"Si nous ne mettons pas fin aux pratiques inacceptables au coeur du système, tout va exploser"

François Bayrou a prôné "des mesures d'envergure" plutôt que "l'homéopathie annoncée par le président de la République", pour régler la crise morale et politique qui touche le pays, jeudi sur Canal Plus.

Ali Baddou – Comment moraliser la vie publique ? François Bayrou en a fait un de ses chevaux de bataille depuis des années. Vous avez lancé mercredi une pétition pour obtenir une loi de moralisation de la vie publique. Ils étaient 11.000 jeudi, combien en faut-il pour que ça puisse devenir une loi ? 

François Bayrou - 11.000 en quelques heures, cela prouve qu’il y a une formidable attente. Moralisation.fr, cela ne nous appartient pas, ce n’est pas un courant politique, c’est une manière pour les citoyens de dire que cela ne peut pas durer comme ça.

Pour comprendre les choses, vous lancez un appel national pour que les Français puissent enfin obtenir une loi, mais une loi qui dirait quoi ?

Une loi qui traiterait toutes les questions qui sont pendantes depuis des années.

Il manque des lois en France ?

Il manque une loi générale sur la manière dont notre vie publique est organisée.

Ariel Wizman – Mais c’est quoi une loi générale ? C’est la Constitution ?

Non, je vais dire de quoi il s’agit. Nous avons depuis des années des gouvernements et des Assemblées pléthoriques, un Etat qui coûte extrêmement cher, qui met les citoyens à l’impôt mais qui lui-même ne sait pas se restreindre. Donc nous devons diminuer le nombre de députés et de sénateurs. 

Ali Baddou – Cela, d’accord, mais en ce qui concerne l’actualité la plus chaude et la plus brûlante ? 

J’y viens. Deuxièmement, nous avons proposé depuis des années, moi-même et une commission présidée par M. Sauvé, des règles pour empêcher que soient mélangés des intérêts privés et des intérêts publics. Dieu sait qu’il y a des mélanges de cet ordre, y compris dans les Assemblées, avec des parlementaires qui exercent par ailleurs des fonctions de "conseil".

Vous pensez à Jean-François Copé qui est député et avocat ? 

Je ne pense à aucun en particulier.

Il y des noms, des visages, des personnes physiques… 

Je pense à une pratique qui est extrêmement répandue et qui est à mon sens dangereuse. Troisièmement, je pense qu’il est juste que les parlementaires soient soumis à l’impôt contre les contribuables moyens. Pour l’instant, ce n’est pas le cas ou pas suffisamment le cas. Et puis il y a la loi sur sur le financement public des partis politiques qui est une loi percée de trous avec des micro-partis qui s’installent partout. La question du cumul des mandats est aussi posée devant les Français depuis des années.

Des années et des années, et cela n’avance pas. 

On nous a encore raconté lors de la dernière campagne qu’on allait le traiter tout de suite. Et puis François Hollande dit que c’est pour 2017. Simplement, quand on demande des efforts aux gens, on ne les demande pas pour 2017, on les demande pour cette année, 2013. Donc, cet ensemble de décisions, nous devons l’imposer, et de deux manières. Il faut que nous convainquions le Président de la République de lancer cette moralisation de la vie publique, c’est un devoir à l’égard des gens.

Il ne l’a pas fait hier avec ces trois mesures annoncées avant de filer au Maroc ? 

Hier, il a saupoudré de l’homéopathie. Cela, c’est la première chose. La deuxième chose, c’est que je suis certain que les institutions comme elles sont, les parlementaires comme ils sont, n’iront pas jusqu’au bout. Ils feront blocage à un certain nombre de ces réformes. Il faut donc que ce soit par référendum que le peuple l’impose. Voilà le sens de la pétition.

Nicolas Domenach – Justement, pourquoi cela ne s’est pas fait ? C’était censément contenu dans la République irréprochable, cela ne pouvait aller que de soi… 

Ali Baddou – Dans la République exemplaire.

Nicolas Domenach – Dans la République exemplaire aussi ! Ce que je veux dire, c’est qu’à chaque fois c’est contenu dans les promesses de campagne

Vous voyez bien de quoi il s’agit.

Ali Baddou – Non, nous ne voyons pas. 

Je viens d’écrire un livre sur le sujet. Les campagnes électorales sont organisées pour être un concours d’illusions et pour que ce soit le mieux-disant démagogique qui gagne.

Ali Baddou – L’affaire Cahuzac, pour vous qu’est-ce que c’est ? C’est une crise de régime, une affaire d’Etat, un cas isolé ? 

C’était une crise politique, cela devient une crise morale, et, si l’on en croit les révélations que l’on nous annonce dans les journaux cet après-midi…

Tous les jours. 

Oui, mais cet après-midi encore un peu plus largement. Si l’on en croit cela, alors cela devient explosif.

