"Nous avons un système politique totalement inadapté"

Invité de BFM Politique, François Bayrou a donné son sentiment sur l'actualité politique du pays tout en insistant sur la nécessité de changer les règles du jeu.

PREMIÈRE PARTIE 

Découvrez ci-dessus en vidéo les réponses du Président du MoDem aux questions d'Apolline de Malherbe.

AdM - Après l’affaire Bygmalion, ce weekend, on apprend que Christian Jacob a prêté 3 millions d’euros du groupe de l’UMP à l’assemblée au parti sans en informer les députés de son groupe. Ce n’est pas illégal mais est ce que c’est une faute ?

Il y a un geyser d’affaires politiques, un volcan en éruption, qui vient d’un système politique inadapté. On est au terme de la décomposition qui s’annonce depuis longtemps, qui m’a frappé depuis des années, une décomposition qui fait que les Français ne peuvent plus avoir aucune confiance dans leur système politique.

A l’intérieur du système politique, il y a le financement des partis, qui est un scandale généralisé. On le découvre pour l’un des deux grands partis qui se partagent le gouvernement depuis des décennies, mais si l’on fouillait on trouverait des choses sur le deuxième aussi.

Je pense que le financement des formations politiques est à mille lieux de la réalité des choses. Je voudrais vous donner un chiffre. Aux dernières élections présidentielles et aux élections présidentielles précédentes, les socialistes et l’UMP ont réalisé entre 30% et 20% ; nous, nous avons fait presque 20% une fois et 10% une autre fois. Leur budget est de l’ordre de 60 à 80 millions d’euros et notre budget est de l’ordre de 1 million. Ils ont des dettes énormes, des dizaines de milliers de dettes que nous n’avons pas. Il y a quelque chose qui ne va pas dans le système et les causes de ces dérives, elles sont extrêmement précises, c’est que la Vème République est bâtie sur le fait que l’on donne tout le pouvoir à un seul parti. L’élection présidentielle et puis les élections législatives attribuent le pouvoir à un seul parti. C’est tout ou rien et au fond la fin justifie les moyens.

Et bien c’est cela qu’il faut changer, on est là au cœur de l’incapacité française à gouverner le pays. Parce qu’avec tous ces pouvoirs, on ne gouverne rien.

AdM - Donc vous liez la question d’argent, de scandale financier et la question d’un pouvoir qui serait à bout de souffle, d’une organisation du pouvoir à bout de souffle ?

Tout est lié. La Vème République est bâtie sur des principes aujourd’hui décomposés. Cette Vème République est à bout de souffle, il faut changer de République.

AdM - Pour revenir sur cette question précise, de ce prêt accordé par Christian Jacob de 3 millions d’euros puisés dans la caisse du groupe UMP à l’Assemblée et prêté à l’UMP sans en avertir les députés, est ce que cela vous l’excusez par le contexte ou vous estimez que c’est une faute de plus ?

Disons que ce n’est pas illégal au sens propre du terme mais ce n’est pas très raisonnable et transparent puisque les députés du groupe, eux-mêmes n’en étaient pas avisés. Il y a là un événement de plus qui montre que ce système est inadapté à la situation du pays. Mais ce n’est pas sur ce point là que la condamnation du système va être acquise. C’est sur tout le reste.

AdM - Vous disiez à l’instant que si l’on soulevait la pierre du côté du PS, on trouverait aussi que ça grouille en-dessous. Est ce qu’il faut aller jusqu‘au bout de ce processus de transparence, et aller chercher partout pour tout mettre à plat ?

Il faut changer les règles.

AdM - Comment on peut avoir la certitude que vous, on peut vous faire confiance ?

Nous, c’est très facile, il suffit de venir voir les comptes. Je joue le respect non seulement de la transparence mais aussi le respect des principes que l’on proclame aux yeux des gens. Lorsque vous êtes sur un écran de télévision et que vous dites « on va nettoyer toute la pourriture, on va obliger tout le monde à respecter la loi et ceux qui ne la respecte pas on les mettra en prison », et que l’on s’aperçoit que vous même, vous n’avez de cesse, pour détourner les règles, de truquer les principes auxquels vous appartenez, alors il y a quelque chose qui fait que dans tous les quartiers, il y a des garçons qui disent « mais de toute façon en haut ils ne respectent rien. Pourquoi vous nous accusez nous en bas de ne pas respecter les lois. »

AdM - Vous dites que cela donne une sorte d’impunité à tout le monde ?

Cela donne un sentiment d’impunité, et cela détruit toute confiance, la confiance qui est l’élément vital que doivent éprouver les citoyens pour ceux qui les représentent.

Je voudrais citer un exemple, il y a des lois, on les tourne, on vient de le voir. Il y a des lois extrêmement précises sur le financement des partis politiques mais il y a une multitude de micros partis, de dirigeants politiques qui se construisent pour eux-mêmes, un parti personnel, dans différents courants, différentes écuries. Chacun se fait un micro parti pour financer en dehors de la loi, à côté de la loi, sans les contrôles de la loi, sa propre action politique. Et cela est fait au vu et au su de tout le monde. Heureusement, il y a des gens qui se sont fixés comme règle que pour être libres, pour ne pas être soupçonnables, pour ne pas avoir à craindre des enquêtes un peu approfondies que vous feriez ou que d’autres organes de presse feraient, de respecter les règles qu’ils affirment.

Je vous dis avec certitude, que nous avons, nous, choisi depuis longtemps, l’équipe qui m’entoure et moi-même, de respecter ces règles là. Et cela n’est pas de l’héroïsme mais la volonté d’être cohérent dans ce que l’on affirme ou dans les attitudes que l’on a.

