"Pour surmonter la crise, il faut une vraie démocratie européenne"

Lors du premier Forum du renouveau européen, Guy Verhofstadt, président du groupe ADLE au Parlement européen, a appelé l'Europe à évoluer vers "une union bancaire, économique et politique", sans quoi "la crise continuera".

"Tout d’abord, cher François et cher Francesco, merci beaucoup pour l’organisation de ce premier Forum du renouveau européen. Le deuxième sera juste avant les élections européennes, et le troisième juste après.

Merci beaucoup à Marielle, à Nathalie et à Robert d’organiser cela parce que je crois que nous avons grand besoin d’avoir des débats, des colloques, des conférences dans le monde politique, sur l’avenir de l’Europe.

Laissez-moi tout de suite réagir à l’étude qui a été présentée par Monsieur Fourquet qui dit ‘il n’y a plus d’opinion publique pro européenne, l’opinion publique pro-européenne est en train de perdre des points’. C’est normal : s’il n’y a pas assez d’hommes politiques pro-européens, il ne peut pas y avoir non plus des opinions publiques pro-européennes. Parce que moi je crois que ce sont les hommes politiques qui doivent amener une opinion publique, qui doivent convaincre. Ils ne doivent pas aveuglement suivre ce qu’ils pensent que l’opinion publique pense. Parfois, naturellement, dans ce travail difficile pour les hommes politiques, on a du succès et alors on gagne les élections, j’ai déjà eu ça. Parfois on a mal fait son travail et on perd les élections. J’ai connu ça aussi dans ma vie.

Le monde de demain a été présenté ici par Michel Barnier. Il n’a pas parlé de ceux qui vont nous remplacer au G8. La France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne vont disparaître du G8, vous savez qui sont les deux pays qui vont entrer dedans ? Le Mexique et l’Indonésie ! Voilà les deux pays qui, demain, seront des puissances internationales, qui vont décider d’un grand nombre de choses au niveau mondial. C’est naturellement cela notre problème pour le moment en Europe.

L’Europe, comme elle est maintenant, aujourd’hui, ne peut pas fonctionner. Dans un certain sens, je donne raison aux eurosceptiques quand ils disent que la crise a été mal gérée par les leaders européens et par les élites au niveau national dans l’Union européenne. On attend depuis trois ans une solution pour la crise et, plutôt que d’avoir une solution pour la crise financière et bancaire, on tombe dans une crise économique avec une récession, une dépression, une stagnation économique qui va durer peut être dix ou vingt ans. La réalité, c’est que ce n’est pas l’Europe qui est responsable, ce sont les leaders européens au niveau intergouvernemental qui ne sont pas capables de transférer une partie de leur pouvoir au niveau européen. Là est la vraie crise de l’Union européenne aujourd’hui et c’est facile à expliquer ! Prenez par exemple les Etats-Unis d’Amérique. Ils seraient gouvernés par qui ? Par les cinquante gouverneurs des états ? Vous vous imaginez, pas de Barack Obama, il n’existerait pas, pas d’administration américaine comme on la connaît maintenant. Ce seraient les cinquante gouverneurs qui s’amèneraient à Washington cinq, six ou sept fois maximum par an pour se mettre ensemble autour de la même table et décider à l’unanimité comment les Etats-Unis seraient gouvernés. ‘Est-ce qu’on va rentrer en Irak ?’ ‘Allez, votons un petit peu, voilà.’ ‘Est-ce qu’on va soutenir le dollar ?’ ‘Quelles sont les mesures à prendre ?’ ‘Et faisons attention parce que c’est presque lundi les marchés financiers vont s’ouvrir !’

Est-ce que cela marcherait ? Tout le monde dirait ‘Mais ces américains sont des idiots, ça ne peut pas marcher !’ Pourtant, c’est exactement comme ça qu’on gouverne l’Union européenne pour le moment, c’est comme ça qu’on le fait ! Tout les deux mois, il y a des sommets où des ministres des finances, des chefs d’état et de gouvernement, d’une manière intergouvernementale, se mettent autour de la table. Et défendent quoi ? L’intérêt du citoyen ? L’intérêt européen ? Non, leur côte de popularité. Leurs sondages dans leurs propre pays, c’est ça qu’ils sont en train de gérer. Sortir en disant ‘Voilà on a gagné !’. Ils ont tous gagné quand ils sortent d’un sommet européen, tous ces chefs d’état et de gouvernement…

Et au même moment il y a une perte de pouvoir, de sa propre faute, de la Commission européenne. Je ne dis pas ça pour Michel Barnier qui est l’un des seuls qui se bat, qui fait des propositions et qui lance des projets. Mais on a pour le moment une Commission qui téléphone d’abord à Berlin et puis peut-être de temps en temps à Paris. Ce n’est que si la Commission européenne reçoit le feu vert de ces deux côtés que M. Barroso dépose quelque chose. Si c’est nous qui le demandons, le Parlement européen, comme nous avons fait avec la mutualisation de la dette pour diminuer les taux d’intérêt, alors là ça ne va pas. Il dit ‘non, ça ne va pas parce que le droit d’initiative c’est nous, c’est la Commission européenne !’. Alors je lui ai dit : ‘Mais si c’est Berlin qui vous téléphone, dans la semaine vous déposez le projet et vous ne dites pas à Mme Merkel que c’est votre droit d’initiative’.

