"Nous aurions dû éviter la suppression des quotas laitiers"

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Invité de la matinale de RTL aujourd'hui, le président du MoDem a estimé que le plan du gouvernement pour répondre à la crise agricole n'était pas une solution durable.

Pour écouter cette interview, suivez ce lien.

Bonjour François Bayrou.

Bonjour.

Les barrages sont beaucoup moins nombreux aujourd’hui qu’ils ne l’étaient hier. Est-ce que cela signifie selon vous que le gouvernement a su répondre à la colère des éleveurs ?

Cela signifie surtout qu’il y a une lassitude ou le sentiment pour beaucoup d’éleveurs que ce mouvement de protestation désespéré ne débouche pas plus que les autres fois sur des solutions durables.

Vous pensez qu’il n’y a pas de solutions durables apportées par le gouvernement hier ?

Oui, je pense que c’est un plan d’urgence qui annonce des centaines de millions, mais comme c’est le cas souvent, ces centaines de millions sont la reprise de crédits déjà prévus pour une grande part. On sait bien de quelle manière les gouvernements, tous successifs, font des annonces qui au fond ne changent pas durablement la situation. La situation de l’agriculture en général et de l’élevage en particulier en France, qu’il soit laitier ou de viande, est critique : les causes et les facteurs sont multiples et doivent imposer une réorganisation profonde.

Pour la réorganisation, vous évoquiez le lait. Cela va être un des sujets de Stéphane Le Foll aujourd’hui au ministère de l’agriculture. L’Europe est souvent pointée du doigt : est-ce qu’il fallait par exemple déréguler le marché du lait au mois d’avril en supprimant les quotas de production ? On dit que c’est cela aussi qui a contribué à faire chuter les prix… Est-ce qu’il faut revenir aujourd’hui sur les quotas laitiers ?

L’Europe a été construite pour qu’il y ait une régulation à la fois ouverte et efficace du monde agricole. Pourquoi ? Parce que note projet, national en particulier, c’est qu’à la fois on assure une production agricole qui soit suffisante en quantité exportatrice si l’on peut, mais aussi de bonne qualité. C’est le premier point. Il y a un deuxième point : nous avons le projet tous ensemble qu’il demeure suffisamment d’exploitations, suffisamment d’agriculteurs, suffisamment de paysans pour que le monde agricole soit présent dans la société où nous vivons au travers des femmes et des hommes qui le forment et au travers de son action sur le paysage, sur notre mode de vie.

Il y a un conseil des ministres européen de l’agriculture à la rentrée, Stéphane Le Foll l’a annoncé hier. Est-ce qu’il faut qu’à cette occasion, selon vous, le ministre de l’agriculture demande le rétablissement des quotas laitiers ?

Vous savez bien que cela ne se fera pas sous cette forme parce que la suppression des quotas laitiers a été acceptée par beaucoup de gens à la fois, je n’en étais pas. J’ai toujours pensé que la régulation par les quantités produites, par les autorisations de production, étaient une réponse efficace. Mais il faut que vous compreniez que ce n’est pas la seule. On parle de beaucoup d’autres raisons de crise. J’en cite deux : il y a les charges sociales, et ce n’est pas européen, c’est purement français. Il faudrait que le travail agricole autorise les exploitations à être en équilibre, et on sait bien que pour la France c’est un problème qui est très profond et très ancien. Il y a une deuxième chose : quand on regarde la raison pour laquelle en Allemagne l’agriculture a pris un tel essor, il y a des raisons dont personne ne parle jamais. Exemple : les exploitations agricoles se sont pour la plupart, et notamment pour les élevages, dotées d’installations de méthanisation, vous savez la fabrication à partir de déchets agricoles ou des effluents agricoles de gaz, d’énergie.

Donc là cela demande de gros investissements et il faut aider les éleveurs à investir ?