AdM - Il y a quand même quelque chose d’assez confortable de ne pas être au gouvernement, dans un sens, dans votre malheur de ne pas forcément être au gouvernement ou de ne pas forcément être aux manettes, vous ne pouvez pas être soupçonné aussi car vous n’êtes pas sali par ce pouvoir. Est ce qu’il n’y a pas pour le centre une position confortable d’être finalement un peu observateur ?

Nous avons mené, j’ai mené avec les équipes, qui m’entourent, une action politique continue qui dure depuis 15 ans pour dire que ce système est pervers, qu’il va nous conduire au gouffre, qu’il nous empêche de regarder la vérité en face. Il empêche les citoyens, les mères de famille et les pères de famille, les jeunes de voir simplement où cela va. Tout cela est une tromperie organisée. Et de cette tromperie, il ne peut rien sortir de bon. Je vous rappelle le titre de mon dernier livre qui sur ce sujet est absolument juste, c’était « de la vérité en politique ». On ne peut plus conduire un pays si on ne lui dit pas la vérité.

AdM - On a le sentiment que votre diagnostic est juste, qu’il est juste depuis des années, mais maintenant il faut peut-être passer au remède ?

Si vous avez en face de vous un médecin et que vous lui dites « Monsieur,  je suis bien obligé de reconnaître que votre diagnostic est juste. »

J’ai envie de dire au médecin « soignez-moi ! »

Ce médecin là est en droit de vous dire « que n’écoutez-vous pas les propositions de traitements et de changements que nous avons faites. »

AdM - Est ce que vous proposez une alternative à la Vème République ?

Je l’ai dit au début de cette émission, une des causes de la situation de décomposition du pays, réside dans les institutions qui ont fait leur temps, qui sont à bout de souffle, qui ne sont pas récupérables.

La Vème République a vécu et il faut une République nouvelle. Il faut une sixième République, je ne sais pas si l’on doit continuer à donner des numéros à la République parce que cela finit par être un peu abondant.

AdM - Quel serait le mot pour symboliser cette nouvelle République ?

Je vous rappelle que cette nouvelle République était le mot qu’utilisait Charles de Gaulle pour la Vème. On a absolument besoin d’avoir une reconstruction sur plusieurs points. Il y a au moins quatre ou cinq grands sujets sur lesquels on a besoin de reconstruire le pays.

Au moins du point de vue de notre démocratie. De ce qui fait que nous pouvons valablement prendre des décisions, avoir une représentation du peuple, faire que l’on ait confiance, il faut que nous ayons une République nouvelle. Et cette République nouvelle doit passer par un certain nombre de choses extrêmement précises. La première de ces choses précises, c’est avoir des règles qui ne soient contournables par personne. Et si des gens tournent des règles en matière par exemple de financement des partis et bien il faut en tirer les conclusions. Il faut faire en sorte qu’ils ne puissent plus, si ce sont des fautes graves contre l’esprit des institutions, appartenir au jeu.

AdM - Est ce qu’il faut continuer à avoir un Président et un Premier ministre ?

Le Président de la République est élu au suffrage universel, c’est le fondement du contrat civique pour les Français. Pour eux, pour la démocratie politique.

AdM - On est le seul pays d’Europe à avoir comme ça deux têtes, est ce qu’il faut continuer à avoir un Premier ministre ?

On peut avoir un Premier ministre, pourvu que le Parlement change. Et si le Parlement change, ce qu’il faut c’est très simple. J’ai proposé que l’on divise par deux le nombre de députés et le nombre de sénateurs. J’ai proposé que l’on regarde un certain nombre de survivances : le Conseil Economique et Social par exemple.  J’ai proposé que l’on interdise les micros partis et j’ai proposé un mode de scrutin juste.  En tout cas qui organise la représentation de tous les grands courants du pays de manière raisonnable et honorable.

Le parti socialiste et l’UMP ensemble avec leurs satellites, détiennent 95% des sièges à l’Assemblée et au Sénat. Et à eux deux, en les additionnant, ils n’ont pas atteint les 35% aux européennes. Est ce que c’est normal, légitime, acceptable ? Non, ça ne l’est pas. Il faut qu’un jour ou l’autre l’on prenne bille en tête ce genre de questions et que l’on dise « la France est une démocratie dans laquelle tous les courants politiques ont leur place et si les extrêmes font des scores, ils seront représentés et c’est la moindre des choses ».

AdM - Y compris le Front national ? Il faut prendre ce risque là, c’est ce que vous dites ?

Ce n’est pas un risque, c’est un dû. Les citoyens qui votent pour le Front national sont des citoyens qui ont un droit de vote comme les autres. Ils doivent être représentés et si on ne les représente pas de manière honnête, un jour, cela emportera les digues et vous verrez que même le scrutin majoritaire fera en sorte que ces courants là prendront le pas sur d’autres.

AdM - Vous dites en gros qu’il faut tout changer. Il y en a un qui a dit cela ce weekend, c’est Nicolas Sarkozy. « Il faut tout changer », je cite, « il faut réinventer le modèle démocratique français, notre façon de faire de la politique, l’organisation des formations et les idées », donc finalement vous êtes d’accord ?

Et bien je suis heureux que sur ce point il soit d’accord avec moi, ça n’a pas été souvent. Car pour ma part, j’ai affirmé depuis des années cette nécessité de changement.

AdM - Vous le croyez quand il dit qu’il veut ce changement là ? Et qu’il peut l’incarner ?

Je pense qu’il peut en avoir l’idée mais la question est toute simple, elle est de savoir quel est le degré de responsabilité de Nicolas Sarkozy dans les dérives que nous avons vécu. Et vous savez que pour moi, depuis longtemps, - j’ai écrit un livre qui s’appelle « Abus de pouvoir » sur ce sujet - je pense que Nicolas Sarkozy a été un des principaux acteurs ou des principaux libérateurs des dérives qui se sont multipliées. L’idée que l’on voit tous les jours, que la loi n’est pas la même pour ceux qui ont le pouvoir et la mission de la défendre et pour les autres, sur cette idée-là Je pense que Nicolas Sarkozy a une responsabilité importante.

