"S'abstenir ou voter blanc, c'est voter pour Marine le Pen"

Ce matin, François Bayrou a rappelé que s'abstenir ou voter blanc équivalait à voter pour Marine le Pen, traçant un "signe égal" entre les deux candidats à la présidentielle.

Bonjour, François Bayrou.

Bonjour.

François Bayrou, est-ce qu’Emmanuel Macron a failli perdre l’élection présidentielle, hier, à Amiens ?

Je crois exactement le contraire. Je crois que ce qu’il est passé hier à Amiens a été révélateur de l’homme, de son choix politique, et révélateur de la différence qu’il y a entre lui et Marine le Pen.

Est-ce que si n’avait pas eu cette réaction, il aurait pu perdre l’élection présidentielle ?

S’il n’était pas allé au contact direct des salariés de Whirlpool, avec toutes les difficultés qu’il y avait, la colère, cela aurait été très mauvais pour lui, bien sûr. Ce qui est formidable, c’est qu’il a affronté, il est allé au contact, il a refusé la démagogie. C’est une chose très importante. Les candidats en campagne habituellement – on se souvient de Florange… – ils font des promesses. Ils disent : « avec moi, vous verrez, tout sera facile et d’un coup de baguette magique, je règlerai les choses ». Cela explique une grande partie des déceptions. Lui, au contraire, a révélé qui il était : courage, il y est allé, et ce n’était pas facile. Deuxièmement, méthode : « je dis la vérité les yeux dans les yeux, et qui m’interpelle aura une réponse ». Troisièmement, il a réussi au bout du compte à forcer l’estime de ceux qui étaient avec lui, puisqu’il est arrivé sous les sifflets et est reparti en serrant des mains. Quelque chose s’est passé qui révèle qui il est.

C’était indispensable ?

C’était utile.

Utile, parce que son début de campagne n’était pas bon…

Tournons la page. Dimanche soir, il avait fêté une victoire d’étape. Cela arrive, au Tour de France, qu’on fête une victoire d’étape. Son discours était un discours heureux d’avoir fait ce chemin incroyable. Pour quelqu’un qui aura quarante ans cette année, c’est incroyable d’avoir fait ce chemin, d’être venu comme cela d’un mouvement, d’un élan crée, sans avoir auparavant franchi les étapes.

Mais hier, nous avons vu qui il était, et au passage, nous avons vu également qui était Marine le Pen. Marine le Pen est venue faire selfies. Elle est venue avec des militants, pas avec les ouvriers, elle ne les a pas rencontrés. Elle est restée dix minutes, en faisant des selfies et des sourires. Or, la campagne présidentielle, ce n’est pas cela. Le contraste entre ces deux images, celui qui va au contact, qui approfondit, qui n’a pas peur, qui ne recule pas et qui dit la vérité, avec en face, une campagne électorale, de la communication, un effet de surprise, « je viens faire une photo et je repars »… ce contraste-là est révélateur du choix que les Français ont devant eux.

Il n’y a pas que le cas de Whirlpool, car derrière ce cas, il y a les cas de toutes ces entreprises qui appartiennent à des étrangers, à des fonds de pension et qui sont délocalisées en Europe. Mais je voudrais que nous nous attardions sur le mot de Jacques Attali : « l’affaire Whirlpool, c’est une anecdote » ?

Il y a des gens qui vivent en dehors de la réalité, qui n’ont pas le sens du réel, qui voient le monde depuis les hautes sphères. Cette phrase-là, qui a été immédiatement recadrée par les proches d’Emmanuel Macron, est une phrase tellement blessante pour les gens qui vivent sur le terrain. Elle est blessante, humiliante, honteuse. C’est précisément de cela qu’il faut sortir. Ce qu’on a vu hier, c’est que le candidat le plus proche du réel, le plus enraciné dans le réel…

Le réel, c’est l’avenir des salariés de Whirlpool. Quel avenir leur assurer ? La France est en concurrence déloyale dans cette aventure. Cette société appartient à des fonds de pension américains. Ils se disent qu’il y a plus d’argent à gagner en Pologne ou ailleurs et veulent délocaliser.

Premièrement, il y a une quinzaine de repreneurs pour cette usine. La responsabilité des pouvoirs publics est de faire en sorte que ce soit le repreneur socialement le plus avantageux et économiquement le plus solide qui obtienne la reprise de cette usine.

Hier soir, un maire des Pyrénées-Atlantiques m’écrivait : « tu te souviens de cette usine qui chez nous a disparu avec 200 emplois ? Aujourd’hui, il y en a 250 ».

