serait-ce que face aux promoteurs immobiliers, aux grands opérateurs privés qui peuvent vite avoir le monopole sur ces transports ou ces réseaux ? Est-ce que c’est ça aussi, être plus fort ensemble face au privé et face au marché ?

Bien sûr. C’est une manière d’être plus fort, de se défendre. Il faut comprendre aussi que l’intercommunalité, ce n’est pas faire partout la même chose, c’est avoir la capacité d’apporter une réponse qui soit rationnelle à une donnée particulière. Par exemple, je vais être très concrète, vous ne faites pas passer de bus toutes les vingt minutes dans les zones rurales. Mais les gens de la campagne ont quand même besoin de venir de temps en temps en ville, il faut donc adapter le transport en commun à la réalité du territoire.

En ce qui concerne les métropoles, êtes-vous aussi enthousiaste ? On entend beaucoup les maires dire que le problème est différent et qu’il prend une ampleur qu’ils ne pensaient pas avoir à traiter aussi vite.

D’abord, rappelons que la métropole a déjà été créée dans la loi de 2010. Bien sûr, elle n’était pas suffisamment développée, il fallait y revenir et c’est normal que le gouvernement actuel revienne sur ce sujet. Mais l’idée de la métropole était déjà dans la loi de 2010. On sait bien que le fait urbain est une réalité, mais le fait urbain, ça s’organise. Il faut savoir comment les services à la population, les transports, le logement, tout cela s’organise. C’est vrai que ça se fait de façons tout à fait différentes. Nous voyons bien qu’à Blois il y a une volonté de créer cette intercommunalité. Non, pas cette intercommunalité d’ailleurs, je fais une erreur parce que justement c’est le seul endroit où ce ne sera pas une intercommunalité. La métropole lyonnaise aura vocation ou rang de collectivité territoriale. Alors qu’à Paris ou à Marseille c’est une sorte de "super" intercommunalité.

Il y a un décalage aujourd’hui entre le territoire de la décision politique et le territoire de la représentation, le découpage électoral. Parce qu’aujourd’hui les décisions se prennent de plus en plus au niveau intercommunal et le citoyen n’a pas de moyens d’y participer.

Il va quand même y avoir une petite réforme en 2014. Je dis "petite réforme" parce que je sais bien que c’est une étape, je ne suis pas dupe. Pour la première fois, lorsque nous allons voter aux élections municipales en 2014, nous allons voter aussi – entre guillemets – pour les représentations aux intercommunalités.

Ça c’est nouveau ?

Oui c’est nouveau, ça s’appliquera pour la première fois. C’est plus une information qu’un choix. Le citoyen qui ira voter saura qu’en choisissant telle liste c’est telle personne qui ira siéger à l’intercommunalité.

Est-ce que ça veut dire que les candidats à la mairie présenteront des projets pour l’intercommunalité dans leurs propositions ?

En tout cas, moi je suis sûre que la campagne municipale ne pourra plus se faire dans le territoire stricto sensu de la commune. Parce qu’à partir du moment où sur le même bulletin il y aura aussi les noms de ceux qui vont à l’intercommunalité, ceux qui ne prendront pas à bras-le-corps les problèmes intercommunaux et la politique du territoire se tromperont d’élection.

Plutôt que de chercher quel est le bon territoire pour l’action publique aujourd’hui, il vaut mieux travailler sur les liens entre les territoires eux-mêmes ? C’est un des objectifs des conférences territoriales d’action publique ?

Moi je suis assez favorable à tout ce qui favorise le dialogue et l’organisation d’un territoire. Je pense que c’est très important et, comme je l’ai dit déjà tout à l’heure, on ne peut pas calquer ce qu’il se passe dans le Midi-Pyrénées à ce qu’il se passe dans la région Centre ou au cœur de l’Alsace.  Je crois qu’il faut véritablement qu’il y ait dialogue entre les responsables comme ça se fait déjà en Bretagne. Il y a un excellent article de vos confrères du Monde qui montre la force des élus bretons au gouvernement. Je crois qu’ils ont depuis longtemps mutualisé beaucoup de choses et ils ont quand même, quand on regarde les résultats et qu’on se promène chez eux, réussi beaucoup de choses, et ils ont toujours eu, quelle que soit leur appartenance politique, cette idée de se battre pour leur territoire, et je crois que c’est ça l’essentiel.

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