Vous aviez voté François Hollande en 2012, vous avez été déçu. Est ce que vous vous êtes trompé ? Est ce que lui vous a trompé ?

Pas du tout. Le vote que j’ai annoncé en 2012 était très simple. Il fallait que ces dérives cessent.

AdM - Mais est-ce qu’elles ont cessé ?

Oui, je pense que sur ce point, en grande partie, elles ont cessé. Je pense que François Hollande est moins fasciné par l’argent par exemple alors qu’à certains moments le quinquennat précédant a montré que les dirigeants l’étaient.

AdM - Si vous avez voté pour lui, c’est aussi parce que vous attendiez un réformiste. C’est le mot que vous utilisiez. De ce point de vue là, il vous a déçu. Est ce que Manuel Valls aujourd’hui, à Matignon, qui d’ailleurs vous a reçu pour un tête à tête ce mois-ci, est ce que vous estimez que finalement ce qui vous a déçu chez François Hollande, est ce que ce réformisme de gauche que vous espériez, est ce que Manuel Valls l’incarne ?

En partie. Ce qui m’a déçu le plus chez François Hollande, c’est l’absence de ligne. J’ai eu beaucoup de conversations avec lui et chaque fois je lui ai dit qu’il allait être obligé de prendre des risques et de dire la vérité au pays, en particulier sur le fait que son programme est totalement inadapté à la situation et aux enjeux.

AdM - Justement Manuel Valls dit : « je veux dire la vérité ». Il utilise des mots forts comme « le séisme, comme le choc, comme le fait que ça va mal. » Il pose un diagnostic extrêmement dur sur l’état de la France. Est ce que de ce point de vue là, vous êtes réconcilié avec cette gauche là ?

Je pense que Manuel Valls dit un certain nombre de choses justes mais qu’il n’a pas la majorité pour agir. Parce que le quiproquo, qui date d’ailleurs depuis plusieurs décennies entre la gauche et le pays, est qu’elle annonce une politique et attise des réflexes qui sont exactement opposés à la politique qu’il convient de faire et qui n’a pas d’alternative.

AdM - Et si la gauche de la gauche finit par se séparer de Manuel Valls car on voit bien que les tensions sont rudes entre ce qu’il propose et une partie du Parti socialiste. Est ce que si la gauche de la gauche se détache de lui ou que lui s’en détache, est-ce qu’il pourrait vous rejoindre ?

Je n’ai pas une vocation de roue de secours. J’ai une vocation de reconstructeur de mon pays ou plus exactement, je ne veux pas employer de mots prétentieux ; je suis un citoyen en responsabilité, je suis à la tête d’une collectivité locale importante parce que quand le national est en panne, le local doit prendre sa place et ce que nous faisons à Pau est très important je crois, et juste.

AdM - Ce serait du bricolage de tendre la main à Manuel Valls ou que Manuel Valls vous tende la main ? Est ce qu’il vous fait des appels du pied Manuel Valls ?

Nous n’avons pas ce genre de relation là. J’essaye d’être quelqu’un à qui on ne fait pas trop d’appels du pied. J’essaie plutôt de tracer une route. Je reprends ce que j’étais en train de dire. Dans la situation actuelle du pays, on n’a pas à faire des reprises. Vous savez la vieille maxime que Jacques Chirac aimait à citer « mépriser les hauts et repriser les bas » comme les grands-mères reprisaient les bas. Et bien faire ces reprises là, ce n’est plus de saison. Le temps est passé. C’est trop tard. Ce que nous avons à faire, c’est repartir des fondations, repartir des principes, avoir une idée simple. Je défends cette certitude que ce que nous avons à faire est simple. Ce n’est pas un travail pour énarques, polytechniciens et autres choses.

AdM - Mais si c’est simple pourquoi personne le fait ?

Peut-être que leur vision n’est pas juste. Peut-être parce que le courage n’est pas au rendez-vous.

AdM - Aujourd’hui, pour vous, personne n’a ce courage ?

Les institutions ont fait en sorte que les deux principaux partis qui se sont partagé le pouvoir et qui se sont succédé au pouvoir, ne cherchaient avant tout que gagner les élections, d’abord gagner. Cet objectif suprême a remplacé tous les autres. Ils ont abandonné le bon sens élémentaire consciemment, car vous ne me ferez pas croire que François Hollande ignorait en 2012 la situation du pays.

AdM - Donc il a menti ?

Oui, ça veut dire qu’ils ont organisé sciemment un abus de confiance à l’égard du pays.

  

DEUXIÈME PARTIE 

Le maire de Pau a répondu aux questions de Emmanuel Lechypre sur l'intervention de l'Etat dans le dossier Alstom.

EC - Vous parliez de courage à l’instant. Est-ce que vous considérez que dans l’affaire Alstom, l’Etat a fait preuve de courage en s’engageant, en essayant de trouver une solution pour sauver Alstom. On se souvient qu’au début des années 2000, on avait laissé partir Pechiney par exemple, qui ensuite avait été dépecé.

C’était une grave faute.

EC - C’était une grave faute ; alors est-ce que vous considérez a contrario qu’aujourd’hui l’Etat a bien fait d’intervenir dans le dossier Alstom et que son intervention a été pertinente ?