L’économie, c’est une succession de créations. Il y a des créations, puis il y a des disparitions, puis de nouveau des créations. Quelques fois, les créations sont plus riches en emplois que celles qui disparaissent. Tout l’effort que les pouvoirs publics d’aujourd’hui et de demain devront faire, c’est cet effort pour que nous ayons des créations ou des reprises plus enrichissantes et plus fortes qu’auparavant.

J’ai constamment défendu l’idée qu’il faudrait que les sites abandonnés soient de toute façon offerts à des reprises. Systématiquement. Je vais citer le cas d’une usine, près de Pau, qui était la seule en Europe à produire le produit chimique qu’elle produisait, l’acide acétique. Elle a été rachetée par des concurrents américains, qui ont pris l’engagement de ne toucher à rien pendant quatre ans, et à quatre ans et un jour, ils ont fermé pour reprendre pour eux les commandes de l’entreprise. C’est anormal.

Whirlpool a touché 40 millions d’euros de CICE… Est-ce que Whirlpool doit rembourser ces 40 millions de CICE, s’ils délocalisent ?

Le CICE, c’est l’équivalent de baisses de charges. Premièrement, les pouvoirs publics doivent suivre pour avoir des reprises d’usines, de sites, d’entreprises, qui soient favorables en économie et en emplois. Sur le site de Whirlpool, près de 15 ont été annoncés. Deuxièmement, la question que vous avez évoquée est très importante, vous dites que ce sont des fonds de pension américains. Pourquoi y’a-t-il des fonds de pension américains ? Parce qu’il n’y a pas de fonds de pension français. Je ne parle pas de la forme des fonds de pension, mais de l’investissement français. Nous avons besoin d’avoir de l’investissement français en France aussi, de manière à ce que la décision ne soit pas prise ailleurs. Ce qu’Emmanuel Macron propose, c’est de favoriser l’investissement français.

Mais qui va investir ? Je regardais les chiffres des entreprises du CAC40 en France, elles dégagent toujours plus de bénéfices… et parallèlement, on nous annonce des chiffres du chômage catastrophiques.

L’essentiel est qu’on dise les choses directement. L’emploi ne dépend pas principalement des grandes entreprises, mais des moyennes et petites entreprises. Celles-ci n’ont pas les conditions de développement en France qu’elles trouvent ailleurs, notamment les conditions de transmission. En France, la transmission des entreprises est gênée par certains dispositifs fiscaux. C’est tout cela qu’il faut suivre, comme un jardinier suit la pousse de son jardin. Le travail des pouvoirs publics est d’aider à créer toutes les conditions pour que les choses aillent du mieux possible, par pour prétendre interdire les licenciements – cela ne se fera jamais – pas pour prétendre que tout ce qui est de l’extérieur n’entrera plus en France en taxant les produits…

Taxer les produits sortant d’une entreprise délocalisée, c’est ce que propose Marine le Pen.

Ceci a une signification claire : si nous interdisons aux produits de nos partenaires d’entrer chez nous, ils interdiront à nos produits de sortir pour aller chez eux.

Or, ce que nous exportons, les Airbus, les voitures, l’agroalimentaire, c’est ce que nous faisons de mieux. Cette proposition va en réalité amputer la partie où nous sommes les plus forts. C’est une proposition contre nous. Elle paraît facile, c’est le contraire. C’est une décision qui si elle était mise en application serait une catastrophe pour l’industrie française.

Politiquement, sur les législatives, il y a une divergence entre Emmanuel Macron et vous, sur l’annonce du nom des candidats En Marche. Faut-il annoncer les investitures entre les deux tours ?

Vous êtes un journaliste avisé et attentif, est-ce que vous croyez que c’est le moment – je dis cela sans aucune polémique avec ceux de bonne foi qui soutiennent cette idée– est-ce que vous croyez que c’est le moment entre ces deux tours si cruciaux pour l’avenir du pays, d’aller entrer dans l’élection suivante, comme si c’était gagné ? Ce n’est pas ma préconisation.

Jean-Luc Mélenchon ne se prononcera pas sur ce qu’il fera le 7 mai. On sait qu’il ne votera pas Marine le Pen mais il ne dira pas s’il s’abstiendra ou votera Emmanuel Macron. Est-ce irresponsable ?

S’abstenir ou voter blanc, c’est voter le Pen. Cela trace un signe égal entre Emmanuel Macron et Marine le Pen. Et si Jean-Luc Mélenchon, avec toute son histoire et ce qu’il a dit sur ce sujet précisément par le passé, s’il trace un signe égal entre ces deux candidats, le candidat du grand courant français et celle de l’extrême droite, cela désespère des millions de Français. 

