"Nous allons enfin tourner une page sur la politique des affrontements systématiques qui ruinent notre pays"

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La rencontre entre Emmanuel Macron et Christian Estrosi (LR) est un "signe républicain" alors que "des responsables politiques nombreux" envisagent de "devoir travailler ensemble", a jugé dimanche le président du MoDem François Bayrou.

Podcast de l'émission "Le grand jury RTL / Le Figaro / LCI".

Bonjour François Bayrou.

Bonjour.

Vous avez fait alliance avec E. Macron et nous allons parler de cela avec vous, en compagnie d’A. Brézet du Figaro et de C. Jakubyszyn de LCI. Hier, E. Macron était à Marseille. Il dit qu’il est nouveau dans la vie politique, qu’il ne veut pas faire de politique à l’ancienne. Et bien, il nous a fait la totale en sens inverse : il a assisté à un match de football de l’OM, il a tenu une petite fille dans ses bras au moment de chanter la Marseillaise et il a rencontré C. Estrosi, en nous vendant cela comme étant une « politesse républicaine »… Personne n’y croit, bien entendu. Alors ça y est, il copie les anciens ?

En quoi est-ce ancien ? Quand vous vous présentez à une élection, normalement, c’est pour rencontrer les électeurs et les toucher, avoir avec eux un échange. Prendre part à l’émotion collective – vous savez bien qu’à Marseille, l’OM compte ! – et pour lui, cela compte beaucoup car il est fan de l’OM...

Et la petite fille dans les bras ?

Et la petite fille dans les bras, c’est très joli.

Même au moment de la Marseillaise ?

C’est exactement pour ces enfants qui viennent que nous devons penser le pays, la nation, l’Europe, le monde.

Et C. Estrosi, n’est-ce pas du racolage ?

Non, C. Estrosi, c’est un signe. Vous voyez bien que, sans vouloir sur-interpréter, il y a des responsables politiques nombreux qui regardent l’avenir en pensant qu’on va devoir travailler ensemble. En ce sens, ils font des signes qu’on appelle « républicains ». Que signifient « les signes républicains » ? Cela veut dire qu’on partage l’essentiel. Nous avons en commun, quelque soit la diversité des opinions, un bloc de convictions partagées.

C. Estrosi, ce n’est pas vraiment votre tasse de thé jusqu’ici.

Je n’ai jamais dit que c’était une tasse de thé. Je l’ai soutenu au moment des élections régionales au deuxième tour contre le Front national, de même que j’ai soutenu Xavier Bertrand contre le Front national, et je l’ai soutenu de façon déterminée. D’ailleurs, cela a donné lieu à ce que des élus MoDem ont été élus sur sa liste. Je trouve absolument nécessaire, vital et urgent, que l’on sorte des stupidités des guerres de tranchées, et qu’on retrouve au fond l’inspiration qui était celle du créateur de la Vème République, le général de Gaulle. Je vous rappelle cet entretien avec Michel Droit en 1965, que vous avez à coup sûr en mémoire, dans lequel il explique que : « ce n’est pas à gauche la France, ce n’est pas à droite la France » et il ajoute même que « ceux qui veulent représenter un pays par une faction se rendent coupables d’actes antinationaux ».

Justement, quand E. Macron parle des partisans de F. Fillon comme d’un « clan qui porte le masque de la haine », n’est-ce pas un peu exagéré et n’est-ce pas faire de la politique à l’ancienne ?

En aucune manière. Les partisans de François Fillon ont indiqué qu’ils allaient « démolir » E. Macron sur les réseaux sociaux, en propageant toutes les plus grandes infamies sur son compte, sur des questions soi-disant d’argent, de patrimoine, sur sa prétendue ignorance de tout, sur le fait qu’il était incompétent... Vous, vous le savez bien : vous avez lu ces marées de tweets, qui sont un déversement d’acrimonies, de méchancetés, de volontés de détruire... Pour reprendre le titre d’un article consacré à ce sujet hier, c’est une volonté de mépris !

Parler de « haine », cela vous paraît-il normal ? Quand il dit qu’on ne veut pas de la gauche de 1981 et de la droite de 1934, la ligue, les factieux, cela vous paraît-il une comparaison juste ?