Je soutiens l’intervention de l’Etat. J’en approuve le principe et je le soutiens dans le choix fondamental qui a été le sien. J’ai dit, je crois, sur cette chaine, que, lorsque vous avez une entreprise dont dépend un élément essentiel de votre système d’énergie et de votre système militaire, vous ne la laissez pas partir à une puissance étrangère quelle que bienveillante que soit cette puissance étrangère. Vous avez une responsabilité d’homme d’Etat, n’est-ce pas. Vous avez une responsabilité sur l’indépendance de votre pays et donc j’étais violemment opposé à ce que souhaitait un certain nombre de gens, qu’on s’en lave les mains, qu’on la donne à General Electric, qui est une grande entreprise amicale mais dont il ne faut pas oublier le lien qui existe entre la puissance politique américaine et les entreprises américaines. Regardez ce qui se passe à la BNP, la mise en cause de la BNP, pour n’avoir pas respecté des règles qui étaient des règles strictement américaines, qui n’était pas des règles françaises.

Vous avez l’impression que l’Amérique veut se payer la plus belle banque européenne quelque part ?

Non je ne dis pas ça, mais on y reviendra après si vous le voulez bien. Restons sur Alstom. Et donc j’approuve l’intervention de l’Etat, mais j’aurais préféré une solution européenne. J’aurais préféré que, dans une vision stratégique, Siemens, et éventuellement d’autres, acceptent de construire une puissance industrielle européenne.

EC - Mais quelque part si on l’en est là n’est-ce pas justement parce que la Commission européenne, par le passé, a empêché Alstom de grandir avec ces fameuses règles anti-concurrence ?

Non, Alstom en est là parce que ses actionnaires l’ont dépouillé à une période cruciale de sa vie. Et vous savez que c’est vrai, et nous le savons tous. Alstom en est là par une faute ou plus exactement par un abus de gestion qui, au moment où se jouait son sort, a vidé les caisses pour nourrir les caisses de son actionnaire, Alstom en est là pour cette raison là. Ensuite Alstom en est là parce son actionnaire principal, Bouygues, a été mis en situation de péril par l’échec d’une opération dans le téléphone. 

AdM - Dans le fait que Bouygues soit aujourd’hui en position d’arbitre, est-ce vous n’estimez pas que l’Etat est coincé ?

Non, je ne pense pas que l’Etat soit coincé. Je suis un tout petit peu surpris pour dire la vérité par la chronologie de cette affaire. C’est-à-dire que l’on annonce de manière officielle que ça y est l’accord est fait avec l’entreprise américaine General Electric, que Bouygues va vendre une partie de ses actions à l’Etat.

AdM - Et ensuite on découvre que ça coince.

Et on découvre que ce n’est pas sûr. Franchement, autant j’ai dit que je soutenais dans le principe une intervention régalienne où la France comme pays indépendant, un des seuls au monde à être un pays indépendant sur ce sujet, dit « je ne laisse pas partir un élément essentiel de mon  énergie et de ma défense nationale », autant, je regrette qu’on ait annoncé de manière solennelle une décision et que cette décision en fait n’était pas bouclée.

AdM - C’est une erreur de François Hollande ?

Oui, je trouve que de ce point de vue là, il y a beaucoup à dire, il y a beaucoup de questions à poser et cela me paraît très risqué ou très surprenant.

AdM - L’Etat a pris un risque ?

Oui, l’Etat a pris un risque, à moins qu’il ne l’ait fait de manière volontaire pour débloquer quelque chose qui ne se débloquait pas, c’est possible dans les négociations. Je trouve que c’est très insatisfaisant. Vous êtes un français, vous êtes devant votre écran, vous dites « mais comment gouvernent ces gens ? ». Ce qu’on ne tolérerait pas pour une PME, voilà que l’Etat dans sa majesté le commet tous les jours.

EC - Alors justement concernant la majesté de l’Etat, on a eu cette semaine Bruxelles qui nous a dit que la France allait être bientôt le 2e pays qui prélevait le plus d’impôts en Europe donc 1) : Est-ce que l’on paie trop d’impôts ? 2) La Cour des comptes nous dit que l’on n’arrive pas à réduire les déficits et les dépenses et en même temps on n’a pas de croissance, qu’est-ce qu’on fait pour sortir de cette espèce de cercle vicieux ? Sur les impôts vous parliez de refondation, es-ce qu’il faut une grande réforme fiscale ? Laquelle ? Est-ce qu’il faut baisser les dépenses publiques et donc est-ce qu’il faut réduire le nombre de fonctionnaires comme le dit la Cour des comptes ?

Vous amalgamez un certain nombre de choses qui méritent d’être analysées une à une. Il y a une chose qui pour moi me frappe et qui devient endémique, c’est que les entrepreneurs, et spécialement les jeunes français, s’en vont.

AdM - Vous constatez qu’ils s’en vont ?

Je constate qu’ils s’en vont. C’est une réalité. Ils s’en vont, et dans des pays qui n’ont pas forcément un modèle plus attrayant que le nôtre, simplement là où ils ont le sentiment de trouver une énergie. La Grande-Bretagne, on ne peut pas dire que la situation soit reluisante, mais ils ont l’impression d’y trouver une énergie et de l’emploi. Et ils partent plus loin, en Extrême-Orient.

EC - Le problème c’est quoi ? C’est trop d’impôts, trop de règlements, on ne récompense pas assez l’initiative ?

C’est un pays paralysé. La France est un pays paralysé, la France est un pays où la puissance publique est autobloquante, elle se bloque elle-même et elle bloque les initiatives des autres.

AdM - Vous constatez une difficulté mais encore une fois, comment on la dépasse ?