Beaucoup d’électeurs ne veulent pas choisir entre les deux candidats.

La responsabilité d’un leader politique, même face à ses électeurs, ou à ses amis, est de dire la différence entre le pire et l’imparfait.

« Je ne donnerai pas mon suffrage au Medef, je ne peux pas le donner non plus à la peste brune », voilà ce que j’entends.

Excusez-moi, si vous mettez sur le même plan les entreprises françaises et l’extrême-droite qu’il appelle la « peste brune », alors où est votre jugement ? Où est votre équilibre ? Je veux bien qu’on considère, parce que nous avons des positions politiques, qu’il y ait des imperfections dans le programme. Ce sont des imperfections, on peut avoir des débats après, c’est cela, la vie démocratique. Mais ce n’est pas la même chose l’imperfection et le pire. Or, l’extrême droite, c’est le pire.

Je ne veux pas employer de mots blessants, j’en ai suffisamment entendu sur mon propre compte. Mais je veux dire simplement que comme citoyen, comme responsable, chacun doit voir la différence entre l’un et l’autre, entre des propositions catastrophiques pour l’avenir du pays en matière économique, qui sont sur la discrimination, qui sont sur regarder les gens par leur origine ou leur religion, prétendre des folies…. Par exemple, Marine le Pen affirme qu’Emmanuel Macron est entre les mains de ceux qui sont pour le terrorisme islamique. Vous croyez que cela va, cela ? Vous croyez que nous sommes dans un pays qui peut accepter des manipulations de cet ordre ? Cela ressemble à Trump ! C’est le choix de l’outrance et de l’excès, en pensant que la société en est arrivée à un point de faiblesse intellectuelle, pour que l’outrance et l’excès amènent des voix.

Le peuple dont on parle, on est un certain nombre, j’en suis, à y être nés, et à continuer à y vivre. J’habite toujours le village où je suis né. Je sais ce qu’il est, je sais que ce peuple est estimable. Je sais que pour lui parler à la bonne hauteur, il faut le tirer vers le haut, pas vers la bas. Marine le Pen n’y est pas née, ce n’est pas de sa faute. Elle est née dans des conditions privilégiées.

Toute ma vie je me battrai pour qu’on parle à ceux qui n’ont pas la chance d’avoir des biens, de l’influence, du pouvoir, qu’on leur parle à hauteur de citoyens, pour qu’on leur parle mieux qu’on ne parle à ceux qui sont dans l’aisance et dans le pouvoir, qu’on leur parle avec plus d’estime. Ceci est le combat de ma vie.

Henri Guaino dit : « je me demande si le danger d’Emmanuel Macron n’est pas pire ».

Et bien, qu’il vote le Pen. Rien à dire de plus. Vous voyez à quel point l’excès partisan conduit. Si l’on ne voit pas ce que représente aujourd’hui cette extrême-droite qui veut détruire des choses précieuses et qui veut abattre les valeurs qui nous font vivre ensemble, ce n’est pas la peine de se dire gaulliste. De Gaulle ne s’est pas trompé, lui. Il a fait ce qu’il fallait pour se battre contre cela. Ce n’est pas la peine de se dire républicain. Tout ceci est mis en cause par, non seulement les paroles mais les arrière-pensées, que pense cette extrême droite.

L’un des arguments de Marine le Pen contre l’Europe est l’injuste concurrence des travailleurs détachés. Que fera Emmanuel Macron sur ce dossier ?

Emmanuel Macron, et je l’y aiderai, n’aura de cesse que de faire en sortie qu’il y ait entre les travailleurs français et étrangers une égalité de traitement, que les conditions d’emploi, notamment de charges sociales, soient égales.

Mais il y a des règles européennes…

Lorsque les règles européennes sont injustes, il faut changer les règles européennes. Ceci est un combat qu’il va falloir mener. Quand on dit qu’on veut imposer le français en France, pour empêcher les travailleurs voisins de venir chez nous. Nous avons des ouvriers qui travaillent en Finlande à la construction de l’EPR. Nous allons leur demander d’apprendre le finnois ? Tout ceci est absurde. ll y a une réciprocité. Quand vous édictez des règles chez vous, ces règles, les autres sont libres de les édicter chez eux. Ainsi de suite, vous paralyser votre pays en voulant paralyser les autres.

Changeons les règles, que pour les travailleurs détachés il y ait égalité de traitement, qu’on ne puisse pas avoir des avantages en jouant simplement sur les charges sociales de pays qui en ont moins. Ceci est notre responsabilité et le combat que nous avons à mener.

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