Les mots mesurent tous d’être mesurés. Je trouve que cette campagne, de la part des partisans de F. Fillon, a été hystérisée. Il y a eu une volonté de s’adresser à son noyau dur en l’excitant jusqu’à la passion. Il suffit de voir comme on siffle. Moi, j’ai l’habitude d’être sifflé et d’être « fait siffler », si je peux me permettre une faute de français. Ils l’ont fait contre Alain Juppé. « Mou », « vieux », « de gauche », cela a été constamment martelé. Ils l’ont fait ce week-end contre C. Estrosi, pourtant ce n’est pas vraiment la gauche française… On en est venu à cela, simplement parce qu’il avait manifesté quelques doutes sur la candidature de F. Fillon. Il est pris comme cible par les gens de son camp. Ceci, excusez-moi de le dire, c’est l’anti-gaullisme absolu. Pour un parti et un candidat qui se prétendent héritiers du général de Gaulle, vouloir n’être que le porte-parole de la droite, cela est exactement le contraire de ce que le gaullisme a voulu inspirer à la France. C’est antinational. Moi, je défendrai sans cesse l’idée qu’un pays doit être rassemblé. E. Macron a eu bien raison de se défendre. Il fallait qu’il le fasse parce que cet assaut de critiques exacerbées et méchantes méritait qu’on y mette un stop. Quant à moi, je suis d’avis que ceci dessert le pays au lieu de le servir.

« E. Macron - F. Hollande », cela vous choque-t-il ? 

Cela fait partie des gimmicks de la campagne qui n’ont aucune importance.

Y a-t-il une différence entre E. Macron et F. Hollande ?

Il y a une différence substantielle, qui est qu’E. Macron a choisi de quitter F. Hollande. Il a choisi de quitter le gouvernement auquel il appartenait. Et il est parti deux fois : il était conseiller du Président, il est parti car il trouvait que cela n’avançait pas assez vite, puis il était ministre de l’Economie, et il est parti car il trouvait que le pays était bloqué, et notamment bloqué par son système politique, les « frondeurs », comme on disait. 

Vous-même, vous lui aviez reproché dans un tweet d’être le principal responsable de la politique économique de F. Hollande, et vous disiez « Pour quels résultats ? ». Nous avions l’impression que ce n’était pas de bons résultats.

Je n’ai jamais changé d’opinion sur ce sujet. Le CICE, lorsqu’il a été crée, ma première intervention dans les trente minutes a été de considérer que ce serait une usine à gaz. 

Il en est l’architecte.

Or, E. Macron a dit qu’il allait sortir de ce CICE sous la forme « subventions » habituelle, pour passer à une baisse des charges, ce que je suggérais il y a quatre ans.

Concernant l’arrivée massive de ministres, de députés socialistes autour d’E. Macron, vous n’avez pas peur d’être envahi, submergé ?

Je n’ai peur de rien. Je vais essayer de vous le montrer. Actuellement, dans cette campagne présidentielle, il y a deux types de candidats : ceux qu’on quitte et ceux qu’on rejoint. Il y a beaucoup de défections du côté de F. Fillon et de B. Hamon. Il y a au contraire des soutiens de droite et de gauche pour E. Macron.

Est-ce l’odeur de la victoire ?

Non, pas seulement. Cela joue : je ne vais pas faire comme si je découvrais le monde avec des yeux émerveillés. Oui, cela joue. Mais il y a une chose que vous ne voyez pas et que je vous rappellais bien avant de soutenir E. Macron et que je décrivais dans mon livre Résolution française : le pays en a marre du pessimisme, de toutes ces attitudes constamment de critiques, d’oppositions, d’affrontements, de dépréciation de son avenir. Le pays a envie d’y croire.

Cela ne suffit pas. Quelle politique allons-nous mener ? Nous demandons aux Français de faire un choix, lors de l’élection.

Vous n’avez pas entendu – vous êtes trop jeune – ce que le général de Gaulle disait à ce sujet. Je vous le répète. « Représenter la France par un parti ou par une faction est un mouvement antinational ». Il faut comprendre que nous sommes un pays, que ce pays a devant lui des atouts très importants, mais constamment ruinés par des affrontements que vous ne cessez de relayer. Moi, je suis pour qu’on comprenne enfin qu’on va tourner une page. Nous avions essayé de la tourner en 2007, nous avions failli y arriver. Nous allons enfin tourner une page sur la politique des affrontements systématiques qui ruinent notre pays.

Quel rôle allez-vous jouer auprès d’E. Macron ? Un visiteur du soir, un ministre, un conseiller, pour le ramener à la réalité d’une ligne de force tracée par l’histoire du pays, pour lui éviter de faire des bêtises ?

Nous étions au général de Gaulle. Nous revenons maintenant à la cour de récréation de la politique... Je vais vous répondre. La question est d’abord, qu’est-ce que je fais auprès de lui et ensuite, qu’est-ce que je ferai. Cela se résume en un seul verbe : aider. 