Nous y venons. Vous m’accorderez que j’ai présenté depuis des années la question du déficit et de la dette, et la question des plans d’économies nécessaires. Alors les plans d’économies nécessaires, c’est dans la vie de tous les jours. Je vais vous raconter une micro-histoire. Vendredi soir, j’ai dîné chez un ami, et il faisait la cuisine, il découpait des aubergines avec sa machine à découper le jambon. Et puis il a découpé non pas les aubergines mais son doigt. Donc il avait une plaie profonde, extrêmement nette mais profonde, on a dit est-ce qu’on va aux urgences ? On a dit non, parce que j’ai souvent dénoncé l’abus des urgences dans le système de la sécurité sociale française, et donc on a décidé ensemble qu’on allait faire un pansement, mais on n’avait pas de sparadrap, et on n’avait pas de désinfectant. Et donc on s’est dit que l’on irait à la pharmacie d’urgence. Ce que vous auriez fait. Comment vous trouvez la pharmacie d’urgence ?

AdM - Je cherche en général sur internet pour trouver quelle est la pharmacie d’urgence dans mon coin.

Et bien j’ai appelé le commissariat de police qui est censé donner la pharmacie d’urgence et on m’a dit « non monsieur, on ne donne pas la pharmacie d’urgence. » Il a fallu que je me fâche et je l’ai fait vraiment à mon corps défendant, je suis le maire de ma commune et le maire, comme vous savez, est officier de police judiciaire. Résultat, si j’avais suivi, je me serais découragé, comme tout le monde, comme toutes les mamans qui ont un enfant qui a de la fièvre. C’est pour vous montrer que c’est la vie de tous les jours qui fait les déficits où nous sommes. Parce que j’ai réussi, en tapant sur la table, à avoir le numéro de la pharmacie d’urgence, ça a coûté 4€ 90. Aux urgences de l’hôpital, cela aurait été facturé à la Sécu 250€. Et ça, on en a tous les jours et partout.

AdM - Et donc c’est à chaque Français de prendre ses responsabilités comme vous l’avez fait ?

Non, ils ne peuvent pas. Vous ne vous rendez pas compte que, en France, on a bâti une société qui marche tellement sur la tête que les Français ne peuvent plus avoir accès à ce qui serait pourtant normal. Et cela fait dépenser des centaines de millions d’euros, et peut-être des milliards. Il faut rebâtir un pays dans lequel les Français peuvent trouver le numéro de la pharmacie de garde, peuvent trouver un accès à leurs administrations. Vous avez essayé d’appeler un opérateur téléphonique quand vous avez un problème ? Même vous, vous n’y arrivez pas alors imaginez lorsque vous avez affaire à une personne âgée.

EC - Une administration qui marche très bien, c’est le fisc. Les impôts ça marche très bien. Mais qu’est-ce qu’on fait avec les impôts ?

Nous avons bâti une société qui marche sur la tête. Et les impôts participent de cette affaire là. Il faut baisser bien entendu la dépense publique, il faut simplifier et rebâtir l’action publique, l’Etat, la Sécu, les collectivités locales.

 

TROISIÈME PARTIE 

François Bayrou a répondu aux questions d’Anna Cabana (AC) du Point.

AC - Bonsoir François Bayrou, j’ai envie de commencer par une archive, c’était le 2 septembre 2001, à Ramatuelle, la clôture de l’Université d’été de l’UDF. On vous regarde.

Vidéo - « …Un 3e homme. Le 3e homme, c’est l’homme de la liberté des Français, et oui je porterai cette liberté, et oui je porterai cet espoir… »

AC - Alors vous lanciez votre 1ère campagne présidentielle, au fond vous avez toujours été habité par la conviction d’avoir une mission politique à accomplir. Malgré les échecs, François Bayrou ? Cela n’a rien entamé ?

Les échecs n’ont aucune importance pourvu que vous soyez dans la ligne de ce que vous croyez vrai et de ce que vous vérifiez être vrai. Donc les échecs ne sont que très peu de choses, cela n’a aucune importance. Et quelques fois cela renforce, cela construit.

AC - On a le sentiment que ces derniers temps, à force de prendre des coups, vous aviez un petit peu faibli.

Vous savez maintenant il y a aussi des succès…

AdM - Depuis Pau.

Cela se construit depuis Pau. C’est assez juste, c’est arrivé, et il y a plein de choses équivalentes dans l’histoire de France. Mais je reviens à votre question. Je crois qu’être citoyen, de même qu’être mère de famille, père de famille, être femme ou homme, c’est avoir une mission. Et cette mission est très précise, vous ne pouvez pas vous désintéresser de ceux qui sont autour de vous. 

AC - Oui, mais là vous parlez d’une mission citoyenne mais vous, vous aviez une mission présidentielle jusqu’à présent et ces derniers mois je vous ai entendu dire des choses qui m’ont troublée. Parce que vous avez dit « l’élection présidentielle n’est pas dans mon viseur, n’est pas dans écran de contrôle ». Attendez, ce n’est pas du tout bayrouiste comme phrase, je me suis inquiétée pour vous. Est-ce que vous vous êtes désintoxiqué de la présidentielle ?

J’en ai été toute ma vie beaucoup moins intoxiqué que vous ne croyez. Donc je n’ai pas vraiment eu besoin de m’en désintoxiquer. Mais comme il faut nécessairement avoir une caricature, la caricature qui était la mienne c’était « Il ne pense qu’à ça ». Je vous jure que j’ai pensé à beaucoup d’autres choses. J’ai écrit beaucoup de livres. Je me suis occupé de mon pays, de mes enfants et ce sont des choses très importantes. Donc je reviens à la question. L’élection présidentielle est centrale, je pense que la prochaine élection présidentielle devra donner lieu à des rassemblements. Je souhaite que ces rassemblements soient sur les principes que j’ai défendus devant vous et qui sont les principes d’une République nouvelle qui reconstruirait une société qui soit plus accueillante à l’initiative, plus accueillante à l’autonomie des gens et à la solidarité entre eux, quelque chose de très affirmé dans la volonté nationale.

