"Nous ne sommes pas condamnés au FN"
Dans un entretien accordé à Paris Match, le président du MoDem considère que le premier tour des régionales appelle plus que jamais une refonte du paysage politique français.
Paris Match. Au regard du scrutin, Marine Le Pen peut-elle gagner en 2017 ?
La poussée du Front national est très importante. Mais nous ne sommes pas condamnés au FN si les responsables du pays se donnent la peine de comprendre la situation et de changer ce qui doit l’être. Les Français ont sanctionné des années d’impuissance sur les points les plus brûlants : chômage, baisse du niveau de vie. S’y ajoute un sentiment de dépossession, une perte de repères, la crise migratoire, un trouble d’identité, une inquiétude mélangeant islam radical et islam convivial, une -déconnection de la vie politique et de la vie réelle des Français… De plus, avoir exclu le FN de la représentation nationale, a fini par faire de lui l’opposant universel. C’est une situation profitable.
Pourquoi contestez-vous le “ni retrait ni fusion” défendu par Nicolas Sarkozy ?
Je suis opposé à l’idée de fusion, qui ressemble à de la magouille électorale. En revanche, en cas de risque FN avéré, le retrait des listes arrivées troisièmes est un vrai signal de prise de conscience de la gravité de la situation. Même si ce n’est pas très efficace électoralement, c’est un geste désintéressé, qui dit « c’est assez grave pour que nous renoncions à nos sièges pour six ans ! » Si les états-majors persistent à dire qu’il faut continuer comme avant, si le ni-ni n’implique “ni” prise de conscience “ni” changement, alors la sanction continuera de progresser.
La stratégie de l’union de la droite et du centre pour faire rempart au FN est-elle un échec ?
Il y a des moments où on a le choix qu’entre des solutions bancales. La gauche est partie divisée, la droite et le centre sont partis unis, rien n’a vraiment marché. Tant qu’on ne proposera pas une vie politique profondément renouvelée, on multipliera le risque de victoire des extrêmes. Et ce renouvellement doit venir de l’intérieur des courants démocratiques du pays.
Mais vous étiez partie prenante de l’alliance à droite ! Pourquoi ne pas avoir porté cette voie alternative que vous défendez depuis longtemps ?
Dans le contexte de la poussée des extrêmes et le traumatisme des attentats, cette parole-là n’aurait pu être entendue comme elle devait l’être.
Pourquoi le FN est-il entendu sur ce créneau du renouvellement et pas vous ?
Le FN, c’est la démagogie la plus débridée. Il promet, grâce à la sortie de l’euro, de multiplier les postes de fonctionnaires, de distribuer des allocations à tout le monde… J’ajoute que le scrutin majoritaire, censé bloquer le FN, le favorise en fait. Dans un système proportionnel, chacun aurait ses sièges, et des majorités d’entente auraient évité le risque extrémiste. Pourquoi croyez-vous qu’après la guerre et le désastre, l’Allemagne ait définitivement adopté ce mode de scrutin ?
C’est pour l’instant une semi-défaite pour la gauche. Hollande conserve-t-il une chance pour 2017 ?
Je ne décalque pas un scrutin sur un autre. Ce sont les « résultats » de François Hollande qui sont le réquisitoire le plus dur contre lui.
Si le FN est à 28 % en 2017, vous vous présentez quand même ?
Se servir de la montée des extrêmes pour empêcher tout changement en profondeur dans notre vie démocratique, c’est cousu de fil blanc et c’est ce refus qui fait le jeu du FN. Je le redis : si l’on veut contrecarrer l’extrême droite, il faut que de l’intérieur même des courants démocratiques et humanistes vienne une irrésistible volonté de changement. C’est le seul antidote. Le scénario du « on ne change rien ! », je ne l’accepterai pas.