Aider ?

J’ai choisi d’aider, d’apporter ce que j’ai de connaissance de l’élection présidentielle, d’expérience de la vie politique française, de responsabilités locales, de maire d’une ville, quelqu’un qui a exercé des responsabilités…

M. Bayrou, ce n’est pas une ONG, la présidence de la République ! Qu’est-ce que vous ferez pour aider E. Macron lorsqu’il sera Président de la République, pour faire en sorte que le pays reste uni ? 

Je peux parler maintenant ?

Mais bien entendu ! Nous sommes anxieux de connaître la réponse…

Merci. C’est très simple. Je n’ai jamais eu cette conversation avec E. Macron. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a rien de plus vain, stupide et stérile, que les gens qui, sautant l’élection présidentielle, se projettent dans des responsabilités qu’ils pourraient avoir.

Surtout qu’il a dit qu’il ne ferait pas de recyclage.

Je ne suis pas recyclable. Donc, je n’ai jamais eu cette conversation.

Les Palois vous verront-ils encore ?

Mais je ne quitterai jamais cette ville et cette région. C’est chez moi. La plupart des responsables politiques sont des parachutés. Moi, non. 

Vous serez toujours maire de Pau, même si E. Macron est élu Président de la République ?

Je serai élu municipal à Pau sans aucun doute. 

Est-il envisageable que vous l’aidiez en tant que Premier ministre ou ministre ?

Lorsqu’il sera élu, le nouveau Président de la République regardera le paysage politique français, les impératifs de la nation, et décidera.

Est-ce que vous envisagez, de votre côté, d’être Premier ministre ou ministre ?

J’exercerai toujours – j’ai sans cesse dit cela à mes concitoyens de Pau et à mes amis politiques – les responsabilités auxquelles je pourrais être appelé si c’est l’intérêt que je ressens du pays. Je n’ai jamais dit non à des responsabilités. Mais il se trouve que je n’ai jamais discuté de cela et je n’ai pas l’intention de le faire.

Vous partez avec un handicap… E. Macron a dit qu’il voulait une femme, en tant que Premier ministre, si possible, si elle en avait tous les talents. Vous n’êtes pas non plus une nouvelle tête !

Une des forces d’Emmanuel Macron est sa jeunesse, le fait qu’il est dans le paysage politique français, sur ces derniers mois, quelqu’un qui apporte un visage nouveau, une audace, une fraîcheur.

Immaturité, disent ces adversaires.

Moi, je ne dis pas cela. Il va être élu à peu près à l’âge où JF. Kennedy a été élu.

« Il va être élu »… On ne sait pas.

Oui, je comprends bien que vous ne le souhaitiez pas. Comme vous passez votre temps à m’interroger sur ce sujet, permettez que je retienne cette hypothèse. S’il est élu, il va être élu à l’âge où JF. Kennedy a été élu à deux ans près. Je trouve, oui en effet, que cela est un atout. Il y a des moments où les pays ont besoin de jeunesse.

Dites-moi, F. Bayrou, vous n’avez pas lu F. Bayrou, page 11, de Résolution française : « Quand la crise s’avance, l’expérience ne nuit pas ».

C’était exactement ce que je m’apprêtais à vous dire. (Rires) 

Il faut des jeunes et aussi des moins jeunes !

Exactement. Lui, un de ses atouts, c’est sa jeunesse et cette audace qu’il a manifestée. Il se trouve que pour conduire un pays, il faut des équipes équilibrées en sensibilités et en expériences. Il a dit qu’il y aurait des responsables venus de la société civile et des responsables venus de l’expérience politique. Il l’a dit de manière explicite et on en a besoin. Ne croyez pas qu’un pays, ce soit simplement une présentation médiatique, un casting, comme vous dites 

Est-ce cette jeunesse ou cette immaturité, dont il a lui-même parlé, qui lui font dire certaines bêtises, comme « il n’y a pas de culture française » ou l’affaire du « crime contre l’humanité » sur la colonisation ? Comment expliquez-vous qu’il dise de telles choses ? Est-ce qu’avec des formules comme celles-là, on préserve l’unité des Français ?

Il préserve l’unité des Français. C’est le sens de son engagement, précisément, de refuser les clivages et de dire que l’on va devoir travailler ensemble. C’est en cela que je me reconnais. « Il n’y a pas de culture française » est une formule extrêmement maladroite. Ce qu’il a voulu dire, c’est qu’il n’y a pas UN art français en matière de musique, de peinture, d’architecture. Il n’y a pas d’art français. En matière de langue, de littérature, il y a un art français. 

