"L’État s’est fait complice ou peut-être organisateur de cette affaire"

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Intervenant dans la matinale de France Inter, François Bayrou a exprimé son désarroi face à la guerre de tranchées parlementaire, puis est revenu sur l'annulation de l'arbitrage Tapie.

Léa Salamé (France Inter) - Bonjour François Bayrou. 

François Bayrou - Bonjour.

 Si vous étiez Manuel Valls, seriez-vous comme lui, hier, passé en force ? 

Je crois qu’il y avait une majorité possible. Mais, évidemment, vous voyez à quel point le blocage, qui vient d’être dénoncé à l’instant, des institutions – en tout cas du mode de fonctionnement de la démocratie en France – empêche que les choses soient traitées comme elles doivent l’être, c’est-à-dire avec raison en essayant de trouver le meilleur chemin pour que change ce qui doit changer. On est vraiment devant une situation de double impasse. Premièrement : le gouvernement n’a pas la majorité de la politique qu’il propose et c’est, en effet, une affaire de campagne électorale ; et deuxièmement, nous n’avons pas les règles démocratiques qui nous permettent de faire adopter des textes lorsqu’il y a un large accord autour de ceux-ci. On est vraiment dans l’organisation d’une guerre de tranchées, entre une prétendue gauche et une prétendue droite, alors que tout cela est coupé en deux, en trois, en quatre, tout le monde le sait que c’est une des raisons de la désaffection profonde que les citoyens éprouvent. 

On vous entend et cela donne un écho à l’édito de Thomas Legrand ce matin, qui parlait de l’état puéril de notre démocratie. Est-ce que justement ce n’est pas le moment de casser cela ?  De travailler avec les socio-démocrates, avec Manuel Valls, Emmanuel Macron, avec l’aile social-démocrate du Parti socialiste ? Ce n’est pas le moment, pour vous François Bayrou, de renverser la table ? 

Madame, excusez-moi, mais s’il y a quelqu’un en France qui a plaidé, proposé que les gens de bonne foi puissent s’entendre quels que soient leur origine ou leur cheminement, c’est évidemment moi. Mais une majorité nouvelle est absolument impossible sans deux décisions essentielles. Premièrement un changement de la règle électorale qui permettra que tous les Français soient représentés. Est-ce que vous vous rendez compte qu’il y a, aujourd’hui, 50 % des Français - si vous ajoutez l’extrême-droite, l’extrême-gauche et le centre - qui sont exclus de la représentation ? Nous sommes le seul pays où cette règle existe. Deuxièmement sans un retour devant les Français, parce que vous ne pouvez pas utiliser des pansements provisoires pour une situation qui demande une refonte profonde. 

Cela veut dire un retour devant les Français ? Vous demandez une dissolution ? 

Le Président de la République aurait dû prendre la responsabilité qui devait être la sienne, de tenir la promesse électorale qu’il avait faite d’un changement de la règle électorale pour que les Français soient enfin représentés et que les accords soient enfin possibles lorsque, sur le fond, on va dans le même sens. 

Donc ce matin, vous nous demandez la proportionnelle et une dissolution qui suivrait ? 

Je ne demande pas la proportionnelle, ce n’est pas moi qui la demande. Je dis que, comme citoyen, je considère qu’il est insupportable que 50 % des Français soient exclus de toute représentation. 

Cela nous amène dans une situation dans laquelle, pour un texte qui n’est pas fondamental, on est obligé de dégainer l’arme fatale du 49-3 que l’on ne peut dégainer qu’une seule fois par session ! Ceci est une manière de faire plier la majorité lorsqu’elle est en désaccord avec le gouvernement. Personne ne peut s’accorder sur ce point.

Si vous étiez encore député aujourd’hui, est-ce que vous voteriez demain la motion de censure ?

Non, je ne voterais pas la mention de censure parce que je pense que s’il y a un sujet sur lequel le gouvernement est allé dans le sens d’un accord national – pas de manière frappante, pas en faisant une révolution ou une refondation mais en essayant de corriger à la marge le fait que l’on puisse ne pas faire de ligne d’autocars pour que les gens puissent se déplacer par exemple, bref sur des points qui ne sont pas négligeables mais qui ne sont pas fondamentaux – c’est celui-là. Le gouvernement a essayé d’aller dans le sens de ce que tout le monde voit bien être la nécessité du pays. Sa majorité lui refuse. Pour dire la vérité, je ne comprends pas l’opposition qui s’oppose à un texte qui va plutôt dans le sens de ce qu’elle demande habituellement. Vous voyez à quel point tout cela est caricatural d’une situation dans laquelle on ne peut pas retrouver les aspirations civiques qui devraient être les nôtres.

Invalidation hier de l’arbitrage favorable à Bernard Tapie par la cour d’appel de Paris. Vous avez toujours inlassablement dénoncé cet arbitrage en parlant de scandale d’État. Même si ce n’est pas fini, car il y aura un nouveau procès sur le fond… Est-ce que vous avez eu l’impression hier que votre combat n’était pas un combat pour rien ?

En effet, ce sont des années de combat et la décision que la cour d’appel a prise hier est une décision sans précédent puisqu’elle annule complètement – il n’en reste rien – l’arbitrage terriblement choquant et voulu par l’État à l’époque, qui donnait plus de 400 millions d’euros à Monsieur Tapie. Désormais, on sait que ce n’était pas fondé sur le fond et que ce n’était pas légal sur la forme. Oui, pour la première fois, il y a une suppression de cet arbitrage sans que l’on puisse y revenir car je voudrais vous rappeler qu’il y a un grand principe du droit qui dit que « lorsque la fraude est prouvée dans un jugement, le jugement est évidemment détruit ».

Bernard Tapie doit-il rembourser ?

Je ne sais pas où est cet argent et vous ne le savez pas non plus. Il a pris sans doute des chemins mystérieux… Une partie a été bloquée par la justice. Mais vous voyez bien que ce qui est terrible, ce qui est une affaire d’État en effet, c’est que Monsieur Tapie demandait de l’argent – j’allais presque dire que c’était son métier ! – mais l’État qui d’habitude se trouve en face et essaie de mettre un obstacle à ces dérives-là, l’État s’est fait complice ou peut-être organisateur de cette affaire. C’est cela qui est profondément choquant et contre quoi je me suis battu en effet depuis des années, avec quelques autres - peu nombreux - mais qui aujourd’hui voient bien qu’ils avaient raison.

Merci beaucoup François Bayrou d’avoir été avec nous ce matin.

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