AC - Mais, François Bayrou, ce rassemblement là vous y aviez déjà cru pour la dernière élection présidentielle, vous avez même pensé que François Hollande pourrait être le Président de la République auprès duquel vous pourriez gouverner en tandem. Vous l’avez espéré, vous nous aviez dit des choses notamment qu’il était fiable, formidable, qu’il n’était pas un homme médiocre, qu’il était un réformiste.

J’utilise assez peu ce genre de qualificatif. Je ne pense pas que c’est un homme médiocre et ce n’est pas parce que je suis en désaccord avec lui que je vais vous dire aujourd’hui qu’il l’est.

AC - Mais vous avez espéré être le Premier ministre d’un gouvernement d’union nationale, d’intérêt national.

Jamais. Vous vous trompez absolument. J’ai espéré que François Hollande, conduit par la nécessité, changerait la politique, sa politique, et avouerait au pays quels étaient les axes nécessaires pour rebâtir.

AC - Mais ça passait par gouverner avec vous.

Pas du tout. Contrairement à ce que vous croyez, je n’utilise pas la première personne pour toutes les déclarations que je fais. Je pense que l’on peut penser et dire des choses sans utiliser la première personne. Donc ce n’était pas de mon destin qu’il s’agissait, c’était du destin de mon pays. Mais si vous dites que vous avez ressenti, avec le temps, que notamment à partir de cette élection à Pau, j’étais désintoxiqué d’un certain nombre de choses, tant mieux ça va vous obliger à changer les caricatures et c’est un effort positif.

AC - Mais on espère que le retour de Nicolas Sarkozy sur le devant de la scène va vous obliger à vous réintoxiquer parce que l’on a quand même le retour de celui qui incarne tout ce que contre quoi vous avez combattu.

Si vous me demandez si je pense que Nicolas Sarkozy peut être le rassembleur que j’évoquais à l’instant, ma réponse est : je ne le crois pas. Ou alors il faudrait qu’il change beaucoup. Je n’ai jamais eu d’antipathie personnelle pour Sarkozy, j’ai eu une violente condamnation des dérives qui sont aujourd’hui apparentes et qui sortent dans tous les journaux.

 

QUATRIÈME PARTIE

François Bayrou a répondu aux questions d’Apolline de Malherbe (AdM), sur les différents projets du gouvernement.

AdM - Retour dans BFM Politique avec vous, François Bayrou. On va revenir sur un certain nombre de points : vous disiez qu’il fallait reconstruire, mais on va voir si ce que le gouvernement essaie de reconstruire vous satisfait ou non. D’abord, l’écotaxe, elle est grosso modo morte. Manuel Valls a confirmé cet après-midi qu’elle serait remplacée, je cite, par un « péage de transit sur les poids lourds ». Cela rapporte un peu moins d’argent, la Bretagne va être touchée à la marge, dit Manuel Valls. Est-ce que c’est suffisant, est-ce que cela vous satisfait ?

C’est plus raisonnable que le projet précédent, 4000 km c’est mieux que 15 000, et donc on verra si ça marche. Est-ce que je puis tout simplement attirer votre attention sur le fait que l’on fait ça pour financer des équipements publics, des réseaux ferrés, par exemple, ou routiers. Il y avait quelque chose qui faisait cela très bien, c’était les autoroutes. Je vous rappelle que je suis allé au Conseil d’Etat tout seul pour tenter, pour empêcher cette privatisation sauvage des autoroutes. Si on n’avait pas privatisé, on n’aurait pas besoin de chercher des milliards parce qu’il rentrerait quelque chose comme 2 milliards et demi par an dans les caisses.

AdM - Faut-il que l’Etat reprenne des participations dans les autoroutes ?

On ne peut pas, il y a des allers sans retour.

AdM - C’est fichu ?

Le poids de la décision politique c’est qu’il arrive que, sur un certain nombre de sujets et plus souvent qu’on ne le croit, la décision ne soit pas réversible.

AdM - Mais par exemple, l’Etat dit qu’il va prendre des participations, sans doute, et c’est ce que Manuel Valls a laissé entendre aujourd’hui, dans la société Eco Mouv. Est-ce que ça c’est une bonne idée ?

Si on s’en tient au projet, c’est une société ruinée. On a signé avec elle dans des conditions dont je ne sais pas si elles sont parfaites, où j’ai des interrogations ; on a donné à cette société, le gouvernement sous Nicolas Sarkozy, ce pouvoir énorme de récolter la taxe. On retrouve là quelque chose qui ressemble à du passé lointain. Elle s’est bâtie pour cette raison, elle a bâti les portiques et tout cela si on le lui supprime c’est une société ruinée. Et donc on dit « et bien l’Etat va mettre un emplâtre sur cette affaire ». Donc c’est une affaire qui n’a pas été bien menée et c’est une affaire qui est aujourd’hui dangereuse.

AdM - Il y a eu 2 conflits cette semaine, un à la SNCF avec les cheminots, l’autre à la culture avec les intermittents. Est-ce que vous estimez que Manuel Valls et François Hollande ont bien géré ces 2 conflits ?

Le conflit à la SNCF est très choquant pour la plupart des Français, même pour vous et même pour moi, parce je suis incapable de dire quel était l’objet du conflit.

AdM - Vous estimez que c’était un conflit qui n’avait pas de sens ?

En tout cas c’est un conflit dont on ne percevait pas l’enjeu. Parce que si je me souviens bien, lorsque l’on a séparé la SNCF de Réseau Ferré de France, il y a eu un conflit très important et là on les rapproche. Donc on ne voit pas la logique de cette affaire, et comme on ne voit pas la logique, la grève apparaît alors comme exorbitante, profondément choquante pour les usagers que nous sommes.

