"Nous avons une clef de voûte formidable qui est l'élection du président au suffrage universel. Face à cela, nous avons besoin d'un parlement fort."

Marielle de Sarnez, première vice-présidente du Mouvement Démocrate et présidente de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, était l'invitée de Ruth Elkrief sur BFM TV. Au programme de cette interview : les annonces du Premier ministre sur la réforme des institutions, et le projet de loi asile et immigration.

Ruth Elkrief : Bonsoir Marielle de Sarnez. Merci d’être notre invitée. Vous êtes députée MoDem de Paris, vice-présidente ce parti, et présidente de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale. On va évoquer la réforme des Institutions et la loi asile et immigration. Mais d’abord, le climat social. Ce matin, lorsqu’Emmanuel Macron est accueilli par des manifestants, est-ce que c’est le vieux monde qui s’accroche à ses privilèges, qui essaye de défendre des statuts, ou est-ce que c’est une société inquiète, qui veut comprendre ce qui se passe ?

Marielle de Sarnez : Je ne crois pas au monde privilégié dont vous parlez. Je crois qu’il peut y avoir des inquiétudes et c’est normal. La France est un pays magnifique. Mais c’est un pays qui a besoin de s’adapter, d’avancer, de se réformer. Et cela faisait bien longtemps que nous étions dans une forme d’immobilisme, qui n’était pas bon pour le pays. Nous avons élu un nouveau président de la République, sur une promesse de changement, de transformation, …

Ruth Elkrief : Est-ce qu’elle est bien engagée ? Est-ce qu’elle est bien expliquée ?

Marielle de Sarnez : On peut toujours mieux expliquer. Je crois que c’est très important de continuer à avancer sur l’esprit de réforme, la transformation, les changements qu’on doit porter. C’est très important. C’est important de ne pas considérer qu’il y a des privilégiés, des catégories de Français, …

Ruth Elkrief : C’était une erreur de présenter les cheminots comme des privilégiés ?

Marielle de Sarnez : Tout ça est très difficile. On a plus de chances d’arriver à conduire des réformes en comprenant les inquiétudes, en faisant preuve d’empathie, et de respect.

Ruth Elkrief : Ce n’est pas le sentiment qui a dominé ces derniers temps…

Marielle de Sarnez : Ecoutez, il y a un axe clair. Le Premier ministre fait des changements. Il est, au fond, aux responsabilités pour cela. C’est le mandat qui lui a été donné par le président, qui a été élu par le Peuple Français. Donc tout cela est absolument normal. C’est vrai qu’il faut entendre les inquiétudes, c’est vrai qu’il faut se respecter. Donc il faut conduire ces réformes avec la volonté de les conduire et de façon déterminée - c’est ce que dit le Premier ministre. Et puis en même temps, il faut être en capacité de comprendre les inquiétudes. Quand vous prenez un corps social qui est celui de la SNCF, il est évident que l’on doit s’interroger. On a imposé à la SNCF des changements multiples. J’ai vu cela du côté européen : il y avait une société, et on a dit : "il faut plusieurs sociétés". Et puis maintenant, on dit : "il faut une seule société". Est-ce que vous trouvez que tout cela est raisonnable ? Je pense aussi qu’il y a peut-être eu des erreurs de gouvernance dans les gouvernements précédents, des erreurs de management à la SNCF. Donc, qu’il y ait des inquiétudes, je les comprends, je les entends. Mais en même temps, on voit bien qu’il faut avancer et faire le mieux possible.

Ruth Elkrief : Est-ce que vous craignez une agrégation des inquiétudes : dans les universités, quelques étudiants qui font des blocus, les retraités… ? 

Marielle de Sarnez : Arrêtons-nous deux minutes sur les universités. Qui peut se satisfaire en France ? Cela fait des décennies qu’on a le même problème et qu’on répète la même phrase en boucle : « 60% d’échec en première année ». Mais qui peut accepter qu’on envoie des jeunes dans le mur ? Et comment faisait-on ? Des tirages au sort… Franchement, ça n’est pas sérieux.  Il faut aussi que l’on regarde les choses avec bon sens. Evidement, il faut améliorer les  orientations. Oui, les prérequis, ce n’est pas un mot qui me choque. Il vaut mieux avoir des prérequis et plus de chances de réussir dans une voie qu’une autre. Donc on a du travail à faire, d’explication, je n’en doute pas. On a du travail à faire dans toutes les filières : professionnelles, technologiques,… Cela fait des décennies que ça dure, c’est une constante ! On a une chance « historique », on a un rendez-vous. On est dans un moment où le pays peut changer, se transformer, et où des réformes d’intérêt général peuvent être conduites.

Ruth Elkrief : Les institutions. Edouard Philippe a présenté hier les grandes lignes du gouvernement pour sa réforme des institutions : réduction de 30% du nombre  des députés et sénateurs, élection de 15% des députés à la proportionnelle aux législatives de 2022, interdiction du cumul des mandats dans le temps. J’ai lu ce matin des gens qui considèrent que c’est un camouflet pour François Bayrou et le MoDem parce qu’il voulait 25%  de députés élus à la proportionnelle, et que ce n’est pas sa conception. Vous êtes déçue ? Est-ce que c’est un camouflet ? 

Marielle de Sarnez : Non, pas du tout. D’abord, c’est un point de départ. Cela veut dire que ce n’est pas un point d’arrivée… Maintenant, arrivés en 2019, il peut se passer beaucoup de choses… 

Ruth Elkrief : On peut passer de 15 à 25% ?