Cela demande des investissements qui peuvent parfaitement être raisonnés et parfaitement être équilibrés mais ça demande souvent que des exploitations agricoles se groupent en coopérative, entre voisins, pour avoir une installation qui leur permette d’avoir l’énergie gratuite. Et évidemment, si vous avez l’énergie gratuite, si vous produisez de l’électricité, ou si vous produisez du gaz, cela fait baisser énormément vos coûts de production. Et vous voyez que loin des solutions simplistes, il y a une vision entreprenante, une vision dynamique du monde agricole, il y a des solutions qui pour l’instant ne sont pas explorées, c’est pourquoi je parlais de réorganisation profonde qui touche la production et les marchés.

En tant que maire de Pau, vous avez votre mot à dire dans l’approvisionnement des cantines scolaires : est-ce que c’est aussi simple que cela d’acheter français ?

En tout cas, c’est ce que nous faisons à Pau. Nous avons des grossistes locaux. Pour ce qui touche au veau, nous avons 100% de la production de veau qui a le label « 3B » (Béarn, pays basque, Bigorre). Les poulets viennent des Landes voisines et nous essayons chaque fois que nous le pouvons d’avoir des productions très proches ce qui diminue leurs coûts, parce que le coût de revient du transport est aussi évidemment à prendre en compte. Et la connaissance que l’on a des producteurs - qui sont des amis - et dont on sait que la qualité de leurs produits est une préoccupation est également très importante.

Que pensez-vous de la nomination de M. Brottes à la tête de RTE ?

Cette décision est profondément malsaine. Un député, qui plus est un député président d’une Commission, un député qui a porté un très grand nombre de texteS, d’amendements concernant l’électricité, concernant EDF, va se retrouver à la tête d’une filiale d’EDF pour laquelle il aura lui-même fixé les règles et naturellement avec le pouvoir et avantages qui vont avec. C’est une atteinte incroyable aux principes. Si la droite avait fait cela, le parti socialiste serait monté au créneau, aurait crié à l’abus de pouvoir et au non-respect des principes. Cela jette un éclairage particulièrement inquiétant sur la manière dont la loi se fait. Parce que la loi, elle se fait évidemment avec les lobbies qui dans les coulisses agitent les députés et sénateurs pour qu’ils adoptent des textes qui vont dans le sens des intérêts particuliers de telle ou telle entreprise. Et bien cela, au lieu d’être écarté, au lieu d’être sanctionné, est récompensé par une fonction extrêmement valorisante pour service rendu. Ceci est insupportable, porte atteinte à tous les engagements pris, porte atteinte à tous les principes. Pour moi en tous cas je trouve cela profondément choquant.

Et tout cela a été préparé depuis des mois et des mois. En catimini, sans que personne ne s’en aperçoive, M.Brottes a été placé dans une situation particulière qui s’appelle "Parlementaire en mission". « Parlementaire en mission" cela comporte une conséquence qui est que le jour où le parlementaire en mission dépasse le sixième mois de cette mission, il cesse d’être député  et est remplacé par son suppléant. Ce qui veut dire que l’on a voulu dans cette affaire-là éviter qu’il y ait une élection partielle pour remplacer ce député qui s’en va. Vous voyez à quel point tous les principes sur cette affaire ne sont absolument pas respectés, sont absolument bousculés.

Que faire pour éviter cela ?

Il y a une chose très simple à faire qui serait de ne pas nommer dans une entreprise un député qui a eu à traiter des problèmes de cette entreprise. Cette disposition existe pour les fonctionnaires –elle n’est pas toujours respectée comme on l’a vue dans une affaire récente, et c’est choquant et c’est répréhensible par la loi- eh bien le principe devrait être le même, exactement, pour un représentant du peuple qui n’a pas à bénéficier dans sa carrière ultérieure des avantages qu’il aurait consentis et préparés pour une entreprise quelle qu’elle soit, publique ou privée. Il doit y avoir une séparation absolue, une paroi de verre absolue entre les intérêts privés et l’intérêt général.

 

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