AdM - Donc le gouvernement a bien fait de ne pas céder ?

Oui, de toute façon, il ne pouvait pas céder.

AdM - Et sur les intermittents ?

Sur l’intermittence, il y a quelque chose de très différent. A mes yeux, c’est la plus efficace des politiques culturelles du pays. On aide le spectacle vivant, on aide les musiciens, les acteurs et il y a 2 énormes épines dans cette affaire. La première c’est qu’il y a probablement des abus, et la deuxième c’est que l’abus principal c’est que ce sont les très grandes sociétés d’organisation de télévision, de cinéma, d’émissions qui profitent le plus de cette organisation.

AdM - Donc pour vous il ne faut pas supprimer ce statut mais il faut le réformer, donc vous êtes sur la même ligne que Manuel Valls.

Reprendre à la base, c’est une bonne chose, ce que le bon sens commande de faire.

AdM - Un mot de l’Europe. François Hollande a réuni hier à Paris les différents chefs d’Etat de gauche d’Europe, ils ont décidé de soutenir la candidature de Jean-Claude Juncker pour la présidence de la Commission européenne, est-ce que c’est votre cas ?

Oui, Jean-Claude Juncker est un homme que j’estime depuis très longtemps, que je connais depuis sa jeunesse et la mienne. C’est un homme du Centre, c’est quelqu’un qui a une très grande expérience européenne.

AdM - Vous aviez été très critique du prédécesseur, de Barroso, est-ce que là vous estimez qu’il y aura une vraie rupture ?

Ce que je sais de Jean-Claude Juncker me montre que cet homme là peut apporter à l’Europe ce qui lui manque. Il faut qu’il se détourne des influences excessives des chefs d’Etat et de gouvernement qui passent leur temps à jouer leurs propres cartes contre la carte européenne. Je crois qu’il aura la force de le faire. En tout cas, je lui apporte mon soutien. De toutes façon, il y avait une vérité qui s’imposait à tout le monde, c’est qu’on est allé devant tous les peuples européens en disant « Cette fois-ci, vous allez choisir le président de la Commission » Et bien il y a eu une élection, il faut respecter cette élection. Si Monsieur Cameron veut qu’on vote et bien qu’on vote. Qu’on ait un peu de transparence sur une décision aussi importante. En tout cas, je crois que le choix de Jean-Claude Juncker peut aller dans la direction d’un avenir positif pour l’Europe.

AdM - François Bayrou, il y a des nouvelles têtes au Centre. On a appris à l’instant que Laurent Hénard a été élu Président du Parti Radical ; Yves Jégo est candidat à la présidence de l’UDI. Vous aviez créé en grandes pompes cette année L’Alternative, c’était une rencontre entre 2 hommes, entre vous et Jean-Louis Borloo. Le fait que Jean-Louis Borloo se soit mis en retrait de la vie politique et que justement il y ait ces nouvelles têtes à l’UDI, au Parti Radical, est-ce que cela change quelque chose ou est-ce que vous continuez comme si de rien n’était ?

Il faut absolument continuer, il faut absolument aller dans ce sens-là. La vie politique française, je l’ai expliqué longuement au début de cette émission, a un immense besoin de renouvellement. Quelle force politique de renouvellement pouvons-nous trouver aujourd’hui ? Où le renouvellement est-il disponible ? Et bien la réponse est simple, il n’y a qu’une force politique hors du champ des extrêmes qui puisse apporter le renouvellement dont la vie politique a besoin, c’est le Centre ? Qu’est-ce qu’il faut pour que le Centre assume sa mission, son obligation de renouvellement, son devoir de renouvellement ? Il faut une seule chose, c’est qu’il soit uni. Mais ce n’est pas dans ses gênes, et l’unité est un combat.

AdM - On a tout de même l’impression que cela tourne à la guerre des chefs là, à nouveau à l’UDI, au Parti Radical.

Il peut y avoir des affrontements, en tout cas chez nous au MoDem il n’y en a pas. Cette force politique que nous avons bâtie qui est une force politique qui s’est fixé comme objectif d’échapper à la fatalité des camps, un camp contre l’autre. J’ai essayé devant vous de montrer qu’il y avait des sujets sur lesquels je pouvais dire oui et des sujets sur lesquels je disais non. Et donc cette nécessité du renouvellement le Centre ne peut la porter que s’il est uni et il a donc le devoir de le faire. Et je plaiderai inlassablement pour cette unité.

AdM - Mais vous dites « nous incarnons le renouvellement », en même temps vous êtes là depuis très longtemps. Est-ce que vous incarnez ce renouvellement ?

François Mitterrand, à certains moments, était là depuis longtemps, et Charles de Gaulle qui était quelqu’un de plus altier, de même pour Winston Churchill.

AdM - Donc vous êtes dans la lignée de ceux-là et vous vous voyez à un moment comme eux deux Président de la République si je vais au bout de votre logique.

Non, ne revenez pas à vos obsessions.

AdM - Vous ne voulez pas de caricature mais vous vous mettez de vous-même dans leur lignée.

J’essaie d’échapper à cette obsession. Il se trouve que j’ai un peu d’expérience, beaucoup d’énergie, la confiance de mes concitoyens, le fait qu’il y a aujourd’hui la vérification par la preuve de ce que le diagnostic que je portais sur la politique française, était juste.  Ce service-là je le dois à mon pays, je le dois à mes concitoyens de Pau. Et il y a une obligation, c’est que je servirai l’unité de la famille du Centre en voie de reconstruction dont j’espère qu’elle ne s’égarera pas dans les chemins de la division.

 

CINQUIÈME PARTIE 

François Bayrou a répondu aux questions d'Annabel Roger (AR) de RMC.

