Retraites: "La hausse de la CSG, c'est la piste du bricolage habituel"

François Bayrou a jugé lundi, sur Radio Classique, que l'idée d'une hausse de la CSG dans la future réforme des retraites correspond "au bricolage habituel". Il prône lui "une reconstruction" par "un système par points".

Guillaume Durand - J'ai ramené le livre que vous avez publié au printemps. Vous disiez : "Je dirai la vérité sur François Hollande. C'est vrai que j'ai appelé à voter pour lui mais je doute de sa politique économique". Est-ce que vous pouvez nous dire la vérité ce matin, François Bayrou ? 

François Bayrou - Beaucoup de Français, et je suis de ceux là, ont le sentiment qu'on ne prend pas à bras le corps les problèmes de la France. Les difficultés de la France viennent de loin, elles n'ont pas été corrigées ces quinze dernières années, et aujourd'hui François Hollande et le gouvernement ne les prennent pas à bras le corps.

Pour quelles raisons ? Des raisons liées à leurs alliés politiques ?

Pour des raisons liées à la préoccupation qui est la sienne de sa majorité. Il regarde beaucoup son parti, les courants de son parti, les relations avec ses alliés périphériques que sont les Verts et le Front de Gauche. Ce n'est pas ainsi qu'on dirige le pays. Ça, c'est le travail du premier ministre, qui devrait conduire l'action du gouvernement et de maîtriser s'il le peut la majorité. La fonction du président de la République, c'est de dessiner ce que doivent être les grands mouvements de réforme du pays pour faire face à l'avenir.

Est-ce qu'il est en train de se planter, François Hollande ? 

S'il ne fait pas face à l'immense besoin de réforme, il n'y arrivera pas. La France est en train de souffrir, non pas tant de l'extérieur que d'elle-même : d'un État qui n'a pas été réformé et efficace comme il devrait l'être, d'une Éducation nationale qui laisse 30% des enfants sur le bord de la route sans maîtriser les bases indispensables, d'un ensemble d'habitudes, d'un système de retraites qui n'a pas été changé depuis des années... 

Vous êtes en train de me faire le portrait de quelqu'un qui va se planter...

S'il ne fait pas face à cet immense besoin de réforme, il n'y arrivera pas.

La contribution écologique, c'est un calcul politique lié aux municipales pour faire plaisir aux écologistes ? Deux jours avant, Pierre Moscovici disait le ras-le-bol des Français pour la fiscalité à outrance. Nous sommes dans l'incohérence totale ? 

Tout le monde a bien vu ce qui s'est passé. On est allé donner un impôt en gage, en sacrifice, aux écologistes, aux Verts. Sans dire ce qu'il y aurait à l'intérieur et en se heurtant à cette évidence que tout le monde voit bien, que la France est à la limite d'une overdose fiscale. Jean-Marc Ayrault a dit hier que cela n'augmenterait pas la pression fiscale. Si j'essaie de comprendre, on va donc baisser d'autres impôts ? Qu'on nous dise lesquels ! Et qu'on nous dise sur quoi portera cette taxe nouvelle. Je crois qu'elle a été bricolée à la dernière minute pour faire plaisir aux écologistes.

Donc c'est uniquement pour des raisons électorales ? Comme vous le dites dans votre livre, la majorité est toujours prisonnière de ses alliés ?

Oui. Ce que je dénonce dans le livre, c'est qu'il n'y a pas de politique de vérité en France depuis des années. Le titre du livre, c'est De la vérité en politique. Sans cela, pour moi, il n'y a pas de possibilité de conduire la grande politique de réforme dont la France a besoin, qui n'est pas une politique à la hache comme on essaye de la caricaturer. 

Copé parle des ordonnances. Il dit qu'il faudra tout changer par ordonnance en 2017 et qu'on l'expliquera après. 

Je ne crois pas beaucoup à ce genre d'affirmations, surtout des années à l'avance.

Alors il a tort lui aussi. Finalement, il n'y a que François Bayrou qui a raison ? Je dis cela sans ironie.