Vous parlez du journal Le Monde qui va publier cet après-midi des révélations sur celui qui était trésorier de campagne de François Hollande en 2012 et qui est mis en cause. Il aurait eu de sociétés offshores dans les îles Caïmans. Le Monde révèle l’affaire. Pour vous, nous sommes en pleine crise de régime ? Cela touche maintenant au cœur, au sommet de l’Etat ? 

Je pense que cela touche au cœur du système dans lequel nous vivons. Il s’agit de l’organisation de fraudes fiscales massives qui privent notre pays de dizaines de milliards que nous prenons aux pauvres gens, et qui a en réalité des ramifications et des intérêts croisés avec des responsables politiques de tout premier plan, d’un bord comme de l’autre. Tout cela n’est plus acceptable du tout, et d’ailleurs cela ne va pas être accepté, tout cela va exploser.

David Abiker – Mais aucun texte n’empêchera quelqu’un qui est un peu menteur, quelqu’un qui fait de la dissimulation fiscale ou quelqu’un qui un jour peut exploser en plein vol alors qu’il est honnête au moment de son entrée en politique, de dissimuler des choses ? Aucun texte de loi, aucune loi de moralisation. 

Tout cela, c’est philosophique, théorique. Mais vous voyez bien que, en France, pas chez nos voisins, depuis dix ans les affaires se succèdent et se multiplient.

Ariel Wizman – Cela se passe dans le monde entier. Il y a justement eu ces fameuses fuites, ces leaks que les journalistes d’investigation américains ont récupérés. Il y a des choses partout en Azerbaïdjan, en Mongolie, en Thaïlande… Toutes les démocraties sont menacées par cela aujourd’hui. La France n’est pas un cas exceptionnel du tout. 

Je n’ai aucune envie que la France soit dans la même catégorie que l’Azerbaïdjan ou la Mongolie. Vous confondez des pays qui essaient de construire une démocratie avec une démocratie enracinée comme elle est en France.

Ali Baddou – Qu’est-ce qui risque d’exploser ? Le mot est extrêmement fort quand vous dite que "ça va exploser". 

Je vous le répète, ça va exploser. Je ne sais pas quelle forme cela va prendre…

Pauline Lefèvre – Mais ils n’ont pas de tout temps été tous pourris, pour reprendre cette phrase peut-être un peu stupide, mais ce n’est pas que depuis dix ans, non ?

Il y a des responsables politiques qui n’ont jamais mis le doigt dans toutes ces choses. Simplement, le problème, c’est que bien sûr il y a des brebis galeuses, mais chez nous c’est au cœur du système que sont ces pratiques, ces intérêts. 

David Abiker – Mais Jérôme Cahuzac c’est une machination ou un accident ? C’est un accident de la vie politique, ce n’est pas systémique, il n’y a pas des Cahuzac derrière chaque élu. Cazeneuve, qui l’a remplacé, ce n’est pas un Cahuzac en puissance. 

Vous êtes en train de nous dire, je le vois bien, qu’il ne faut rien faire.

Pas du tout, mais vous nous dites qu’il faut faire des lois alors qu’on fait des lois tous les dix ans sur la moralisation. 

Non. Je dis qu’il faut prendre des décisions qui soient d’envergure suffisante pour qu’elles entraînent dans l’esprit des Français une rupture, qu’il y a ait un avant et un après. Cela ne se fera pas par des petites décisions, par des petites discussions au Parlement comme d’habitude. Cela ne peut se faire que si le peuple dans son ensemble est saisi des questions qui le concernent au premier chef. Le peuple, le citoyen, les contribuables, eux sont mis à contribution directement. Eux, on ne leur donne pas un euro. Vous êtes artisan, vous devez 1.000 euros à l’Urssaf, on vous poursuit jusqu’à faire vendre votre maison souvent. Tout cela est trop déséquilibré, entre les pratiques et les mœurs de ceux qui sont dans la puissance, qui sont établis, et la réalité de la vie des gens.

D’un mot, François Bayrou, est-ce que vous avez peur aujourd’hui pour la Vème République, pour le régime constitutionnel français ? 

Je pense que le régime que nous avons est en bout de course. Je pense que, s’il y a une analogie, c’est 1958. Tout ce qui s’est passé dans la décomposition de la IVème République et dans un moment où les choses sont arrivées à un point où simplement ce n’est plus acceptable. Alors, nous ne savons pas très bien où la foudre tombe, quelle forme cela va prendre. Nous n’attendions pas cette affaire-là mais la multiplication des affaires c’est maintenant, c’est chaque semaine qu’il y a des affaires nouvelles. Donc, ceci doit nous amener à changer, mais à imposer un changement qui soit un changement dur de la vie politique française. Par exemple, diviser par deux le nombre de députés et le nombre de sénateurs est un changement dur. Cela veut dire quelque chose d’un peuple qui se ressaisit et qui dit "Cela ne peut plus continuer comme avant, et nous allons, nous, l’imposer".


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