En musique, en architecture, il y a un art français, on ne peut pas dire cela.

Non. Il y a eu des courants. Le rock français ne se distingue pas du rock universel. Il y a une peinture française qui ne se distingue pas de la peinture universelle. Il y a des domaines d’expression artistique dans lesquels heureusement, nous ne sommes pas enfermés dans un cadre national. Dès qu’on touche en revanche à la langue, la littérature, l’histoire, il y a une culture française qui mérite d’être défendue, portée. Et il y a une francophonie qui sera un des principaux atouts de la France, puisque la langue française va être une des langues les plus parlées dans le monde. C’est notre chance, il faut en avoir conscience ! La littérature française a été extraordinairement enrichie par la création littéraire des Caraïbes françaises, et pas seulement, comme Haïti. En enfermant la littérature française dans le cadre de frontières, vous voyez à quel point on la dessert. Une partie du monde aspire à parler français. La littérature africaine, c’est une chance pour la littérature française. Je ne suis pas pour enfermer et créer des frontières en matière artistique.

Parmi les conditions que vous aviez mises à votre alliance, il y avait une loi de moralisation de la vie publique. Or, vous disiez 15 jours avant de proposer cette alliance à Emmanuel Macron, qu’il représentait : « L’hyper-capitalisme qui domine le monde ». Vous l’aviez  dénoncé comme étant « Le candidat des forces de l’argent ». Comment êtes-vous sûr qu’il ne sera pas influencé par ceux qu’il a connus lorsqu’il était banquier ?

D’abord, je n’ai pas dit que des choses aimables sur E. Macron avant de nouer une alliance avec lui. J’ajoute qu’il n’a pas non plus dit que des choses aimables sur moi. Parce que c’est la vie ! Je viens d’un pays de rugby, quand il y a un match, il est parfois vigoureux ! Deuxièmement, je me suis aperçu durant ces dernières semaines, que ce n’était pas lui qui était le candidat le plus compromis dans ces affaires, liées aux forces de l’argent, aux grands intérêts financiers.  

Ce n’est pas ce que vous aviez dit…

Parce que j’ignorais absolument ce qui se passait, sous d’autres horizons.

Vous aviez dit : « Les mêmes forces veulent réussir avec E. Macron – les forces de l’argent - ce qu’elles ont réussi avec N. Sarkozy et DSK ! » Ces affirmations sont quand même plus que le jeu traditionnel de la politique…

Absolument ! Et ce qu’elles ont préparé avec F. Fillon !

Finalement, vous vous êtes rendu compte que F. Fillon, c’était pire !

Voilà ! F. Fillon, que je croyais très éloigné de ces sujets était, au contraire, terriblement engagé !

Vous êtes un parfait linguiste M. Bayrou. Or, vous dites : « E. Macron n’était pas le candidat le plus compromis ». S’il ne l’est pas le plus, cela veut-il dire qu’il l’est quand même un peu.

En rien ! Je sais une chose, et j’en ai beaucoup parlé avec lui depuis, c’est que lui a été banquier et a quitté la banque ! Il a quitté les facilités et le confort de ce monde-là ! Je sais, pour le fréquenter et en avoir parlé avec lui, que cela n’est pas une influence exercée sur lui. Aujourd’hui, toutes les accusations sur son patrimoine ont été vérifiées à 5 ou 6 reprises par les services fiscaux et la Haute autorité de la transparence.

Avez-vous vu qu’un de ses conseillers a démissionné, car il était lié à un laboratoire pharmaceutique ?

Il a été dans la minute, en effet, privé de ses responsabilités. Je ne crois pas que ses intérêts jouent un rôle. En tout cas, je n’ai jamais eu le moindre indice en ce sens ! Je vais vous dire une chose : si j’avais eu le sentiment qu’E. Macron était réticent à cette moralisation de la vie publique que j’appelais de mes vœux, et notamment, s’il n’avait pas accepté comme préalable l’idée d’une loi contre les conflits d’intérêts, je ne me serais pas allié avec lui ! Je me suis engagé dans la vie publique pendant des années et décennies contre les affaires et contre les compromissions : et il y en a un certain nombre que l’on pourrait citer ici… C’est le combat de ma vie ! Nous avons un besoin urgent que les citoyens aient confiance dans les responsables publics ! C’est parce qu’il n’y a plus de confiance qu’aujourd’hui, la France souffre ! Et donc j’atteste, je témoigne, j’affirme et je garantis que ceci va être la règle des années qui viennent si E. Macron est élu !