Marielle de Sarnez : Il peut se passer beaucoup de choses entre maintenant et 2019… Deuxième chose que je veux vous dire : il faut qu’on essaie de remettre cette question en perspective. On vient de parler des réformes nécessaires dans le pays. Est-ce qu’on est satisfait de la vie démocratique de notre pays ? Est-ce qu’on est satisfait de sa vie publique ? Est-ce qu’on considère que toutes les institutions fonctionnent formidablement bien ? La vérité est que non. On a besoin, par exemple, d’un parlement fort en face d’un exécutif fort. On a une clé de voûte formidable dans la Vème République, c’est l’élection du président de la République au suffrage universel, qui donne la vision, la direction, le cap qui rassemble et unit les Français. Et à côté de cela, on doit avoir un Parlement plus fort qu’il n’est aujourd’hui. Je ne suis pas satisfaite de ne pas avoir un Parlement fort. Un Parlement fort, c’est un Parlement qui est respecté, qui représente les différents courants d’opinion, qui ressemble à la société Française, qui est pluraliste. Quand je dis que c’est un point de départ pour cette réforme, je pense qu’il faut avoir un haut niveau d’ambition sur la question de la refondation de la vie démocratique du pays. Parce que si on est satisfait du taux d’abstention, de l’absence de lien de confiance, …  Je ne crois pas qu’on le soit… On voit bien qu’on a à rebâtir.

Ruth Elkrief : François Bayrou et vous demandiez 25% de députés à la proportionnelle pour représenter les tendances de la société Française…

Marielle de Sarnez : Je comprends qu’on se focalise là-dessus. C’est un des points. Quand je vous dis qu’il faut un Parlement fort, c’est par exemple, un Parlement qui connaît son ordre du jour 6 mois ou un an à l’avance, qui explique à l’opinion publique qu’on va parler tel mois de l’année de telle question fondamentale, d’intérêt général, sur lesquelles les concitoyennes, et concitoyens pourraient réagir ou s’approprier les réformes. Donc ce sont des changements très importants qu’il faut conduire pour notre Parlement.

Ruth Elkrief : Donc la négociation va commencer ? C’est à dire qu’il va se passer une forme de négociation, de discussion ? Il y aura des amendements ?

Marielle de Sarnez : L’intérêt général, c’est de refonder notre vie démocratique, d’avoir un Parlement fort. Et, je veux ajouter ceci. C’est quoi la proportionnelle  - une partie de proportionnelle dans le mode du scrutin ? C’est la garantie que oui, on aura un Parlement pluraliste et c’est une deuxième garantie, qui est pour moi très importante. C’est qu’on ne retombera pas dans le système de bipolarisation que les Français ne veulent plus voir. On a eu pendant des décennies droite contre gauche, gauche contre droite ! Chaque fois que l’un gouvernait, l’autre attendait qu’une seule chose, c’est que le camp d’en face se « plante ».  Cela donne quoi ? Cela donne un pays aujourd’hui qu’il faut remettre en marche, ça donne une cohésion sociale qu’il faut reconstruire, ça donne un espoir qu’il faut retrouver. Oui, il faut du pluralisme. Oui, il faut aider à ce que l’émergence d’un camp central de gouvernement- vous savez, c’était le rêve de Valéry Giscard d’Estaing ! J’ai envie que le changement promis par Emmanuel Macron soit durable, soit pérennisé. J’ai envie qu’à la fin du ou des mandats d’Emmanuel Macron – on verra le moment venu, je souhaite qu’il est du temps pour faire les transformations dont le pays a besoin. Et je souhaite que notre pays soit plus rassemblé et mieux rassemblé. Je souhaite qu’ensuite, on ait porté des changements qui pérennisent une nouvelle forme de vie politique dans le pays et qu’on revienne pas au monde d’avant avec tous les blocages, tous les immobilismes, et toutes les arrières pensées.

Ruth Elkrief : Vous êtes présidente de la commission des Affaires étrangères, un peu concernée par la loi asile et immigration. Alors là, il y a quand même des résistances, y compris au sein du groupe LREM. Ce matin, la présidente de la commission des lois a dû compter les voix à deux reprises avant de rejeter un amendement proposé par des députés de la majorité…

Marielle de Sarnez : C’est la vie parlementaire. On ne peut pas demander qu’il y ait un lieu de débats, démocratiques, dans lesquels les parlementaires s’expriment et ensuite s’affoler parce qu’il y a eu débat ! Je ne suis pas à la commission des lois. Je préside un commission qui essaie de regarder la question d’asile et immigration avec un spectre plus large. On a besoin de plus d’Europe. Aujourd’hui, on est une sorte de « marché de l’asile » en Europe, cela n’est pas satisfaisant.  On a besoin d’une meilleure relation avec tout ce qu’on appelle les « pays d’origine et de transit ». Et donc, c’est toute la question du développement de l’Afrique. On a besoin aussi d’une politique de développement qui soit plus efficace. La loi ne peut pas répondre à tous les sujets dont je viens de parler. Mais au fond, on ne réglera pas toutes ces questions, qui sont des défis fondamentaux, pas seulement pour la France mais pour le monde. Le projet de loi y répond partiellement, elle va dans la bonne direction, par exemple, sur les délais, sur une plus grande harmonisation sur l’Europe. Elle ne traite pas de toutes les questions. Mais j’espère que la politique française de développement, les relations avec les pays d’origine et de transit, l’harmonisation et la convergence européenne, seront à l’agenda du gouvernement pour les mois et les années qui viennent. C’est important.

Ruth Elkrief : Merci beaucoup d’être venue sur notre plateau.

Marielle de Sarnez : Merci à vous.

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