AR - Bonsoir François Bayrou, je voudrais d’abord revenir sur ce que vous dites de Manuel Valls, on vous réécoute.

Bande-son - « Je pense que Manuel Valls dit un certain nombre de choses justes mais qu’il n’a pas la majorité pour les faire. »

AR - Alors est-ce que le Centre doit aider Manuel Valls à obtenir cette majorité ?

Je vous ai dit que le Centre n’est pas une roue de secours. Et moi je ne suis pas une roue de secours.

AR - Mais vous avez la possibilité d’aider le Premier Ministre.

Non, tant que nous aurons ces règles absurdes dans lesquelles nous vivons et qu’il faut changer d’urgence. François Hollande aurait déjà dû les changer, il s’y était engagé, il ne l’a pas fait. Tant que nous aurons ces règles absurdes, cela empêchera que puisse se bâtir en France des majorités qui dépassent la frontière des camps. Dieu sait que je l’ai fait, j’ai pris des risques un tout petit peu importants pour faire ça.

AdM - Mais là, est-ce que ce n’est pas le moment de prendre vos responsabilités ? Vous dites qu’il veut faire des choses justes, il a peut-être besoin de votre aide.

Lorsque vous êtes devant un système qui est vicié de l’intérieur, vous savez qu’il y a un virus et bien vous n’essayez pas de faire croire que l’on peut oublier qu’il y a ce virus. Vous savez que de Gaulle a dit quelque chose dans les années 50 sur ce point qui était absolument essentiel, il disait « Vous pouvez mettre les meilleurs hommes possibles, avec ces institutions là cela échouera ».

AdM - Donc vous n’aiderez plus tant que le système n’est pas changé ?

J’aide en disant ce que je pense mais vous avez besoin d’un système qui soit efficace, bien construit, et dans lequel les Français peuvent se retrouver. Cela n’est pas le cas aujourd’hui, tant que ce ne sera pas fait, nous n’aurons pas les majorités dont nous aurons besoin.

AR - Je vais reposer la question de manière très concrète. Demain, le projet de loi de finance rectificative arrive à l’Assemblée nationale, est-ce que les députés du Centre doivent le voter ? C’est concret ça.

En tout cas ils vont d’une certaine manière le soutenir puisqu’un grand nombre a dit qu’il abstiendrait et je trouve que c’est positif. Vous savez, quand vous êtes dans l’opposition, une abstention c’est un geste positif ; quand vous êtes dans la majorité, l’abstention c’est un geste de défiance.

AR - Donc coup de pouce à Manuel Valls.

Pas à Manuel Valls, à la France qui se trouve dans un état catastrophique. Voilà.

AR - 2e extrait, on vous réécoute maintenant sur votre vision de l’échec.

Bande-son - « Mais les échecs n’ont aucune importance pourvu que vous soyez dans la ligne de ce que vous croyez vrai et de ce que vous vérifiez être vrai. Donc les échecs ne sont que très peu de choses, cela n’a aucune importance. »

AR - Aucune importance, mais les échecs ne donnent pas le pouvoir et ne donnent pas la possibilité de réformer comme vous semblez mourir d’envie de le faire semble-t-il.

Je ne veux pas le succès à n’importe quel prix. J’aurai pu avoir des promotions flatteuses, je n’ai pas voulu le faire. Pourquoi ? Parce que si vous ne rétablissez pas le contrat de vérité avec les gens, tous vos efforts échoueront. L’idée que pour avoir la gloire d’une victoire vous trahissez le contrat de confiance, cette idée-là pour moi est une idée mortelle.

AdM - Mais au-delà  de la gloire, François Bayrou, est-ce que passer des idées à l’action, est-ce que le courage n’est pas à un moment une forme de compromis ?

Mais vous ne pouvez pas passer à l’action avec des institutions viciées. Vous voyez bien ce qu’il se passe, François Hollande a tous les pouvoirs, qu’est-ce qu’il peut faire ?

AdM - Est-ce que c’est finalement le contexte qui fait que François Hollande ne fait rien ?

Non ce n’est pas le contexte, c’est le fait qu’il a bâti un projet auquel il a fait adhérer son « camp » entre guillemets comme on dit et simplement ce projet est inadapté, c’est le moins que l’on puisse dire, je choisis les mots les plus gentils, à la situation du pays. Donc il est en situation de blocage. Il est dans une impasse, il est enlisé. Et ceci est le destin auquel sont promis tous les gens qui choisissent, pour gagner, de ne pas respecter le contrat de vérité.

AdM - François Bayrou, on est en plein mondial, dans un instant c’est le 20h do Brasil, qu’on suivra en direct du Brésil, est-ce que justement les Bleus, qui étaient dans l’impasse, qui se sont reconstruits, est-ce que la politique ça peut être comme ça, un peu d’espoir ?

Ca peut être comme ça, les vies humaines, ça peut être comme ça. Tous ceux qui nous écoutent et qui rencontrent des drames ou des blocages dans leur vie, qui sont devant le mur, il faut évidemment qu’ils sachent que précisément on n’est pas condamné parce qu’il manque quelque chose. Et c’est vrai dans la vie personnelle, c’est vrai en économie, c’est vrai dans la vie politique. On peut se reconstruire, on peut avancer et faire refleurir.

AdM - Ils iront jusqu’où pour vous les Bleus, François Bayrou ?

Moi je pense qu’ils vont aller très loin, je ne veux pas être trop optimiste mais cette équipe là, j’y crois depuis le début, j’y crois depuis le match contre l’Ukraine. Il s’est passé quelque chose sous mes yeux qui ressemblait à l’idée que je me fais d’un football conquérant.

AdM - Merci François Bayrou d’avoir été notre invité.

 

 

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