Vous aviez également posé une autre condition : l’instauration d’un scrutin à la proportionnelle pour l’élection des députés, notamment parce que vous souhaitez que le futur gouvernement s’appuie sur l’alliance des bonnes volontés, de coalitions. Comment ferez-vous, alors même que pour le moment, nous n’en entendons plus parler ?

Tous les juristes ont estimé qu’il était impossible d’instaurer la proportionnelle pour le scrutin qui va avoir lieu un mois après l’élection présidentielle. 

Pour E. Macron, la proportionnelle…

Peut-être en parlera-t-il !

Vous n’êtes pas sûr ?

Je vais le dire autrement : je crois qu’il en parlera !

Vous croyez… Parce que vous brûlez un cierge à Lourdes, ou pour d’autres raisons ?

Quelle que soit ma proximité avec Lourdes, je ne m’en remets pas à l’intervention spirituelle pour le mode de scrutin !

Va-t-il en parler selon ce que vous souhaitiez dans votre livre, c’est-à-dire la proportionnelle intégrale à la condition d’obtenir 5 % des voix ?

Je pense que c’est une loi sage, elle de tous les États européens ! C’est d’ailleurs pour cela qu’ils marchent, qu’ils sont gouvernés, que les extrêmes n’y arrivent pas !

Cette loi sera-t-elle votée au début du quinquennat ?

Je souhaite qu’elle soit au programme du gouvernement. Il y a une chose pour laquelle je suis aussi acquis et qui se trouve dans le programme d’E. Macron : que l’on diminue le nombre de députés et de sénateurs de manière drastique ! Nous avons une chambre pléthorique qui ne sert, hélas, pas à grand-chose ! On a le monopole de la représentation pour deux partis, où le débat n’intéresse plus personne, où il n’y a d’ailleurs plus de débats ! Un très grand nombre de Français se détournent de cette vie politique. Je suis acquis à l’idée qu’un Parlement rétabli dans sa dignité et dans ses droits doit être moins nombreux aujourd’hui ! Cela fera des économies et permettra de donner de l’autorité à ceux qui y siégeront.

« How many MP’s » comme on dit en Aquitaine, dans votre région ?

Ce qui a été évoqué est de l’ordre de 400 députés au lieu de 600, pouvant être élus de manière différente. On baisse aussi drastiquement le nombre de sénateurs.

F. Bayrou, nous reprenons le débat sur le programme d’E. Macron… Le service universel d’un mois qu’il propose, est-ce sérieux ?

C’est plus que sérieux. Je n’ai pas entendu plus de bêtises sur un sujet depuis la campagne électorale que sur celui-ci. J’ai même entendu F. Fillon dire que cela serait des « centres aérés »… Beaucoup de soutiens du candidat de la droite ont dit que « c’était n’importe quoi, qu’on ne pouvait rien faire » en un mois, que ça ne servait à rien.

C’est aussi ce qu’on dit les militaires…

Ceci est une absurdité totale à laquelle l’esprit sectaire et partisan conduit ! Je vais vous en apporter la preuve : savez-vous qu’il y a en France une réserve opérationnelle ? Elle a été créée par les gouvernements successifs pour venir aider les armées. Cette réserve opérationnelle est formée. Il y a même un certificat de formation, qui s’appelle « formation militaire d’initiation à ma réserve ». Ce certificat a pour but d’être donné à 40.000 jeunes. Savez-vous combien de temps dure cette formation ? On les met sous les armes, on leur apprend les gestes, on les forme et ils sont opérationnels à la sortie. Ce certificat, selon les armes, prend entre 15 jours et 3 semaines.

Il faudrait passer de 40.000 jeunes à 700.000 ! D’autant plus que nous ne sommes pas à 40.000 jeunes, c’est un objectif ! Se pose la question des moyens, de la faisabilité !

Vous relayez tout à l’heure cette accusation stupide que l’on ne peut rien faire en un mois, mais il se trouve que l’armée française forme ses réservistes en moins de 3 semaines ! Réservistes de l’armée de terre, réservistes de l’armée de l’air, en 26 jours, je crois, pour l’armée de l’air. Un mois, c’est donc une période probatoire, extrêmement intéressante pour former des jeunes à la sécurité collective. 

Mais cela implique des moyens très importants !

Je ne crois pas que cela implique des moyens aussi importants qu’on le dit, je vais essayer de vous le prouver ! Cela va encore aller plus loin : je suis partisan qu’il y ait, dans les faits, durant cette période – un mois, ou peut être quelques semaines de plus – quelque chose de civique. Que l’on ne soit pas seulement dans la sécurité et dans le militaire, mais que l’on puisse participer à une entraide.

C’est donc plus d’un mois ?

