Tribune de Marielle de Sarnez sur les migrations en Europe
Alors que la Méditerranée est devenue le passage le plus meurtrier au monde pour les migrants, Marielle de Sarnez, députée européenne et vice-présidente du MoDem, propose plusieurs pistes pour que l'Union européenne et ses États membres agissent ensemble et se dotent enfin d’une politique migratoire et d'asile cohérente sur le long terme.
En quelques années, la Méditerranée est devenue le passage le plus meurtrier au monde pour les migrants. L’an dernier 3000 y ont trouvé la mort, près de 22 000 depuis 2000, et ce début d’année apparaît comme plus dangereux encore, puisque 2000 y ont déjà péri. Ils sont Syriens, Libyens, Erythréens, Soudanais, Somaliens, Nigériens.., femmes, hommes, enfants, à fuir, au péril de leur vie, leurs pays en proie à la guerre, à la guerre civile, au chaos politique, à la dictature, à la pauvreté la plus extrême. Et rien ne laisse espérer que l’année 2015 soit, pour eux, une année de retour à la stabilité et à la paix. Bien au contraire, Frontex estime que 500 000 à 1 million de migrants ou de demandeurs d’asile tenteront de traverser la Méditerranée cette année.
Face à ces drames, face à leur montée inexorable, l’Union européenne, et les États membres doivent se décider à agir ensemble, à se doter d’une stratégie cohérente sur le long terme. À mettre enfin en œuvre une politique migratoire et d’asile !
Je propose ici que nous agissions autour de quelques principes et idées fortes.
Premier principe : ce qui se passe aujourd’hui, en Italie, en Grèce ou à Malte, c’est l’affaire de tous et non pas seulement de ces seuls pays. L’immense majorité des migrants et des réfugiés arrivent dans ces trois pays, simplement parce que la géographie les a placés aux portes de notre Europe.
Deuxième idée : les États membres, et l’UE, doivent assumer une responsabilité partagée quant à la surveillance de leurs frontières extérieures, maritimes, et terrestres. L’Europe doit enfin se doter d’un corps de garde-côtes européens, en charge de la surveillance de ses frontières, avec des moyens de surveillance appropriés et conséquents, avions de reconnaissance, bateaux, hélicoptères.
Troisième idée : l’Europe et la communauté internationale doivent s’engager résolument dans la traque des passeurs, ces trafiquants d’êtres humains, coupables de crimes contre l’humanité, démanteler les réseaux, et traduire les coupables en justice. À cet égard, le mandat sollicité par l’UE auprès de l’ONU afin que la flotte des États membres volontaires puisse croiser au large des côtes libyennes pour arraisonner les bateaux des passeurs et de démanteler leurs réseaux au plus près du terrain va dans le bon sens.
Quatrième idée : les procédures administratives et judiciaires du droit d’asile doivent être harmonisées pour que toute demande d’asile dans l’Union soit traitée dans les mêmes règles, et dans les mêmes délais. Le délai indicatif de 6 mois prévoit trop d’exceptions. Et le principe intangible du premier pays d’accueil pour traiter le dossier des demandeurs d’asile conduit à surcharger les pays frontaliers. La réflexion doit s’ouvrir sur ce point.
Cinquième idée : les pays-clés de transit doivent être mieux associés à la lutte contre les passeurs et les trafiquants et bénéficier d’un soutien de l’UE pour la sécurité de leurs frontières, et l’accueil des migrants dans leurs pays.
Sixième idée : La directive retour date de 2008 et devrait être révisée. Les décisions de reconduite à la frontière sont rarement exécutées et ce flou juridique permettant à des migrants de rester sur le territoire de l’UE, alors qu’ils ne bénéficient ni du statut de réfugié, ni n’ont reçu de permis de séjour ou de travail, est une source d’incompréhension pour nos concitoyens et d’injustice pour les migrants qui respectent la législation.
Septième idée : pour l’immigration économique, il y a nécessité d’avoir des quotas d’immigration légale du travail, pays par pays sur la base d’accords migratoires conclus par les États membres, sous la coordination de la Commission européenne.
Bien sûr, les causes des migrations sont multiples, pauvreté, guerres, conflits ethniques, persécutions, discriminations, bouleversement climatique, dictatures, catastrophes humanitaires. Telles sont les raisons qui poussent, de plus en plus nombreux, des hommes, des femmes, des enfants, à quitter leur terre, leur pays, pour survivre.
C’est évidemment sur ces causes qu’il faut agir. Mais c'est un travail de long terme, de très long terme. L’éradication de la pauvreté dans le monde, la fin des régimes dictatoriaux, la stabilisation des pays en proie à des conflits, la paix là où il y a la guerre, tous ces objectifs doivent être sur la feuille de route de la communauté internationale, et de l’Europe.
Nous devons intensifier les efforts afin de rétablir la paix et la stabilité des pays d’origine et de transit des migrants. Et soutenir avec force toutes les initiatives qui seront prises sous l’égide des Nations-Unies pour rebâtir un État en Libye, ou en Irak.
Enfin, l’Europe, et la communauté internationale doivent repenser leur politique de développement en particulier pour l’Afrique. L’urgence exige plus que jamais de créer un environnement mondial favorable au développement des pays les plus pauvres.