Ce n'est pas ce que je suis en train de vous dire. Je vous dis que l'impasse dans laquelle nous sommes engagés, que tout le monde sent bien, qui fait que l'on augmente sans cesse le nombre de chômeurs, qu'il n'y a pas de réactivité dans notre pays, qu'il ne paraît pas animé et plein de vitalité, a des causes. Ces causes, ce sont des causes intérieures, françaises, parce que le travail n'a pas été fait depuis des années par les uns et par les autres. Je ne dis pas que c'est facile, mais au moins ayons les idées claires ! Si seulement nous savions où nous allons ! Je prends l'exemple des retraites, il y a une politique qui s'imposera un jour ou l'autre : celle d'un système de retraites égalitaire pour tous les Français, individualisé et équilibré sur le long terme. Il s'appelle le système par points. Chacun pourra prendre la retraite quand il l'entendra, sans pénalisation, avec un équilibre sur le long terme, la prise en compte de la pénibilité et d'avoir élevé des enfants. Ce système a été pensé et réfléchi par un grand nombre de partenaires. Un grand nombre de partenaires sociaux, je pense à la CFDT, ont donné des signaux que cette idée les intéressait. Pourquoi on ne s'y engage pas ?

La piste retenue, c'est celle de la hausse de la CSG. Vous êtes pour ou vous êtes contre ?

C'est la piste du bricolage habituel ! Au lieu de rééquilibrer le système, on va augmenter les cotisations, soit celles des entreprises, soit celles des salariés et des autres. De ce point de vue là, c'est le même type de bricolage que celui qui a été fait les années précédentes et auquel la Gauche s'était opposée à l'époque.

Est-ce qu'il faut y renoncer ? Tous les journaux disent ce matin que cette piste est de plus en plus contestée. 

Il y aura un peu de CSG, un peu d'allongement de la durée de cotisations... Ce qu'ils vont faire, ce sont des rustines.

Est-ce qu'il aurait fallu carrément annoncer aux Français : "Vous allez travailler jusqu'à 65 ans dorénavant" ? Fallait-il bouger ce curseur ? 

Ce que la situation imposera, c'est une remise à plat de l'ensemble du système. Les Français ne supporteront pas d'avoir des régimes de retraites qui sont très favorables pour les uns et très défavorables pour les autres. Il faut progressivement que l'on aille vers une égalité, une individualisation et un équilibre. On peut prendre quelques années, comme cela a été fait dans d'autres pays, dire qu'on va le faire en huit ou en dix ans, pour qu'on avance progressivement. Alors les rustines peuvent être utiles à court terme. Mais si vous ne reconstruisez pas le système de retraites, vous n'y arriverez pas.

(...)

Dernière question : qu'est-ce que vous allez faire, vous ? 

Je vais, autant que je le pourrai, avec tous les partenaires disponibles, construire le rassemblement nécessaire de tous ceux qui sont des républicains et des réformistes, qui sont modérés par tempérament et qui veulent changer les choses. Il y a naturellement toutes les familles du Centre. Il y a d'ailleurs un grand paradoxe du Centre en France : c'est la seule famille politique française qui est éparpillée alors qu'elle n'est pas divisée sur les idées, alors que les autres familles sont rassemblées alors qu'elles sont divisées sur les idées. Si cette famille veut agir, il faut qu'elle envisage sereinement, tranquillement, de se retrouver, de se rassembler et d'aller au-delà de ses frontières. Il y a des républicains à l'UMP, une sensibilité que vous connaissez bien, celle d'Alain Juppé et de François Fillon. Et il y a au Parti socialiste des gens qui sont malheureux de la situation. Un jour ou l'autre, ils devront se rassembler pour faire avancer la politique de construction de l'avenir dont la France a besoin. Vous voyez, je ne dis même pas de reconstruction, mais de construction de l'avenir.

Pour aller plus loin : réécoutez l'émission sur le site de Radio Classique.

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