Disons au moins 3 semaines pour le militaire. Et je pense que si l’on pouvait participer à une entraide en mettant quelques semaines de plus à destination de ceux qui ont le plus besoin d’aide dans tous les secteurs de la société française - personnes âgées, ou malades, jeunes ou enfants encadrés - je trouve que cela serait bien.

Il s'agit, précisément de l’encadrement ! Les militaires disent qu’ils n’ont ni « les moyens, les formateurs, les casernes » et qu’ils ont « autre chose à faire que de former toute une génération ».

Moi, je ne crois pas que les militaires disent tous cela. En l’occurrence, il n’y a pas que des militaires d’active en France pour former ! Il y a également tous ceux qui sortent de l’activité. Je suis maire d’une ville qui possède l’une des plus importantes bases militaires de France, à la fois dans les troupes aéroportées, dans les hélicoptères de combat et les forces spéciales… Il y a beaucoup de militaires partant à la retraite plutôt jeunes ! Nous pourrions tout à fait imaginer qu’ils forment les jeunes. Nous avons besoin de deux choses : un creuset national. Je ne me satisfais pas - vous oui, mais pas moi - d’avoir dans notre pays, en réalité, une séparation, pour ne pas dire une ségrégation, entre les lieux d’habitation et en vérité, les classes sociales auxquelles on appartient. Quand on a supprimé le service militaire, je m’étais prononcé au Conseil des ministres pour la création d’un service civil. J’affirme donc que nous avons besoin d’un creuset, c’est-à-dire d’un lieu de rencontres où se croisent les expériences, les genres de vie, et les regards !

N’est-ce pas le rôle de l’école ?

Cela ne peut être l’école, car l’école ne mélange pas les quartiers ! Elle est, au contraire, circonscrite et ne peut jouer le rôle qui devrait être le sien ! Circonscrite dans des quartiers géographiques. Deuxièmement, nous avons besoin d’armer moralement la France pour les problèmes de sécurité. Nous avons besoin d’ouvrir l’œil, de faire attention. E. Macron en parle beaucoup puisqu’il veut créer le service national. Pouvoir faire les gestes de secours est aussi un de ces besoins, qui s’impose lorsque survient une catastrophe. Moi, je ne sais pas faire les gestes de secours… Récemment, un ami que j’aimais beaucoup est mort devant moi… Que faire ? Le réarmement moral du pays. C’est nécessaire, en particulier sur les problèmes de sécurité militaire active et civile, passive comme on dit.

E. Macron a-t-il eu raison de dire après l’attentat du 13 novembre 2015 : « La France a une part de responsabilité » ?

C’est une formule que je n’aurais pas utilisée, mais je vois bien de quoi il s’agit ! Il y a beaucoup d’inquiétudes dans notre pays sur le fait que ce soient de jeunes Français qui s’engagent, hélas, dans ces attitudes dramatiques. Ils s’engagent, au bout du chemin, parce que je crois que l’on n’a pas su trouver avec eux, l’épanouissement dans la société qui devrait être le leur. Je n’ai jamais cherché d’explications qui soient des excuses. Cependant, nous avons une part de responsabilité. Je vais en citer une, que tout le monde accepte comme ça, en sifflotant, et que je n’accepte pas : une grande partie de la radicalisation de ces gens-là s’est faite en prison. Ce n’est quand même pas rien ! Vous avez toute une part de la société politique française qui dit « Il faut les mettre en prison ». Dans les prisons, les délinquants y entrent voyous, y sortent caïds. Et pour ceux qui sont plus fragiles encore, on est l’objet de radicalisation !

Emmanuel Macron veut créer 15.000 places de prison. 

Moi en tout cas, je dis qu’il faut réfléchir à la manière dont la prison est organisée. Je considère que c’est un milieu - parce que nous n’avons pas su faire ce qu’il fallait, parce que le personnel souffre beaucoup, parce que l’on est constamment à vouloir entasser dans les prisons des dizaines de milliers de personnes - extrêmement dangereux et qui pousse à la radicalisation. Moi je trouve que nous ne devons pas accepter cela. Vous voyez que c’est un changement d’idées complet !

Vous avez toujours été un partisan du rétablissement de l’équilibre budgétaire et expliqué que l’on ne pouvait pas continuer à vivre à crédit. Or, votre candidat fait beaucoup de dépenses : 15.000 places de prison, dédoublement des classes dans les zones en difficulté… En revanche, on voit mal comment il équilibre et comment il tient sa promesse d’être aux 3 %, seul candidat à le dire d’ailleurs...