La réalité aujourd’hui, c’est que nous sommes mal gouvernés par un système dans lequel c’est le Conseil européen, ce monstre qui a été formalisé dans le traité de Lisbonne, qui gère. Il n’y a pas de vraie démocratie européenne en Europe, pas de vrai système qui peut fonctionner. C’est pour cela que je vous ai fait cette comparaison avec les Etats-Unis. Il ne faut pas commencer à refaire l’Europe dans le sens ‘nous allons tous devenir des Américains’, ce n’est pas ça que je demande, surtout pas ici en France. Ce que je demande simplement, c’est de faire un saut en avant, de comprendre qu’une union monétaire ne peut pas fonctionner, que la monnaie unique va disparaître, que la crise va continuer si il n’y a pas au même moment une union économique, une union fiscale, une union budgétaire. Je dirais même une union au niveau social et une union au niveau politique. Ce ne sera qu’en ayant cela que l’Union pourra fonctionner dans l’avenir. C’est ça la bataille à faire, le message qu’on doit donner, dire qu’il faut faire ce saut en avant.

Je n’ose pas utiliser ce mot ‘fééé’… C’est quoi ça ? (rires dans la salle)  ‘Fédéral’ !. J’ose l’utiliser parce que je ne demande pas aux Français de devenir fédéralistes. Ce n’est pas ça que nous demandons, nous ne demandons pas à la France de devenir un état fédéral, pas du tout. Ce que nous voulons, c’est qu’au niveau européen on puisse comprendre qu’il faut des institutions supranationales, démocratiques, un gouvernement européen, un Parlement européen, un Sénat européen qui représente les Etats-Nations de l’Europe. C’est comme ça que ça peut fonctionner ou ça ne fonctionnera jamais. Et, si on ne fait pas gaffe – c’est ça le message à donner – alors cette crise d’aujourd’hui, cette stagnation économique, va simplement continuer. Nous allons simplement voir des récessions et des dépressions partout en Europe. Surtout parce que nous n’avons pas d’union bancaire alors que nous en avons besoin tout de suite. Parce que, pour le moment, le transfert de l’argent entre les banques et les PME et l’économie réelle, ça ne va plus. Il n’y a plus d’argent transféré pour le moment. Si vous avez aujourd’hui une initiative à prendre, un investissement à faire avec votre PME qu’est-ce qu’il faut payer sur vos emprunts ? 7, 8, 9, 10%, tandis que les banques reçoivent de l’argent de la Banque centrale européenne à 0,5% en liquidité !

Voilà la réalité. Si nous n’avons pas d’union bancaire, cet argent ne va pas être transféré des institutions financières vers l’économie réelle et nous allons continuer à être dans une stagnation économique comme celle que les Japonais ont connue pendant une période de vingt ans. Donc il faut accélérer le processus. Il faut le plus vite possible cette union bancaire et le plus vite possible ce contrôleur, ce superviseur au niveau européen, par exemple la BCE. C’est le projet qu’il y a sur la table, il faut le plus vite possible un fond de résolution, un mécanisme qui peut recapitaliser les banques si c’est nécessaire, mais pas avec l’argent des contribuables ! Pas avec l’argent des épargnants mais avec des contributions des banques elles-mêmes et là je rejoins ce que Michel Barnier a dit cet après-midi. Voilà la bataille à mener.

La troisième bataille, c’est de dire pourquoi il faut aller de l’avant. Nos concurrents au niveau mondial, ce ne sont pas des nations individuelles, ce sont des continents aujourd’hui. Quand je parle par exemple de la Chine, c’est quoi ? C’est une nation ? Ce n’est pas une nation, c’est une civilisation, c’est la civilisation Han. Quand  je parle de l’Inde, est-ce une nation ? Ce n’est pas une nation c’est un continent, c’est la plus grande démocratie avec des milliers d’ethnies, avec vingt langues différentes, un peu comme en Europe, avec quatre religions. Voilà la réalité. Ce sont nos concurrents, donc il ne faut pas jouer la carte de la nation. Il faut l’utiliser, naturellement, mais il faut essayer de réinventer la souveraineté au niveau européen.

Parce que nous appartenons à quoi ? À la même civilisation. Donc j’étais pleinement d’accord avec l’intervention qui a été tenue ici il y a quelques minutes qui disait ‘il faut investir plus dans la culture et dans l’éducation au niveau européen’, c’est évident. Vous savez, aujourd’hui, c’est interdit par le Traité, parce qu’on dit  ‘culture, éducation c’est le principe de subsidiarité, c’est la compétence des États-membres, l’Union Européenne ne doit pas intervenir’. C’est la décision la plus idiote que l’on ait jamais prise dans un traité. C’est justement dans la culture, dans l’éducation, qu’il faut faire savoir et sentir que nous appartenons à la même civilisation. Quand on voit l’Atlantique jusqu'à la Volga, on voit la même culture, la même architecture. Il y a une diversité de langues, c’est évident, mais Goethe faisait son voyage en Italie justement pour apprendre cette civilisation européenne dont nous avons hérité. Et lui, je peux vous le dire, il n’avait pas besoin de passeport comme c’est le cas aujourd’hui en Europe, pour le moment.

Voilà le message à donner parce que, des quatre coins de l’Europe, va débarquer au Parlement européen une majorité d’eurosceptiques, de souverainistes de gauche et de droite qui disent en fait la même chose, et de populistes de toute obédience. En France vous les connaissez, Le Pen, Mélenchon qui a dit n’importe quoi. Le UKIP de M. Farage en Grande Bretagne va débarquer certainement avec encore beaucoup plus de parlementaires. Le parti Alternative Für Deutschland, un parti politique anti-européen créé en Allemagne. Mais aussi aux Pays Bas ou dans mon pays la Belgique. Je peux vous dire qu’ils vont être quelques centaines et pour contrer cela il faut créer cette alternative. Je demande au MoDem d’être le cœur de cette initiative, de cette alternative européenne.

Merci beaucoup."

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