Mali : "Nous avons besoin d'une Europe de la Défense, volontaire et organisée"

Pour François Bayrou, l'urgence au Mali "est que nous soyons appuyés par nos alliés". "Où est l'Europe? Où est l'OTAN?", a-t-il interrogé en les appelant à se mobilier au plus vite, mercredi 16 janvier sur BFM TV.

JJ. Bourdin - François Hollande a déclaré hier : "Nous n'avons pas vocation à rester au Mali". Nous engageons nos troupes au sol à partir d'aujourd'hui. Est-ce qu'il n'y a pas un risque d'enlisement ?

François Bayrou - Il ne pouvait pas prendre une autre décision que celle qu'il a prise. J'aurais fait la même chose. Je crois qu'il l'a fait avec suffisamment de détermination et de rapidité dans l'urgence, pour que ça fasse un coup d'arrêt à ce qui était en train de se produire. Les troupes djihadistes, dont beaucoup viennent de l'ancienne armée de Kadhafi en Libye - beaucoup d'hommes et d'armes - avaient pris le Nord du Mali, ont fait des exactions énormes là-bas : démolition de mausolées historiques, lapidations, amputations, interdiction de fumer sous peine d'être flageller. Des choses qui, dans notre idée de la civilisation, sont insupportables.

Ces troupes ont décidé de conduire un assaut contre le Sud, c'est-à-dire de gagner la capitale, Bamako. Il y avait le risque de voir installer un État terroriste, un refuge pour les terroristes, au cœur de l'Afrique de l'Ouest et à proximité de chez nous. Il y a là-bas 6.000 Français et autant d'Européens. Nous qui avons déjà huit otages, nous en avions alors 6.000 autres en puissance. C'était donc la décision qu'il fallait prendre. D'ailleurs, toute la communauté internationale et l'immense majorité des sensibilités politiques françaises le disent aussi. De ce point de vue là, il y a une union nationale et elle est légitime.

Il y a des risques. Il est plus facile d'entrer en guerre que d'en sortir, je l'avais dit à la tribune de l'Assemblée nationale pour demander à Nicolas Sarkozy de penser à la suite de l'intervention en Libye. Les troupes au sol que nous engageons, ce sont des blindés. Nous voyons bien que c'est pour créer un rapport de force aviation et blindés face à des troupes qui n'ont pas les mêmes moyens.

Mais nous sommes partis au Mali au secours d'un pouvoir qui n'existe pas, d'une armée qui se débande, et nous sommes partis seuls. Où est l'esprit européen ? Où est l'Union européenne ?

Nous ne sommes pas partis au secours d'un régime ou d'une armée qui a des faiblesses. Nous sommes partis au secours de nous-même. Le risque qui était en train de grandir au Mali, notamment au sud du Mali, c'était un risque pour nous et nos compatriotes qui sont là-bas, dont vous avez vu le soulagement. Vous savez les liens qui existent entre la France et le Mali. La situation comme elle se présentait, c'était une situation extrême de risque pour nous. Où est l'Europe ? Comme d'habitude, insuffisante, absente, lointaine. Hier, le Parlement européen a justement délibéré en disant que la France avait raison et qu'il fallait la soutenir, mais ce ne sont que des paroles. Vous ne savez pas à quel point, en Européen convaincu, je me bats depuis des années pour que l'Europe existe. Il y a très souvent des sentiments en France qui disent "Mais non, nous n'avons pas besoin et nous ne voulons pas de l'Europe". Mais voyez bien que, si elle existait, nous aurions là un appui et un soutien. Si l'Europe de la Défense existait, nous n'aurions pas besoin d'avoir toutes les interrogations qui sont les nôtres sur les transports : nous ne savons pas assurer les transports de nos troupes, nous avons des armements qui nous manquent comme les drones, ces avions sans pilote. Tout cela ne pourra être acquis que le jour où nous aurons fait le pas décisif d'avoir une Europe de la volonté, notamment en matière de Défense et de protection du territoire européen.

Il y a des voix discordantes qui s'élèvent en France, celle de Dominique de Villepin et celle de Noël Mamère qui dit que nous n'avons fait en Afrique qu'aider des gouvernements corrompus des dictateurs, des spoliateurs depuis 50 ans.

Tout cela est vrai, mais en l'occurrence, à cet instant précis il ne s'agit pas de dictateurs ou de spoliateurs, mais des intérêts vitaux de notre pays. C'est la France qui est en jeu, ce sont des compatriotes à nous qui sont en jeu. Nous n'avons pas le droit de fermer les yeux sur des risques de cet ordre. Que cela a été fait dans l'urgence, c'est vrai. Je note toutefois une préparation diplomatique, puisque vous avez vu à quel point les pays d'Afrique de l'Ouest nous ont soutenu. Mais tant que nous n'aurons pas une Europe volontaire, déterminée, construite, organisée pour faire face à des conflits de cet ordre, en effet nous serons insuffisants.

Jusqu'où faut-il aller ? Nettoyer tout le nord du Mali ?

Je ne donnerai pas d'orientations. Je ne suis pas en situation de décider. Mais vous voyez bien que nous ne pouvons pas laisser des menaces de cet ordre grandir et se renforcer. L'urgence est que nous soyons demain appuyés par d'autres. D'abord par les pays de l'Afrique de l'Ouest, qui n'ont envoyé pour le moment que de petits contingents. Ensuite par nos alliés. Nous sommes entrés dans le Commandement intégré de l'Otan. Où est l'Otan dans cette affaire ? Avec l'Europe, c'est le deuxième absent. Pour l'instant, je ne vois pas d'investissement à la hauteur de ce qu'on nous avait promis.

POUR ALLER PLUS LOIN  :

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