Vous venez de dire quelque chose de très important : dans le schéma budgétaire des dépenses publiques d’Emmanuel Macron, il y a une promesse centrale, c’est que son projet est de respecter les engagements de la France. C’est le programme le plus équilibré et d’ailleurs je ne suis pas le seul à le penser : dans un grand journal hier, il y a une grande tribune de M. Blanchard, longtemps économiste en chef du FMI et qui est aujourd’hui professeur au MIT, qui dit : « le seul programme qui crée les conditions pour que la France se développe et qu’elle soit équilibrée est le programme d’Emmanuel Macron ».

Encore une fois, on ne voit pas très bien où on fait les économies.

Vous ne voyez pas très bien mais il affirme à juste titre qu’il va faire 60 milliards d’économies. Il dit qu’il va en effet diminuer le nombre de fonctionnaires mais pas de manière complètement extravagante comme le dit François Fillon. Je vais m’arrêter une seconde à cette phrase pour dire à quel point dans une campagne électorale on peut dire des bêtises. François Fillon dit « Je vais baisser de 500.000 le nombre de fonctionnaires pendant 5 ans ». Cela veut 100.000 par an, donc qu’il n’y aura plus de remplacements des départs à la retraite, ce qui est - quand vous êtes un gestionnaire public - stupide et inimaginable. Mais, dans le même temps il dit : « Je vais repousser la retraite à 65 ans » ce qui veut dire que non seulement il pourrait ne plus y avoir de remplacements des départs à le retraite mais qu’il pourrait ne plus y avoir de départs à le retraite !

Il y a le coût de ce service universel qu'E. Macron avait fixé au début à 15 milliards…

Non, il ne l'a jamais fixé à 15 milliards !

Au départ, c’est le chiffre qui a été avancé par lui : 3 milliards d’investissement initial puis 2 milliards par an de fonctionnement.

Je suis totalement hostile à ce chiffrage parce que moi j’ai participé à des chiffrages sur ce sujet.

Vous avez peut-être raison de dire que les économies de François Fillon ne sont pas possibles mais les dépenses d’Emmanuel Macron, ce que les économistes ne comprennent pas, c’est comment avec ça on arrive aux 3 % ?

Dès l’instant que l’on respecte les 3 %, on a une ligne de conduite. Emmanuel Macron dit « on va faire des économies en rendant de la liberté aux gestionnaires publics, en permettant de sortir des cadres extrêmement étroits qui sont à l’intérieur ».

C’est un peu flou.

Ce n’est pas flou : vous n’êtes pas gestionnaire public, moi je le suis ! Je sais que l’on peut faire des économies !

Sur l’Unedic, il dit « On va économiser 10 milliards parce que le chômage va baisser ». Mais cela suppose le problème résolu !

Le chômage va baisser parce que l’on va rendre de la liberté ! Il faut comprendre que ce que nous allons faire c’est « déverrouiller pour réformer », que l’on ne puisse plus être complètement bloqué dans le système politique et on va faire ce que tous les autres pays ont fait, par exemple pour le retraite ! Le retraite, d’autres pays scandinaves ont fait ce que j’appelle de mes voeux depuis 15 ans, c’est-à-dire la retraite par point.

C'est peut-être très bien mais ça ne fait pas des économies.

Non seulement cela fait des économies, mais si vous y réfléchissez une seconde, le principe de la retraite par points, c’est qu’elle est équilibrée par définition.

Parce que l’on baisse le niveau des pensions ou on augmente la durée de cotisation. 

Ou parce que les gens partent plus tard s’ils veulent des pensions plus importantes ! Moi je défends la retraite par points depuis 15 ans ! Vous allez être libres de votre départ !

Il dit que ce sera appliqué dans les 10 ans.

Oui, c’est le temps qu’il faut pour passer des régimes spéciaux à un régime universel.

Vous vous rendez compte que ce n’est pas très alléchant, parce que d’accord vous collectionnez des points mais vous ne savez pas quelle valeur ils auront. 

Lui ne dit pas que l’on collectionne des points, il parle d’euros. Dans tous les pays qui l’ont fait, cela marche parfaitement bien ! L’idée est de sortir des régimes compartimentés où chaque profession a ses privilèges pour entrer dans un régime universel. C’est extraordinairement réformateur ! Tous ceux qui font semblant d’accuser Emmanuel Macron d’être timide en matière de réformes, de faire une politique « soft », il propose la politique la plus exigeante qui existe pour les retraites ! Il se trouve qu’elle est l’objet d’un consensus au-delà des frontières politiques ! Il y a des gens de droite - par exemple Alain Madelin a partagé pendant longtemps la défense de cette idée - …

Alain Madelin plus Robert Hue franchement…

C’est une caricature. Robert Hue n’est pas central dans le dispositif ! Mais la CFDT s’est prononcée il y a déjà quelques années sur les comptes notionnels. C’est exactement la même chose. Mais je m’arrête une seconde sur ce que vous indiquiez, la diversité des soutiens. Oui, il y a une diversité de soutiens. Mais je vous demande de réfléchir à la différence qu’il y a entre « soutiens » et « exercer des responsabilités majeures dans la nouvelle époque qui va s’ouvrir ». Bien sûr qu’il y a des soutiens, ils sont extrêmement divers. Vous ne pouvez pas être élu Président de la République si vous ne réussissez pas à additionner des sensibilités différentes !

Concrètement, à l’Assemblée nationale, cela se passera comment ? 

Vous aurez une majorité présidentielle, avec le parti du Président et une entente avec le centre libre. Pour l’instant, ce qu’Emmanuel Macron a dit, c’est : « Viennent dans le parti du Président - En Marche ! - tous ceux qui se reconnaissent dans son action.

Mais si En Marche ! n’a pas assez de députés pour gouverner seul ?

La majorité présidentielle aura la majorité législative ! Le choc de l’élection d’un nouveau Président de la République qui signifiera que les Français renvoient les deux partis traditionnels du monopole du pouvoir à leurs chères études va entraîner une vague de soutiens à l’élection législative. 

Oui mais en 1958, Charles de Gaulle n’a pas la majorité absolue !

Mais parce qu’il n’y a pas eu d’élections ! Il se trouve que c’est en 1962 que le général de Gaulle a la majorité parce qu’il y a eu une motion de censure comme vous vous souvenez, et qu’il dissout. 

Sauf que le général de Gaulle ne présente pas des candidats inconnus !

Pardon ? Et qui vous dit que la majorité présentera des candidats inconnus ?

Emmanuel Macron, car il nous dit que « ce sera des têtes nouvelles ». 

Non ! Il dit « Ce sera des femmes et des hommes qui pour la moitié ne sont pas députés aujourd’hui ! ». Mais on n’est pas forcément inconnu quand on n’est pas député ! Par exemple, Olivier Mazerolle : vous n’êtes pas député, mais vous n’êtes pas inconnu !

Mais je ne me présenterai pas.

Il ne faut jamais dire « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau ». 

Mais vous pourriez gouverner avec une partie des socialistes et une partie de la droite par exemple ? Est-ce envisageable ?

Clarifions pour éviter le brouillard. Il y aura une majorité présidentielle. Cette majorité présidentielle aura la majorité législative, donc elle gouvernera. Que, venues de la droite ou venues de la gauche, il y ait des forces ou des personnalités qui, n’ayant pas été élues sous l’étiquette de la majorité présidentielle, souhaitent soutenir l’action du gouvernement, je n’ai aucun doute sur ce sujet ! Vous avez cité tout à l’heure le geste de Christian Estrosi : il y a  beaucoup de responsables de droite qui disent « Cela m’intéresse ». Pareil pour des responsables de gauche ! Qu’est-ce que je vois aujourd’hui ? Je vois un événement historique qui est que tous les obstacles qui se sont dressés depuis des années pour empêcher que le pays prenne les décisions nécessaires, qu’il se réforme, qu’il se rassemble, tous ces obstacles sont en train de s’effondrer. Les deux principaux obstacles sont en effet les deux partis qui ont le monopole du pouvoir depuis des années et qui empêchaient les décisions de se prendre, les réformes de se faire, le rassemblement du pays de se réaliser. Ces deux partis, pour des raisons extrêmement claires d’usure, sont en train de vivre une crise si profonde qu’ils vont devoir se reconstruire. Donc il y aura des oppositions de gauche, des oppositions de droite mais moi je sais qu’il y aura désormais une action publique renouvelée et que rien ne va désormais pouvoir empêcher des gens de bonne volonté de travailler ensemble - s’ils ont les mêmes convictions pour l’avenir -, même s’ils n'ont pas les mêmes parcours !

Redoutez-vous Jean-Luc Mélenchon comme troisième homme ou même éventuellement second ?

Non. Je pense qu’il a du talent et qu’il exprime des conditions profondes. Je ne suis pas sûr que les solutions qu’il propose permettent de résoudre les problèmes que nous rencontrons - c’est un débat que j’ai avec lui - mais il se trouve que c’est quelqu’un que je respecte et je trouve que la poussée qui est la sienne montre qu’il y a en France place pour des idées et du talent. 

Merci François Bayrou.

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